A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Première Partie – Chapitre 8

Chapitre 8

Nous étions à cinq jours de l’arrivée en orbite au-dessus de Matria quand on frappa à la porte de l’appartement en pleine après-midi. Joshua était à son laboratoire. Je me levais et ouvrit la porte à deux gardes qui se tenaient devant moi avec une raideur caractéristique de leur autorité arbitraire. L’un d’eux était Daïa, ce qui me réconforta tout en réveillant une inutile colère.

– Madame Folong dit l’homme à l’uniforme strict et impeccable, prenez vos affaires, vous êtes transférée vers la zone d’embarquement des personnalités.

– aujourd’hui ? m’écriais d’une voix tremblotante. Mais nous n’atterrissons que dans cinq jours ! Mon mari n’est même pas là ! Ça ne peut pas se faire plus tard ? je suppliais les larmes aux yeux mais cela ne sembla pas les ébranler.

– non, les ordres sont formels, reprit le garde d’une voix froide, vous devez être regroupés par zone afin que la panique du départ ne se reproduise pas.

– mais les conditions sont très différentes et puis, où voulez-vous que j’aille ? tentais-je de négocier. Nous sommes sur un vaisseau spatial, je ne vais pas disparaitre !

– madame Folong, ce sont les ordres, insista-t-il en posant instinctivement la main sur son arme attachée à sa ceinture. Le geste était sans équivoque.

– mais je voudrais revoir mon mari avant de partir ! suppliais-je en vain.

– nous demanderons qu’il puisse vous rendre visite avant l’atterrissage. Suivez nous maintenant !

Le ton était sans appel. Je regardais Daïa qui demeurait tête baissée et j’espérais qu’elle préviendrait Joshua. J’obtempérais car je sentais bien que toute résistance serait rapidement réprimée dans la violence. J’avais en face moi une personne, peut-être deux, bien déterminée à suivre les ordres, quoi qu’il en coute et je compris dans un frisson d’angoisse irrépressible, que les peurs de Joshua étaient fondées. J’attrapais mon paquetage, soigneusement préparé selon les consignes diffusées trois fois par jours depuis déjà une semaine et je les suivis dans l’ascenseur qui étrangement nous mena dans les étages supérieur, puis le long des couloirs maintenant familiers. A une intersection, le garde bifurqua dans un boyau plus étroit et moins éclairé que je n’avais jamais emprunté :

– où allons-nous ? demandais-je d’une voix que je tentais de garder calme et posée.

– dans la zone qui correspond à votre embarquement, fut la seule réponse que j’obtins.

Peu après, il s’arrêta devant une porte blanche et lisse. Il y posa sa main gantée à la palme tactile et la porte se déroba dans un chuintement. Il me poussa sans délicatesse dans la pièce qui s’avéra être une cellule munie d’un lit-couchette, d’un lavabo et d’une petite cabine contenant les toilettes. Avant même que j’ai le temps de protester, la porte s’était refermée et j’étais enfermée seule dans ce réduit blanc et propre.

– laissez-moi sortir m’époumonais-je longuement, mais je savais que mes cris ne recevraient aucune réponse. Le vaisseau était parfaitement insonorisé et je me doutais que ces cellules d’isolement devaient l’être plus que tout autre.

Après avoir vainement tapé sur la porte et donné des coups de pieds dans le mobilier solidement encastré, je fus saisie d’un désespoir indicible. Joshua ne me retrouverait jamais dans ce lieu et les noirs desseins qui avaient étaient nourris à mon encontre se réaliseraient sans que personne ne puisse intervenir pour me sauver. Je tournais en rond un long moment, incapable de m’assoir car j’avais le sentiment que cela signerait ma réédition mais, dans la lumière permanente de la pièce, le temps devint incertain. Je finis par m’allonger, à bout de force, désorientée par la lumière et le silence effrayant. Je somnolais longuement pour me réveiller en sursaut, hurlant ma rage et ma frayeur, puis je retombais, assommée par l’inéluctabilité de mon sort. Comment Joshua avait-il pu croire qu’il battrait le gouvernement à son propre jeu ? Pourquoi me réservait-on un traitement aussi indigne après tout le travail que j’avais fourni ? Avais-je démérité ? Je ne le pensais pas. Je rêvassais sombrement aux heures heureuses ou je créais Materia dans l’insouciance et le plaisir. Absorbée par mon travail, je ne voyais pas le temps passer et je rentrais tard retrouver Joshua qui m’attendait. Maintenant, le temps était devenu mon ennemi. Je ne pouvais plus le comptabiliser. Je n’avais pas de montre et aucun repère visuel ou sonore. Le vaisseau ronronnait doucement, la ventilation permanente couvrant les éventuels bruits qui auraient pu me parvenir du couloir ou d’une cellule attenante. Je ne doutais pas que nous soyons quelques-uns dans le même cas, retenus contre notre grès. Mais moi, je savais ce qui m’attendait. Je me demandais si les autres en étaient informés.

