A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Troisième Partie – Chapitre 5

Chapitre 5

70° jour de la saison de printemps de l’an 1

Le lendemain, je fus sur pied aux aurores. Boulette tournait autour de moi, énervée. Je la fis manger, avalais une tasse de café et une tranche de pain sec qui trainait dans mon garde-manger – je ne mangeais que rarement chez moi depuis que je ne vivais plus avec Joshua, j’étais régulièrement invitée chez les uns ou les autres, sans compter les repas communs et les voyages.

Aussi, mes réserves de nourritures faisaient peine à voir. Seule Boulette échappait à cette disette et je la nourrissais tous les jours d’abats de viande mélangés à des légumes.

Quand j’arrivais au dispensaire, Flavy somnolais sur un lit. Elle se leva dès mon entrée et me sauta dessus :

– il va bien, ne t’inquiète pas, il se remet vite ! Il est toujours inconscient mais je crois qu’il dort. Il a perdu beaucoup de sang mais Mafalda a tout réparé. Par chance pour lui, aucun organe vital n’était touché mais il gardera une large cicatrice sur le ventre. C’est dommage quand on a d’aussi beaux muscles…brefs, il est splendide ! Il a des yeux…si je n’étais pas mariée…

– oui mais tu l’es ! rétorquais-je avec plus d’agressivité que je n’aurais dû.

– je sais, je plaisante…tu peux aller le voir mais ne reste pas trop longtemps. Il faut qu’il garde des forces. Pour le moment, il est sous perfusion mais il pourra manger de la soupe bientôt.

Sous ce flot de paroles décousues j’ouvris la porte de la chambre où Alex reposait dans une semi obscurité. J’aperçu tout d’abord l’énorme bandage qui ceignait son ventre. Ses pectoraux saillants demeurés visibles, me rappelèrent la sensation de sa peau sous mes mains. Je m’assis sur une chaise à ses coté et le regardais dormir. Ses cheveux avaient été peignés en arrière – je soupçonnais Flavy de s’en être occupée – les mèches trop longues se tenaient sagement derrière ses oreilles. Ils encadraient son visage bronzé à la bouche encore plus sensuelle dans le sommeil. Ses yeux clos ne me permettaient pas d’en admirer la couleur, mais leur fente en amende me rappelait à quel point son regard pouvait être perçant et fiévreux. Dans la douce quiétude de la chambre dont les volets filtraient le soleil qui se levait, je m’assoupis sans m’en apercevoir. Quand je me réveillais, Alex me regardait et je me demandais s’il n’avait pas franchit la barrière de mon cerveau pour lui intimer l’ordre de se réveiller, tant ses yeux semblaient me transpercer.

– Zellana…je suis si heureux de vous voir. J’ai cru que je ne parviendrais jamais jusqu’à vous et puis vous étiez là, sur la plage, parmi ses animaux gigantesques. Vous ne savez pas les risques que vous avez pris…

Il manqua soudain de force et sa voix flancha, alors je dis :

– garder vos forces Alex. Vous êtes en sécurité ici, vous êtes dans l’hôpital du village. Vous avez été opéré et vous irez bien maintenant.

– un hôpital ? Je ne savais même pas qu’il y en avait un sur cette planète.

– nous avons le notre et nous sommes plutôt bien équipés. Mais vous aurez tout le temps de voir ça plus tard. Quand vous irez mieux, vous me raconterez ce qui vous est arrivé. Je regrette tellement de ne pas être resté le jour où je vous ai entendu crier !

– si vous étiez resté, il vous aurez tuée ! Et je n’ose imaginer ce qu’ils vous auraient fait subir avant.

– maintenant, vous êtes là, vous ne risquez plus rien. Ils ne vous trouveront pas ici. Personne ne sait que nous sommes là, lui dis-je pour le tranquilliser car je le voyais s’agiter dangereusement.

– ne croyez pas ça ! répliqua-t-il avec plus de force qu’il n’en avait. Ils ne cesseront jamais de me poursuivre, je sais des choses sur eux qu’ils veulent absolument taire.

– Alex, ceux là ne vous chercheront plus jamais.

– vous voulez dire…

– ils ont été…éliminés. Ils nous mettaient tous en danger et mes amis, qui craignaient pour ma sécurité, n’ont pas eu d’autre choix que de les tuer.

– alors, nous ne serons jamais en paix. Vous savez que c’est un crime suprême de tuer un garde du gouvernement !

– nous avons ici quelques raisons de penser qu’il n’en est rien. Non pas que je cautionne la mort de qui que se soit, mais vu les circonstances, je préfère que ce soit eux plutôt que nous.

– dès que je serai en état, je partirai. Je vous fais courir un trop grave danger !

– ne vous inquiétez pas. Nous ne risquons rien. Nous avons des armes, le village est fortifié et nous avons…une carte dans notre manche dont je vous parlerai plus tard.

A ce moment là, Mafalda entra et me pria d’aller vaquer à mes occupations afin que son blessé récupère.

– je repasserai en fin de journée, j’eus le temps de lui dire avant qu’elle ne me mette dehors.

