A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Troisième Partie – Chapitre 3

Chapitre 3

48° jour de la saison de printemps de l’an 1

Martial me réveilla en frappant violement au volet :

– allez, marmotte, il est l’heure. Enfile tes vêtements, j’ai du café chaud pour toi.

Je m’habillais en catastrophe, nourris Boulette et filais sans fermer la porte. Martial me tendit une tasse de café brulant et une tranche de gâteau moelleux.

– merci, dis-je la bouche pleine, je suis désolée, je me suis couchée trop tard…

– allez, la navette nous attend, coupa-t-il, peu intéressé par mes explications. Le vol ne va pas être beaucoup plus long mais Serarpi appréhende l’approche du vaisseau. Elle craint de ne pas avoir déconnecté toutes les protections. Elle préfère que nous fassions un repérage avant de nous approcher.

Quand nous arrivâmes sur les hauteurs du village, la navette était déjà sur la piste et les moteurs ronronnaient. A l’intérieur, tous étaient silencieux et la tension était palpable, la peur se lisait sur certains visages. Je pris place à coté de Sorel qui serra longuement ma main dans la sienne, usée et repliée.

– ça va petite ?

– oui, et toi, tu te sens d’attaque pour cette expédition ?

– il faut bien, vous aurez besoin de moi. Ce vaisseau n’a pas de secret pour moi.

– je suis contente que tu sois avec nous, je suis sûre que tout ira bien, lui répondis-je en caressant sa main nouée.

– moi aussi j’en suis persuadé, nos deux grands manitous de l’informatique y ont veillé. J’ai confiance en eux, ajouta t’il avant que les moteurs ne couvrent toute conversation.

Le décollage me fit moins d’effet que la première fois. Martial maitrisait parfaitement son appareil et nous mena rapidement hors de l’atmosphère. Dès que les vaisseaux apparurent sur son écran, Serarpi lui en désigna un sur lequel il mit le cap. Il nous expliqua qu’il préférait une approche manuelle au pilotage automatique car il craignait que nous soyons repéré du poste de pilotage, s’il était encore occupé.

Par les hublots, nous vîmes l’énorme vaisseau triangulaire, noir, inquiétant maintenant que nous connaissions son importance stratégique, se rapprocher. Martial ralentit et balaya la zone pendant que Serarpi tapait à toute vitesse sur un ordinateur posé sur ses genoux.

– je désactive les armes du vaisseau, précisa-t-elle sans quitter son écran des yeux. Je ne pouvais pas le faire du sol. Il fallait être à proximité. Je regrette que les capteurs thermiques ne puissent pas transpercer cette couche de métal, nous saurions ce qui nous attend à l’intérieur. Finalement elle conclut : je crois qu’on peut y aller, de toute façon, on ne va pas tourner autour toute la journée.

Martial fit pivoter la navette et activa l’ouverture d’un sas. Comme la fois précédente, l’appareil fut tracté par un flux magnétique et il s’immobilisa dans un bruit sourd qui nous fit tous sursauter. Joshua se leva et dit :

– Nuncio, Amozzo et moi allons sortir en premier, refermerez la porte derrière nous et n’ouvrez que quand nous vous le dirons !

Quelques-uns protestèrent mais son ton était sans appel. Nous les regardâmes sortir prudemment, puis Sotomayor referma la porte derrière eux et le silence revint. Nous attendîmes un temps infini durant lequel nous spéculâmes en vain sur ce qui se passait à l’extérieur. Soudain, des coups retentirent sur l’habitacle et nous vîmes des éclairs lumineux à travers les hublots.  L’appareil, placé le nez en avant dans le vaisseau ne nous offrait pas une grande visibilité. Cependant, nous assistâmes impuissants, à de violents échanges de coups de feu entre les trois hommes et des gardes dont nous devinions la présence aux longs jets de lasers qui explosaient autour de nous. Des cris retentissaient par moment quand un homme était atteint. Puis soudain le silence revint, encore plus inquiétant. Il dura longtemps. Serarpi avait arrêté l’incessant mouvement de ses doigts sur le clavier et ceux-ci se tenaient, repliés, les mains écrasées l’une contre l’autre, au dessus de l’ordinateur posé sur ses genoux. Le temps sembla se figer pendant que nous attendions en vain des nouvelles de nos camarades. Sorel commença à protester et tenta de se lever pour ouvrir la porte mais Martial et Sotomayor s’interposèrent.

