A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Troisième Partie – Chapitre 2

Chapitre 2

47° jour de la saison de printemps de l’an 1

En fin d’après midi, totalement décalée et un peu perdue, je me rendis chez Martial qui avait aménagé un coin de vie dans une annexe de son atelier. Une table, un lit, un coin cuisine et une petite salle de bain semblait suffire à leur bonheur.

Ils étaient encore sur leurs ordinateurs mais Serarpi semblait détendue. Elle sourit en me voyant :

– ah, voilà l’enfant prodigue. Tu devrais arrêter de disparaitre des écrans radars, tu le rends fou !

– je suis désolée, je ne savais pas que les balises ne fonctionnaient pas dans les grottes. C’est un ami qui me l’a expliqué, lançais-je imprudemment.

– un ami ? Mais je croyais que tu étais partie toute seule ?

– j’ai dit un ami ? Je voulais dire que j’ai vérifié dans les fichiers…oh et puis après tout…j’ai rencontré quelqu’un dans les grottes ! Je ne vais pas vous le cacher éternellement. En fait, j’ai découvert beaucoup de choses qui n’ont aucun sens pour le moment.

– raconte ou je t’étrange, dit Martial en mimant le geste d’une façon si réaliste que j’aurai eu peur si je ne l’avais pas si bien connu.

Alors je leur expliquais les traces de mains incrustées dans la pierre avec leurs reflets bleutés et nacrés, les couloirs qui ne menaient nulle part, les apparitions et les disparitions inexpliquées, les gardes ainsi que toutes les informations que m’avait donné l’inconnu sur sa vie à Matria depuis son arrivée.

Mais je gardais pour moi le rendez-vous que nous avions pris car je voyais des plis soucieux se creuser sur le front de Martial.

– ça alors ! Il reste donc des hordes de mercenaires et des gardes en maraude. Il faut absolument renforcer les protections du village. Ils finiront bien un jour par nous découvrir, il faut que nous soyons prêts, s’exclama-t-il en se déplaçant à grands pas dans l’espace restreint.

– il me semble avoir compris qu’ils n’ont pas de moyen pour nous repérer. Seules les balises le leur permettent, lui répondis-je.

– il ne faut plus que tu portes la tienne pour le moment, dit-il soudain anxieux.  Donne la moi immédiatement je vais la désactiver.

Je lui tendis le boitier qu’il ouvrit à l’aide d’un couteau et en retira l’émetteur et la batterie.

– voilà, maintenant, tu es intraçable, mais tu l’as été !

– peut-être n’étions nous pas sur les mêmes fréquences ? As-tu repérés d’autres signaux que le mien ?

– non, en effet, mais s’ils ne sortent pas des grottes et que leur signal n’est pas détectable à l’intérieur, on ne peut pas en être sûr.

– tu as raison.

– il faut que nous avancions le départ pour le vaisseau présidentiel, interrompis Serarpi. J’ai fini l’encodage. A priori, dès que nous arriverons près du vaisseau, nous en prendrons les commandes ce qui nous permettra d’ouvrir les sas et de circuler sans risque. Il reste à souhaiter qu’il n’ait laissé personne en poste à l’intérieur ! Pour le reste, j’ai tout ce qu’il faut pour gagner un temps précieux. Nous n’y resterons pas longtemps, quelques heures tout au plus, dit-elle en montrant des boitiers et des câbles aux fonctions mystérieuses.

– ça nous permettra de remplir des navettes avec des armes, ajouta Martial. Nous ne l’avions pas fait l’autre fois parce que nous n’en voyions pas la nécessité, mais là, je pense qu’il est temps de s’armer et de fortifier le village. Nous ne sommes pas très nombreux mais nous avons des réserves. Nous pouvons tenir un siège. Je ne pense pas que qui que ce soit arrive par la mer, ce qui limitera les risques. Il faut que tu prennes la parole ce soir et que tu avertisses le village. Tout le monde doit se préparer. Nous avons parmi nous quelques gardes qui pourront être utiles pour assurer la sécurité et des ingénieurs qui peuvent nous aider à élaborer des stratégies de défense efficaces pour repousser un assaut.

– alors tout recommence ! m’écriais-je soudain révoltée. Nous avons fuit la terre pour rien ! 

– je sais Zellana, c’est terrible de se dire ça, mais nous n’allons pas nous laisser massacrer par une bande de brutes parce que nous avons décidé d’être pacifique ! Je veux bien vivre en paix ici, mais je ne veux pas qu’on touche à tout ce que nous avons construit et puis, pense à tous ces bébés qui sont nés ou qui vont naitre. Mes jumeaux, par exemple, ils n’ont que quelques semaines. Ils ont mérité de vivre dans un monde sûr. On ne peut pas prendre le risque que ces gens débarquent avec leurs armes, nous massacrent, pillent, violent…

– d’accord, tu as raison, je réunirai le village à la tombé de la  nuit. Demain, nous préparerons l’expédition et nous partirons dans trois jours, ça vous va ?

– pourquoi pas dès le lendemain ? demanda Serarpi légèrement étonnée.

– parce que…j’ai encore des choses à vérifier, lui répondis-je en reculant vers la porte.

Je tournais les talons et partis rapidement parce que je ne voulais pas parler de mon rendez-vous avec l’inconnu. Martial m’aurait empêché d’y aller et je ne voulais le rater pour rien au monde.

