JE LE REGARDE – Chapitre 2

Chapitre 2

 Je le regarde parler avec Monsieur Simon. C’est un très bel homme. Ses cheveux blonds coiffés en arrière mettent en valeur un grand front, des sourcils droits et fins et des yeux au regard perçant.

Un nez extraordinairement droit surplombe une bouche pulpeuse, dont la lèvre inférieure est particulièrement charnue. Son visage bien dessiné se distingue surtout par des mâchoires larges et un menton carré. Je regarde cet homme élégant et pour la première fois depuis que je travaille au club, je ressens une sensation de chaleur intense. Il dégage quelque chose de félin, une assurance et une nonchalance mêlée.

Son regard fait lentement le tour de la salle, survolant les danseuses, les clients, et s’arrête sur moi. La chaleur se transforme en brasier ; je me sens mise à nue par ses yeux qui ne me quittent plus. Il est accompagné de trois autres hommes qui lui ressemblent. Des hommes d’affaires ? Des collègues de travail ? Impossible à dire. Monsieur Simon les conduit dans le salon privé meublé de confortables banquettes et paré de nombreux coussins de velours. Plusieurs serveuses sont immédiatement appelées. Je jette un coup d’œil appuyé à Cristel qui s’efface et me laisse sa place. Lisa et moi entrons dans l’alcôve dont les lumières tamisées sont subtilement placées pour éclairer les danseuses et laisser les clients dans la pénombre. Mon cœur bat fort. Il s’est installé sur une banquette, jambes croisées, comme si le spectacle qui l’intéressait le plus était celui des trois hommes à ses côté. Il semble lointain. Pourtant, quand son regard accroche le mien, la sensation devient concrète. Il s’attarde sur chaque partie de mon corps, et chacune y réagit. Mon visage s’enflamme, mes seins sont douloureusement présents, et mon sexe se mouille. Jamais un homme ne m’a fait un effet aussi immédiat.