– attendons encore un peu. Je ne vois aucun corps. Ils sont probablement partis en reconnaissance. Laissons-leur encore un peu de temps.

Le silence revint dans l’habitacle, ponctué par les respirations angoissées et sifflantes.

Tout le monde fit un bond quand un coup fut donné sur la porte et que Joshua cria à travers le lourd battant :

– c’est bon, la voie est libre, vous pouvez sortir !

Sotomayor ouvrit prudemment la porte et jeta un œil à l’extérieur puis rassuré, sorti rapidement. Dehors, les trois hommes un peu hagards, nous attendaient.

– tout va bien dit Martial ?

– oui, ils n’étaient pas très nombreux, du moins ceux qui nous ont attaqués. Ils étaient six.

– je ne vois aucun corps, dit Sorel.

– nous les avons trainé dans une des cellules à cotés, précisa Amozzo dont le bras saignait. Il n’y a rien à craindre à priori. Il semblerait qu’il n’ait laissé qu’une petite unité pour faire fonctionner le vaisseau.

– alors, allons y, dit Serarpi, le visage fermé et inexpressif. J’ai du travail et je ne tiens pas à trainer par ici.

Comme la fois précédente, nous avançâmes prudemment les uns derrières les autres, essayant d’être le plus silencieux possible. Malgré tout, nos pas résonnaient dans les couloirs métalliques des sous-sols, rendant notre progression facilement détectable. La tension était palpable. Nous avions tous des souvenirs douloureux de ce vaisseau et y revenir était troublant et dangereux, l’altercation qui venait d’avoir lieu nous le prouvait. Je suivais Sorel qui avançait lentement. Martial fermait la marche, craignant une embuscade.

Beaucoup de navettes étaient encore stationnées dans les sas. Par précaution, les hommes qui avaient parcourus ces labyrinthes des centaines de fois, nous firent emprunter les passages parallèles. Les échelles successives fatiguèrent Sorel qui peinait mais ne se plaignait pas. Quand nous débouchâmes dans un couloir plus vaste, je reconnus le lieu de ma détention. Un frisson glacé me parcourut. Le souvenir de cet enfermement me paniqua un moment et je du contrôler ma respiration pour ne pas fuir. Joshua, et tous les membres de la garde partirent en reconnaissance, nous laissant, Sorel, Martial, Serarpi et moi dans ce passage angoissant.

– je ne peux pas rester là ! Il faut que je bouge, dis-je sans pouvoir me retenir.

– il faut attendre, Zellana ! s’écria Martial. On ne sait pas s’il ne reste pas d’autres hommes cachés quelque part.

– Martial, c’est au-dessus de mes forces, tu ne sais pas ce que j’ai vécu ici, je vais devenir folle si je reste une minute de plus près de ces portes.

– tu n’as rien à craindre, elles sont vide, dit-il en me montrant son écran thermique dont l’activité était en veille. Regarde par toi-même, ajouta t’il en ouvrant la porte.