Le soir, tout le monde était réuni dans la grande salle qui s’était dotée de lits d’enfants et de petits hamacs suspendus aux poutres dans lesquels certains bébés dormaient déjà tranquillement, bercés par les bruits ambiants.

Je montais sur l’estrade qui avait été construite quelques mois plus tôt et dotée d’un pupitre massif permettant de poser des documents. Je n’en avais pas. Ce soir, je n’avais que mes mots. Aucune note n’aurait pu m’aider à dire ce que je devais leur annoncer :

– mes amis, je vous ai réuni ce soir pour vous communiquer des informations préoccupantes. Je vous rassure tout de suite, nous ne courrons pas un danger imminent. Mais pour éviter que cela n’arrive un jour, nous allons devoir modifier nos habitudes, nos tâches à l’intérieur du village et nos sorties à l’extérieur. Vous vous souvenez tous que je faisais des recherches sur les premiers colons. Et bien j’ai découverts qu’ils étaient toujours sur Matria. A cela rien d’étonnant, où auraient-ils pu aller ? Mais il y a eu plusieurs vagues de colonisation. La première a déposé sur ce sol des mercenaires sans scrupules lourdement armés. Comme ils sont rapidement devenus incontrôlables et n’assumaient plus les tâches qu’on leur avait confiées, le gouvernement a fait venir des gardes tout aussi armés, qui avaient pour missions de les éradiquer. En même temps qu’eux, sont arrivés d’autres hommes aussi peu recommandables, mais que l’on avait muni de colliers pour les contrôler. Cela servait autant à les localier qu’à les faire obéir. Leurs fonctions incapacitantes rendaient les hommes dociles et  ils explosaient si ils tentaient de les enlever.

L’assemblée eut un cri d’indignation.

– oui, j’ai été aussi révoltée que vous quand je l’ai appris. M’écriais pour faire taire le brouhaha qui s’élevait de l’assemblée. Quand ils ont eu remis un peu d’ordre, les arrivées humaines ont continué. Les hommes suivants étaient plus qualifiés et sans collier, mais j’ai découvert récemment qu’on les avait tous équipés d’une balise insérée sous la peau, au niveau de la nuque, ce qui les rendait facilement localisables. Une fois que leur mission était terminée, ils étaient éliminés. Il existerait, sur un site que je n’ai pas encore déterminé, peut-être même sur plusieurs sites, des charniers humains pour le prouver.

Les cris devinrent plus forts encore et réveillèrent les bébés. Il fallut du temps pour que tout le monde se calme.

Quand je repris la parole, le silence était religieux. Tout le monde pensait à ce que nous avions fuit, je le lisais sur leurs visages et tout le monde craignait, comme moi, que nous retombions dans le chaos que nous avions tenté de laisser derrière nous.

Je repris donc la parole avec tout le calme dont j’étais capable et j’expliquais :

– nous allons former un petit groupe qui va repartir sur le vaisseau présidentiel. Nous avons plusieurs raisons à cette expédition : tout d’abord, nous nous sommes aperçus, en dépouillant les données informatiques, qu’il manquait beaucoup de fichiers. Le gouvernement avait gardé ses plans pour lui. Tous ses fichiers sont stockés, bien cachés, dans la base de données centrale du vaisseau principal. Serarpi pense pouvoir les décoder. D’autre part, nous souhaitons prendre le contrôle de ce vaisseau, comme nous l’avons fait avec le précédent, afin que sa technologie ne puisse se retourner contre nous. Nous avons lancé un satellite en orbite qui nous révèle aux yeux de tous. Il ne faut pas que quelqu’un d’autre que nous y ait accès. Enfin, nous allons aussi nous équiper d’armes lourdes. Je n’aurai jamais pensé avoir à dire une chose pareille, mais nous ne pouvons laisser des sauvages, parce que c’est ce qu’ils sont devenus, débarquer ici, piller, voler et détruire tout notre travail. A ma connaissance, nous avons à faire à deux types de bandes armées : tout d’abord les mercenaires qui ont survécus. Ils sont là depuis plus de dix ans. Ils connaissent le territoire bien mieux que nous et ont visiblement des armes à leur disposition. Ce sont des hommes sanguinaires et sans scrupules. Ensuite il y a les gardes. Je n’ai pas réussi à déterminer si eux aussi avaient reniés toute appartenance au gouvernement ou s’ils agissaient sur ordre. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont aussi dangereux et tout aussi armés. Voilà ce à quoi nous devons nous préparer. Cependant, nous avons du temps, du moins je l’espère. En plus de l’enceinte que vous êtes entrain de construire, nous allons ajouter des tours de guets et des postes armés tout autour du village. J’espère que nous n’aurons jamais à nous en servir mais il faut tout de même nous y préparer. Nous les construirons dès notre retour. Si nous avons du temps, il serait peut-être utile de renforcer la palissade de bois d’un mur de pierre. Je sais que c’est un énorme travail mais il peut nous sauver la vie. Une dernière chose : ces hommes ont les moyens de se déplacer rapidement. Je n’ai pas encore compris comment mais il semblerait que ce soit par les grottes que j’ai découvertes. Peut-être un système de tunnels équipés de wagons ou d’engin motorisés…Je n’en sais rien. Je n’ai pas trouvé le moyen d’y pénétrer mais je vous recommande de vous tenir loin des grottes tant que nous n’auront pas éclairci tout cela, tout d’abord parce que vous mettriez votre vie en danger, mais aussi parce que vous nous feriez courir le risque d’être révélés plus tôt que prévu. Restez prudent. Sortez le moins possible de l’enceinte du village. Ne le faites pas seul et soyez toujours armés…vous savez tous combien cette dernière recommandation me coute !