Je fonçais chez Martial qui s’activait toujours à dépouiller les informations recueillies :

– écoute ça ! Tonitrua-t-il en me voyant entrer. Ils avaient prévu de nous réduire tous en esclavage. Mais qu’est-ce que c’est que ce gouvernement ? Nous devions construire les cités, cultiver les champs et vivre dans des logements de fortune. Nous n’aurions pas eu le droit de nous reproduire librement. Ils avaient prévu un plan de sélection génétique, via des tests, afin de produire des bébés montrant certaines compétences innées. Des ouvriers, des forgerons, des maçons, des mineurs, surtout des mineurs. Ce foutu minerai semble occuper une place primordiale dans leur plan mais je n’en vois pas l’intérêt. Nous n’avons personne à qui le vendre. Il n’a aucune valeur ! Si personne ne peut l’acheter, il ne vaut rien, tu es d’accord, insista Martial qui tenait à sa démonstration.

– oui, mais il a peut-être des vertus que tu ignores. Ce n’est peut-être pas sa valeur marchande qu’il les intéresse, mais ce à quoi il sert…

– tu as une idée ? Tu sais quelque chose ? me questionna-t-il instantanément.

– non, juste une intuition…

– il faudrait en trouver ! reprit mon ami qui suivait son propre raisonnement.

– je sais où sont les mines, je les ai repérées sur ma carte mais elles sont très dangereuses et de toute façon, nous ne pouvons pas nous y rendre.

– si, nous avons les navettes !

– je croyais qu’on avait décidé de ne pas les utiliser comme moyen de transport. Elles consomment du carburant et elles nous rendent visibles et vulnérables.

– Zellana a raison, je te le dis depuis ce matin. Tu t’emballes et tu échafaudes des plans idiots. Attend, nous finirons bien par en trouver quelque part, renchérit Serarpi.

– Alex devait m’en amener, je lui demanderai.

– je ne sais pas s’il avait un sac avec lui. Il faudrait regarder dans ses poches…

– Martial, calme-toi…s’il a du Mitreion, il nous le donnera quand il le jugera utile, repris Serarpi, irritée.

– je sais Serarpi, je m’emballe, mais je déteste attendre.

– bon, qu’avez-vous trouvé d’autre ? dis-je pour leur éviter une dispute qui avait déjà dû avoir lieu avant mon arrivée.

– Martial t’a donné les grandes lignes. Materia devait être une cité somptueuse qui aurait regroupé toute les élites de l’humanité dont nous ne faisions pas partie visiblement. Le reste du continent se serait débrouillé comme il pouvait tout en payant sa contribution pour le bon fonctionnement de la cité gouvernementale.

– comme sur terre, en somme, je repris.

– exactement ! cria presque Martial qui semblait dans un état d’effervescence quasi hystérique que je ne lui connaissais pas.

– bon, je vous laisse, j’ai des fichiers à consulter que j’ai trop longtemps négligé. Je vous verrais ce soir, leur dis-je en repartant.

Je savais que ces découvertes n’en n’étaient pas réellement. Elles venaient confirmer ce qui nous avait fait quitter le vaisseau prématurément, mais la place de Sobia dans ces plans n’était pas claire. Il faudrait vraiment que l’un d’entre nous, et je ne craignais que l’on me désigne pour cela, se décide à l’interroger sur ce qu’elle savait réellement.

Je filais chez moi et allumais la table lumineuse quand je réalisais que je n’avais pas de deuxième lit pour accueillir Alex dans ma maison…car il était évident qu’il devait venir chez moi ! Je filais voir Guilibath, qui gérait le stock de matériel dans les sous-sols du village, pour lui soutirer un lit. Il finit par trouver un lit deux places et son matelas qu’il promit de me faire livrer dans la journée. Je retournais chez moi et commençais à ranger ma maison. Le ménage avait été négligé depuis longtemps. La chambre d’ami ou d’enfant que j’avais conçue, était vide et elle accueillerait sans difficulté un lit et quelques tables et objets de décoration que j’avais ajoutée à la liste de mes demandes. L’esprit apaisé, je retournais à mon bureau où je parcouru à nouveau les fichiers sur la colonisation. Je les repris là où ils s’interrompaient dans les données précédentes et découvris de nouveaux fichiers. Malheureusement, la majorité était codée et je n’y comprenais rien. Je trouvais cependant des transmissions entre des vaisseaux et un poste de garde sur Matria qui m’inquiétèrent :

 

« Poste de commandement sur vaisseau amiral 105 à Poste de garde sur continent– avons pris connaissance de vos rapports et transmis au gouvernement. Ordre vous est donné de poursuivre toute personne tentant d’échapper à son devoir. MITREIONdemeure prioritaire. Vous avez toute latitude pour obtenir un excellent rendement des mines »

« Poste de garde sur continent à Poste de commandement sur vaisseau amiral– mortalité très importante ; mines instables et dangereuses – les hommes se révoltent de plus en plus souvent – n’avons pas équipement militaire pour faire régner l’ordre »

« Poste de commandement sur vaisseau amiral 105 à Poste de garde sur continent– avons transmis au gouvernement – des armes lourdes arrivent ; des équipements de répression des rebellions vous seront fournis. Les colliers paralysants doivent obligatoirement équiper tous les hommes présents dans les camps »

« Poste de garde sur continent à Poste de commandement sur vaisseau amiral– avons reçu équipement ; colliers insuffisants ; insurrection imminente – avons neutralisé les leaders de la rébellion – mortalité toujours en hausse dans les grandes profondeurs des mines »

« Poste de commandement sur vaisseau amiral 105 à Poste de garde sur continent– gouvernement très insatisfait ; attendons plus de fermeté – les armes doivent être utilisées sans sommation ».

