SUR LE FOND – Chapitre 7 – Couleurs

Chapitre 7

Couleurs

Thomas m’a acheté de la teinture rousse, un roux flamboyant. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête. Quand il est revenu du supermarché avec la boite qu’il a posé fièrement sur la table, je l’ai regardé interloquée.

– Mais ça va pas non ? Avec une couleur pareille, tout le monde va me regarder et on va me reconnaitre.

– non, justement, je ne pense pas. Regarde comme tu as l’air triste et éteinte sur cette photo. Dit-il en posant le journal à plat sur la table où mon visage terne apparait à la une. Qui pourra faire le rapprochement avec une jeune femme rousse, épanouie et heureuse ?

– ah, bon, je suis épanouie et heureuse, moi ?

– si tu ne l’est pas encore, je vais m’employer à ce que tu le deviennes, fais-moi confiance !

J’ai pris le flacon comme si c’était du poison et je l’ai emmené dans la salle de bain. Je n’aimais pas vraiment ce genre de produit. Une fois,parce que nous étions jeunes et qu’elle voulait devenir coiffeuse, j’avais laissé mon amie jenny me teindreles cheveux en bleu. Un de ces trucs qui part au bout de deux shampoings. Après je m’étais lavé la tête des dizaines de fois, sans résultat. Mes cheveux blonds et fins avaient absorbés la teinture comme un chameau qui trouve un point d’eau dans le désert. Le bleu avait éclairci mais il était obstinément resté et ma mère avait refusé, pour que cela me serve de leçon, qu’ilssoientrecouverts par une couleur plus naturelle. J’avaisdû attendre que mes cheveux poussentsuffisamment pour qu’une coupe courte règle le problème. Mais là, on ne joue plus. Il en va de ma tranquillité. Si je ne veux pas me retrouver entre deux gendarmes dans deux jours, j’ai intérêt à suivre les conseils de Thomas qui a profité de sa petite virée pour m’acheter quelques robes colorées et un joli pull rouge.

– Ca va bien aux rousses, il a dit.

J’ai préparé le mélange puis j’ai étendu la crème qui se colorait déjà, sur les racines puis sur les longueurs, en faisant bien pénétrer le produit comme indiqué sur l’emballage et j’ai attendu en rongeant mon frein. Au bout d’une demi-heure, mes cheveux encore couverts de crème, affichaient un rouge sombre, presque acajou et j’ai eu peur. J’ai commencé à les rincer et le jus rouge, qui virait peu à peu au carotte, s’est longuement écoulé sur l’émail blanc de la baignoire. Je regardais avec angoisse l’écume orangée tourner en rond autour de la bonde avant de disparaitre. Peu à peu, l’eau s’est éclaircie et quand elle n’a plus laissé couler qu’un filet clairet, j’ai appliqué le baume livré avec pendant un temps interminable. Je n’avais pas envie de voir. Thomas a frappé à la porte plusieurs fois mais je lui ai dit que je n’étais pas prête. Finalement, le dernier rinçage effectué, mes cheveux était d’un rouille vif. Je les ai séchés pour en avoir un aperçu plus réaliste. Roux ! Un vrai roux qui pète ! Je les ai brossé pour les démêler mais la teinture les avaient fait gonfler. Je n’arrivais plus à leur donner leur lissé habituel. Je suis sorti de la salle de bain, les larmes aux yeux, la tête basse, mais Thomas m’a pris dans ses bras et ma couverte de baisers en me disant que j’étais belle, que je n’avais jamais été aussi belle. J’aurai aimé le croire mais j’avais du mal.Alors il m’a fait l’amour si bien et si longtemps, sur le grand lit de sa sœur, dans la chambre lumineuse et colorée où mon corps semblait appartenir au soleil et à la vie, que j’ai oublié mes cheveux, la teinture et mes problèmes aussi.Ça faisait vraiment du bien.

À la fin, il a dit :

– Ce soir, je t’emmène au restaurant.

– non, je veux pas sortir !

– si, il le faut, on va tester ton nouveau toi.