Je n’avais plus rien à ajouter alors je les regardais les uns après les autres, les membres de cette petite assemblée auparavant joyeuse, que mon discours venaient d’effrayer et de décontenancer. Le silence régna un moment puis Martial se leva et prit la parole :

– écoutez, Zellana vous a fait part de nos craintes en regroupant diverses sources d’informations malheureusement fiables, mais nous allons faire tout notre possible pour que cela n’arrive pas. Cependant, si nous devons nous battre, nous le ferons. Nous n’avons pas accompli tout ça pour rien. Passez me voir demain matin, je vous distribuerai les armes que nous avons en stock. A notre retour, nous en rapporteront d’autres et nous serons en état de nous défendre correctement. Le village est grand. Tout est à l’intérieur de l’enceinte. Nous avons été prudents et avisés. Nous ne nous laisserons pas détruire par des sauvages !

Il y eut des cris de soutiens mais le moral des villageois était en berne. Personne n’avait imaginé, après cette année de paix et de travail serein et productif, que nous devions un jour revivre des jours sombres. Et pourtant.

Nous nous quittâmes sans sacrifier à la tradition du repas commun. Tout le monde avait peur et pour le moment, la combativité n’avait pas encore gagné les cœurs, mais cela viendrait, j’en étais persuadée. Dans l’adversité, nous dépassions tous nos frayeurs. Ces gens là ne se laisseraient pas dépouiller. Ils s’étaient battus pour ce qu’ils avaient maintenant et la bataille ne datait pas de l’installation. Elle avait commencé bien avant. Quand l’idée du départ avait germée dans les esprits. Quand ils avaient tous œuvré à leur manière pour que celui-ci puisse avoir lieu. Quand ils s’étaient révoltés contre le gouvernement qui voulait les détruire ou les réduire en esclavage. Alors, je le savais, ils allaient réagir, ils étaient juste momentanément sonnés.

Je dormis mal cette nuit là. Boulette s’agitait elle aussi comme si elle sentait les tourments qui m’habitaient. Par moment, je revoyais le visage de l’homme qui m’avait embrassé et mon cœur s’apaisait un instant puis s’emballait à nouveau, pris par des sentiments contradictoires. Pourquoi fallait-il que tout cela se percute ? N’aurais-je pas pu le rencontrer dans des circonstances moins dramatiques ? Cela l’aurait-il rendu moins attirant ?

Le lendemain, je conçu les plans des tours de guets en les plaçant de façon stratégique pour qu’aucun accès au village ne soit négligé. Il faudrait enfreindre la règle que nous nous étions fixés Martial, Serarpi et moi-même, et les équiper d’écrans de contrôle reliés aux bases de données informatiques. Ils donneraient de précieuses indications sur les éventuels arrivants. Leur provenance, leur nombre et même leurs armes pourraient être repérés. Ensuite, je m’évertuais à renforcer la palissade d’un épais mur de pierre qui la recouvrait jusqu’à mi-hauteur tout en me demandant où nous les trouverions et comment nous les transporterions. Nous avions utilisé toutes les pierres de bonnes taille pour la construction des maisons et des bâtiments et nous avions élargis notre périmètre de recherche si loin qu’il avait fallu, dans les derniers temps, deux jours de trajets pour les ramener sur de lourdes charrettes tirées par des bœufs.

Tard dans la soirée, j’eu la surprise de voir arriver Joshua qui se tenait loin de moi depuis des semaines. Il entra, un peu agressif, sans dire bonsoir. Pourtant sa visite partait d’une bonne intention :

– je m’inquiète pour toi Zellana, dit-il sans préambule. Tu pars toute seule, tu fais des découvertes effrayantes au risque de te mettre en danger ; tu construits des bastions, ajouta-il en désignant la table lumineuse qui montrait mon travail du jour. Tu fais des plans de guerre avec Martial et Serarpi…

– oui je fais tout ça parce que je peux le faire. J’ai les connaissances techniques et l’envie d’en savoir plus. Il me semble qu’aucun de vous ne se soit jamais interrogé sur ce qui avait bien pu se passer sur cette planète avant notre arrivée. Et je ne parle que de l’arrivée des humains…

– que veux-tu dire ?

– rien, ça n’a pas d’importance pour le moment. Que veux-tu au juste ? Je ne comprends pas. Tu viens me mettre en garde ? Contre quoi ? Tu veux me protéger ? Il fallait rester avec moi ! Il est trop tard maintenant pour jouer au mari dévoué et soucieux.

– en fait, je voulais t’annoncer une nouvelle avant que tu l’apprennes par quelqu’un d’autre, je te dois bien ça…voilà, Daïa et moi allons avoir un enfant. Je l’ai appris il y a peu de temps et toutes les nouvelles alarmantes dont tu nous as fait part hier soir m’ont énormément perturbé.