Sur le sol, un corps déjà décharné flottait dans des vêtements devenus trop grand. Un homme visiblement. La position du corps recroquevillé, la bouche béante et les  yeux aux orbites presque vides attestait de la souffrance de ses derniers instants. Des emballages de nourritures et de boissons en sachets trainaient tout autour de lui. Martial claqua bruyamment la porte en jurant :

– tirons nous d’ici, je suis désolé de vous avoir infligé ça, je n’aurais jamais…

– tu ne pouvais pas savoir, tenta de le rassurer Serarpi mais elle aussi semblait bouleversée. Sorel tordait ses mains en murmurant :

– ça recommence…

Quant à moi, je ne cherchais même pas à approfondir ce que je ressentais, cette vision de cauchemar avait mis mes jambes en action et je courrais déjà,  entrainant Sorel par la manche. Nous débouchâmes sur le vaste couloir qui desservait les bureaux où nous avions été reçus à notre arrivée sur le vaisseau. Je ne voulais plus ouvrir de porte et découvrir de nouveaux corps mais Serarpi entra bravement dans le bureau de la responsable de la colonisation et se connecta à son ordinateur en disant :

– faute de mieux, je vais commencer par là.

Elle s’absorba rapidement dans sa tâche et sembla oublier notre présence. J’enviais son détachement, même si je me doutais que c’était la seule parade qu’elle avait trouvé pour échapper à la d’horreur que nous venions de découvrir.

– Je vais aller inspecter le couloir, dis-je à Martial qui s’exclama :

– non, reste là, on ne doit pas se séparer !

– Martial, je ne peux pas, il faut que je bouge mais ne t’inquiète pas, je vais au bout de ce couloir et je reviens.

– je viens avec toi, dit Sorel qui semblait s’être ratatiné depuis que nous étions entré dans le vaisseau.

– tu as ton communicateur ? me demanda Martial

– oui, et l’arme que tu m’as donné, et la clé aussi, mais je suis sûre qu’il n’y a personne ici. J’affirmais cela avec conviction car l’inaction me pesait tant que je préférais prendre le risque de rencontrer un peloton de gardes au détour d’un couloir, plutôt que d’attendre, piégée dans ce bureau.

Je sortis, suivie de près par Sorel. Nous avancions à pas feutrés pour ne pas attirer l’attention. Le couloir continuait dans une enfilade de bureaux et bifurquait dans un passage qui semblait plus étroit au départ mais qui s’évasait ensuite pour déboucher sur une esplanade dont le fond était recouvert d’une immense paroi lumineuse. En arrivant à son extrémité, nous découvrîmes qu’il tournait à droite et qu’une gigantesque et majestueuse porte décorée de panneaux de bois précieux et de métal doré, rayonnant comme un soleil, en fermait l’accès.

– je crois que ce sont les appartements de Sobia, dit Sorel. Je me souviens qu’on nous a fait évacuer cette zone dès que nous avons achevé la structure. C’est un des rares endroits où je ne sois jamais revenu…