J’ai aimé cette idée. J’avais droit à un nouveau moi, unepersonne que je pouvais créer de toute pièce, celle que j’aurai voulu être, celle que je choisissais d’être. Il suffisait de le décider. Alors j’ai dit :

– d’accord.

Il m’a emmené dans un restaurant où il avait ses habitudes. La serveuse, une jolie brune au décolleté profond, l’a vu arriver avec un sourire éclatant qui s’est un peu crispé quand elle a vu nos mains agrippées. Je ne voulais pas le lâcher. J’étais si tendu que le moindre bruit me faisait sursauter. Thomas nous a conduits à une table au milieu de la vaste pièce. Une ancienne cave à vin transformée en restaurant dont la voute badigeonnée de chaux blanche embellissait la salle aux ouvertures modestes et étroites. Salade de gésier et magret de canard aux figues se sont succédés, accompagnés d’un Corbière âpre et fort. Je mangeais à peine. La salle se remplissait peu à peu et je me demandais d’où sortaient tous ces gens. Alors Thomas m’a dit :

– Tu sais, toutle monde n’est pas en vacances. Il ya  des gens qui vivent ici et qui y travaillent aussi, n’est pas Rachel ? A-t-il dit à la serveuse qui apportait deux soufflets au Grand Marnier, chauds et encore gonflés, dont la croute brune et luisante brillait à la lumière des bougies posées sur la table. J’ai plongé ma cuillère dans mon dessert et dans un petit jet de vapeur, il s’est dégonflé mais il était savoureux. Un peu de vin pour faire descendre et la vie ne me semblait pas si désespérée. Thomas a payé l’addition sans que je puisse m’y opposer et nous nous sommes promenés dans le village silencieux. La grande place vide à cette heure de la soirée, retentissait par endroit du son caractéristique des télévisions dont le reflet bleuté éclairait les plafonds clairs des appartements. Le sol en pierre grise, formé de grandes dalles rectangulaires, nous a mené jusqu’à l’arrière du village. Là, derrière la mairie, bâtiment plutôt inintéressant, nous avons grimpé une route qui nous a conduits sur une esplanade déserte où un jardin d’enfant dormait en attendant des mercredisensoleillés. Thomas m’a fait assoir sur le tourniquet et nous avons joué un moment. Le toboggan, situé sous un lampadaire éteint nous a accueillis et a supporté nos ébats joyeux et tendre à la fois. Un petit vieux est passé, voûté, marchant à petits pas le long de la route et thomas a arrêté de bouger, mais je ne pouvais plus attendre et je l’ai pressé de continuer malgré la présence de l’homme qui ne nous avait probablement pas vus. J’ai jouis en silence pendant que le vieil homme repartait lentement, s’en retournant probablement dans sa maison. Thomas soufflait dans mon cou en riant doucement :

– je le connais, c’est l’ancien buraliste. Quand j’étais enfant, j’adorais aller dans sa boutique. Il vendait de tout. Je lui achetais des pétards et des bonbons, principalement. Tu te rends compte, il avait encore du tabac à chiquer et des mèche de briquet à pierre. C’était devenu introuvable, mais lui, il en avait encore ! Je ne pense pas qu’il nous ait vus, en fait je m’en fous. Je suis si heureux Virginie. Vraiment !

– moi aussi, même si je préfère qu’on ne refasse plus ce genre de truc dans des lieux publics.