Le temps s’écoula ainsi durant…une éternité probablement, car l’ignorance du temps rend celui-ci si préoccupant que tenter de le quantifier devient une obsession. Rien ne me permit de l’appréhender, même pas les repas ! Je comptais sur un apport régulier de nourriture pour me repérer, pour avoir une aune, mais je m’aperçus soudain, alors que la faim me tenaillait le ventre, qu’un placard encastré était situé dans la paroi près de la porte. À l’intérieur, je découvris des doses de nourritures protéinées et des jus de fruits en sachets, proprement rangés. J’en comptais une trentaine de chaque ce qui me permettrait de tenir une dizaine de jours. Bien plus longtemps que nécessaire. Je me jetais sur la nourriture car malgré le découragement qui me submergeait, un instinct vital me poussait à conserver des forces. Une fois repue, je m’allongeais à nouveau et m’endormit profondément. Quand je me réveillais, j’étais totalement désorientée. Un sentiment de panique m’envahit quand je réalisais qu’il m’était impossible de savoir si j’avais dormi vingt minutes ou dix heures d’affilées. Cette angoisse me poussa à me jeter sur la porte et à tambouriner de toutes mes forces en hurlant comme une sauvage. Puis, saisie d’une soudaine inspiration je commençais à cogner méthodiquement ma tête sur la porte. C’était douloureux mais j’espérais qu’on n’allait pas me laisser faire trop longtemps. J’allais abandonner, à moitié assommée, quand la porte s’ouvrit. Daïa apparue et m’évita habilement quand je me jetais sur elle, mais son collègue me barrait le passage et je ne réussis pas à m’enfuir comme je l’avais espéré. Au lieu de cela, elle me saisit les poignets, puis les mains et me rejeta brutalement sur la couchette. J’allais protester quand je sentis qu’elle faisait glisser un petit carré de plastique dans ma main. Je serrai le poing tout en hurlant pour donner le change et je les laissais repartir après leur avoir promis, dans un grognement de rage, que j’arrêterai de me cogner la tête contre la porte. J’attendis encore un moment avant de bouger. Il fallait que je réussisse à regarder ce que Daïa avait déposé dans ma main sans être vue. J’étais sure maintenant que la cabine était truffée de caméras, raison pour laquelle j’avais tenté cette fuite avortée. Finalement, je me retournais sur le ventre et en le protégeant de mon corps, je posais l’objet sur la couverture. C’était un petit rectangle de plastique violet et plat, comme en petit timbre sans aucune inscription visible. Je le tournais dans tous les sens, cherchant quelle pouvait être son utilité, quand je vis apparaitre une petite trace noire. Je l’attrapais entre mes doigts et le frottais vigoureusement jusqu’à ce que la chaleur fasse apparaitre, dans une écriture minuscule mais dont l’origine ne faisait aucun doute pour moi qui la connaissais si bien, quelques mots qui me réconfortèrent immédiatement : « Je viens te chercher – J ». Mon cœur se mit à battre si fort que je dû faire des efforts démesurés pour ne pas afficher un sourire réjoui. Je restais allongée longtemps, attendant que ma joie se calme et puisse être masquée, pour me retourner et m’assoir sur la couchette en reprenant une expression triste et désespérée. Il ne fallait pas que mes activités dans les prochaines heures, ou dans les prochains jours, soient suspectes. Alors, je me remémorais mon état d’abattement avant l’arrivée des gardes et je décidais de dormir. Prendre des forces était finalement la meilleure chose à faire…et la seule ! Je mangeais deux barres protéinées qui me donnèrent la nausée et j’avalais deux poches de jus de fruits puis je m’endormis. Je me réveillais dans le noir ce qui fit monter une vague de panique irrépressible jusqu’à ce que j’aperçoive le halo d’une veilleuse encastrée au-dessus des toilettes. La porte entrebâillée laissé à peine passer un rai de lumière qui pourtant me réconforta. Que se passait-il donc ? Pourquoi les lumières étaient-elles éteintes ? Avions-nous déjà procédé à l’embarquement ? Étais-je à présent enfermée toute seule dans un vaisseau à l’abandon  et où étais Joshua ? Je n’eus pas à attendre longtemps la réponse. Un léger grincement me fit sursauter et je vis la porte bouger lentement. Sans électricité, le mécanisme d’ouverture automatique était désactivé et la lourde porte, normalement parfaitement scellée, résistait à la barre de fer dont je voyais la pointe apparaitre de plus en plus. Je m’accrochais au montant pour pousser de toutes mes forces et je murmurais :

– Joshua ? C’est toi ?

– oui, je vais te sortir de là, ne t’inquiète pas. Prends ton sac, Zellana. On embarque immédiatement.

Je lâchais la porte dont l’ouverture s’agrandissait de seconde en seconde et dès qu’il me fut possible de me faufiler, je me retrouvais dans le couloir. Joshua m’accueillit et me serra violement dans ses bras. Son étreinte puissante écrasa mon torse mais réconforta mon cœur qui se désespérait.

– merci Joshua, merci, j’ai eu si peur !

– je sais, mais c’est fini maintenant. Je vais te demander de me suivre sans poser aucune question, j’y répondrai plus tard. Tu es prête ?

 – je te suis.

– alors cours maintenant, cours le plus vite possible et surtout ne me perds pas de vue, nous devons nous presser.