« Poste de garde sur continent à Poste de commandement sur vaisseau amiral–attaque durant la nuit – les hommes se sont enfuis ou sont morts ; sommes trois pour tenir le poste…»

 

Ensuite, les appels du poste de commandement du vaisseau restaient sans réponse. Les hommes avaient visiblement réussi à fuir. Je ne parvins cependant pas à déterminer s’il s’agissait d’un poste de garde parmi d’autres où s’il parlait au nom de toutes les mines.

Je trouvais ensuite un long exposé sur les mines de Mitreion. Ce métal inconnu sur terre était d’une dureté et d’une solidité impressionnante malgré son aspect changeant qui pouvait donner l’illusion qu’il était malléable. Les mines de Mitreion se situaient toutes dans des régions montagneuses. La chaine centrale en regorgeait et le continent nord, qui bénéficiait de plus de relief que le sud, en possédait aussi. Ce n’était donc pas un métal rare. L’air en était parfois saturé à certains endroits, mais aucune explication n’était donnée sur son utilisation potentielle ou ses vertus éventuelles. Ce que j’appris par contre, c’est que les filons de métal bleu se trouvaient toujours pris dans une gangue de terre sablonneuse, lourde et corrosive, dix fois supérieur à la quantité de métal précieux. Cette terre, proche du sable, s’éboulait soudainement, ensevelissant les hommes qui creusaient, sans aucune possibilité de les secourir. Il semblait qu’aucun tunnel, même solidement  renforcé, ne résista au poids et à la pression soudaine qu’exerçaient ces tonnes de terre qui coulait comme de l’eau et érodait tout ce qu’elle touchait. Etre envoyer dans les mines équivalait à un arrêt de mort. Tôt ou tard, le filon s’effondrait et les hommes mourraient. Aucune combinaison ne résistait à la corrosion de la terre, aucun masque ne protégeait les hommes qui creusaient. Leurs poumons brulaient lentement, et quand ils ne mourraient pas écrasés, ils mourraient étouffés par les dépôts terreux qui tapissaient leurs alvéoles pulmonaires.

Je fus épouvanté par la lecture de ce rapport froid et détaché qui préconisait l’envoi de troupe régulière pour palier la mortalité inévitable. Je m’interrogeais longuement, tout en fouillant dans les fichiers, sur la particularité de ce métal qui nécessitait qu’on sacrifie autant de vie humaine. Mais je ne trouvais rien que des fichiers codés. Je créais un dossier dans lequel je regroupais tous les fichiers cryptés que j’adressais à Serarpi. Elle me répondit qu’elle s’en occuperait dès qu’elle aurait le temps. En contrepartie, elle m’indiqua que le nouveau satellite envoyait régulièrement des images et je pus ainsi visiter le territoire Sud jusqu’à la limite des montagnes. J’aperçu ainsi le début des neiges éternelles et les contreforts arides des montagnes à la pierre grise mais je trouvais aussi beaucoup de plaines vertes et boisées. Je trouvais de nombreux villages habités mais rien de semblable à notre village développé et fortifié.

Aurions-nous été les seuls à réussir notre installation ? Comment se faisait-il que tous les autres en soit encore, plus de douze mois – en année terrestre, ou une saison en année Materienne – à vivre dans des baraquements ou dans des maisons rudimentaires et à commencer leurs cultures et leur élevage. Pourquoi n’avaient-ils pas suivi les plans préconisés par le gouvernement ? Une mise en commun des savoirs et des biens semblait, et nous en étions l’illustration parfaite, la garantie d’une installation réussie. Nous avions passé des années à nous préparer à cela et nous l’avions réalisé sans difficulté. Que leur était-il arrivé pour qu’ils n’aient pas réussis là où nous vivions dans un village prospère et développé ?

Je n’avais aucune réponse à mes questions. Je me contentais de survoler de très hauts les villages, souvent à peine délimités où beaucoup semblaient vivre concentrés, comme si les maisons tentaient de se réchauffer.