Il ne pouvait pas le savoir mais c’était l’obsession de Paul : me baiser partout où c’était risqué. Il me prenait dans les ruelles sombres, dans les cabines d’essayage, dans les ascenseurs. Même au cinéma, les rares fois où nous y allions, il fallait que je le suce. Une fois, nous étant installés au dernier rang, nous avions fait l’amour à même le sol, dans la travée. C’était son sport favori et je me laissais faire. Il fallait être discret et rapide et je me sentais flattée, au début au moins, de cet insatiable intérêt pour mon corps, jusqu’à ce que je comprenne que seule la performance le stimulait. Il m’avait fait assoir sur ses genoux à un barbecue organisé par les voisins, les Rabatto. J’avais dû m’enfiler sur sa queue dressée sans attirer l’attention. Vanessa ne nous quittait pas des yeux, nous offrant une vue imprenable sur ses seins gonflés et presque dénudés,et son mari nous jetait des regards en coin. Il m’avait même semblé voir sa main s’agiter dans sa poche. Les lumières des torchères nous maintenaientheureusement dans l’ombre et Paul pérorait tout du long. Il s’est interrompu le temps d’éjaculer et j’ai fermé les yeux pendant que le plaisir m’envahissait à ma plus grande honte. Ensuiteje me suis éclipsée et je ne lui ai pas manqué. Les voisins l’on ramené au milieu de la nuit, en maillot de bain, mouillé et complètement ivre. Il s’est laissé tomber sur le lit, comme une masse et j’ai souhaité qu’il ne se réveille pas pour ne pas prendre de coups. Vanessa Rabatto, en bikini, est restée longtemps, dégouttant sur le plancher de la chambre, à le regarder dormir. Son dos large et musclé se soulevant au rythme lourd de sa respiration encombrée. J’ai fini par lui demander de partir, ce qu’elle a fait à regret. Je ne sais pas ce qui c’était passé après mon départ, mais elle aurait volontiers partagé le lit de mon époux, je le lisais dans ses yeux. Jusque-là, toutes les maitresses de Paul venaient de l’extérieur. Je redoutais une aventure avec notre voisine. J’avais raison. Quand leur liaison a commencé, elle a exigé de s’ébattre dans notre lit et je trouvais fréquemment les draps froissés et souillés en rentrant le soir. Je devais les changer pour ne pas dormir dans leurs odeurs de sexe et de foutre. C’est à partir de là que mon mari a commencé à me délaisser. Il me faisait l’amour encore quelques fois, parce que ses besoins n’étaient jamais totalement rassasiés mais il ne le faisait plus avec la même attention. Il n’aurait pas accepté que je n’ai pas d’orgasme parce que cela satisfaisait sa vanité et son égo, mais il fallait que je fasse vite si je ne voulais pas me retrouver, pantelante de désir inassouvi, en train dele sucer pour le terminer, comme il disait. Puis, un jour, j’ai constaté que les draps étaient resté propres depuis déjà quelques temps et j’ai espéré que cela continue. Peut-être en avait-il eu assez ! Je l’espérais. Pourtant, le sourire réjoui de Vanessa Rabatto, quand je la croisais devant sa maison, m’empêchait d’y croire complètement. Maintenant que j’y pense, ce n’est que quelques semaines avant sa mort, qu’ils ont délaissé la chambre. Peut-être se retrouvaient-ils chez Vanessa, ou dans le garage ? Ça ne me dérangerait plus tant que je dormais dans des draps propres.

– tu sais, j’ai dit à Thomas, mon mari avait des goûts un peu étranges en matière de sexe et il aimait particulièrement les lieux publics. Alors, je préférerai que nous nous en tenions à la maison et à un bon vieux lit. On a jamais rien trouvé de mieux finalement !

– oui, tu as raison, même si je ne dis pas non à quelques fantaisies sur la plage de temps en temps.

– à la rigueur, quand il n’y a personne, on peut l’envisager.

– d’accord Virginie, ne t’inquiète pas. Je ne te forcerai plus à faire l’amour à l’extérieur. Mais tu étais si séduisante dans ta robe jolie d’été que je n’ai pas résisté.

– tu ne m’as pas forcé, Thomas. J’en avais envie aussi mais ce petit vieux qui est passé, m’a rappelé des mauvais souvenirs.

– rentrons, tu veux ?

– oui

Il me serre contre lui et m’embrasse si tendrement que je lui sauterai bien dessus tout de suite mais je me retiens. Nous avons tout le temps. La maison est à nous, la nuit aussi et la vie…

Quand nous arrivons, nous sommes accueillis par les jappements joyeux et impatients de Monsieur Alexandre qui attend sa promenade. Nous repartons donc, main dans la main, le long de la plage, à la lumière de la lune, pendant que le chien s’ébroue dans les vagues et se roule dans le sable. La mer noire, dont les crêtes passagèrement éclairée par la lune scintillent sous la lumière blanche, ressemble à un miroir magique, mouvant et changeant. Capable,  pour qui sait le lire, de prédire peut-être un avenir. Je veux écrire le mien sur cette plage, dans cette mer que j’aimais avant même de la connaitre. Je veux l’écrire près de cet homme qui me serre contre lui et m’embrasse le haut du crâne. J’ai enlevé mes chaussures et j’enfonce mes orteils dans le sable glacé pour me sentir plus vivanteencore. Je regarde Thomas et je lui dis :

– je suis heureuse.