Joshua n’était pas seul, un petit groupe d’hommes et de femmes l’accompagnait. J’aperçu Daïa parmi eux et je lui souris. Joshua attrapa ma main et nous commençâmes à courir. Contrairement à ce que j’imaginais, loin de revenir vers des territoires familiers, nous nous enfonçâmes dans le couloir, toujours plus loin. Il tournait à plusieurs reprises et devenait de plus en plus sombre pour finir en cul de sac. Face à nous, une grille entrouverte fut poussée par un homme à la carrure impressionnante.

Les uns derrière les autres, nous attendions d’y pénétrer quand une voix retentit, nous faisant tous sursauter :

– qu’est-ce que vous faites là ? demanda le garde avec une autorité et une véhémence qui n’augurait rien de bon.

Personne ne prit la peine de lui répondre. Un homme qui se trouvait parmi nous, vêtu d’un uniforme de garde lui aussi, s’avança et répondit :

– nous répétons une manœuvre d’évacuation.

– je n’ai jamais entendu parler de ça, répliqua l’autre qui avait levé son arme à hauteur de taille.

– c’est une demande de Sobia en personne. Elle veut être sure que les issues secondaires sont toujours accessibles, repris notre compagnon de cavale.

– je te connais toi, tu es Nuncio c’est ça ? Tu es dans ma zone là, et si ce que tu dis est vrai, j’en aurai été informé !

– tu as déjà vu Sobia tenir tout le monde au courant ? tenta-t-il pour désarçonner l’homme. Elle préfère que ces simulations restent secrètes.

Il y eut un temps d’hésitation durant lequel nous espérâmes que le garde allait capituler mais un de ses comparses arriva en courant et il se mit immédiatement en position de tir.

– les mains en l’air ! Levez tous les mains en l’air que je les vois, hurla t’il face à son collègue un peu abasourdi.

Nous levâmes lentement les mains mais nous représentions un groupe compact, massé au fond d’un couloir étroit et mal éclairé. Je sentis des corps glisser le long de mes jambes et dans des éblouissements quasi silencieux, des tirs de lasers vinrent faucher les deux hommes, atteints en même temps à la tête et à la poitrine par les tireurs postés au sol.

Vite ! dit Nuncio, ils ne vont pas tarder à affluer. Il faut enlever les corps et espérer qu’il n’y ait personne d’autre dans leur poste de garde. Quatre hommes s’avancèrent en courant et attrapant les corps par les bras et les jambes, les emportèrent dans un réduit dont la porte avait été ouverte avec un passe magnétique. Pendant ce temps, Joshua nous pressait de passer derrière la grille. Nous nous glissâmes les uns après les autres dans le boyau qu’elle protégeait et la grille fut refermée derrière nous dans un claquement sec. Nous n’étions plus en sécurité. Il suffisait que l’un des gardes de l’étage donne l’alerte et nous serions attendus par une troupe de tireur dès que nous arriverions près des navettes. Cependant nous ne pouvions faire marche arrière. Nous étions allés trop loin et nous nous devions d’essayer. Joshua et Nuncio nous pressèrent d’accélérer le pas. La rapidité était maintenant notre seul atout. Pratiquement accroupis, courant comme nous le pouvions dans ses passages étroits, nous avancions à la lumières de veilleuses dont l’espacement laissait de grand pan d’obscurité. Joshua avait dû me lâcher la main, mais je le suivais toujours de près, trop heureuse qu’il m’ait retrouvée. Plusieurs bifurcations, des marches, nous enjambâmes de nombreux tuyaux volumineux qui barraient le passage. Ensuite des échelles, une telle quantité que je me demandais si nous n’allions pas nous retrouver à l’extérieur du vaisseau tant nous descendions. Malgré l’angoisse qui me tenaillait et qui devait aussi enserrer le cœur de mes camarades de fuite, nous avancions au galop chaque fois que nous le pouvions et dans un silence uniquement ponctué du bruit de nos bottes sur les surfaces métalliques. La dernière échelle atterrissait dans un couloir noir de crasse graisseuse.

– bienvenue dans les quartiers des ouvriers, murmura Joshua.

À partir de là, notre course fut plus aisée. Les couloirs, bien qu’étroits, étaient à dimension humaine et notre progression repris un rythme soutenu. Je remarquais que notre nombre augmentait au fur et à mesure que nous avancions, sans que le moindre mot ne soit prononcé. Le silence régnait, légèrement troublé par le bruit de notre course. Enfin, par une porte latérale, nous arrivâmes devant les le long quai qui desservait les navettes. Nous allions nous y engager en bon ordre quand un tir de laser nous stoppa net. Il ricocha heureusement au-dessus de nos têtes, faisant griller la peinture en une brulure noire et purulente de cloques. Des gardes nous attendaient en embuscade derrière une navette, à quelques mètres de là. Les hommes de tête nous poussèrent à l’abri dans le couloir d’où nous arrivions et les échanges de tirs illuminèrent l’espace confiné par la présence encombrante des navettes.