Je suis pourtant habituée à soutenir le regard des hommes. Depuis le début de l’adolescence, ils ont jeté sur moi leur regard concupiscent. Dès treize ans, du haut de mon mètre soixante dix-huit, je dépassais tous mes camarade de classe et la taille de mes seins amplifiait l’impression trompeuse d’une maturité fictive. Mon activité sexuelle a donc débuté de façon précoce avec quelques adolescents dont l’intérêt me flattait, car ils avaient trois ou quatre ans de plus que moi. Mais il m’a fallut attendre la rencontre avec un homme plus âgé pour que mon éducation sexuelle commence réellement. Il m’a appris à aimer mon corps, ce qui n’était pas trop difficile puisqu’il m’avait plutôt avantagé ; et m’a initié au plaisir sans  négliger le sien ; prenant le temps de trouver avec moi ce qui me faisait mouiller, gémir et enfin jouir. Mon premier orgasme fut retentissant et j’en garde encore un souvenir ému et heureux. Je me souviens de mon immense gratitude envers lui et de la frénésie avec laquelle j’avais voulu rééditer cet exploit à de multiples occasions. Puis j’ai quitté la maison familiale et j’ai eu pas mal d’amants. Certains par choix, d’autres par désœuvrement et quelques uns par obligation. Jeremy, le dernier en date, entre dans la catégorie désœuvrement ou manque de sexe. C’était inévitable. Nous sommes tous les deux jeunes et seuls dans cette maison. Nous échangeons des regards depuis des semaines. Un jour il entre dans mon studio, timide, le regard légèrement fuyant. Je devrais le repousser gentiment, mais je n’ais pas eu d’aventure depuis déjà quelques temps, et mon attirance passagère pour Vanessa m’a troublée. Je le laisse entrer ; un moment de gêne ; il se balance d’un pied sur l’autre. Alors, sans réfléchir, parce qu’il est là, parce qu’il est beau et hésitant, je lui embrasse doucement le visage en espérant qu’il se détende. Face à son manque de réaction, mes baisers deviennent plus fougueux. J’enfonce ma langue dans sa bouche mais la sienne se dérobe. J’ai l’impression d’embrasser un gamin de douze ans. Je glisse mes mains sous son tee-shirt et je caresse son torse musclé, ma bouche toujours collée à lui. Le contact de sa poitrine musclée sous mes paumes m’excite. Je caresse délicatement ses abdominaux puis remonte vers ses pectoraux saillants dont je palpe les tétons plats et doux. Je sens un certain relâchement et ses mains se posent enfin dans mon dos. Je le laisse malaxer mes hanches et s’aventurer vers mes fesses durant un moment, puis je retire mon débardeur, lui dévoilant mon corps quasi nu. Dans un même mouvement je l’extirpe de son tee-shirt et je pose mes mains sur son jean à la hauteur de son sexe, là où la braguette tendue s’écarte un peu. Il a un mouvement de recul, comme si tout allait trop vite. Je me colle contre lui, écrasant mes seins sur son buste ferme et chaud et mon contact lui arrache un soupir étrange, comme un ballon qui se dégonfle. Je le pousse alors fermement jusqu’au lit où il s’allonge docilement sur le dos. Pas de lion aujourd’hui ma belle, me je-dis, juste un petit chaton. Je déboutonne son pantalon dont je descends lentement la fermeture éclair. Son sexe dur palpite à l’intérieur de son boxer et se dresse lorsque je le libère. J’ai envie de le choquer, de le violenter. Je fais glisser son jean en prenant soin de le lui laisser sur les chevilles pour qu’il l’entrave. Puis je libère sa verge, descendant son boxer jusqu’à mi-cuisse. Je m’assieds ensuite sur son ventre et me penchant sur lui, je caresse son visage avec mes seins. Son regard exprime un grand vide, comme un animal pris au piège. Je saisis le bout de mes mamelons entre mon pouce et mon index jusqu’à ce qu’ils deviennent durs et tendus, puis j’ouvre sa bouche avec mes doigts et j’y glisse un téton roide. Sa langue reste un temps sans réaction puis il se met à le sucer, d’abord doucement, puis de plus en plus fort jusqu’à l’aspirer goulument. Je le retire quand il commence à le mordre. Je prends alors sa main et je la pose sur mon sexe. Je dois l’aider pour qu’il la glisse à l’intérieur de mon string. Il me caresse maladroitement puis introduit un doigt dans mon vagin qu’il agite au hasard. Il est totalement excité maintenant ; sa bouche gobe tout ce qui passe à sa portée, et sa main libre pince mes seins ; mais ses gestes désordonnés sont d’une inefficacité absolue. Cependant, sa maladresse et son inexpérience, ou son incompétence, font paradoxalement monter d’un cran mon excitation. J’espère que son cunnilingus sera plus plaisant. Je dégage mon sexe de sa main hésitante ; j’enlève mon string et viens me poser délicatement sur sa bouche. Un peu étonné il m’embrasse plusieurs fois doucement ; J’écarte mes grandes lèvres pour lui offrir mon sexe et d’un léger mouvement du bassin je positionne sa bouche sur mon clitoris. Alors il le lape avec sa langue de façon désordonnée mais à un rythme suffisamment lent pour que le plaisir commence à se propager dans mon bas ventre. Ses mains remontent et attrapent mes seins qu’il malaxe et pétrit sans ménagement. Je voudrais qu’il me lèche, que sa langue laboure ma chatte de haut en bas, qu’elle vienne s’enrouler dans mon vagin avant de retourner sucer avidement mon bouton excité mais je dois me contenter de petits coups de langue maladroitement placés. J’ajuste mon bassin à chaque mouvement de sa tête et je saisis sa bite. Pendant qu’il farfouille dans mon sexe, j’enfile adroitement un préservatif sur sa verge tendue et excitée. Le latex le calme légèrement. J’attrape sa queue plastifiée et y impulse un léger mouvement de va et vient, espérant lui donner un rythme. Son gland bat fort et sa respiration de plus en plus haletante m’invite à la prudence. Je concentre mon attention sur sa bouche et sur mon sexe. Je focalise toutes mes sensations dans ma vulve et laisse monter un plaisir erratique. Un dernier coup de langue posée au bon endroit, m’emporte dans un orgasme bref mais salvateur. Sans attendre, je m’arrache à sa bouche, et enfourche sa bite. Il gémit et me regarde. Je sais que j’ai peu de temps. J’enfonce son sexe au plus profond de moi, le sortant et l’entrant de plus en plus vite, de plus en plus violement. Mon cul s’agite en rythme, et je sens mes fesses battre contre ses couilles gonflées. Il pose à nouveau ses mains sur mes seins qui s’agitent, il les caresse doucement ; je le gratifie d’un long baiser et le plaisir monte de plus en plus fort en moi, prêt à exploser dans mon vagin. Quand je sens son gland se dilater en éjaculant, je jouis bruyamment. Je continue un moment à aller et venir sur lui pour profiter pleinement de cet orgasme inattendu ; il halète les yeux fermés. Alors, je me laisse tomber sur le lit et roule à ses côtés en me disant que cette expérience n’a pas été aussi désastreuse que je l’avais craint.