– tu vois, je te l’avais dit, le roux c’est la solution à tous les problèmes.

Je ris doucement et je répète :

– je suis heureuse, Thomas et c’est grâce à toi.

– moi aussi je suis heureux Virginie, et c’est parce que tu es là, dit-il, soudain grave. Tu imagines si tu avais décidé de partir ? Ce que serait ma vie maintenant ? Un désert, un océan de vide !

– non, tu ne peux pas dire ça, si j’étais partie, je t’aurais laissé le vague souvenir d’une fille paumée.

– non, ne crois pas ça. J’aurai été anéanti et je t’aurai probablement cherché partout.

– je ne veux plus qu’on me cherche, je veux qu’on m’oublie. Je veux disparaitre.

– moi je ne t’oublierai jamais et je ne te laisserai pas disparaitre !

– pour le moment mais tu es jeune et tu as beaucoup de choses à faire avant de construire ta vie.

– ne t’inquiète pas pour ça. Je suis capable de faire les deux en même temps et je ne veux rien construire sans toi.

– c’est ridicule, tu me connais à peine. Je suis là depuis à peine quatre jours. Tu ne peux pas dire ça !

– écoute-moi quand je te parle Virginie : je t’aime et je veux rester avec toi. Depuis quatre jours, je me sens un homme nouveau. Je n’ai jamais été aussi heureux et aussi amoureux, et si tu ne me crois pas, je te fais l’amour, là, toute de suite, sur la plage !

– je te crois…pas !

– Tu l’auras voulu, dit-il en me faisant tomber doucement dans le sable. Il est si froid que cela ma coupe le souffle mais le corps de thomas qui se pose sur moi, sa main qui descend ma culotte et écarte mes jambes, son sexe qui s’introduit en moi, brulant et affamé, me font oublier la sensation glacé dans mon dos. Nous sommes seuls, les maisons alentour sont inoccupées, alors nous haletons et gémissons sans prendre garde au véhicule qui s’approche lentement au-dessus de nous et s’immobilise, moteur allumé. Ce n’est que quand nous sommes pris dans le faisceau d’une puissante lampe torche que nous interrompons notre copulation joyeuse et bruyante.

– et alors, qu’est-ce qui se passe là ? dit une voix rude à l’accent du midi.

– nous nous relevons et Thomas remonte prestement son pantalon. La lumière est aveuglante et son propriétaire n’est qu’une voix.

– Gendarmerie Nationale, brigadier Maunier, messieurs dames, qu’est-ce que c’est que ces manières, vous vous croyez où ? Ce n’est pas votre chambre à coucher, jeunes gens !

– excusez-nous, brigadier, nous promenions le chien et comment dire…nous nous sommes un peu laissé aller.

– identité je vous prie, reprends la voix dont l’amusement commence à pointer.

– je suis Thomas Ferrand, brigadier, j’habite la maison de la falaise, là, dit-il en tendant vainement sa main vers l’obscurité, aveuglé qu’il est par le rayon lumineux.

– le petit Thomas ! Et bé, tu as bien grandit mon garçon, si tu vois ce que je veux dire. Oh collègue, qu’est-ce qu’on fait ? On verbalise ? Mais on entend qu’il rit en parlant et je sens lentement se desserrer l’étau glacé qui m’a noué le ventre.

– laisse, c’est des jeunes, répond une voix un peu étouffée dont le propriétaire n’est même pas descendu du véhicule.

– et la jeune fille, c’est qui ?