– je suis désolée de t’avoir perturbé. Tu féliciteras de ma part la future maman et maintenant je vais te demander de sortir de chez moi. Tu n’y as pas ta place, surtout si c’est pour m’imposer tes reproches et ton air sombre et perturbé. Voilà pourquoi je ne voulais pas d’enfant, nous ne savions pas ce que nous allions trouver. Je redoutais quelque chose comme cela depuis le début, mais si je vous en avais parlé, et le l’ai fait d’ailleurs, vous ne m’auriez pas écouté. Vous m’avez rit au nez quand je me suis intéressé aux colons. Vous avez pris ça pour la quête effrénée d’une femme abandonnée. Mais il n’en était rien ! Je savais ce que je faisais et j’ai eu raison de le faire. Je ne suis pas malheureuse sans toi Joshua et je me fiche de ce que fais Nuncio. Vous ne me manquez ni l’un ni l’autre. Je regrette de devoir te le dire, mais je ne me suis jamais sentie aussi libre que depuis que nous nous sommes séparés. Alors, rengaine ta pitié et tes bonnes intentions. Si tu as peur pour ta femme et ton bébé, va te réfugier dans les collines, je ne pense pas que tu y sois en danger !

Je lui tournais le dos et m’apprêtais à reprendre mon travail quand il cria :

– alors c’est comme ça ? Ça se finit comme ça entre nous ? Tu crois que tu peux me balayer de ta vie d’un revers de main comme si je n’avais jamais existé ?

– Joshua, lequel de nous deux a trompé l’autre ? lui rétorquais-je, sentant une étrange colère grandir en moi. Lequel de nous deux s’est installé avec sa maitresse ? Lequel de nous deux va avoir un bébé ? Qui a rayé l’autre de sa vie en premier ? De quoi me parles-tu ? Tu retournes la situation à ton avantage. Que veux-tu de moi ? Tu ne peux pas nous avoir toutes les deux. Tu l’as elle. Elle te donne l’enfant que je n’aurais jamais eu avec toi, alors prends le et sois en heureux ! Je ne te fais aucun reproche mais je ne veux plus jamais avoir à te rendre de compte.

– je suis désolé Zellana, je ne voulais pas dire ça, dit-il penaud en baisant la tête. Mais je n’ai jamais cessé de t’aimer et ça me détruit de te savoir seule, parcourant le territoire. J’aurai tellement voulu vivre ça avec toi. J’aurai voulu passer ma vie à tes cotés…Tout partager avec toi. Cet enfant qui va naitre aurait dû être le notre !

– non Joshua, c’est le tien et celui de Daïa. Aime là comme elle t’aime. Elle porte ton enfant. Tu ne peux pas lui faire ça. Moi, je ne t’aime pas. Tu me manques parfois, tu étais mon frère, mon meilleur ami, jusqu’à ce que tu mettes un mur entre nous. Va vivre ta vie, sois heureux. Tu n’es pas seul. Tu as une femme qui t’aime. Ne me regrette pas, je ne t’aurais jamais apporté tout ça.

– mais tu m’apportais tellement plus Zellana. Vivre avec toi était un défi permanent ! Tu voulais tellement ! Je ne me suis jamais senti à la hauteur de tes attentes. Sur le vaisseau, quand je te voyais concevoir Materia, je t’admirais et je t’en voulais en même temps. Tu es si douée, si rapide, si pleine de talent. Je me suis trouvé terne et sans attraits. Alors, quand tu m’as dit que tu doutais de tes sentiments, j’ai préféré fuir loin de toi. Mais je le regrette maintenant, je le regrette à chaque instant.

– il est trop tard Joshua, tu vas avoir un enfant, tu ne peux pas lui faire ça. Je déplore que nous en soyons arrivé là. Nous aurions dû parler avant, peut-être cela aurait-il était plus facile pour toi. Tu resteras toujours un être cher pour moi. Tu as beaucoup compté et tu comptes encore, mais j’ai ma vie et je m’y sens bien. De ton coté, tu as pris des engagements et Daïa t’aime profondément, cela se voit à la manière dont elle te couve et dont elle me regarde. Ce bébé va vous rapprocher, j’en suis sure. Nous pouvons devenir les meilleurs amis du monde si tu le souhaites mais il n’y aura jamais rien d’autre entre nous. C’est fini Joshua. Je pris sa tête entre mes mains et caressais son visage pour le réconforter. Il semblait si troublé et si malheureux. Il s’accrocha à moi comme s’il se noyait puis aussi soudainement qu’il était entré, il sorti, renversant une chaise sur son passage sans se retourner pour la ramasser. Il disparu dans la nuit et j’entendis son pas rapide sur le chemin sablonneux. Puis le silence revint. Je fermais la porte et les volets. Je voulais être tranquille et passer une bonne nuit. Mais malgré tous mes efforts, elle fut calamiteuse. Je ne cessais de me réveiller, faisant finalement fuir Boulette qui détestait ces réveils violents.

Le lendemain, je m’éveillais tôt après quelques heures laborieusement arrachées au sommeil. Je me souvenais parfaitement de la plage de la falaise et j’hésitais entre prendre un cheval ou mon deltaplane. Il était probable qu’on ne me laisse pas facilement repartir en deltaplane, nous étions si proche du départ de la navette. Alors je me résolu à aller trouver Amozzo qui accepta de sceller gazelle. Elle m’attendait, piaffant dans son enclos. Je l’avais pas mal délaissée ces derniers temps et elle s’envola presque d’un galop si rapide que je dus m’agripper à sa crinière en serrant fort mes genoux autour de son corps délié. Après une course rapide qui nous amena hors du village, sous les regards étonnés de ceux qui travaillaient sur la palissade, je longeais l’océan à une allure plus raisonnable. Gazelle était contente de se retrouver en liberté et je me rendais vers un rendez-vous incertain mais plein de promesses. J’avais soigneusement emballée la lampe pour ne pas l’abimer d’avantage et grâce aux capteurs qui avaient enregistré la pièce, je savais exactement où je devais la reposer.