Après un temps de calme, proche de la plénitude, il se tourne vers moi et me dit :

– J’ai jamais rencontré une fille comme toi ; t’es une sacrée de chaudasse en fait ; une folle du cul. Si c’est ça que tu veux, je vais t’en donner tout les jours !

Il cale ses bras derrière sa tête et contemple le plafond d’un air satisfait. Son préservatif pend au bout de son sexe ramolli comme une manche en air un jour sans vent. Prise entre rage et fou rire je lui réponds :

– Espèce d’abruti, t’es plus dégourdi avec ton épuisette de piscine qu’avec ta bite. Quant à ta langue, à part dire des conneries, elle ne sert pas à grand-chose. Sors de chez moi !

 Et je le vire de mon lit à grand coup de pied et le flanque à la porte tout nu après lui avoir jeté ses affaires dehors. Je ferme la porte à clé derrière lui. Je me sens stupide et sale. Depuis on ne se parle plus.

C’est ma dernière relation sexuelle et je reconnais que je suis sérieusement en manque. Cependant, cela n’explique pas pourquoi le regard insistant de cet homme me fait un tel effet. Il commande une vodka, puis dans un soupir, se plonge confortablement dans les coussins, légèrement en retrait. Lisa et moi repartons vers le bar pour passer nos commandes. Je vois Vanessa et trois autres filles pénétrer dans le petit salon et fermer le rideau. D’habitude les danseuses nous laissent le temps d’apporter les boissons. Monsieur Simon est strict sur le règlement. Elles doivent avoir des consignes. Je regarde le patron et hausse les épaules dans un geste d’étonnement. Il hoche la tête et me fait signe que je peux y aller. Nous repartons avec nos plateaux chargés de boissons et de coupelles d’amuses bouches. Derrière le rideau, les filles ont commencé à danser. Les trois hommes semblent captivés par le striptease qui s’offre à leurs yeux. Les filles sont ravissantes. Vanessa me jette un regard entendu et tourne un instant son visage vers moi comme si elle voulait m’embrasser. L’homme nous regarde et un fin sourire se dessine sur sa bouche sensuelle ; il attend que j’aie déposé son verre puis me dis tout bas :

– je m’appelle François-Joseph, mais mes amis m’appellent Jeff.

Il saisit son verre et se tourne vers Vanessa qui virevolte autour de la barre. Elle se cambre et jette ses jambes en l’air pour les enrouler autour de la barre métallique. Tête en bas, elle tourne et redresse son buste vers l’arrière, ses seins frôlant presque la moquette. D’un mouvement adroit des cuisses elle remonte le long de la barre et laisse retomber ses jambes en grand écart. Son sexe est à la hauteur du visage de l’homme. Je n’ai pas bougé, j’aurai du partir mais je m’aperçois avec surprise que je suis toujours là, tétanisée. Je n’ai pas envie qu’il apprécie le spectacle. Je n’ai pas envie qu’il touche Vanessa. Je veux qu’il me regarde, qu’il me touche moi. Il approche sa main et caresse la jambe de la danseuse. Il remonte le long de sa cuisse et s’arête juste avant le petit triangle de tissu. Lentement ses yeux dérivent ; la main toujours posé sur l’entrejambe de Vanessa, il plante ses yeux dans les miens puis il retire sa main sans me quitter des yeux. Il me dit :

– faites moi gagner du temps, dites moi votre prénom…

Je murmure : 

-Je m’appelle Chloé ;

– D’accord Chloé, enchanté ; amenez-moi une autre vodka s’il vous plait.

Puis il se tourne vers ses amis qui commencent à s’échauffer. L’un d’eux profite déjà du postérieur de Bunny qui se frotte langoureusement contre sa braguette rebondie. Les deux autres sont tout aussi occupés avec leurs danseuses.