Je suis interdite. J’avais espéré ne pas avoir à répondre à cette question et j’ai l’impression que le sable se dérobe sous mes pieds. Au moment où je vais tomber, Thomasintervient :

– c’est une copine de fac, Salomé Provand. Nous sommes dans la même promo, brigadier.

– elle a perdu sa langue, la demoiselle ?

– …non, excusez-moi, mais j’ai tellement honte, c’est tout ce que je trouve à dire quand le coude dur de Thomas se plante vigoureusement dans mes côtes.

– allez, c’est bon, les jeunes, mais faites donc vos petites affaires dans une chambre, comme toute le monde. Bonne nuit.

– bonne nuit brigadier.

La voiture repart lentement, et enfin libéré de l’aveuglement de la torche, nous la voyons monter jusqu’à la maison éclairée pour y effectuer un demi-tour. La voiture repasse ensuite devant nous, et à travers la vitre, je vois le brigadier qui sourit.

– tu avais raison, dehors, c’est pas génial. Allez, on rentre, dit Thomas qui se veut détendu. Mais il serre ma main si fort que je devine son anxiété.

– j’ai eu peur, je ne m’étais pas préparée à ça !

– oui, et c’est une erreur, on aurait dû y penser tout de suite ! Il te faut un nouveau nom, au moins pour pouvoir le dire. Je pense que tu peux garder Virginie tu sais.

– j’aime bien Salomé. Tu as couché avec elle, c’est pour ça que ça t’es venu si facilement ?

-…oui, une fois mais rien de sérieux. Je ne sais pas pourquoi j’ai dit son nom. C’est le seul qui soit venu.

– Bon d’accord, oublions Salomé alors. Enfin, dis-moi, elle est comment ?

– des milliards de fois moins bien que toi !

– tu dis ça pour que j’arrête de te poser des questions sur elle, hein ?

– ben en fait, j’étais un peu amoureux d’elle si tu veux tout savoir  et puis on a couché ensemble et c’était un désastre.

– c’est-à-dire ?

– d’accord je te raconte, mais toi après tu me raconte ta pire fois.

– ça va être dur.

– oui, mais c’est le deal sinon je ne te parle pas d’elle.

 Nous nous sommes affalé dans le canapé et thomas nous sert un armagnac pour nous remettre.

– alors, Salomé ?

Tu n’as pas accepté le deal !

– bon d’accord. Je te raconterai ma pire fois et tu regretteras de me l’avoir demandé.

– ça marche. Alors, tu sais, c’était à une soirée étudiante. Elle me plaisait beaucoup.

– elle est comment ?

– elle était grande et brune. Une belle fille avec des gros seins. Je sais c’est très cliché mais je ne vais pas la changer pour la rendre moins attirante. Elle m’a entrainé dans sa chambre et elle s’est déshabillée. Elle a juste gardé son soutif et c’était une bonne idée parce qu’il rendait sa poitrine vraiment bandante, enfin…. elle m’a enlevé mon tee-shirt, mon pantalon et mon caleçon. Je me laissais faire, tu as remarqué, j’ai rien contre.

– et alors ? J’ai dit, légèrement irritée, hésitant entre excitation et jalousie.

– alors elle m’a enfilé une capote. Elle avait l’air experte et je me suis dit que j’avais intérêt à assurer, ensuite elle s’est assise sur ma queue comme si c’était naturel et elle a commencé à bouger vite en poussant des petits soupirs, les yeux fermés mais, il y avait quelque chose qui clochait, je n’arrivais pas à dire quoi.  Je l’ai arrêté et je lui ai demandé de me laisser venir dessus. Elle a rien dit. Elle s’est allongé sur le dos et a écarté les jambes. Je voulais lui dire un peu bonjour, tu sais, mais quand elle a vu mon visage s’approcher de son sexe, elle a presque crié « mais qu’est-ce que tu fais ? ben, je te lèche un peu ; non, arrête tout de suite, j’ai horreur de ça ! » Il prend une voix de aigue et ridicule pour contrefaire Salomé et j’ai envie de rire.