La matinée était bien entamée quand j’y parvins. J’étais tentée de laisser la jument brouter l’herbe au sommet de la falaise. Le chemin était abrupt et il y avait que du sable en bas. Mais je redoutais de la laisser seule. Outre les animaux que nous ne connaissions pas en totalité, il y avait maintenant des hommes qui rodaient en liberté. Je lui fis dons parcourir lentement le chemin escarpé en la guidant par la bride. Je marchais lentement et elle me suivait, docile, attentive au sol. Elle posait soigneusement ses jolis sabots vernissés le long du sentier en se serrant contre la falaise. Quand nous parvînmes en bas, elle trouva quelques buissons d’herbe un peu sèche qu’elle mâchonna tranquillement.

Rassurée de la savoir en sécurité, je la laissais sur la plage et je me rendis dans la grotte en empruntant une des entrées et déposais la lampe au fond, sur la pierre où je l’avais ramassée. Au moment où je me retournais, j’entendis du bruit derrière moi et je fis volte-face, le cœur battant. Il était là, je ne savais pas comment il y était parvenu, mais il était là. Il prit mes bras et me regarda attentivement puis il dit :

– vous allez bien ? Comme s’il avait craint qu’il me soit arrivé quelque chose.

– oui, et vous, vous êtes toujours suivi ?

– non, vous aviez raison. J’ai jeté la capsule loin dans la chaine de montagnes et je les ai observé se perdre dans la neige. Mais ils ne la retrouveront pas. Je l’ai enveloppée dans de la nourriture et dans cet endroit, elle sera vite dévoré par un animal qui va les balader un moment. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je me sens libre depuis que je vous ai rencontré !

– oh si…murmurais-je.

– alors, racontez moi. Non, attendez, sortons de la grotte, on ne sait jamais qui circule dedans.

– mais il n’y a rien. Juste une grotte. Je ne sais même pas par où vous êtes entré.

– il serait plus juste de dire par où je suis sorti, mais nous en parlerons plus tard, croyez moi, il vaut mieux trouver refuge dehors…

Il m’entraina sur la plage et découvrit gazelle.

– vous avez un cheval ? Il est magnifique. Je n’en ai pas vu depuis si longtemps, je peux m’en approcher ?

– oui, c’est une jument, elle s’appelle Gazelle. 

Il avança doucement vers l’animal qui l’ignora, continuant à arracher les herbes résistantes de ses dents puissantes. Mais quand il fut à ses côtés, elle hennit. Il s’immobilisa et tendit lentement la main. Elle le regarda, tournant légèrement la tête puis elle commença à le renifler. Je voyais ses grosses babines sombres suivre le contour de son ventre et de son torse. Finalement, ils se retrouvèrent face à face et elle eut un petit mouvement de la tête, comme une invite. Il mit sa main sur son cou, son pied dans l’étrier et il était en selle. Je les regardais fascinée, lui droit et splendide, elle docile et rendue. Il la fit avancer lentement dans le sable fin puis il la flatta et lui parla un moment doucement. Je n’entendais pas ce qu’il lui disait mais elle secouait la tête de temps en temps comme si elle acquiesçait. Ils s’approchèrent de moi et il m’invita à monter :

– on va faire une ballade sur la plage ?

Je le laissais me hisser dans son dos et je me collais à lui. Je sentais ses muscles noueux à travers le tissu usé de sa chemise sans couleur. Je serrais mes bras autour de lui et il éperonna doucement Gazelle qui commença à avancer. Il l’a fit avancer le long des vagues, là où le sable est dur d’eau puis, l’entrainant résolument vers la mer, Il lui fit contourner un éperon rocheux en la faisant marcher dans l’eau. Elle ne rechigna pas, même quand les vaguelettes atteignirent ses jarrets.

 De l’autre coté, une nouvelle plage s’ouvrait sur un espace plus vaste et aucune grotte ni ouverture ne venaient percer la falaise qui montait haut. Nous avançâmes un moment puis il arrêta la bête dans une zone herbeuse et il me fit glisser au sol. Ensuite, il descendit en caressant le cou soyeux de gazelle. Elle souffla de plaisir et se mit à manger en nous tournant le dos. Il m’entraina vers un amas de rocher au pied de la falaise et je découvris avec stupéfaction qu’il cachait en fait une cabane assez grande. Il fallait baisser la tête pour y entrer. Elle était constituée de bois flottés qu’il avait visiblement soigneusement arrangé et attaché pour en faire un abri sûr et caché. L’intérieur était rudimentaire. Un matelas qui avait connu des jours meilleurs, quelques livres posés sur une grosse malle métallique.

– c’est un de mes nombreux abris. Je n’y étais pas venu depuis longtemps. J’étais plutôt à l’ouest ces derniers temps…

Je faillis demander s’il fallait le prendre au premier degré mais je me retins, il ne me connaissait pas et n’apprécierait probablement pas mon humour caustique.

– installez-vous, me dit-il en indiquant l’espace disponible. Je n’avais pas beaucoup de choix, c’était le matelas ou un petit coin de la malle. Je choisi la malle. C’était plus raisonnable. Il se laissa tomber sur le matelas et s’assis en tailleur. Ses genoux frôlaient mes jambes et son contact me brulait.

