UN BAISER OU LA MORT Chapitre 13

Quand je rentrais à la maison ma mère n’était pas là. J’espérais qu’elle reviendrait de meilleure humeur car je ne voulais pas gâcher mes vacances à me disputer avec elle.

Je profitais de son absence pour m’avancer dans mes devoirs puis comme elle n’était toujours pas rentrée, je bricolais un repas rapide que je montais dans ma chambre pour continuer à travailler. La nuit était tombée depuis longtemps et je commençais à m’inquiéter quand j’entendis un bruit sec contre ma vitre. J’ouvris la fenêtre et découvris Jacob en contrebas qui lançais des petits cailloux.

– tu ne viens pas ? me demanda-t-il à mi-voix. Dans la lumière des réverbères, ses cheveux mouillés et coiffés en arrière brillaient étrangement.

– j’étais en train de travailler et ma mère est sortie. Je répondis. Je ne peux pas m’en aller sinon elle va me chercher partout si elle ne me trouve pas en rentrant.

– alors c’est moi qui vient, dit-il en souriant et joignant le geste à la parole il escalada la gouttière jusqu’à ma fenêtre comme si c’était une vulgaire échelle.

– tu sais que n’importe qui peut rentrer chez toi sans difficulté…dit-il en prenant pied sur le parquet.

– je vois…

Il ferma la fenêtre et tira les rideaux en ajoutant :

– on te voit parfaitement de la rue…tu ne devrais pas laisser les rideaux ouverts le soir…

Je ne répondis rien et le regardais. Il jeta un œil autour de lui et voyant le lit jonché de cahiers et de livres, il ajouta en commençant à ranger :

– comment on va faire si ton lit est dans une telle pagaille…

– comment on va faire quoi ? Je répondis sur le même ton…et puis, tu as travaillé toi ? Je t’ai surtout entendu nager…

– Colette, répondit-il en riant franchement maintenant, tu devais cesser d’espionner tes voisins…

Il laissa tomber la lourde pile sur le bureau et s’assit sur le lit que je n’avais pas vraiment refait et il me tira par la main. Debout devant lui, je contemplais son visage confiant, son regard tendre et son sourire charmeur. Je passais ma main dans ses cheveux qui était encore humide de la douche puis n’y résistant plus, je le poussais sur le lit et nous tombâmes l’un sur l’autre en nous embrassant. Au bout d’un moment, je réussis à articuler :

– tu ne peux pas rester, ma mère va rentrer et je n’ose même pas imaginer ce qui pourrait se passer si elle te trouvait dans mon lit !

– Alors on va être très prudents…Puis il reposa ses lèvres sur les miennes et tendit le bras pour éteindre les lumières.

– Jacob…

– Quoi….

– ma mère…

– elle n’est pas là…moi si…dit-il en enlevant ses vêtements et en se glissant dans le lit dans une quasi obscurité qui rendait sa présence extraordinairement attractive. Alors je cessais de lutter et le rejoignis sous la couette bienveillante.

Quand nous reprîmes nos esprits il était très tard et ma mère n’était toujours pas rentrée. J’allais demander à Jacob de s’habiller et de partir quand j’entendis des pas dans l’allée. Je me levais précipitamment et par le rideau entrebâillé je vis ma mère et un homme que je ne connaissais pas. Il disait :

– je peux entrer boire un dernier verre ?

Elle répondait :

– non, ma fille dort juste là, en montrant ma fenêtre.

Je me cachais derrière le rideau avant qu’ils ne m’aperçoivent. J’eus encore le temps d’entendre l’homme qui avait une voix chaude et agréable :

– une prochaine fois alors, tu pourras venir chez-moi si tu veux…

Je me précipitais sur le lit et secouais Jacob.

– Jacob, lève-toi, murmurais-je, ma mère va rentrer !

– je sais, je l’ai entendu mais il est trop tard pour que je m’en aille, chuchota-t-il en retour.

– Elle va forcément venir pour vérifier si je suis là et si je dors…glisse-toi le long du lit, si elle ne rentre pas dans la chambre, elle ne pourra pas te voir.

J’entendis la clé tourner dans la serrure puis les talons de ma mère dans les escaliers et enfin, la porte s’ouvrit, inondant la chambre de la lumière du couloir. Je dormais calmement, la couette bien sagement tirée jusqu’aux oreilles pour qu’elle ne voit pas mes bras nus pendant que Jacob tentais de disparaitre sous le lit qui était trop bas pour qu’il s’y glisse.