J’apposais le boitier gris sur la serrure digitale et après quelques instants, un petit bruit sec retenti. Je poussais un des battants qui s’ouvrit sans résistance. Nous entrâmes dans ce que je pris d’abord pour un salon. Une immense salle s’ouvrait devant nous. Elle était décorée de luxueux tapis aux tons beige et vert qui affichaient de délicats motifs floraux. Une des parois était entièrement vitrée et sa luminosité donnait l’illusion d’un éclairage solaire tamisé. Contre chaque mur, des canapés en bois clair étaient tapissés d’une belle toile qui reprenait les motifs verts tendre du sol. Il y avait aussi des commodes et des secrétaires aux pieds chantournés, des guéridons et des bibelots de valeur. Tout cela dénotait d’un luxe suranné mais parfaitement maitrisé qui attestait de la justesse du gout de celui ou de ceux qui l’avaient conçu et agencé. Une porte tout aussi majestueuse s’ouvrait au fond de la pièce. Je me dirigeais vers elle et découvris qu’il s’agissait d’un vaste salon. Le vrai, la première salle n’étant qu’un vestibule. Les tons plus sombres et plus chaud, la richesse de l’ameublement, rendaient les lieux paradoxalement tout aussi douillet qu’oppressant. C’était une sorte de cocon conçu pour entourer celle qui y séjournait. Je découvris avec stupéfaction un plaisir non dissimulé malgré les circonstances, des tableaux de grands maitres italiens de la renaissance qui tapissaient harmonieusement les murs aux tentures couleur tabac. Une profusion de canapés, fauteuils, bergères et coussins, était répartie dans la vaste pièce dont l’éclairage tombait doucement du plafond sans jamais agresser l’œil. Une porte sombre s’ouvrait dans le fond. Après avoir échangé un regarde entendu, Sorel et moi nous en approchâmes. Elle donnait sur un grand bureau très dépouillé, meublé d’une immense table en bois massif munie de caissons à tiroir de part et d’autre et d’un impressionnant fauteuil en cuir fauve. Des murs clairs, des gravures et des estampes dans de sobres cadres. En vis-à-vis, un secrétaire aux portes d’acajou rouge était restait entrouvert sur une multitude de tiroirs débordant de papiers en désordre. Je fus tenter d’aller y farfouiller mais le temps était compté. Ma curiosité l’emporta cependant sur la raison et je me tournais vers le fond de la pièce. Une porte latérale apparaissait distinctement entre des panneaux d’une surprenante tapisserie blanche aux motifs argentés presque imperceptibles tant ils étaient fins et discrets. J’ouvris la porte et arrivais dans la plus luxueuse et surprenante chambre qu’il m’ait été donnée de voir. Des tentures de velours rouge, un lit à baldaquin paré de draperies dorées, coupées dans une lourde moire à motifs ton sur ton, des miroirs au plafond, des statuettes érotiques d’une immense valeur. Des coupes et des vases à profusion. Une impressionnante boite chryséléphantine était posée sur une des deux tables de nuit. Je parcouru la pièce du regard, consciente de la valeur de ce qu’elle contenait tout autant que du gout étrange et déplacé de la décoration. Je décidais toutefois de poursuivre mon exploration. Au fond, une porte ouvrait sur un petit couloir, à droite une salle de bain en marbre et en chêne massif avec une baignoire en porcelaine gigantesque. A gauche, un dressing tapissé de portants regorgeant de vêtements rangés par catégorie et par couleur. La partie où était entreposée les manteaux était si remplie que les vêtements formaient une énorme bosse proéminente au fond du local. Je repérais un somptueux manteau de fourrure qui semblait sur le point de tomber de son cintre. Je ressentis un sentiment de malaise que je ne parvins à chasser. Une personnalité à facette semblait se cacher derrière la décoration quasi-schizophrénique de ces quatre pièces. Un vestibule d’apparat sobre, un salon confortable et protecteur, une chambre aux allusions plus que suggestive, et un dressing digne d’une midinette. Tout cela dans un foisonnement de luxe qui n’avait pas lieu d’être sur un vaisseau spatial, fussent dans les appartements de la présidente de l’humanité. Mais la question qui me vint ensuite décupla mon malaise : pourquoi tout ce mobilier magnifique, ces objets de valeurs, ces tableaux inestimables, ces vêtements en grand nombre, étaient-ils demeurés sur le vaisseau ?

Sorel, qui me suivait pas à pas et qui comme moi examinait ses découvertes surprenantes, mit des mots sur mes pensées :

– et elle serait partie sans emporter le moindre de ses objets ?

Nous nous regardâmes puis sans nous être consulté, nous rebroussâmes chemin. Il faudrait revenir pour mettre à l’abri ces trésors et consulter ces papiers, mais aucun de nous n’avait envie de prolonger la visite pour le moment. L’excès était partout et il nous dérangeait. Nous reprîmes le couloir blanc jusqu’au bureau où Martial et Serarpi travaillait toujours.

– alors ? dit Martial en levant les yeux de son écran.

– nous avons trouvé les appartements de Sobia, une partie en tout cas, et on dirait qu’elle n’a rien emporté. C’est assez surprenant et plutôt malsain. J’avais l’impression qu’elle allait rentrer dans la pièce d’une minute à l’autre. Et vous ?

– nous avançons, répondit sobrement Martial à la place de sa compagne trop absorbée pour lever le nez de ses écrans.