– vous n’avez rencontré personne en venant ?

– non, vous êtes le premier colon que je rencontre depuis que je suis arrivé sur Matria.

– tant mieux. Ceci dit, vous avez eu raison de venir par ici, c’est un endroit très peu fréquenté. Il n’y a aucune richesse. Pas de pierre ni de métal précieux.

– de quel métal parlez-vous ?

– vous ne connaissez pas le « Mitreion » ? Non, vous venez d’arriver ! Les mines de Mitreion sont aux pieds des chaines de montagnes et dans le nord du continent. C’est un métal magnifique d’un bleu surprenant. Aussi précieux qu’un alliage d’or et de platine mais d’un bleu si profond qui semble vivant. L’or parait fade à coté. Les parois des grottes sont en partie tapissées de Mitreion. On en trouve de plusieurs teintes de bleus. Il scintille comme si chaque particule de métal était indépendante des autres. Je vous en amènerai la prochaine fois que l’on se verra. Si vous le regarder, vous avez l’impression que le métal est vivant, comme s’il bougeait. Beaucoup d’hommes ont été envoyés dans les mines depuis l’arrivée des premiers colons, mais elles sont très dangereuses. Elles s’effritent tout d’un coup et la totalité du filon tombe et écrase tout ce qui se trouve dessous. Personne n’en ressort vivant. Plusieurs hommes m’ont raconté avoir entendu leurs amis s’étouffer lentement sans qu’ils ne puissent rien faire pour eux. Mais pourquoi je vous raconte ça ? J’ai tellement de choses agréables à vous dire. Vous êtes toujours aussi merveilleuse ! Et je ne dis pas ça parce que vous êtes la première femme que je vois depuis longtemps. Vous êtes sublime, j’adore vos cheveux courts, votre peau si fine, pale encore. Vous passez beaucoup de temps à l’intérieur ?

Je posais ma main sur sa bouche, je voulais qu’il arrête de parler. Il avait l’air un peu perturbé mais je voyais que c’était de l’excitation et un manque d’habitude. Il fut un peu surpris de ce geste et pris une grande respiration, puis ses yeux cherchèrent les miens et j’y lu une grande tristesse, un appel à l’aide. Alors je m’assis à coté de lui et je le pris dans mes bras sans le serrer contre moi. Il posa sa tête sur mon épaule comme s’il retrouvait le gout du contact physique. Je le sentais respirer dans mon cou mais je n’avais pas peur. Je dis :

– vous manquez visiblement de compagnie. Il murmura :

– je n’ai pas parlé à quelqu’un depuis si longtemps….Vous êtes la première personne que je ne fuis pas depuis…je ne sais plus. La plupart de mes amis sont morts, certains ont rejoints les mercenaires, d’autres…nous avons été éparpillés un peu partout. J’ai erré si longtemps à cause de cette capsule ! Vous m’avez sauvé la vie. Je vous dois la vie !

Puis il ne dit plus rien. Il passa ses bras autour de moi et il me tint contre lui. Nous nous tenions l’un à l’autre comme si nous nous étions enfin trouvés. Je me sentais bien. Je n’avais pas ressenti un pareil bien être de toute ma vie. Je pouvais envisager sereinement de rester ainsi éternellement. Le matelas sentait l’air marin et il aurait été facile de s’y laisser glisser, mais nous résistâmes. Nous restâmes face à face longuement. Il détaillait mon visage pendant que mes yeux courraient sur le sien. De ses yeux si bleus à sa bouche charnue et sensuelle, de sa peau tannée à son nez droit, un peu large, j’aimais tout. Ses cheveux trop longs, blondis par le soleil, glissaient régulièrement et je les repoussais pour continuer à le regarder. Il posa un doigt sur mon front et suivi la courbe de mes sourcils. Il glissa lentement sur mon nez puis caressa ma bouche en insistant sur les contours. Il finit son exploration par mon menton et mon cou mais il s’arrêta à la naissance de ma gorge, à la limite de mon tee-shirt. Son doigt accrocha mon collier et la pierre scintillante émergea. Il la regarda attentivement et un fin sourire apparu sur ses lèvres :

Où l’avez-vous trouvée ? me dit-il dans un murmure, ses lèvres si proches de ma peau.

– dans la grotte, par terre, répondis-je en haletant presque.

Son souffle chaud me caressait et je rêvais de l’embrasser mais je n’osais pas. Il semblait empli de la même retenue. Il se redressa en laissant glisser la pierre le long de ma gorge et il dit :

– c’est bien, gardez la toujours sur vous, elle vous…protègera. Maintenant il faut que vous partiez. La nuit va tomber avant que vous soyez rentrée. Il ne faut pas rester dehors la nuit.

– je sais, murmurais-je, mais je voudrais rester encore un peu ici, sans bouger…

– alors juste un peu et puis vous partirez, s’il vous plait.

– promis, ensuite je partirai…

– et vous reviendrez ?

– bien sur !…mais pas demain, je ne peux pas.

– pas demain. Dans deux jours ?

– j’essaierai, peut-être trois, je ne sais pas encore.

– trois ?

– promis et si je ne viens pas, c’est que j’ai été retenue ; mais je reviendrai, je vous le promets.

– je serai là, tous les jours au zénith. Je vous attendrai ici, au même endroit.

– promis ?