– essayer de ne pas toucher les navettes, dit l’homme massif qui avait ouvert la grille. Elles risqueraient d’exploser et de réduire le vaisseau à néant.  Il avait dit cela d’une voix forte qui résonna dans le hangar haut et étroit. Les tirs des gardes se firent plus précis pendant que les hommes de notre groupes, chacun ayant trouvé protection derrière un pilier métallique, un bidon, un renfoncement de la paroi, ripostaient en essayant de viser juste. L’échange de tir dura un long moment sans succès de part et d’autre et nous commencions à désespérer, quand un cri déchirant et un bruit fracassant nous alerta tous. Un des gardes venait de tomber, renversant avec lui un meuble métallique remplis d’outils. Des hommes de notre groupes avaient contournaient les passerelles par des couloirs intérieurs et avaient attaqué les gardes à contre feu. Ceux-ci tentèrent de riposter mais, pris dans l’étau des deux portes, ils tombèrent les uns après les autres sous les tirs croisés. Quand le chemin fut dégagé, Joshua vint nous chercher et nous pressa d’embarquer. Les troupes d’élites pouvaient arriver d’un instant à l’autre et nous ne pourrions leur résister. Quand ce fut mon tour, j’hésitais un instant mais Joshua me dit à voix basse en me poussant doucement mais ferment à l’intérieur :

– ne t’inquiète pas, j’arrive tout de suite. Va, installe toi et attache ta ceinture, ça va secouer.

J’obtempérais sans discuter et m’installais dans le premier siège libre que je trouvais. La navette comportait cinq rangées de quatre sièges, séparés par une travée centrale. Tout avait été conçu pour que les gens soient en couple. L’habitacle se remplit très rapidement et quand il ne resta plus qu’un siège vide à mes côtés, Joshua entra en courant et ferma la porte à l’aide de la manivelle de secours. Un bruit de succion se fit entendre quand elle se scella à la carlingue, créant ainsi une étanchéité parfaite. Joshua s’attacha en serrant les sangles de ses épaules et m’invita à faire de même. Les moteurs de la navette commencèrent à gronder et les vibrations de la carlingue devinrent inquiétantes. Je tremblais encore de manière irrépressible au souvenir des échanges de coups de feu et aux risques que nous courrions tant que nous nous trouvions dans l’enceinte du vaisseau. Rien ne m’avait préparé à une telle violence. L’académie ne formait pas ses élèves à l’art de la guerre. Mais je comprenais mieux maintenant la motivation de tous les gens qui se trouvaient avec nous. Ils semblaient d’ailleurs plus sereins que moi, même si quelques femmes pleuraient en silence, elles aussi victimes du contre coup. Joshua me regarda et vit probablement la terreur qui m’habitait. Alors il prit ma main tendrement et dit :

– ne t’inquiète pas, nous aurons décollé dans quelques secondes. Nous allons enfin savoir si tout notre plan fonctionne. Regarde ! ajouta-t-il en me montrant les flancs du vaisseau.

Je constatais, en suivant le mouvement de sa main, que la navette avait été munie de hublots ce qui n’était pas le cas de la précédente.

– c’est vous qui les avez installés ? dis-je, tentant de calmer les trémolos de ma voix

– oui, nous ne voulions pas naviguer en aveugle.

– nous ne risquons pas d’être pris pour cible par le vaisseau ?

– non, pour le moment il est totalement désarmé. Les gardes qui nous ont attaqués n’étaient que de petites unités isolées. Ils ont dû nous entendre arriver car nous avons désactivés les serveurs et nous les avons rendus aveugles pour de longues heures. Le temps qu’il nous faut pour disparaitre de leur champ de vision.

Je me cramponnais à mon siège, peu rassurée malgré les propos réconfortant de mon époux.

– ça y est, me dit Joshua alors que la navette commençait à bouger.

À travers les hublots je vis une lourde porte s’ouvrir et nous fûmes pousser lentement hors du vaisseau mère avant de prendre notre envol dans l’espace. L’obscurité régnait autour de nous.

– que va-t-il se passer maintenant ? demandais-je finalement.

– il leur faudra beaucoup de temps pour rendre leur système de décollage opérationnel et ils auront bien d’autres préoccupations que celle de nous rechercher, répondit Joshua. ils le feront, bien entendu, mais bien plus tard. Nous avons fait en sorte qu’ils soient démunis de toutes leurs armes et de beaucoup d’outils qui leur aurait été indispensables à Materia.

Pourquoi ne voyons-nous pas Matria ? demandais-je inquiète.

– nous sommes encore à quelques heures de l’orbite stationnaire de Matria mais nous devions partir avant, me répondit patiemment Joshua qui tentait de calmer l’angoisse qui perçait dans ma voix. Ne t’inquiète pas, les navettes ont été modifiées et peuvent effectuer ce petit vol supplémentaire sans difficulté. D’ici une heure, nous atteindrons la distance à laquelle le vaisseau-mère va se stabiliser en orbite et nous entamerons alors la descente vers Matria. Quand nous bénéficierons de la lumière du soleil, tu verras que nous ne sommes pas seuls.   Il y a une soixantaine de personnes en tout et nous avons reprogrammé un certains nombres de navettes qui transportent des denrées alimentaires, des animaux, des plantations – tout mon travail est dans une des navettes, ajouta-t-il fièrement. Tu verras, j’ai créé des variétés de légumes et de fruits à production rapide qui nous permettront d’être très vite autonome. Nous avons aussi du matériel de toute sorte : de gros engins, des outils, du matériel de construction. Enfin, nous avons essayé de ne rien oublier. J’aurai aimé te consulter sur ce qui était indispensable pour construire notre village mais je ne pouvais pas, tu étais trop surveillée. Mais je t’ai écouté tous les soirs me raconter ton travail et je crois que je n’ai rien omis d’indispensable.