– Il y a déjà des fichiers ici auxquels nous n’avions pas accès, dit-elle finalement, je les télécharge en vitesse mais le plus important se trouve dans l’ordinateur central.

– Nous attendons toujours des nouvelles de nos amis partis en reconnaissance, repris Martial quand Serarpi piqua à nouveau du nez dans son matériel informatique.

A cet instant, le communicateur grésilla avant que la voix de Nuncio nous prévienne que nous pouvions les rejoindre au poste de pilotage, à l’autre extrémité du vaisseau. Serarpi déconnecta rapidement ses appareils et nous longeâmes le couloir en direction de l’immense esplanade où nous nous étions réunis si souvent. Des objets en tout genre jonchaient le sol, signe d’un départ précipité et désorganisé. Les affaires d’enfants semblaient avoir été laissées au sol en grande quantité. Des peluches et des poupées abandonnées donnaient un sentiment de désolation incommensurable. Nous passâmes devant les salles de laboratoires où nous avions travaillé si longuement et je ne pu m’empêcher de faire un détour par le laboratoire d’urbanisme pour constater que la table avait disparue. Cette absence me troubla encore plus que les appartements présidentiels encore remplis. Je rejoignis les autres dans l’immense poste de pilotage aux parois de plastique blanc, brillant et immaculé où je constatais que le bras d’Amozzo avait était pansé et qu’il semblait en état de s’en servir. Nuncio affichait une belle éraflure sur le front et Joshua boitait un peu. Quand je lui demandais ce qu’il avait, il m’expliqua qu’il avait bêtement glissé en se mettant à couvert et s’était durement cogner la hanche. Mais il ne souffrait d’aucune blessure grave.

Pendant que nous parlions, Serarpi branchait déjà des câbles de toute part et s’installait dans un fauteuil, comme si la salle était à elle.

– bien, j’en ai pour plusieurs heures, le transfert des données va être un long, mais quand j’aurai fini, il n’y aura plus de secret ! dit-elle en s’absorbant immédiatement dans son travail.

– je vais rester ici, ajouta Martial, je serai plus tranquille. Voyez ce que vous pouvez charger dans les navettes. Je pense que nous pouvons prévoir plusieurs transports de matériel, ajouta-t-il visiblement à mon attention.

Joshua et les autres gardes acquiescèrent et allaient partir quand je dis :

– Sorel et moi avons trouvé les appartements de Sobia. Il faudrait que l’un d’entre vous vienne avec nous pour nous aider à emporter certains objets qui s’y trouvent.

Les autres se regardèrent légèrement dubitatif mais devant mon air déterminé, Nuncio dit :

– d’accord je viens, je jette un œil et on prendra un chariot s’il le faut.

– oh, il le faut ! dit Sorel et il ne suffira pas d’un seul chariot. Il y a des trésors qui ne doivent en aucun cas rester à pourrir sur ce vaisseau.

Son ton était si péremptoire que tous le regardèrent étonnés.

– vous devriez venir voir par vous-même, ajouta-t-il pour faire taire toute discussion.

– on vous fait confiance, répondit Joshua, on manque de temps pour faire le tri.  Nuncio, rejoint les avec un chariot, nous, nous nous rendons dans les stocks pour récupérer des armes et tout ce dont nous avons besoin. Pour le moment, les armes sont prioritaires ! 