– bon, donc, reprend-il après que j’ai fini de glousser. Alors je me suis encastré entre ses jambes et j’ai commencé à bouger en espérant qu’elle soit plus réactive. J’ai tout essayé. Parfois je la surprenais en train de regarder le plafond. J’aurai pu éjaculer et m’en aller mais j’étais tellement déçu que je suis ressorti, j’ai enlevé le préservatif sec et je le lui ai tendu en lui disant « tiens, il peut resservir ! » et je suis parti. Après, on s’est plus adressé la parole. Les autres mecs en parlaient comme d’une salope mais quand je les ai un peu interrogé, ils ont reconnu qu’ils avaient pris leur pied mais qu’elle, elle faisait plutôt la morte. J’avais de la peine pour elle.

– et c’est à elle que tu as pensé spontanément quand il a fallu me trouver un nom ? Je crie presque tellement je me suis vexée.

– je sais, ça parait stupide, mais, vous avez un truc en commun.

– quoi j’aimerai bien le savoir !

– tu es terriblement excitante, dit-il en approchant dangereusement sa main de mon sexe sous ma robe dont la jupe évasée remonte sans résister le long de mes cuisses. Je sens une chaleur envahir mon bas ventre et je me recule pour me tenir à distance. Je suis en colère.

– et toi alors, on avait un marché !

– non, je ne te dirais rien.

– bon, comme tu voudras, dit-il en rampant jusqu’à moi, coincée dans l’angle du canapé. Il tire sur mes jambes et m’allonge comme si je ne pesais rien. J’ai beau essayer, je ne peux pas résister à son attraction et il est en moi si vite, que j’ai un sursaut de plaisir, comme une décharge électrique directement dans mon vagin. Mais il ne bouge pas, même si je sens sa queue palpiter.

– alors, raconte.

– je peux pas, je murmure en me tortillant, s’il te plait…

– non, j’attends…

– d’accord, mais on va faire vite alors.

– je veux tous les détails, j’ai tout mon temps, dit-il maintenant qu’il me tient fermement par le poids de son bassin sur le mien, sa bite tape un peu au fond et c’est bon.

– d’accord, c’était avant mon mari. Un type que j’avais rencontré en boite, un boutonneux tout maigre et pas très beau. Il m’emmène chez lui, enfin chez ses parents. On était jeune. Il a une chambre de garçon, poster de footballeurs et de maquettes d’avion, tu vois le genre et une odeur de chaussettes sales épouvantables.

Pendant que je parle, Thomas a dégagé ma poitrine et suçote mes tétons. Je geins  et m’interromps.

– continue, je veux savoir !

– j’y arrive pas…

– allez, concentre-toi !

– bon, je dis en essayant d’oublier la douceur de ses lèvres qui me tètent. Alors, il ne sait pas quoi faire, il est là, les bras ballant. Alors je m’approche, je l’embrasse comme je peux et je me frotte un peu contre son pantalon, enfin contre son sexe quoi et il a comme un hoquet et c’est tout !

– non, je te crois pas ! Il a éjaculé ?

– oui !Bouge maintenant !

– non, qu’est ce qui s’est passé après ?

– rien. Allez, je t’en prie, c’est trop bon…

– non, je veux la suite ! Il a posé sa tête contre mon cou et je sens sa respiration chaude dans ma nuque. Ses doigts caressent ma poitrine avec tant de délicatesse que je frissonne de plaisir et il se contracte en retour. Le sentir durcir dans mon vagin me rapproche encore un peu de l’orgasme. J’ai du mal à parler tant les sensations dans mon bas ventre sont fortes et entêtantes. Je peine à reprendre mon souffle entre deux assauts de bonheur pur. J’ai intérêt à terminer rapidement mon histoire si je veux que l’on reprenne.

– après, il s’est excusé, il est revenu au bout de quelques minutes et il m’a attiré sur le lit. Il m’a enlevé ma culotte en me griffant et il s’est battu avec sa capote. J’ai cru qu’il allait la déchirer. Puis il m’a pénétré à moitié et il a jouit. Là j’en ai eu assez et je suis partie. Je t’avais dit que c’était nul.

– il a crié ? Il a fait un bruit ? Insiste Thomas qui semble déterminé à me faire attendre.