– comment ça construire notre village ? Nous n’allons pas à Materia ? dis-je en réalisant finalement ce qu’impliquait notre fuite.

– non, nous nous en éloignons au contraire. Nous avons trouvé un site d’atterrissage que les premiers colons avaient installés. Il a été abandonné pour des raisons pratiques car il est loin de tous les autres sites d’installation. C’est d’ailleurs sur cet isolement que nous comptons pour avoir le temps de tout construire et de nous préparer à nous défendre si cela est nécessaire.

– tu crois que nous en arriverons là ?

J’allais de surprise en surprise. Je m’étais imaginé si longtemps dans les plaines centrales puis construisant glorieusement Materia…et maintenant nous étions en route vers un avenir incertain dans une navette remplie de personnes que je ne connaissais pas ! Les surprises allaient-elles cesser un jour ?

– je ne sais pas, répondit Joshua prosaïque. Ca n’arrivera pas tout de suite en tout cas. Nous avons anéanti leurs forces pour un bon moment. Mais la réaction des gardes montre bien que les intentions du gouvernement ne sont pas pacifiques, sinon ils n’auraient pas eu l’ordre de tirer sur des civils. Ma seule satisfaction est de savoir que ton ami Wong, ainsi que tous les autres d’ailleurs, risquent de dormir dans des baraquements pendant longtemps. Wong n’a ni ton génie ni ta maitrise technique. Sans toi et sans le matériel que nous leur avons pris, il n’est pas grand-chose. Toi, par contre, tu vas avoir du travail en arrivant. J’espère que tu as bien dormi dans ta cellule car tu as un village à construire.

– combien de temps y suis-je resté ? demandais-je, avide de redonner une chronologie à ma vie.

– trois jours, me répondit-il doucement en caressant ma main.

J’étais étonné de découvrir que j’y avais passé autant de temps et si peu à la fois. J’aurai été dans l’impossibilité de quantifié le temps écoulé, mais maintenant que Joshua me le disait, j’en restais stupéfaite.

– je crois que je suis totalement désorientée. Cet isolement sans aucun repère est à mon avis une des pires choses que l’on puisse faire à un être humain.

– je veux bien te croire  et je dois t’avouer que j’ai eu très peur que nous ne parvenions pas à te sortir de là. Arriver jusqu’a toi n’étais pas un problème, même si le fait qu’ils vous aient enfermé, a été un sacré contretemps pour nous tous. Mais cela nous obligeait à désactiver des systèmes dont nous avions besoin pour décoller. Ton enfermement aurait duré moins longtemps si nous n’avions pas dû tout reprogrammer en catastrophe pour vous sortir de là.

– qui ça tous ? demandais-je intriguée.

– tous les ingénieurs présents dans les trois navettes devaient être sur le même vol que toi.

– tu es sur qu’ils nous auraient fait disparaitre ?

– certains. Nous avons trouvé le programme qui déréglait la navette au moment de l’entrée dans l’atmosphère. Vous ne pouviez que vous écraser au sol. Tous les altimètres étaient faussés, vous auriez touché le sol avant qu’elle ait commencé à freiner.

– mais pourquoi faire ça ? Je n’ai toujours pas compris l’intérêt de nous éliminer.

– moi non plus car vous êtes plus utile vivant que mort, mais vous représentiez une force créatrice trop importante. Tu sais, il n’est jamais bon que les classes moyennes soient trop intelligentes !

– ce que tu dis est terrible Joshua et que vont-ils devenir à Materia ?

– c’est bien la dernière de mes préoccupations ! s’exclama-t-il sans pouvoir cacher un certain agacement. Mais je pense qu’ils ne construiront jamais leur cité idéale et qu’ils devront se débrouiller tout seul.

– pourquoi ?

– parce que nous avons expédié les navettes des ouvriers et des techniciens sur d’autres sites qu’ils ont eux même choisi et où ils pourront, comme nous, s’installer dans leurs propres villages. En fait, seuls les membres du gouvernement, les représentants des guildes et une partie de la garde, demeurent encore sur le vaisseau ainsi que quelques personnes proches du pouvoir. Quand ils auront fini de réparer les dégâts et qu’ils parviendront à se rendre sur Matria, ils ne seront pas assez nombreux pour mettre leurs projets à exécution. La belle Materia, telle que vous l’aviez conçue, ne verra jamais le jour, j’en suis désolé.

– non, c’est mieux comme ça, dis-je après un temps de réflexion. Elle était magnifique mais ils ne la méritaient pas. Et puis elle était bien trop luxueuse et trop grande, elle aurait demandé beaucoup d’énergie qui aurait été bien plus utile ailleurs.

– je suis heureux que tu le prennes comme ça. Tu as tellement travaillé sur ce projet que je craignais que tu nous en veuilles.

– non, j’ai beaucoup d’autre choses à faire maintenant. Je vais enfin pouvoir me rendre utile concrètement et je n’aurai plus à subir la censure et l’autorité arbitraire de Wong. Où allons-nous exactement ? je regardais à l’extérieur mais pour le moment, les hublots demeuraient toujours opaques, comme si leurs vitres étaient noires.