Nuncio parti en courant en promettant d’être là rapidement et je retournais vers les appartements de Sobia avec Sorel. En route, nous longeâmes un des restaurants et je le tirais par la manche pour que nous y entrions. A l’intérieur, un désordre indescriptible régnait, comme si le dernier repas avait était pris dans un affolement général. Des plats entamés couvraient les tables et une odeur de pourriture émanait de l’ensemble. Nous allions rebrousser chemin quand j’avisais une porte ouverte. J’entrais dans ce qui avait du être la cuisine du restaurant. Là aussi, la pagaille et la crasse recouvraient le mobilier de métal inoxydable. Des emballages vides, d’autres à peine ouverts, de la nourriture altérée, de la vaisselle sale partout, bref une vision d’apocalypse incompréhensible. Qu’est-ce qui avait bien pu les pousser à partir ainsi ? Une autre porte donnait sur des stocks dévastés. Puis une petite porte au fond attira mon attention. Elle était verrouillée mais mon passe magique la débloqua en un cliquetis. Elle ouvrait sur une cuisine luxueuse, comme on aurait pu imaginer en trouver dans une vieille maison bourgeoise. Aménagée de meubles en bois sombre, dallée de carrelage blanc et noir à damier. Une batterie de cuisine en cuivre pendait au dessus du plan de travail. Une immense table de bois massif et de nombreuses chaises. Là aussi, la nourriture couvrait les éléments mais des sacs poubelles avaient étaient fermés et entassés le long d’un mur qu’ils recouvraient presque en totalité.

– on dirait que quelqu’un a essayé de maintenir un peu d’ordre dans cette cuisine. Dis-je en montrant les sacs à Sorel.

– oui, mais sans grand succès.

– regarde, les placards sont presque vides !

– je crois qu’on se trouve dans la cuisine des appartements présidentiels. Si je me fie à ma mémoire, nous devrions trouver une porte qui mène à des stocks derrière ce meuble, dit-il en contournant un haut placard et en découvrant une porte qui révéla des étagères métalliques supportant encore beaucoup de nourriture conditionnée.

– Et il doit y en avoir une autre qui nous ramène dans le salon d’entrée, me dit-il en rebroussant chemin.

En effet, au fond de la cuisine, une porte s’ouvrait sur le beau salon beige et vert.

– bon, il faut sauver ce qui a le plus de valeur. Les tableaux, mais aussi ces somptueux meubles en bois précieux. Tu as vu le travail de marqueterie du bureau ?

– oui, dit Sorel. C’est splendide ! Ce sont des meubles très anciens, je dirais probablement du louis XV.

– il y a un peu de tout, j’ai repéré des bergères empires, un bureau louis XVI et ces magnifiques tableaux de la renaissance italienne…

– tu as raison, nous devons sauver tout ça. Il le faut, c’est notre mémoire !

– je connais quelqu’un que cela va intéresser…

Sorel me jeta un regard interrogatif mais je m’abstins de développer.

Nous commencions à décrocher les tableaux du salon d’apparat quand Nuncio arriva avec un chariot à main. Il fit un rapide tour de la pièce, parcouru le reste des appartements puis revint en sifflant :

– en effet, vous aviez raison, il faut tout emporter ! Bon, je reviens avec un vrai chariot cette fois ci. Nous pourrons remplir dix navettes avec tout ça, peut-être quinze.

– merci Nuncio, ça me désolait que tout se perde.

– ne t’inquiète pas, les autres sont assez nombreux. Je peux rester avec vous, nous allons tout descendre dans les soutes en passant par les monte-charges et tout ranger dans des navettes. Ensuite, on laissera Serarpi opérer depuis le sol, ajouta-t-il avant de repartir en courant.