– oui, une sorte de petit cri de surprise, c’est tout.

– mon pauvre amour, je vais te faire oublier tout ça !

Et il s’y emploi si bien que le petit matin rayonne quand nous nous endormons enfin. J’ai eu tant de plaisirs subtils et délicats cette nuit, que je suis comblée. Je me sens heureuse et épanouie pour la première fois depuis si longtemps, comme l’avait prédit Thomas.

Vers midi, peu de sommeil mais beaucoup d’endorphine, je me réveille. Thomas travaille à son bureau et je descends le plus silencieusement possible pour ne pas le déranger. Le café encore chaud m’attend dans sa cafetière de verre. Du pain frais trône sur la table agrémenté de croissants. Je déjeune avec avidité. Dehors, le vent s’est levé et son sifflement constant le long de la maison me donne l’impression d’être en pleine mer. Il vient survoler le toit de toute sa puissance et je l’entends passer par rafales ininterrompues. La mer, étonnamment lisse, frise d’écume blanche et serrée. Elle semble se retirer loin de cette côte qui la refroidit. Quand je sors promener le chien, je suis fouettée par des rafales de sable qui entre violement dans mes yeux et me piquent durement les jambes. Même Monsieur Alexandre ne souhaite pas s’éterniser dans cet élément hostile. Après des besoins rapidement fait derrière un buisson, il galope jusqu’à la maison, m’abandonnant à la rudesse du temps. Les animaux sont ingrats me dis-je en remontant le plus rapidement possible. Quand je referme enfin la porte sur mon corps endolori, j’ai l’impression de claquer la porte au nez de l’enfer. Le vent m’a suivi jusqu’en haut des marches qui sont constellées de grains de sable que les rafales tourmentent sans répits.

– c’est dur, n’est pas ? C’est le vent du nord. Quand il commence, il peut être très violent. Mais en général il ne dure pas, un jour ou deux, tout au plus, me dit Thomas qui m’attend dans la cuisine, perché sur un haut tabouret.

– deux jours ? Mais je ne tiendrais pas si longtemps. Comment fais-tu pour rester si calme. Tu entends ce bruit ?

On dirait que le vent m’a écouté et il redouble de puissance, sifflant comme un dément aux angles de la maison où il s’accroche, glaçant la mer de son souffle froid. Les vagues déjà presque inexistantes s’écrasent totalement et la surface tourmentée devient verte et presque lisse sous son poids.

– je ne fais rien. Tu sais c’est normal ici, on est habité.

– mais le sable, j’en ai plein les cheveux, regarde.

Je secoue ma tête vers le sol et elle déverse des dizaines de grains emprisonnés dans la pagaille emmêlée de mes cheveux que le vent a chiffonnés.

– je sais, imagine ce que je devrais dire moi avec mes cheveux bouclés. Mais c’est parce que nous sommes vraiment très près de la plage. À l’intérieur des terres, tu ne le ressens pas comme ça. Mais il est froid, ça c’est sûr. Parfois, on ressort les pulls en plein mois de juin. Ça peut arriver en été aussi.

– je ne suis pas sûre de le supporter longtemps. Je crois que ça va me rendre folle.

– il le faudra bien pourtant. Je te rappelle que tu es une fugitive qui se cache sous sa perruque rousse.

Thomas pensait faire de l’humour mais ma condition, rappelé de façon aussi claire après la frayeur des gendarmes hier soir, m’assombrit instantanément. Je me sentais si bien que j’en avais presque oublié Paul et ce foutu couteau planté dans son cœur. Thomas se précipite à bas de son tabouret et me prend dans ses bras en disant :

– je suis désolé, Virginie. C’était totalement idiot de dire ça mais à te voir promener le chien et te battre contre le vent, j’ai oublié tout ce qui t’avait conduit ici. Excuse-moi.

– je ne vais pas pouvoir rester, je sanglote contre son épaule. Il faut que je m’en aille. Regarde ce qui s’est passé hier soir. J’ai eu de la chance. Il te connaissait  mais si je tombe sur un gendarme quand je suis toute seule, je n’ai que mes papiers et je ne peux pas les montrer. Je ne veux pas retourner là-bas. Je ne veux jamais y retourner.