Cependant, le gros satellite ne survolait pas la totalité du territoire. Les montagnes, la partie nord du continent et l’océan étaient hors de sa portée et Materia lui échappait aussi, car sa péninsule était trop au sud pour qu’il la survole. Ma curiosité était à son comble concernant la cité gouvernementale, encore plus depuis que Sobia était parmi nous. Elle m’avait interrogé à plusieurs reprises sur son développement mais je n’en savais pas plus qu’elle. Il deviendrait impératif, tôt ou tard, que nous puissions visiter toutes ces zones inconnues qui nous restaient cachées pour le moment. J’en fis part à Serarpi, via le communicateur que j’avais conservé, mais Martial m’exhorta à la patience et je trouvais que venant de lui, cela ne manquait pas de sel. Au demeurant, nous étions tous mobilisés à tour de rôle dans la journée et nous manquions parfois de temps. Heureusement, certains d’entre nous s’étaient porté volontaire à plein temps pour s’acquitter des taches quotidiennes, comme Kompur qui fabriquait le pain ou Amozzo et Nuncio qui s’occupaient des animaux par exemple. De nombreuses personnes appréciaient de passer du temps dans les champs, binant et arrosant avec amour cette belle terre grasse dont le rendement ne cessait de nous étonner. Mais d’autres comme Zoléa par exemple, ne pouvait à elle seule fabriquer le tissu nécessaire aux vêtements de tous, même si les stocks que je lui avais ramenés du vaisseau lui permettaient de souffler un peu. Sans compter le blé ou les céréales qu’il fallait moissonner, amener au moulin et broyer. La farine qu’il fallait ensacher, apporter à la boulangerie ou stocker dans les garde-mangers du village.

Il avait fallut revoir la configuration des sous-sols afin qu’ils soient sains et aérés, à l’abri des animaux et des parasites. Guilibath en tenait une gestion rigoureuse mais les espaces de stockages ne cessaient de s’agrandir au fur et à mesure que nous diversifions les cultures, que nous stockions du bois en vue de nouvelles constructions, que nous entreposions les objets récoltés dans les vaisseaux. Bientôt les sous-sols du village ressemblèrent à un gruyère et nous dûmes creuser vers l’extérieur, sous les pistes d’atterrissages et sous les baraquements. Nous ne craignons pas réellement les éboulements. La terre était compacte et la roche présente partout, mais nous ne pouvions courir le risque qu’un éboulement piège mortellement les hommes qui travaillaient. Les portes extérieures étaient bien dissimulées et nous les avions conçues dans les épaisses plaques de métal qui composait les navettes, doublées de renforts de bois qui les rendaient normalement inviolables. Toutefois, nous ne pouvions estimer leur résistance à une bombe par exemple. Nous savions que ces issues étaient notre point faible. Si des hommes armés pénétraient dans les souterrains par l’une d’elle, l’accès au village serait aisé. Aussi, exercions-nous une surveillance accrue sur ses points sensibles à l’aide de capteur thermique et de capteur de mouvements. Au demeurant, peu d’entre nous connaissaient l’existence de ces sorties extérieures. Mais nous ne craignions pas une trahison interne. Ici, tous avaient quelque chose à perdre, une famille, un enfant, un conjoint, une maison, des amis. Nous avions cependant décidé que quelque soit les circonstances, nous ne révélerions ces accès à personne n’appartenant pas au village. Car à ce moment là, nous ne concevions même pas qu’une telle présence puisse être possible. Et voilà qu’en peu de temps, nous accueillons deux personnes qui n’auraient jamais du vivre parmi nous. Nous ne savions laquelle des deux nous surprenais le plus.

Ayant arpenté ma table lumineuse sans réel intérêt, je décidais qu’il était temps de retourner voir Alex. Quand j’arrivais au dispensaire, Solion m’accueillit en me donnant des nouvelles rassurantes. Alex allait bien, il reprenait des forces et serait en état de quitter l’hôpital le lendemain si quelqu’un pouvait l’accueillir chez lui. Je baissais la tête et dit que je lui avais préparé une chambre. Après tout, c’était moi qui l’avais ramené ici. Solion sourit mais ne fit aucun commentaire. J’allais entrer dans la chambre quand il m’informa que Sobia avait demandé à  parler à Alex en privé. J’hésitais un instant. Elle n’avait plus de pouvoir et n’avait pas à poser de telles exigences et puis, qu’avait-elle de si confidentiel à lui demander ? Mais le conditionnement dont nous avions tous fait l’objet durant des années prit le dessus et je ressortis pour profiter des derniers rayons du soleil qui terminait de sécher la pluie rafraichissante tombée un peu plus tôt. En ce milieu de saison du printemps, les pluies devenaient moins nourrit au fil des jours et je supposais que la saison d’été serait presque sèche. Nous étions arrivés pratiquement au début de la saison d’hiver qui, dans cette partie du continent, ressemblait à un beau printemps sur terre, du moins tel que je l’avais lu dans les livres. J’avais eu un moment d’hésitation quand j’avais dû enregistrer la première naissance. Je pouvais continuer à compter en année terrestre mais cela ne correspondait plus à aucun cycle sur Matria. J’avais donc élaboré, avec l’aide de l’assemblé du village, un système de comptage qui, loin d’être parfait, avait le mérite de nous situer dans le temps Materien. Cependant, nous regrettâmes le temps terrestre quand il nous sembla qu’arrivait le moment de nos anniversaires. Comment allions nous calculer notre âge ? Des conversions complexes auraient dû être réalisés pour nous permettre de trouver un calendrier approprié tant à Matria qu’à nos habitudes terriennes, mais la nécessite de nous loger, de nous nourrir et maintenant de nous défendre, avaient mobilisés toutes les forces susceptibles d’effectuer ces calculs. Kompur, que nous avions consulté à ce propos car sa formation d’astrophysicien l’y prédisposait, nous avait répondu qu’il préférait faire du pain pour le moment. Il nous offrit pour nous faire taire une brioche dont il venait de trouver la recette dans les fiches cuisine du vaisseau.