Je passais dans le salon brun et contemplait longuement la « Naissance de vénus » de Botticelli que je n’avais admirée que sur des écrans. Rien ne m’avait préparé à la beauté de ces coups de pinceaux si fins, si précieux. Les drapés semblaient si vivants qu’on pouvait presque sentir la brise les soulever doucement. Le velouté de la peau, le travail des cheveux, tout était splendide. Mais il était trop grand pour que je le décroche toute seule. Il faudrait aussi l’emballer pour le protéger durant le transport. Je me rendis dans la chambre et dépouillais sans regret le grand lit de son couvre lit en fourrure naturelle que je déposais au pied du tableau. Je fis de même pour toutes les grandes toiles. Mais les draps, couvre-lit et édredons finirent par manquer. Je me dirigeais vers la chambre où j’emballais tous les bibelots dans des vêtements que je prenais dans le dressing au fur et à mesure. Les pulls constituaient des taies précieuses, une fois le bibelot glissé à l’intérieur, il ne restait plus qu’à rabattre les pans, et nouer les manches autour pour faire tenir l’ensemble. J’apportais mes trésors au centre du salon, au fur et à mesure, travaillant sur le grand matelas dépouillé de tout son linge. Je m’activais ainsi longuement, aidé par moment de Sorel qui portait avec moi un meuble léger mais encombrant que Nuncio emportait ensuite sur son chariot. Le dressing se vidait peu à peu de ses réserves et je me fis la réflexion que peu de ces vêtements ne serviraient, car la vie au village nous avait tous rendus sveltes et musclés, pour ceux qui ne l’étaient pas déjà. Quand je saisis la boite en ivoire décorée de motifs en or qui contenait des bijoux de valeur entassés et emmêlés, il ne me restait plus que les manteaux. Je me dirigeais vers le dressing quand je vis la montagne de fourrure et de lainage bouger légèrement. Je m’arrêtais, interdite et inquiète. Allais-je trouver un autre chat abandonné ? Je sortis mon arme que je pointais en direction de la penderie et entrepris de faire tomber les vêtements les uns après les autres. Plus j’avançais, plus l’angoisse montait. Un dernier paquet de vêtements pendait encore sur la tringle quand je vis une chaussure dépasser. Une mule, une de ces pantoufles luxueuses bordées de fourrures que portent les femmes riches. Rien que j’aurai pu avoir durant toute ma vie. Sa présence n’aurait pas du être troublante, il y avait un placard à chaussure bien remplis un peu avant, c’est le pied glissé à l’intérieur qui me fit sursauter. Puis j’entendis un gémissement, faible mais désespéré. Alors je dis :

– il y a quelqu’un ?

Pas de réponse.

– je suis armée, je vous conseille de sortir sans opposer de résistance, je ne vous ferai aucun mal !

J’étais consciente que mes paroles étaient paradoxales et probablement effrayantes.

Le gémissement repris, plus fort, plus long, déchirant. Prenant mon courage à deux mains, je repoussais les manteaux qui demeuraient pendus et une chevelure emmêlée apparue. La peau brune et le corps ramassé, la jupe chiffonnée, le pull effrangée aux manches, les mains qui se cachaient nerveusement, les ongles courts et cassés, rien ne m’échappa. Cette tignasse emmêlée et sale me répugna mais je continuais à parler :

– je vous vois, je suis là, juste devant vous. N’ayez pas peur, je ne vais pas vous faire de mal, je ne sais pas qui vous êtes mais je peux vous aider…

Alors la femme se tourna lentement ; son visage baigné de larme était ravagé par la fatigue et probablement la peur et la solitude. Les joues creuses et le corps ratatiné me conforta dans l’idée qu’elle avait été oubliée ou abandonnée dans le vaisseau.

– allez venez ! N’ayez pas peur, je ne vous ferais rien. Nous sommes une dizaine sur le vaisseau ; nous pouvons vous emmener avec nous si vous le souhaitez. Ne restez pas là…

Je m’approchais et lui tendis la main. La femme émaciée la saisit avec réticence et je sentis les os saillants de sa main décharnée, et alors je la reconnue, c’était Sobia. La femme resplendissante et voluptueuse que j’avais croisée pour la première fois des mois auparavant n’était plus que l’ombre d’elle-même.

– Sobia ?

Elle hocha imperceptiblement la tête.

– mon dieu, mais que vous est-il arrivé ?

Je l’aidais à se relever et la soutins jusqu’à sa chambre où je l’allongeais sur le matelas puis la couvris avec un manteau de fourrure que je trouvais dans le dressing ; elle se replia telle une enfant apeurée. Je m’assis près d’elle et lui caressant les cheveux, je lui dis :

– ne vous inquiétez pas, nous ne vous ferons aucun mal. Je vais vous amener à manger ; rester là et reposez vous. Je courus dans le salon où Sorel me regarda passer avec étonnement. Nuncio arrivait au même moment, conduisant un immense chariot à plateau, alors je m’arrêtais dans ma course et je leur dis :

– écoutez, pour le moment, prenez ce qui est ici et dans le salon d’à coté, mais n’allez pas dans la chambre…je viens de trouver une rescapée …Elle va très mal. Il faut que je lui trouve à manger…

– encore un chat ? dit Nuncio en riant.