– Colette…appela ma mère à voix basse, tu dors…

Je ne répondis rien et dans un soupir que je supposais de soulagement, elle referma la porte sans bruit. Ensuite je l’entendis ouvrir celle de sa chambre à l’autre bout du couloir puis le silence revint.

Jacob en profita pour se glisser dans le lit à mes côtés et m’entourant de ses bras pour que je me blottisse contre lui, il dit à voix basse :

– tu vois…c’était facile…

Je l’embrassais pour le faire taire.

– nous n’allons pas pouvoir continuer comme ça longtemps…je soupirais.

– alors, profitons-en tant qu’on peut…c’est les vacances après tout…

Et il m’embrassa à nouveau. Ses cheveux étaient éparpillés sur son front et son visage, je les repoussais du bout des doigts pour contempler ses yeux qui me fixaient électriques.

Au petit matin, il sortit par le même chemin et rejoignis sa maison sans encombre.

Nous fûmes occupés toute la semaine. Entre les journées que nous passions à nous balader ou à travailler ensemble ou discutant pas nos fenêtres ouvertes, et les nuits que nous arrivions à voler, tantôt chez lui, tantôt chez moi, suivant ce que faisaient nos parents respectifs, la semaine fut finalement terminée et le lundi arriva.

Je n’avais pratiquement pas parlé à ma mère depuis notre échange venimeux et je n’étais pas pressée que nous ayons une nouvelle explication. Avec ma mère il était impossible de prévoir comment cela pouvait tourner. La derrière fois que nous avions poussé nos limites jusqu’à leurs paroxysmes, nous avions déménagés presque comme des voleuses.

J’entendis Jacob démarrer sa voiture – un 4×4 noir dont il avait pris possession dans la semaine – et je descendis les escaliers en courant. J’espérais devancer Alicia dans la rue. Je courus jusqu’à l’angle et je grimpais dans la voiture qui m’attendait, moteur tournant.

Quand Jacob démarra, je vis Alicia qui arrivait en se pressant sur ses talons trop hauts. Trop tard pour nous intercepter. Je regardais Jacob et à son coup d’œil rapide dans le rétroviseur, je compris qu’il l’avait vu lui aussi.

– Avec un peu de chance on aura le temps de boire un café avant de rentrer en cours. Tu es prête pour l’interro de math ? me demanda-t-il en me regardant puis revenant à la route il ajouta, pourquoi je demande ça, si tu n’es pas prête alors personne ne l’est.

– j’ai été beaucoup dérangée dans mes révisions ces derniers temps, je dis d’un ton badin.

– tu regrettes ? demanda-t-il en me prenant la main et je vis qu’il était sérieux.

– tu plaisantes ? Regretter ? Jamais ! J’ai passé les meilleures vacances de toute ma vie !

Il sourit et n’ajouta rien. J’en déduisis qu’il pensait la même chose. Jacob avait aussi beaucoup nagé durant les vacances, chaque fois que nous nous étions accordé un peu de temps libre, entre les révisions et…les moments que nous partagions ensemble. Il était toujours aussi beau et musclé mais maintenant je connaissais la sensation de sa peau sous mes mains, de sa peau contre la mienne et j’en appréciais d’autant plus sa carrure d’athlète.

Quand nous arrivâmes au lycée, Jacob trouva rapidement une place et nous nous allâmes nous assoir au bar situé à l’angle du lycée où nous sirotâmes un café en discutant avec tous ceux qui arrivaient suffisamment tôt pour avoir le temps de faire une pause. La cloche allait sonner quand nous vîmes le bus arriver et Alicia en descendre comme une furie. Elle passa devant nous en nous bousculant avec son Never full de Vuitton qui devait couter les yeux de la tête. Elle semblait éructer de rage et je crains qu’elle ne me le fasse payer rapidement. Jacob se rapprocha de moi et murmura à mon oreille :

– ne t’inquiète pas, j’en fais mon affaire…

Durant la matinée, nous n’eûmes pas le temps de discuter beaucoup, nous enchainâmes une interro de math historique de deux heures (l’épreuve du bac durait quatre heures…) et une interro de Physique-chimie de la même durée. À la pause déjeuner, j’avalais mon repas en vitesse accompagnée de Jacob qui avait visiblement décidé de ne plus me quitter et je filais réviser dans la petite cour. L’après-midi, nous enchainions avec les interros d’histoire géo -deux heures – et l’anglais – deux heures aussi. À côté, le reste de la semaine ressemblerait à des vacances. Je pensais m’être plutôt bien tiré des maths et de la physique-chimie que nous avions particulièrement révisé Jacob et moi et j’appréhendais un peu l’histoire géo. Je relisais donc mon cours sur la politique européenne pendant que Jacob relisais ses fiches sur les différents traités (l’anglais représentais une plaisanterie pour lui, il lui arrivait de décrocher des 22 sur 20, même moi je n’y étais jamais parvenue…) quand une surveillante arriva. Elle nous regarda un instant et bien que nous soyons particulièrement studieux, elle dit :