Ainsi, rien n’était parfait mais nous nous en accommodions avec plaisir quand la pluie arrosait les cultures et rafraichissait l’air et quand le soleil séchait les flaques et réchauffait le souffle marin. J’étais assise sous le porche, regardant la terre absorber la dernière goutte d’eau pour s’en nourrir quand Joshua arriva. Je l’avais à peine vu durant le retour de la grotte et nous avions été aussi occupés l’un que l’autre depuis. Il marcha vers moi d’un pas déterminé et je sentis que la discussion allait être musclée.

– bonjour, dis-je en anticipant.

– salut…

– je n’ai pas eu l’occasion de te remercier pour ce que tu as fait pour moi. Merci d’être venu me secourir. Sans toi, je ne sais pas ce qui me serait arrivé.

– justement ! tempêta-t-il.

Je le connaissais si bien que je lui avais volontairement servi cette introduction pour lui éviter de tourner en rond. Joshua n’avait jamais été un grand orateur ni même un grand bavard.

– je sais Joshua, je n’aurai jamais du partir seule…

– exactement !

– j’aurai dû t’avertir de mon voyage et t’expliquer les raisons pour lesquelles je partais…

– parfaitement !

– j’aurai du être plus prudente, mieux armée et mieux préparée…

– tout à fait !

– en fait, je n’aurai pas du y aller du tout…

– c’est ça !

– je suis désolée, je ne recommencerai plus…

-…tu te fiches de moi, c’est ça ? Tu penses qu’en me disant tout ce que je veux entendre, je vais m’en aller…

– en fait, je l’espérais un peu…

– et bien tu as tort !

– je vois ça…

– tu n’imagines pas le souci que je me suis fait pour toi ! Et les risques que tu nous as fait courir, nous qui étions sur la falaise à attendre qu’il se passe quelque chose alors que le village était resté sans protection !

– je sais Joshua, mais tu exagères un peu. Le village est armé jusqu’aux dents.

– peut-être, mais sans nous, beaucoup de villageois sont perdus.

– quand nous sommes partis sur le vaisseau présidentiel, ton absence ne t’as pas trop préoccupée il me semble…

– Zellana, tu retournes tout à ton avantage, je déteste ça !

– je sais…

– alors arrête ; laisse-moi être en colère, j’en ai le droit.

– je ne vois pas à quel titre. Tu n’es plus mon mari et je n’ai pas de compte à te rendre. Tu vas être père, tu devrais consacrer plus de temps à ta compagne.

– tu m’exaspères ! hurla-t-il si fort que Solion ouvrit la porte pour demander si tout allait bien. Alors Joshua me força à me lever et m’entraina sur le chemin qui menait à la plage.

– je suis désolé de m’être emporté, reprit-il sur un ton plus contrôlé. Je ne voulais pas crier sur toi mais j’ai eu peur. Tu ne rentrais pas…nous avons dû faire tout ce chemin jusqu’à cette grotte étrange. Nous ne savions pas ce qui allait se passer mais Martial nous demandait d’attendre, d’être patient. Il était sur qu’il allait arriver quelque chose. Puis ces gars sont venus avec leurs armes et je t’ai vu te jeter comme une folle parmi ces animaux monstrueux et ce type ! D’où sort-il ? Comment peux-tu lui faire confiance ?

– tu mélanges tout Joshua…je comprends que tu ais eu peur et que tu te sois inquiété pour moi. Je comprends que passer deux jours sur cette falaise à attendre a été long et pénible, mais je ne vois pas ce qui te pose problème avec Alex. C’est un survivant, comme Sobia ! Il a fait parti d’une migration de techniciens et d’ingénieurs. Il était chargé d’archiver les œuvres d’art qui arrivaient sur Matria. Tu sais, au fond, il est un peu comme moi. Quand il a eut fini son travail, on a tenté de l’éliminer. Il s’est enfui et nous aussi. Mais lui n’a bénéficié d’aucune aide. Ca fait sept ans qu’il échappe aux gardes. Il a le droit à un peu de répit…Quand il ira mieux, nous verrons ce qu’il souhaite faire. Pour le moment il se repose. Quant aux raisons qui m’ont amenée à m’intéresser à ces grottes et à lui, elles m’appartiennent et je t’en parlerai quand j’y serai disposée.

– alors ça ! Tu n’as pas le droit ! s’écria Joshua dont la colère montait vite.

– si, bien sur que j’ai le droit ! Je ne suis plus ta femme et je suis le chef du village. Si je décide qu’une personne est autorisée à rester dans le village, je ne vois pas au nom de quoi tu t’y opposerais !