Je repars en vitesse, presse le serveur pour avoir ma boisson et retourne derrière le rideau. Jeff est toujours enfoncé dans la banquette et son intérêt pour Vanessa semble limité. Elle en a d’ailleurs conscience et se contente de danser lentement autour de la barre, les yeux dans le vague. A mon arrivé, il se redresse légèrement. Son regard se tourne vers moi et une nouvelle fois se plante dans le mien sans le lâcher. Je m’approche de la table pour déposer son verre, mais il me fait signe de le lui apporter. Il tend la main et ses doigts effleurent les miens, laissant une sensation de brulure sur ma peau. Pendant que je me retourne pour repartir, il attrape ma main, doucement, sans la retenir, comme une caresse. Ce contact m’électrise et enflamme mon bas ventre. Je ne bouge pas pendant un instant puis laisse glisser mes doigts et sors du salon, les joues en feu, totalement bouleversée. Un simple contact de la main a suffit à me faire chavirer.

Durant la soirée, je néglige mes clients. Mes yeux sont rivés sur le rideau du salon privé qui ne s’ouvre qu’à de rares occasions pour laisser sortir une danseuse le temps d’une pose. Quand Vanessa sort enfin, je la suis dans les loges. Elle me regarde longuement puis me dit :

– Il est spécial, ce type. Il ne veut rien faire. Il se contente de regarder et de sourire. Il doit être marié. Tu sais, ces mecs qui emmènent des clients au club mais qui attendent juste de pouvoir rentrer chez eux retrouver leurs femmes. Elle doit être fantastique pour qu’il n’ait pas envie d’un petit extra. C’est vrai, qui le saura ? Une petite pipe, 100 billets pour moi et tu rentres tout propre.

– c’est vrai, il ne t’a rien demandé, il ne t’a pas touché ? Et les autres, ils font quoi ?

-oh allez Chloé, j’ai bien vu la manière dont tu le regardais, tu t’en fous des autres. Ceci dit, les autres, ils ne s’ennuient pas. Il y en a un, ça fait trois fois qu’il y retourne. Bunny en avait marre. Elle était contente quand elle a pu s’en aller. Il l’a prise pendant qu’elle était en facial à la barre, la tête en bas. T’imagine l’acrobatie pour tenir jusqu’à ce que le gars ait terminé. Il en finissait plus. Il limait comme un malade. Je pense pas qu’elle y retourne ce soir ; par contre, ça, a eu l’air de l’amuser, ton pote. Il en a pas perdu une miette. J’ai essayé de le chauffer et j’ai bien vu qu’il bandait, mais il m’a repoussé.

– Vanessa, ce n’est pas mon pote. C’est un client, c’est tout ; mais il a été gentil, plus gentil que les autres, alors je voulais juste savoir…

– je t’ai tout dit ma belle ; il faut que j’y retourne à la fin de ma clope. Je te promets que si j’arrive à le faire gicler, je te le raconterai en détail. Si tu veux j’y mettrai même un peu la langue en te le racontant…

Elle part en rigolant, me laissant stupide et excitée. La langue de Vanessa, la chaleur de la main de Jeff, le feu qui ne s’éteint pas entre mes jambes vont me poser problème si je ne trouve pas un moyen de m’apaiser. Faire le vide, respirer, penser à autre chose. Mais comment faire quand tout autour de moi, à peine masqués par les rideaux, évoluent des filles à moitié nue, des hommes en érection, sexe à l’air. La fin de la soirée est proche et l’ambiance est totalement différente. Le club n’est presque plus qu’une vaste salle de baise. Partout des rideaux fermés. La musique en fond sonore ne parvient plus à masquer les frottements et les gémissements qui s’échappent des alcôves. Dans le salon privé, les hommes rient bruyamment, une fille poussent un cri ; plaisir, souffrance ; difficile à dire. Monsieur Simon sait que les fins de soirées peuvent être délicates. Les clients sont échauffés, l’alcool aidant, les tabous sont tombés et certains perdent le contrôle. Il écarte légèrement le rideau et je l’entends demander si tout se passe bien. La réponse égrillarde ne semble pas lui convenir car il pénètre dans le salon. Peu après, Lisa sort. Son costume est dégrafé et elle pleure. Je la rejoins en coulisse et lui demande ce qui lui ait arrivé. Elle m’explique qu’un des gars distribue des billets de cent euro. Alors quand il lui a demandé de déboutonner son boléro juste pour voir ses seins en lui mettant sous le nez une poignée de billets, elle s’est dit que ça n’était pas bien grave. Mais le type l’a attrapée et basculée sur la banquette. Avant qu’elle ait pu réagir, il avait commencé à se frotter contre son sexe. Quand il a essayé de la pénétrer, elle a rué et lui a envoyé un coup de pied. C’est là que Monsieur Simon est entré. Maintenant elle a peur d’être renvoyé. Vanessa arrive peu après et dit :