– à la pointe Sud-est du continent, répondit Joshua. Nous allons nous installer dans ce qui aurait du être un petit port de pêche fluvial. Le site est idéalement placé et tu vas te régaler à construire un village dans un endroit aussi beau.

– si tu me l’avais dit avant, j’aurai pu étudier le site sur la carte !

– voilà pourquoi je ne t’ai rien dit. Tu n’aurais pas pu t’empêcher d’aller regarder et tu aurais éveillé les soupçons.

Joshua avait raison ! Etais-je donc si naïve et prévisible ? J’aurais mis leurs plans en danger par curiosité ! Je n’aurais certainement pas pu m’empêcher d’explorer le lieu et probablement de commencer à réfléchir à un village. Cela n’aurait pas échappé à Wong et à tous ceux qui me surveillaient.

– je suis désolé Joshua, tu as raison, je…

– ne t’en fais pas Zellana, je te connais bien. Je sais que tu ne l’aurais fait que pour gagner du temps et pour nous aider. Mais tu ne vas pas être déçue, j’ai réussi à te trouver une table de conception. Certes, elle n’est pas aussi grande et performante que celle sur laquelle tu travaillais, mais elle te sera utile. Tu pourras t’amuser à jouer avec tes petites maisons comme bon te semble. Elle est avec les gros engins, dans une des navettes qui nous suivent.

– merci Joshua, merci d’être si attentionné et de penser à ma place. Je peux être si enthousiaste parfois que je manque de prudence. J’y ai beaucoup réfléchis dans ma cellule. J’en suis arrivée à la conclusion que si j’avais montré moins d’enthousiasme, si j’avais rendu un travail moins fignolé, moins abouti, nous n’en serions pas là !

– ce serait pire ! Nous serions tous asservi à Materia. C’est grâce à toi que j’ai pris conscience de ce qui n’allait pas. Tout ce que tu me racontais tous les soirs m’enchantait pour toi mais me révoltais en même temps. Puis j’ai rencontré les ouvriers agricoles et là tout c’est mis en place dans ma tête. Je ne voulais pas de la vie qu’ils avaient prévu pour nous et je suis sûr que tu n’en aurais pas voulu non  plus si tu avais su ce qui nous attendais.

Je restais silencieuse. Que pouvais-je répondre à ça ? Joshua avait probablement raison même si je n’arrivais pas à me départir complètement du rêve de la magnifique cité que nous avions créé. Mais je comprenais ce que Joshua disait. Le traitement qui m’avait été réservé dans les derniers jours, prouvait qu’il avait vu juste. Même si j’avais pu rester en vie, nous aurions probablement travaillé comme des forçats pour l’édification de la ville et quand elle aurait été terminée, que serait-il advenu de nous, tous ceux qui n’avaient pour unique fonction que sa conception et sa construction ?

Je regardais finalement autour de moi et je constatais que tous avaient l’air tendus mais confiants. Ils devaient être dans la confidence du plan depuis longtemps car chacun avait l’air de savoir ce qu’il faisait.

Après ces heures de terreur intense, j’étais tout de même un peu perdue. Joshua avait jusqu’alors refusé de m’informer de son plan et même si j’en comprenais maintenant les raisons,  j’avais le sentiment de ne pas être à ma place parmi ces gens que je ne connaissais pas. Je remarquais que plusieurs des ingénieurs qui travaillaient dans les laboratoires proches du mien, occupaient des sièges devant nous. Leurs épouses à leur coté, ils semblaient calmes et confiants. Cela me rassura un peu. A leurs regards confiants, je compris que tout ce plan n’était pas qu’une tentative désespérée de s’extraire du vaisseau en livrant notre sort au hasard et à la chance. Il y avait visiblement une organisation sensée et cohérente qui y avait présidé.

– regardez ! dit soudain quelqu’un.

Par un des hulot situé à l’avant j’aperçu une lueur lointaine. Nous devions approcher de Matria. Une vague d’exaltation sembla nous parcourir tous. A ce moment là, un homme situé à l’avant dit :

– accrochez-vous, nous allons rentrer dans l’atmosphère. Ça va secouer mais ça devrait bien se passer. La trajectoire est bonne, la vitesse aussi, pareil pour les autres navettes. L’atterrissage devrait se faire en douceur, ajouta-t-il laconique.

L’habitacle commença à grincer de façon inquiétante, en même temps que nous étions violement secoués sur nos sièges. J’attrapais la main de Joshua et je la serrais très fort. J’avais peur mais je me sentais en même temps confiante et euphorique. Nous y étions enfin ! Nous étions entrain de vivre un moment qui ferait date dans l’histoire de l’humanité. La colonisation commençait !

Après toutes ces années d’étude, de préparation et d’attente, nous touchions enfin au but.

Nous allions nous poser sur une planète vierge et accueillante, où tout était à faire. Nous allions pouvoir nous exposer au soleil sans craindre de mourir, dévorés par de foudroyantes brulures. Nous pourrions nous laisser tremper par la pluie sans danger, nous baigner dans une eau pure, manger les fruits et les légumes que la terre produirait, nous promener dans les champs et les forêts parmi une végétation épanouie qui n’aurait pas subi les assauts fatals des pluies acides et des gaz toxiques et nous allions respirer un air exempt de toute pollution.