– au nom de la sécurité ! hurla-t-il. Tu ne sais rien de lui à part ce qu’il t’a dit. Tu lui fais confiance sans te poser de question, mais rien ne te dit qu’il ne fait pas partie d’une bande de mercenaires chargée de nous infiltrer pour mieux nous attaquer.

– je ne le pense pas…Lui répondis-je avec calme. C’est lui qui m’a mis en garde contre les risques que nous courrions et c’est grâce à ce qu’il m’a raconté que nous sommes retournés sur le vaisseau pour prendre des armes et que nous avons renforcé la sécurité du village.

– justement !

– quoi justement ?

Cette conversation commençait sérieusement à m’agacer.

– je ne sais pas, dit-il plus bas…Je ne veux pas qu’il reste…je ne veux pas qu’il soit là…je veux qu’il s’en aille le plus vite possible.

– Joshua, tu n’as pas le droit d’être jaloux…nous n’allons pas rejouer éternellement la même histoire. Tu as refait ta vie et tu dois me laisser vivre la mienne comme je l’entends.

– pas si elle met la sécurité du village en jeu ! tenta-t-il sans conviction.

– mais ce n’est pas le cas ! Et puis, si tu vas par là, on ferait mieux de se méfier de Sobia. On ne sait toujours pas réellement pourquoi elle a été laissée sur le vaisseau. Elle aussi pourrait avoir de noirs desseins à notre encontre. Nous les avons mis en difficulté, nous les avons ridiculisé, nous avons sauvé des gens qui n’auraient pas du vivre et nous avons volé du matériel…La liste est longue des offenses que le gouvernement pourrait retenir contre nous s’il s’avisait un jour de nous juger.

– Sobia était dans un tel état physique que je doute qu’on puisse la suspecter d’avoir sciemment voulu rester sur le vaisseau, m’opposa Joshua.

– je ne le pense pas en effet, mais je suis curieuse de savoir pourquoi on l’a laissé seule. Il s’agit tout de même de la présidente de l’humanité !

– nous lui poserons la question en temps voulu, ce n’est pas de ça dont je te parle…

– je sais ce que tu veux Joshua, tu veux que je te promette de le faire partir dès qu’il sera en état.

– exactement !

– bien, réfléchis donc deux minutes sans te laisser aveugler par ta jalousie. S’il s’en va, qui te garantit qu’il ne révélera pas immédiatement notre village à ses « complices » ? Comment pourras tu en être sur ? Alors que s’il reste ici, qu’il s’intègre à la population, il ne pourra pas le faire…et il n’en aura plus envie. Nous vivons en paix, nous représentons un modèle de stabilité et d’harmonie. J’ai survolé pleins d’autres villages depuis que le satellite est opérationnel. Aucun n’a atteint notre degré de développement. Si nous devons représenter une cible, ce sera plutôt pour eux. Alex n’a rien à voir avec tout ça. Il ne vient pas d’un village, il vit là depuis bien plus longtemps que nous.

– comment peux-tu en être sûre ? m’interrogea-t-il, toujours suspicieux.

– tout ce qu’il m’a révélé sur la planète et que nous ne savions pas déjà, était exact. Il était en possession d’informations que nous ne soupçonnions même pas avant que je le rencontre.

– ça pourrait être un leurre…

– oui, ça pourrait, mais je ne le crois pas.

– comment peux tu en être sure, insista Joshua qui s’énervait à nouveau.

– parce que je l’ai lu dans ses yeux. Il avait réellement peur et il a essayé de me protéger.

– en amenant les gardes jusqu’à toi ?

– il était blessé, Joshua ! Il est revenu là parce qu’il y séjourne régulièrement. Si nous ne l’avions pas trouvé, il serait mort, tu l’as vu comme moi. Quant aux gardes, ils ne se seraient pas sacrifiés juste pour nous localiser !

– mais ils ne pouvaient pas savoir que nous étions là, même toi tu ne le savais pas !

Je restais un moment silencieuse. Je m’étais moi aussi interrogée sur la confiance que je pouvais accorder à Alex et mon instinct me disait que nous ne craignions rien de lui. Mais Joshua ne se contenterait pas de mon instinct, je le savais. Pourtant, qu’avais-je d’autre à lui opposer ?

– écoute Joshua, il va falloir que tu me fasses confiance, je te garantie que je vais le surveiller et qu’il n’arrivera rien.

– d’accord, mais il ne peut pas vivre chez toi…tu es toute seule !

– tu préfères qu’il vienne chez toi avec une femme enceinte à la maison qui ne peut presque plus bouger ?

Il me regarda méchamment, il était à court d’arguments.

– tu ne m’ôteras pas de l’idée que c’est une grossière erreur et que nous la paierons tous un jour ou l’autre, dit-il en remontant vers le village d’un pas rapide. En passant devant la clinique, il jeta un regard noir à la porte, espérant peut-être transmettre toutes ses mauvaises pensées à l’homme qui y reposait.

Je le suivis plus lentement. J’espérais que Sobia avait fini sa discussion privée car je me languissais de voir Alex et de parler avec lui.