– vous ne pouvez pas rester là, cette cours est interdite aux élèves…

– s’il vous plait Madame, je tentais, vous voyez bien qu’on révise. C’est impossible de travailler dans la cours, il y a trop de bruit et la bibliothèque est fermée à la pause-déjeuner.

– je sais…mais il y a des élèves qui se plaignent…bon, cette cours est interdite aux élèves, un point c’est tout ! Ramassez vos affaires et retournez avec les autres ! Finit-elle par crier car elle voyait bien que ses arguments n’étaient pas valables.

Nous rangeâmes nos affaires en trainant les pieds et nous nous dirigeâmes vers la cours principale où nous allions nous laisser tomber le long d’un mur pour reprendre nos révisions quand nous fumes interpellé par Alicia :

– alors, on revient parmi les vivants ? Décidément Jacob, cette fille te fait faire n’importe quoi…

Je sentis sans même le toucher le corps de Jacob se tendre à côté de moi. Il la regarda droit dans les yeux puis sans me laisser le temps de réagir, il glissa une main autour de ma taille et l’autre derrière ma tête et il me serra contre lui en m’embrassa avec fougue. Je restais quelques secondes les bras ballants puis je me dis que perdu pour perdu, autant en profiter. Alors je serrais mes bras autour de lui et je m’abandonnai à son baiser qui fut long et plein de passion. Autour de nous la foule bruissa mais ça m’était égal, j’étais si bien dans les bras puissants de Jacob qu’ils pouvaient tous me conspuer, tant que je resterais serrée contre lui, rien ne pourrait m’arriver. Finalement, Jacob me lâcha après m’avoir regardé dans les yeux, sa bouche murmurant contre la mienne :

– ça va ?

– oui, je répondis en me payant le luxe d’un dernier baiser posé comme un souffle sur ses lèvres. Il me sourit puis dit à voix haute :

– finalement nous serons très bien ici pour travailler, Il y a du soleil.

Et il s’installa par terre sans faire attention aux autres élèves qui nous regardaient comme des bêtes curieuses et attrapa ses fiches qu’il entreprit de terminer. Je me laissais glisser à ses côtés et disparu derrière mon cahier d’histoire géo.

Sortir avec Jacob était tellement inattendue pour moi qui m’étais toujours tenue loin des garçons pour ne pas m’attirer plus de problèmes que je n’en avais déjà. Parfois je me demandais si Jacob s’intéressait à moi parce qu’il s’ennuyait et qu’il ne pouvait pas rentrer aux USA ou si il ressentait réellement des sentiments pour moi. Nous n’avions jamais évoqué cet aspect de notre relation. Pour ma part, je ne pouvais me cacher que j’étais amoureuse de lui et que j’attendais avec impatience chaque moment qu’il m’accordait. De son côté…Jacob était tendre, attentionné, prévenant et gentil. Il faisait toujours attention à moi, me demandant régulièrement comment j’allais, si je me sentais bien…mais jamais nous n’avions parlé de ce que nous ressentions l’un pour l’autre. Assise sur le sol à ses côté, foudroyée par le regard d’Alicia et de ses amies qui venaient certainement de me déclarer une guerre que j’allais payer très cher si tout ça n’était qu’un jeu, j’espérais que son baiser audacieux et certainement théâtral soit le fruit de sentiments profonds plutôt qu’une simple volonté de clouer le bec à une bande de pimbêches.

Par chance, la cloche sonna et nous rentrâmes en nous donnant la main (plus exactement, Jacob prit ma main d’autorité et la garda serrée dans la sienne jusque devant la porte de la classe). L’après-midi fut intense. Les questions étaient longues et complexes et nécessités des réponses étayées et élaborées. Je regardais Jacob à plusieurs reprises et il me sourit d’un air confiant. Cela me rassura car les vacances avaient été moins studieuses que celles auxquelles j’étais habituée avant d’avoir…un petit ami…comme cela sonnait étrangement. Un copain, me dis-je. C’est un peu plus vague. Un amoureux…un amant…(Colette ! concentre-toi sur ton devoir d’anglais !).

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