– toujours…

– je crois que je vais vous embrasser, lui dis-je…

Je le regardais attentivement, il n’avait pas l’air de trouver l’idée saugrenue alors je me lançais. Je posais mes lèvres sur les siennes et une immense vague de bonheur et d’amour envahit mon cœur. Il ferma les yeux si forts que j’eus l’impression qu’il allait pleurer mais il appréciait, tout comme moi. Nous restâmes un moment suspendu, nos lèvres soudées. Je savais que tout pouvait basculer en une fraction de seconde mais il me repoussa finalement et il dit :

– pas maintenant…pas comme ça…

– je m’en vais, répondis-je hésitante.

Je me levais un peu chancelante. Je ne voulais pas rompre le contact, il tenait de nouveau mes avants bras de ses mains fermes. Il m’escorta hors de la cabane et m’accompagna sur la plage où gazelle vint vers nous en trottant. Il m’aida à monter en selle, puis il lui flatta le museau de la petite jument en lui murmurant de prendre soin de moi. J’allais partir quand je me souvins d’une chose essentielle :

– je m’appelle Zellana, je ne vous l’avais pas dit.

– c’est vrai…moi c’est Alex, enfin c’est Alexeï mais personne ne m’appelle plus comme ça depuis longtemps.

– Alex, ça vous va bien.

– vous reviendrez Zellana ?

– oui je reviendrai, je vous l’ai promis Alex.

Nous continuions à parler pour retarder le moment de la séparation et puis pour savourer nos prénoms fraichement découverts. Finalement, il donna une petite tape sur la croupe réactive de la jument et elle galopa jusqu’au pied du sentier où elle amorça la remontée à petits pas prudents. Nous arrivions en haut de l’étroit sentier quand j’entendis des cris. Je voulais faire demi-tour, je ne voulais pas le laisser seul et partir sans savoir ce qui lui arrivait, mais gazelle eut peur des cris et elle se mit à galoper sans que je puisse la freiner. Nous étions déjà loin quand elle accepta de ralentir son allure. Ses flancs et son cou s’étaient couverts d’écume et je dus descendre et la bouchonner pour qu’elle se calme et arrête de trembler. Nous repartîmes au bout d’un moment et malgré tous mes efforts, elle refusa obstinément de repartir vers la plage. D’un pas plus rapide elle nous ramena au village en fin d’après-midi. Un petit groupe de personnes m’attendait de pied ferme à l’entrée du village.

La palissade faisait plaisir à voir. Elle occultait maintenant pratiquement tous le village et commençait à ceinturer les cultures. Le portail déjà prêt, attendait, reposant sur le flanc, que son encadrement soit scellé. Je fus longuement sermonnée par Martial qui me reprocha mon inconscience et mon inconséquence :

– et si tu t’étais fait prendre avant qu’on soit armé. Tu les aurais attiré jusqu’ici, sans parler de ce qu’il t’aurait fait à toi !

– mais il ne m’est rien arrivé. Je suis là, saine et sauve, lui répondis-je en lui cachant volontairement mes craintes. Je n’ai pas été suivie je te l’assure. Gazelle est un vrai limier. Elle flaire le danger aussi bien qu’un chien de chasse et elle galope vite…

– Tu prends trop de risque, Zellana !

– je vais bien Martial. Je devais faire quelque chose d’important, vraiment important. Tu me connais, je n’aurais pas pris des risques inutiles…

– justement je te connais et tu es parfois impulsive.

– Martial, je suis là, je vais bien ! Alors, où en sont les préparatifs du départ ? dis-je pour mettre un termes à cette conversation qui tournait en rond.

– tout est prêt, me répondit finalement Martial, mais tu n’es pas du voyage. Tu dois rester ici, il faut que quelqu’un reste !

– tu plaisante j’espère ! Je t’interdis de m’empêcher de venir. J’ai moi aussi des choses à faire sur le vaisseau présidentiel.

– Non ! s’exclama mon ami d’un ton catégorique.  Nous allons nous concentrer sur le poste de commandement et ses ordinateurs ultra-protégés. Nous n’aurons pas le temps d’explorer le vaisseau.

– Moi si ! Je dois le faire. J’ai promis de rapporter beaucoup de matériel. Si tu voyais la liste dont on m’a chargé…Martial, en tant que chef du village, je te le dis, tu n’as pas le droit de m’empêcher de venir.

– ah, quand ça t’arrange, tu veux bien être chef ? ironisa-t-il.

– eh oui !

Et je partis sans me retourner. Je rentrais chez moi où Boulette me renifla longuement, circonspecte et légèrement dédaigneuse. Je sentais le cheval et elle détestait ça. Peut-être sentait-elle aussi une odeur nouvelle qui l’intriguait. Je pris une douche et me changeais puis l’ayant fait manger, je me rendis chez Martial et Serarpi qui m’accueillirent à leur table, petite mais bien garnie. Je me demandais où Serarpi mettait toute la nourriture qu’elle engloutissait. Elle semblait toujours aussi sèche, même si son visage devenait, jour après jour, plus souriant et détendu.

– alors, avec qui partons-nous cette fois ci ? demandais-je pour faire définitivement taire Martial.

– toi, bien entendu, répondit Serarpi en jetant un coup d’œil à Martial qui bougonnait dans sa barbe. Joshua, Nuncio, Amozzo Sotomayor, Sofram et Parmaya, Kalder et Sorel.

– Daïa ne vient pas ?