Je m’arrêtais en bas des marches et regardais mon ex-mari accélérer le pas pour regagner sa maison et sa tête engoncée dans ses épaules prouvait, si cela était encore nécessaire, à quel point il était contrarié. Il faudrait bien qu’il s’y fasse. Je ne lui reconnaissais plus le droit de me dicter ma vie.

Quand j’entrais, la porte de la chambre était ouverte et Alex profitait des derniers rayons de soleil qui venaient caresser le pied de son lit.

– enfin ! dit-il quand j’arrivais.

– je suis passé plus tôt mais vous étiez occupé.

– ah, Sobia Zablonski ! Je ne savais pas qu’elle était ici. Elle a absolument tenu à me parler mais je n’ais pas compris ce qu’elle voulait, elle n’a pas été très claire.

– Que vous a-t-elle demandé ? lui demandais-je curieuse.

– A quel moment j’étais arrivé sur Matria et comment étaient les colonies à l’heure actuelle.

– Que lui avez-vous raconté?

J’avais opté volontairement pour un ton détaché mais la question avait de l’importance.

Il dû le sentir car il me dévisagea longuement, comme pour scruter mes pensées. Ses yeux bleus vrillaient les miens et j’avais du mal à soutenir son regard mais je m’y efforçais. Puis un sourire vint éclairer son visage, illuminant son regard et déroulant sa bouche comme un chat qui se pourlécherait les babines.

– ne vous inquiétez pas. Je ne lui fais pas confiance moi non plus. Je ne sais pas si elle est responsable de ce qui m’est arrivé mais elle représente le gouvernement. Je lui ai dit que j’avais travaillé à l’installation des baraquements et que quand cela avait été fini, j’avais attendu l’arrivée des vaisseaux en vivant un peu à l’écart. Elle m’a demandé comment j’avais été blessé. Je lui ais dit que je ne m’en souvenais pas parce que j’avais pris un coup sur la tête. Elle ne m’a pas cru mais je m’en suis débarrassé comme ça. Et vous, comment allez vous ?

– mieux que vous…

– ça c’est facile…Alors comme ça, vous m’attendiez ?

– oui, je vous l’avais promis…mais j’ai tardé. J’avais tellement de choses à faire ici que je n’ai pu partir que récemment.

– vous m’avez attendu longtemps ? m’interrogea-t-il.

Sa main s’était imperceptiblement posée sur la mienne et maintenant il la tenait fermement. Son contact me décontenançait. J’aurais voulu qu’il me lâche et en même temps je ne voulais plus jamais que ma main quitte la sienne, chaude, calleuse et solide. Ses doigts s’emmêlaient aux miens et je sentais une connexion s’établir à travers ce simple contact, comme s’il caressait mon cœur.

– je ne sais plus, plusieurs jours…répondis-je troublée.

– et dire que tout ce temps j’étais prisonnier !

– ils ont réussi à vous attraper ? m’exclamais-je.

– oui ; quand vous êtes partie j’ai manqué de vigilance. Je vous regardais monter le chemin et je tournais le dos à la grotte. Ils sont arrivé par derrière et ils m’ont tirés dessus. J’ai réussis à leur échapper en me cachant dans une crique difficile d’accès. Les gardes détestent s’approcher de l’océan. Ils ne m’ont pas suivi longtemps. Mais j’étais blessé et j’ai dû me déplacer pour trouver de quoi me soigner. C’est là qu’ils m’ont eu. Ils m’attendaient dans la grotte où nous nous sommes rencontrés. J’étais affaibli et je me suis laissé attraper sans pouvoir résister, ils m’ont assommé et ils m’ont emmené. J’ai été retenu dans une cellule dans les sous-sols d’un camp comme il y en a quelques uns sur le continent. Mais ça fait longtemps que je sais en sortir. J’avais réussi à crocheter la serrure et à me faufiler dans les tunnels quand ils m’ont repérés. J’ai tout de même réussi à fuir parce que je connais bien plus de chemin qu’eux. Je suis revenu à la grotte où nous avions rendez vous mais j’étais blessé et je n’ai pas pris assez de précaution. Si j’avais su que vous étiez là, je ne serais jamais revenu. C’était bien trop dangereux. Heureusement que vos amis veillaient sur vous. Je ne me serais jamais pardonné qu’ils vous attrapent et vous fassent du mal.

– Mais de qui s’agit-il au juste ? je l’interrogeais.

– des gardes du gouvernement. Enfin, on continue à les appeler comme ça parce qu’ils portent toujours l’uniforme mais ils sont tout aussi sauvages que les mercenaires ou les prisonniers évadés. Ils n’ont plus rien à voir avec le gouvernement depuis la rébellion des mines.

– que s’est-il passé ?

Il regarda fixement devant lui un moment, comme s’il revivait les évènements dans sa tête, puis ayant pris une grande inspiration, il dit :

– c’était il y a trois ans environ. Les hommes mourraient en trop grand nombre dans les mines et il en arrivait en permanence pour les remplacer. Un grand type du nom de Moya a réussi à fédérer les hommes encore vivants. Ils avaient depuis longtemps trouvé un moyen pour déconnecter leurs colliers mais ils attendaient. Quand Moya en a donné l’ordre, tous les hommes se sont libérés et ils sont montés à l’assaut du poste de garde. Ça a été une vraie boucherie. Les gardes ont été exterminés et les hommes valides ont pris leurs armes et se sont dispersés dans la nature.