– ça y est, ils sont partis, le patron n’était pas content, mais ne t’en fais pas Lisa, il ne te dira rien. Il les a foutu dehors et leur a demandé de ne pas revenir. En même temps, tu le sais qu’il ne faut pas te laisser entrainer par ses types. Ce sont des malades. Ils pensent qu’avec leur pognon ils peuvent tout acheter !

A cet instant, sans aucune considération pour les déboires de ma copine Lisa, je me sens désespérée ; il est parti ; je ne le reverrai plus. Je me change en vitesse, enfile un jogging gris et une paire de basket ; enfin délivrée de mon carcan et de ma perruque, je me démaquille rapidement et brosse vigoureusement mes long cheveux bruns pour me sentir propre. J’ai une heure de route pour rentrer à la villa et je suis fatiguée. Heureusement, la maison est vide; je vais pouvoir dormir tard et oublier cette étrange soirée.

Je sors par la porte de service pour rejoindre ma voiture garée à l’arrière du club.

Il est là, debout, il attend. Je baisse la tête. Je ne veux pas qu’il me voit ainsi. Mes cheveux tout justes démêlés, ne sont pas coiffés et sans mon maquillage je dois paraitre bien fatiguée.

Il me regarde passer et dit :

– Chloé ? C’est vous n’est-ce pas ? J’étais sûr que je vous reconnaitrais. Ce sont vos yeux qui vous trahissent. Ils sont magnifiques et votre regard est si particulier ; on dirait que vous observez tout.

Je me retourne tout en continuant à marcher.

– Bonsoir Monsieur, excusez-moi, je suis fatiguée, je dois rentrer chez moi, Je lui réponds tout en pensant que je viens de prononcer la phrase la plus stupide que j’ai jamais dite. J’ai l’air d’une enfant apeurée.

– Chloé, ne partez pas ! Laissez-moi le temps de vous parler ! Je ne reviendrai pas au club, en tout cas avant un moment, mais je ne veux pas m’en aller sans savoir si nous avons une chance tout les deux !

Je m’arrête, interdite. Quel baratin ! On dirait de la drague de lycée.

– quelle chance voulez vous que nous ayons; Ici je travaille ! Je joue un rôle ! La fille que vous avez vue à l’intérieur, n’existe pas ! C’est une mascarade pour séduire les clients. Vous seriez déçu par la réalité ! 

– J’en étais sur, dit-il en riant ; j’étais sur que vous étiez différente. C’est vos yeux, Chloé, vos yeux parlent, et j’ai vu la manière dont vous me regardiez. Moi aussi j’ai envie de vous connaitre, moi aussi j’aurais été désespéré si vous étiez partie sans que je puisse vous parler ; je vous en prie, acceptez de me revoir, prenez un verre avec moi, ou encore mieux, venez, allons prendre un petit déjeuner, je vous invite !

Je suis frappée par sa capacité à mettre des mots sur mes pensées et j’ai un moment d’hésitation : Je suis si fatiguée, il est si séduisant.

– D’accord, mais après je rentre dormir, vous me promettez que vous me laisserez rentrer chez moi ? lui dis-je d’une voix d’enfant.

– Je vous le promets, Chloé ! S’il le faut, je vous ramènerai chez vous et je vous borderai, me répond-il en me tendant la main.

Je la saisi, elle est douce et chaude ; j’ai l’impression d’être en sécurité. Nous marchons jusqu’à sa voiture. Il ouvre la portière et je me laisse tomber sur le confortable siège baquet. Il démarre ; la voiture ronronne et j’ai vraiment sommeil. Il conduit bien, vite, mais surement.