Il y eu un silence gêné que je rompis :

– je suis au courant, ne vous inquiétez pas. Je suis contente pour eux. Donc, je repris pour changer de sujet, ce sont presque tous des gardes si je me souviens bien, sauf Joshua, Sotomayor et Sorel. Mais Sorel est trop âgé pour prendre de tel risque !

– c’est ce que nous lui avons dit mais il a insisté pour venir. Il a travaillé longuement sur ce vaisseau en particulier. Il le connait par cœur. Il nous sera d’une aide précieuse.

– la pauvre Orep, elle doit être dans tous ses états !

– non, elle l’a vivement encouragé à venir. Ils veulent participer à leur manière, nous n’avons aucune raison de le lui refuser.

– bon, donc nous sommes onze, c’est pas mal. J’espère que nous avons assez d’arme pour tout le monde.

– ça ira, nous n’avons que des armes de poing mais dès que nous serons dans le vaisseau, nous nous rendrons à l’armurerie. Tiens, d’ailleurs, avant que j’oublie, nous avons fabriqué ces boitiers tous les deux, ajouta Martial qui avait retrouvé son sourire aussi vite qu’il l’avait perdu. Il me tendit une petite boite rectangulaire grise sans aucune aspérité.

– Ce sont des clés électroniques. Elles permettront de déverrouiller toutes les portes sans déranger Serarpi. Tu la pose sur la serrure et elle l’a décode instantanément.

– c’est génial ! Vous êtes vraiment fabuleux ! leur dit-je en regardant Serarpi et en sautant au cou de Martial, tous deux un peu surpris devant cet élan spontané d’affection.

– je vous aime ! Je ne sais pas ce que nous deviendrions sans vous deux !

– c’est amusant, on se disait la même chose de toi tout à l’heure, lança Serarpi comme si elle parlait à la table.

– merci ! Merci pour votre soutien et pour votre aide ! Quand nous reviendrons, je vous parlerai de quelque chose qui me tient à cœur…

– tu as revu cet homme ?

– oui ; et je crois qu’on peut lui faire confiance. J’aimerai qu’il puisse venir au village mais je dois d’abord être vraiment sûre de lui et puis, je ne sais pas comment les gens vont réagir à l’arrivée d’un nouveau membre…

– si c’est un homme bien, ils s’y feront. Mais prends ton temps. Tu ne sais pas encore réellement à qui tu as à faire. Peut-être cherche t’il uniquement à localiser notre village.

– je n’ai pas écarté cette éventualité, mais je ne le pense pas. De toute façon, je ne l’amènerai ici que quand j’aurais totalement confiance en lui, si je le revois…ajoutais-je en repensant  avec angoisse aux cris que j’avais entendu sur la plage.

– ne t’inquiète pas, tout va bien se passer, je te le promets ! me dit Martial en posant sa grosse patte sur mon épaule.

– En fait, c’est pour lui que je me fais du souci. Il est toujours recherché par les gardes. Sans sa balise, il est moins facile à localiser mais il…enfin, quand je partais, j’ai entendu des cris en contre bas, je voulais y retourner mais gazelle m’en a empêché.

– brave bête ! Personne ne t’as vu ? demanda Martial soudain inquiet.

– non, j’étais déjà en haut de la falaise. Quoi qu’il se soit passé, personne ne pouvait me voir là où je me trouvais.

– Il s’agit de la grotte dont tu m’as parlé, celle qui se trouve sur la plage ?

– oui, c’est là. Il s’est construit une cabane dans l’anse attenante. On ne la voit pas des grottes. Il faut marcher dans l’eau pour y accéder. C’est beau et si calme. C’est un endroit magnifique. Enfin, ça le serait s’il n’y avait pas autant de danger. Oh, et je ne vous ais pas parlé du Mitreion !

– qu’est-ce que c’est ? m’interrogea Serarpi que toute nouveauté intéressait.

– c’est un métal précieux que le gouvernement fait extraire depuis des années et qui aurait apparemment beaucoup plus de valeur que l’or. Ils ont envoyé des milliers d’hommes creuser les mines vers la chaine de montagnes et dans le nord aussi. Les hommes se battent pour ce métal. Il m’a promis de m’en apporter la prochaine fois. Il semblerait que ce soit avec ça qu’aient été faites les peintures des grottes, vous savez, celles qui scintillent.

– et tu dis que le gouvernement exploite ces mines depuis longtemps ? s’étonna Martial.

– oui, c’est ce qu’il m’a raconté. Il m’a expliqué qu’elles sont très dangereuses et qu’elles s’effondrent sans prévenir. Tous les hommes qui s’y trouvent, meurent sans qu’on puisse les secourir.

– je crois qu’il est temps d’aller dormir, nous interrompis Serarpi. Demain, nous partons très tôt. Allez, rentre chez toi et va te reposer. Tes journées sont longues et fatigantes.

Je les laissais après les avoir embrassé tous les deux et je vis en partant, Serarpi essuyer ses yeux du dos de la main.

Boulette m’attendait sur le lit et se colla à moi, heureuse de me retrouver. Je la câlinais un moment puis m’endormis profondément. Mes journées étaient longues et remplies mais je n’avais jamais été aussi heureuse depuis…en fait depuis toujours. Le conditionnement de l’Académie s’estompait finalement et je m’autorisais à rêver, en m’assoupissant, à une vie où le bonheur nait de la spontanéité et de l’imprévu serait possible. Mon sommeil fut profond bien que perturbé par une angoisse sourde liée aux cris qui avaient retentis à mon départ de la falaise.

 

 

 

 

 

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