Il a eu un temps d’arrêt, comme s’il réfléchissait à la suite puis il a repris :

-Moya et ses hommes se sont installés au pied des montagnes et ont fondé un village…mais il n’avait rien à voir avec le vôtre. J’ai cru comprendre que vous étiez extrêmement bien installés.

– vous avez raison ; Nous nous sommes installés ici dans le but de vivre en autarcie et je pense que nous y sommes parvenus.

– c’est vous qui avez conçu toutes ces maisons ? dit-il en désignant les habitations décorées et fleuries que les pluies quotidiennes et le soleil avaient patinées jusqu’à leurs donner un air presque rustique. Notre village avait une âme et cela se voyait.

– oui, c’est moi…

– vous êtes incroyablement douée, on dirait que ces maisons ont toujours été là !

– je vous remercie, j’adore mon travail.

– vous pouvez être fière de vous.

Il y eut un long silence où ses yeux m’attiraient tellement que je devais détourner le regard pour me soustraire à leur pouvoir, puis il ajouta doucement :

– Zellana ?

– oui…

– je peux vous tutoyer ?

– bien sur…

– tu voudrais bien t’assoir ici pour que je puisse t’embrasser, dit-il en désignant le bord de son lit.

Je le regardais et ses yeux me suppliaient et me défiaient en même temps, alors je m’approchais et je me laissais faire. Il mit ses mains en coupe autour de mon visage et m’attira lentement à lui jusqu’a ce que nos lèvres se rejoignent. Mes yeux étaient rivés au sien jusqu’à ce que le contact chaud et électrique de sa bouche sur la mienne me parcoure tout le corps. Alors, je fermais les yeux et m’abandonnais à son étreinte. Finalement il reprit son souffle et dit :

– merci, ça m’a tenu en vie.

– moi aussi…

Il me regarda longuement puis il reprit, comme si ce baiser n’avait jamais eu lieu ou qu’il lui donnait des droits nouveaux sur moi :

– Zellana, il faut arrêter de danser au milieu des baveaux, ils sont extrêmement dangereux. Ils peuvent t’écraser si vite que tu n’as même pas le temps de les voir arriver.

– je ne crois pas. Je n’avais pas peur d’eux sur la plage. L’un d’eux m’a même sauvé la vie, crois moi ! Ajoutais-je alors qu’il fronçait les sourcils. Les gardes te cherchaient. Ils fouillaient les tunnels de la grotte. Je n’ai pas eu d’autre choix que de me cacher le long de la paroi extérieure. Ils allaient me voir quand un baveau a jailli de l’eau si soudainement qu’ils ont déguerpi en hurlant. Ensuite il m’a regardé fixement puis il est retourné dans l’eau.

– c’est probablement un hasard….

– non, je ne pense pas, il me regardait, et il avait l’air pacifique. Il ne me voulait pas de mal, j’en suis sure…je pense qu’il voulait m’aider.

– aurais-tu réussi à dompter ces créatures marines ? Ça te ressemble bien. On dirait que rien ne te fais peur, dit-il en caressant doucement le collier qui était sorti de mon tee-shirt quand je m’étais penchée vers lui.

– ne crois pas ça ! J’étais terrorisée toutes ces journées, seule sur la plage…

– mais tu es restée.

– je voulais te revoir, je te l’avais promis.

– je suis heureux que tu l’ais fait. Sans toi je serais mort. Et regarde où je suis, dit-il en écartant les bras pour montrer le village à l’extérieur. Je n’ai jamais vu de village aussi beau. Depuis le temps que j’arpente ce continent, je n’ai jamais rien vu de comparable.

– je sais, nous avons fait du bon travail. Nous sommes tous très fiers de notre village mais c’est un travail collectif qui demande beaucoup de discussions et de négociations. Heureusement, dans l’ensemble, nous voulons les mêmes choses. Nous avons appris de nos erreurs et nous ne laissons jamais l’intérêt individuel primer sur l’intérêt collectif. C’est pour cela, ajoutais-je, prise d’une soudaine inspiration, que tu vas devoir t’installer chez moi le temps de ta convalescence et que je ne pourrais te laisser circuler seul avant que tous te fassent confiance.

– tu veux dire que nous allons devoir rester ensemble tout le temps ? dit-il sans pouvoir masquer un sourire de chat.

– oui, dis-je un peu penaude devant ce subterfuge légèrement ridicule.

– qu’elle douce pénitence !

– ne te moque pas de moi, ta présence perturbe les villageois.

– ils ont raisons, je suis dangereux…il va falloir que tu me surveille de très près, ajouta t’il en riant puis en m’embrassant à nouveau longuement.

– d’aussi près ? dit-je dans un souffle.

– peut-être plus…répondit-il dans un murmure.

– s’il le faut…

– oh, il le faudra, sinon je m’évaderai…

– alors, je ne te lâcherai pas.

Puis le silence s’installa parce que nos baisers nous empêchaient de parler.

 

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