L’homme repris :

– quand nous arriverons, nous risquons d’être désorientés pendant un moment. Ici l’air est plus pur et sa composition est légèrement différente de celui de la terre, même s’il est parfaitement adapté à la vie humaine. Il vous faudra quelques minutes, peut-être quelques heures pour vous y faire. D’autre part, la gravité est légèrement différente. Vous allez vous sentir plus léger, vous aurez le sentiment de flotter pendant un moment mais ça ne durera pas. Votre corps va s’adapter. Soyer tout de même prudent car vous vous déplacerez plus vite et tous vos gestes seront plus rapides. Il vous faudra apprendre à contrôler cette légèreté dans vos gestes quotidiens, particulièrement pour ceux qui vont devoir rapidement se mettre au travail. Nous ne sommes pas pressés, nous pouvons vivre quelques temps dans les navettes si l’adaptation est un peu difficile. Il n’y a pas d’urgence à construire le village, à planter ni à chasser ou à pêcher, ajouta-t-il réconfortant pendant que la navette descendait toujours. Nous pouvons vivre en autarcie durant quelques temps sans problème. Quand vous vous sentirez prêt, chacun de vous sait ce qu’il a à faire.

– quelle sera ma tâche, Joshua ? Mon ton irritation ne lui échappa pas, je me sentais exclue de ce qui était entrain de se passer. Visiblement, tous se connaissaient et avaient depuis longtemps défini leurs missions. Avais-je ma place parmi eux ? me demandais-je.

J’avais le sentiment de me retrouver dans le vaisseau, au moment exact où j’avais compris que nous n’étions pas au bon endroit et j’allais devoir tout réapprendre. J’en voulais à Joshua de m’obliger à revivre ces moments douloureux d’incertitude.

– toi, tu seras notre architecte, notre maitre d’œuvre et notre contremaitre, dit-il, inconscient de la tempête qui secouait ma tête. Une partie d’entre nous sera sous tes ordres jusqu’à ce que le village soit terminé et même après, parce que tu sais comme moi que ce n’est jamais terminé. Il manque toujours quelque chose, et quand un bâtiment est fini, il y en a un autre à retaper ou à modifier. Nous allons vivre selon de nouveaux principes. Ici, la plupart d’entre nous a des compétences spécifiques. Alors, en fonction des nécessités, nous nous plierions aux ordres des uns ou des autres. En arrivant, nous avons deux priorités : construire des habitations durables et mettre en route les cultures et l’élevage. La pêche viendra dans un second temps, quand nous pourrons nous consacrer à la construction de bateaux. Tu t’y connais en bateau ?

– avec un bon manuel, ça ne devrait pas poser de problème, répondis-je en faisant taire ma colère. Tous ces projets semblaient suffisamment exaltants pour que je pardonne à Joshua, momentanément au moins…

– Ne t’inquiète pas Zellana, tout le monde compte sur toi, et même si tu ne les connais pas encore, eux te connaissent. Ils ont vu la qualité de ton travail et connaissent tes compétences et ton talent.

– mais comment ?

– nous avions piraté le système informatique du vaisseau depuis longtemps. Nous avons eu accès à tous les plans que tu concevais, même la maquette, nous avons pu la voir grandir et évoluer. J’ai beaucoup admiré tout ce que tu as fait mais je ne pouvais pas te le dire. Alors mets ta colère et ta rancœur de coté, ce n’est pas le moment de m’en vouloir, dit-il avec clairvoyance. Plus tard, quand nous serons installée, tu pourras prendre le temps de me dire tout ce que tu as sur le cœur, mais pour le moment, reste concentrée sur tout ce que nous avons à faire et ne gâche pas cette arrivée sur Matria. Tu te rappelles comme nous l’avons rêvée et attendue Zellana ?

– oui, je m’en souviens Joshua et je suis heureuse que nous touchions enfin au but, lui répondis-je en lui serrant la main.

Nous restâmes silencieux un long moment, attentifs aux craquements et aux grincements de la navette. Puis les vibrations s’accentuèrent et l’homme repris :

– voilà le moment critique. L’entrée dans l’atmosphère s’est bien passée mais les vaisseaux doivent maintenant ralentir et se comporter comme des avions. Nous espérons tous que leur conception et les modifications que nous y avons apportées, vont permettre un atterrissage en douceur. Accrochez vous, nous serons posés dans quelques minutes si tout va bien.