J’ai du m’endormir. Quand j’ouvre les yeux, nous sommes arrêtés face à la mer et le soleil se lève. Il sort du véhicule, s’étire puis me dit :

– regarde Chloé, c’est magnifique. Nous allons prendre un petit déjeuner au soleil !

– Mais où sommes-nous ? je lui demande interloquée. Autour de nous, la plage de sable blond est cernée de roches d’un rouge sombre ; la mer bleu foncée est striée de vaguelettes qui frisent en surface, balayées par un petit vent froid.

A l’extrémité de la plage se trouve une paillotte que je n’avais pas vue. Il m’entraine à l’intérieur et après quelques joyeuses accolades avec un homme qui doit être le patron, il m’installe à une table face à la mer. La vue est splendide et mon petit somme a momentanément calmé ma fatigue.

– Pour répondre à ta question, me dit-il, nous sommes près de Saint-Raphaël ; il n’y a que là qu’on peut prendre un petit déjeuner au calme avec une si belle vue ! 

– Saint-Raphaël ? Mais vous êtes fous ! Il faut que je rentre chez moi, je dois reprendre ma voiture à Cannes et puis rentrer à Saint-Jean, mais vous ne vous rendez pas compte… 

Il pose délicatement son doigt sur ma bouche pour me faire taire, puis s’enhardissant, il en dessine le contour du bout du doigt. Sa caresse est si douce que j’en frissonne. Il effleure doucement la courbe de mon menton, la rondeur de ma joue, la ligne de mes sourcils, l’arête de mon nez. Ce contact léger me tétanise. Puis son visage se rapproche lentement du mien, et je l’espère, je l’attends avec une impatience délicieuse. Enfin ses lèvres se posent sur les miennes. Elles sont douces, si douces ! Je ne veux plus jamais qu’elles me lâchent. Son baiser devient plus intense et sa langue vient doucement caresser mes lèvres, puis s’introduit dans ma bouche qui l’accueille avec délectation. Nous nous embrassons pour la première fois et c’est le baiser le plus tendre et le plus excitant que j’ai jamais reçu. Nous enroulons nos langues avec douceur et malgré la retenu que nous y mettons, je sens en moi l’élan irrésistible de l’amour ; de la fusion. Un besoin de complétude m’envahit et ce baiser ne le calme que très partiellement.

Nous nous séparons quand Raymond, le patron, arrive porteur d’un grand plateau sur lequel se trouvent des tasses de chocolat, du café, du thé, des croissants, du pain frais et du beurre. Il dispose le tout devant nous et nous dit :

– allez, les jeunes, prenez des forces ! Vous allez en avoir besoin ! 

Jeff le remercie et entame un croisant avec appétit. Je fais de même et je m’aperçois que je meurs de faim. Je ne sais que prendre, le café me tente, comme tous les matins, mais le chocolat sent si bon. Je finis par me laisse attirer par l’énorme tasse fumante de chocolat au lait dans laquelle je trempe sans honte un superbe croissant. J’en mange un deuxième goulument, puis deux tartines beurrées que me tend Jeff ; enfin je bois mon chocolat. Rassasiée, je lève les yeux sur la vue sublime. La mer est calme et cette crique déserte me donne l’impression que nous sommes seuls au monde. Face à nous, sur un promontoire rocheux, à quelques encablures de la plage, une tour carré surplombe la mer.

– C’est si beau ici ! Merci ! Merci pour ce petit déjeuner, pour cet endroit magique ! Mais il faut que je rentre chez moi !

– Ca y est, elle recommence dit-il en m’attrapant par la main. Chloé, aujourd’hui est un jour particulier et il ne faut pas le gâcher avec des préoccupations matérielles !

– Ah bon, en quoi ce jour est-il particulier ? Je lui demande, curieuse.

– C’est le premier jour que nous passons ensemble ; c’est important de bien réussir un premier jour ; c’est déterminant même ! me dit-il comme s’il parlait à une enfant. Le deuxième jour aussi est important parce qu’il donne le ton du troisième et ainsi de suite, tu comprends Chloé ? Ce jour doit être parfait. Je veux me souvenir toute ma vie de ton sommeil dans la voiture, de ton étonnement au réveil, de ce petit déjeuner gigantesque que tu viens d’avaler. Je ne veux rien perdre ! Alors je me fiche d’où se trouve ta voiture et d’où elle doit aller après ! Je t’amènerai ou tu veux, mais pour le moment, profite ! 