– nous allons te trouver un nouveau nom, ne t’inquiète pas. Je suis sûr qu’il y a des solutions. C’est juste que nous n’avons pas pris le temps d’y réfléchir, c’est tout.

– je ne crois pas que ça va marcher.

– non, ne dis pas ça. Je ne veux pas t’entendre dire des choses comme ça. Bien sûr que ça va marcher, ça doit marcher parce que je ne peux pas te laisser partir. Écoute-moi bien Virginie, je ne peux pas, c’est au-dessus de mes force.

– mais il le faudra bien pourtant. Tu vas repartir passer tes examens et tes parents vont arriver.

– je sais, dit-il dans un souffle, j’y pense constamment. Mais on a encore du temps, on a du temps pour trouver des solutions. Il y a des solutions à tout, fais-moi confiance.

– j’essaie, je dis en glissant mes mains sous son tee-shirt pour toucher sa peau douce d’enfant qui a grandi. Parce que c’est ce qu’il est, sous ses airs matures. Un enfant qui veut que ses rêves deviennent réels. Moi je sais que ça n’arrive pas. On n’échappe pas à son destin. Je n’ai pas échappé à Paul. Je n’ai pas échappé aux coups et même si j’ai momentanément fuis parce que je ne savais pas quoi faire d’autre, je sais que je n’échapperais pas à mon jugement. 

 

– on est jugé quand on est accusé, Madame Fauré !

– vous croyez ? De quoi étais-je accusée durant ces dix dernières années de mariage ? Comment expliquez-vous toute cette souffrance, vous qui pensez tout savoir ? Avais-je mérité d’être rouée de coups par un mari violent et infidèle ? Qu’avais je fais de mal pour que cela m’arrive ? Moi, je crois qu’on nait avec la poisse et qu’elle vous court derrière. D’ailleurs, la preuve, je suis ici ! Ai-je échappé à mon destin d’après vous ?

– si vous n’avez rien à vous reproché, vous ressortirez libre.

– je l’espère, mais j’ai arrêté d’y croire depuis longtemps. J’ai juste eu un répit. Mais je suis ici, dans cette région que je déteste, dans ce commissariat misérable et je pense que je ne suis pas près de revoir le soleil.

Il reste un temps silencieux puis il reprend :

– vous saviez que Vanessa Rabatto faisait des films de ses ébats avec Paul pour les donner à son mari ?

Je me demande comment il a appris ça et mon air ébahi doit être si évident, qu’il ajoute.

– visiblement pas.

– je ne vais pas vous mentir. Mon mari, comme vous l’avez compris, avait des pratiques sexuelles particulières. Je ne savais pas pour les Rabatto, mais Paul aimait bien filmer ses performances.

– vous étiez au courant ?

– bien sûr, il nous a filmé de nombreuses fois.

– mais pourquoi n’en avoir rien dit ?

– quel rapport cela avait-il avec sa mort ? Les films, il les faisait depuis des années. Ce n’est pas ça qui l’a tué. Quand il n’avait rien de plus professionnel, son Smartphone faisait l’affaire.

– mais pourquoi faisait-il ça ?

Je pourrais lui dire que sa question n’a rien à voir avec cet interrogatoire mais je vois bien qu’il m’interroge sincèrement alors je décide de lui répondre.

– d’abord  parce que ça l’excitait. Ensuite, parce qu’il aimait se regarder plus tard. Il critiquait ses « performances ». C’est lui qui les appelaient comme ça. Il les visionnait pour améliorer les films suivants.

– c’est-à-dire ? Il a l’air totalement interloqué.

– si vous pensez qu’il améliorait ses performances sexuelles, détrompez-vous. J’ai presque envie de rire tellement il semble perdu, non !Seulement l’aspect esthétique de l’acte. Il changeait l’angle, pour qu’on voie mieux son sexe, des trucs comme ça. Comme un vrai film porno. Il travaillait ses cris aussi, pour que ça sonne bien.

– mais il était malade !

-…c’est vous qui l’avez dit.

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