Puis il se tut et son silence fut pire encore que ce qu’il venait de dire. Soudain, par le hublot le plus proche, j’aperçu la planète. Au début je ne vis que de l’eau à perte de vue, un océan calme d’un bleu limpide. Plus nous descendions, plus la pureté de l’eau paraissait évidente. A un moment, j’eu l’impression que l’on pouvait voir le fond tant elle était claire. Ensuite, la terre apparu. Nous longions le continent par le sud et la côte, à notre gauche, défilait à une vitesse terrifiante. Impossible de distinguer les détails de la végétation. Quand le vaisseau commença à ralentir, je pu voir rapidement les plages de sable et une terre rouge. Enfin, après un freinage qui arracha des sons déchirant à la tôle, la navette vola lentement au dessus d’une végétation très dense et se stabilisa enfin pour entamer une descente verticale. Quand ses pieds montés sur vérins se posèrent finalement sur le sol, j’eus le sentiment que nous nous enfoncions dans nos sièges. Les moteurs tournèrent encore quelques instants puis se fut le silence. Tout le monde retenait son souffle. Nous étions arrivés mais nous avions du mal à le réaliser. Nous venions enfin de nous poser sur cette planète porteuse de tous nos espoir, et même si rien ne s’était passé comme prévu depuis le départ, nous y étions enfin. Un nouveau monde nous attendait. Nous avions une nouvelle vie à construire, une nouvelle planète à découvrir et il me sembla que chacun de nous, bien que soulagé et heureux, l’appréhendait.

Finalement, la porte de la navette s’ouvrit et un air tiède entra dans la cabine. Il était chargé d’une senteur nouvelle, une odeur de propre et de pur, quelque chose que nous n’avions jamais senti.

– qu’est-ce que ça sent, dit une femme derrière nous ?

– c’es l’iode, ma chérie, le sel que contient l’océan.

– oh, mon dieu, c’est délicieux !

Le silence revint et nous commençâmes lentement à défaire les sangles qui nous arrimaient aux sièges. Nous étions libres.

L’homme qui avait piloté la navette, se leva et s’avança vers la porte. Il s’arrêta dans l’encadrement et son visage stupéfait nous saisit tous. Que voyait-il qui le mettait dans un tel état ?

– venez voir dit-il en descendant prudemment de la navette, venez voir ça !

Les uns après les autres nous nous levâmes et nous dirigeâmes lentement vers la sortie. J’allais sauter à bas de la navette quand Joshua me retint :

– rappelle toi Zellana, la pesanteur n’est pas la même ici. Tu risquerais de te faire mal si tu saute trop tôt. Descend lentement et prend le temps de t’accoutumer à la nouvelle atmosphère. Tu vas probablement ressentir des vertiges au début à cause de la qualité de l’air.

Alors je m’accrochais au montants de la porte et me laissait glisser sur le sol où j’atterris en douceur sur mes deux pieds. Je me retournais vers le paysage qui nous faisait face et je découvris l’océan. Splendide et immense, il venait lécher doucement la cote en rouleaux blanc et réguliers. Le son des vagues qui s’écrasaient en contre bas du site d’atterrissage, était nouveau pour nous qui n’avions, pour la plupart, jamais vu la mer.

La piste d’atterrissage était située légèrement en retrait. En balayant le paysage du regard, je découvris à ma gauche une plage de sable clair et une immense esplanade légèrement surélevée. Une rivière la ceinturait, comme pour la délimiter aux yeux de tous, puis elle allait tranquillement se mêler à l’océan dans un petit estuaire sans remous. Des travaux de terrassement avaient été commencés et une cinquantaine de baraquements encore emballés était disposés sur le plateau.

– le village ! Il est là ! Je m’écriais en m’élançant vers les baraquements situés en bas d’un petit chemin à faible déclivité. Mes premiers pas furent totalement déroutants. Chaque foulée me donnait le sentiment de m’envoler et je perdis le contrôle de mes mouvements si vite que je tombais sur le sol sans réellement me blesser. Derrière moi, j’entendis de grands éclats de rire mais je ne m’en offusquais pas. Je ne serais probablement pas la seule à subir les effets de cette gravité nouvelle, mais j’étais surement la seule à me précipiter tête baissée sans réfléchir à ce que l’on venait de nous dire ! Je me relevais lentement et en pensant à chacun de mes pas, je m’avançais vers le village provisoire. La vue était si belle que je ne pu retenir des larmes de joie. J’avais souvent rêvé de Matria, mais même dans mes rêves les plus fous, je n’avais imaginé tant de beauté. Le village était ceinturé par une végétation de plus en plus dense qui se transformait rapidement en forêt quasi tropicale. Des arbres ressemblant à s’y méprendre à des palmiers, mis à part le tronc lisse et pâle, ployaient presque jusqu’à l’eau. Leurs palmes crénelées cachaient de gros fruits bleus vifs dont j’espérais qu’ils seraient comestibles tant leur aspect était intrigant.

– c’est magnifique, je criais. C’est la plus belle chose que j’ai vu de ma vie !

Bientôt ils furent tous autour de moi et Joshua me serra dans ses bras.

– nous y sommes enfin, dit-il. Mes amis, je vous présente Zellana, mon épouse. Celle sur laquelle nous comptons tous pour faire de cet endroit un paradis sur terre.

Je me tournais alors vers le groupe d’hommes et de femmes rassemblés autour de nous et je dis :

– je suis si heureuse de faire votre connaissance dans ces circonstances magiques. Comptez sur moi pour concevoir le plus beaux des villages ! Je vous promets qu’aucune des folies de Materia n’aura sa place ici, mais nous y vivrons bien. J’ai des milliers d’idées. Je vous les soumettrai dès que j’aurais pu prendre connaissance des relevés topographiques.

Alors, dans un seul élan, tous se mirent à crier leur joie et à s’étreindre, et je me joignis à eux, heureuse d’appartenir enfin à une famille.

 

 

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