Il m’entraine à l’extérieur et m’emmène marcher le long de la plage. Le soleil commence à monter lentement dans le ciel et le rose de l’aube laisse peu à peu la place à l’orangé du petit matin. Il fait froid mais Jeff me tiens serrée contre lui. Il parle sans discontinuer. Il me raconte sa vie de jeune homme désœuvré issu d’une famille bourgeoise mais désunie. Sa mère qui passe sa vie dans des centres de thalassothérapie à travers la planète. Son père, sautant d’un avion dans un autre, toujours occupé, jamais disponible. Et lui, Jeff, qui a été élevé par des nounous ; traversant l’atlantique ou la méditerranée au gré des caprices maternels ; fréquentant des écoles internationales à Miami, los Angeles, puis Marrakech, pour finir par retourner vivre à Paris avec son père à l’adolescence. Le lycée henry IV où il a rencontré les amis avec lesquels je l’ai vu au club. Leur fraternité, eux les gosses de riches, sevrés trop tôt, abandonnés, avec une carte de crédit comme seul parent. Les excès : les filles, l’alcool, la drogue. Il me raconte que la seule chose qui a vraiment compté dans sa vie a été la natation qu’il a pratiquée durant de nombreuses années, malgré les déménagements. Il a faillit être sélectionné pour les jeux olympique et il en tire une grande fierté, mais il ne me cache pas non plus qu’à cette période de sa vie, ses excès ont eu raison de ses performances. Il ajoute qu’il nage chaque fois qu’il en a l’occasion et que c’est une des rares activités qui l’apaise. Jeff ne m’épargne rien. Il m’explique :

– Chloé, je ne veux avoir aucun secret pour toi parce que je sais que c’est toi, c’est toi que je cherche depuis longtemps. A travers toutes ces femmes que j’ai connues, je te cherchais ! 

– Mais c’est idiot, comment pouvez vous dire ça, comment pouvez vous savoir que je suis celle que vous cherchez ? 

– « Bon, d’abord Chloé, si tu continue à me vouvoyer, je ne t’embrasse plus jamais, et crois moi, tu le regretteras, parce que j’embrasse vraiment bien ! Je suis même un spécialiste du baiser ! Ensuite, je n’ai pas de réponse absolue à ta question. Je te cherchais toi, c’est tout ; je l’ai su dès que je t’ai vu ! J’ai vu la manière dont tu me regardais. Ton regard ne s’est pas dérobé. Tu m’as regardé droit dans les yeux, pas pour me défier comme le font souvent les autres femmes, celles qui savent qui je suis. Tu m’as dévisagée parce que tu es curieuse, parce que tu t’intéresse aux gens ; parce que je t’intriguais, et parce que je t’attirais. Dis le Chloé…

– Oui c’est vrai, je t’ai remarqué dès que tu es entré et je t’ais trouvé très beau, je me suis aussi demandé ce qu’un homme comme toi faisais dans un endroit pareil !

Il sourit puis m’attire vers lui et m’embrasse tendrement. Un long baiser durant lequel nos lèvres s’effleurent, se cherchent, se découvrent, se caressent à nouveau. Un doux baiser ou nos parfums s’entremêlent. Son odeur douce et sucrée, légèrement poivrée me plait instantanément ; Je voudrais le sentir éternellement. Quand nos lèvres se détachent, j’enfouis mon visage dans son cou, au chaud derrière le grand col de son manteau et je le respire profondément ; je m’enivre de son odeur.

– Chloé, Chloé, Chloé, dit-il, ton nom me fais penser à une fleur. Une splendide orchidée blanche ; une orchidée qui cacherai de multiples coroles. Je n’ai pensé qu’à toi toute cette soirée. Tu es si belle, si parfaite. Je rêve de te découvrir, de revoir ton corps magnifique !

Toujours collée à lui, je regarde la mer dont le bleu s’affirme au fur et à mesure que le soleil monte. La plage de sable forme des milliers de petites dunes que nous écrasons sous nos pieds. Ce lieu solitaire, si beau, a un avant gout de paradis. Lovée contre Jeff, je souhaite de toute mon âme que cela dure toujours.

 

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