– non, la Présidente de l’humanité…

– quoi ? Tu veux dire que tu viens de trouver Sobia ? Elle n’est pas partie avec le gouvernement ?

– apparemment non…écoute, on lui posera des questions plus tard, pour le moment, elle n’est pas en état. Chargez le chariot, je m’occupe d’elle. Il reste encore tous les gros meubles.

Je vais demander à quelqu’un de venir m’aider, dit Nuncio et puis je vais informer les autres…

– laisse-moi un peu de temps, s’il te plait, j’aimerai bien comprendre ce qui s’est passé avant que tout le monde rapplique.

Je fonçais à la cuisine, puis dans les stocks et je trouvais des barres vitaminées et des jus de fruits qui avaient été oubliés. Ce n’était pas terrible mais ça lui ferait du bien. Je retournais à son chevet. Elle semblait dormir mais quand je m’assis sur le bord du lit, elle sursauta.

– n’ayez pas peur, je vous ai apporté à manger. Tenez, lui dis-je en lui tendant une barre protéinée. Elle me jeta un regard angoissé puis n’y tenant plus, elle l’attrapa fébrilement, mettant des miettes plein le manteau.

Je regardais les petits conglomérats se coller dans les poils soyeux de la fourrure et je me dis que j’aurais du lui apporter une serviette. Elle avala trois barres et but deux jus de fruits avant de se laisser retomber lourdement sur le matelas.

– je vous reconnais, vous êtes la jeune femme qui travaillait avec Wong.

Sa voix était rauque et légèrement sifflante, comme si elle forçait pour parler.

– oui, c’est moi, Zellana…

– j’aimais beaucoup votre travail, vous aviez du talent. Pourquoi avez-vous quitté le vaisseau ?

– parce que vous aviez ordonné que l’on me tue !

– je n’ai jamais fait une chose pareille ! se défendit-elle comme si ses dernières  forces en dépendaient.

– Pourtant, nous avons été un certains nombres à devoir fuir pour ne pas être exécutés et j’en faisais partie. On m’a rapporté que vous aviez signé notre condamnation sans sourciller.

– jamais je n’aurai fait une chose pareille ! Pourquoi éliminer tant de talent ? J’ai signé des documents où l’on vous décernait à tous, tout ceux qui avaient travaillé au développement de Materia, le privilège de vivre avec les membres du gouvernement.

– peu importe…nous verrons ça plus tard. Que s’est-il passé sur le vaisseau ?

– je ne sais pas…nous devions partir. Vos navettes s’étaient détachées du vaisseau et avaient disparues. Les membres du gouvernement s’énervaient et je ne comprenais pas pourquoi, tout était prêt pour notre arrivé à Materia. Nous pouvions bien laisser partir ceux qui ne voulaient pas venir avec nous ; nous étions libres ! Jasper, mon premier ministre, était dans une rage folle, il parlait de détruire tout ceux qui avaient fui. Je m’y suis opposée. Nous avons eu une très violente dispute et je me suis retirée ici en attendant le départ. Ensuite, il y a eut des bruits étranges dans tout le vaisseau et Jasper est revenu. Il m’a dit que j’avais raison et qu’il s’excusait pour cet accès de colère. Il m’a dit qu’il était nerveux à cause de l’arrivée imminente. Ensuite il m’a préparé un thé en me disant d’attendre tranquillement que l’embarquement commence. Je pense qu’il m’a donné une boisson contenant un somnifère, parce qu’après son départ, j’ai dormi longtemps. Quand j’ai voulu sortir pour aller voir ce qui se passait, j’étais enfermée. Le temps que je retrouve mon passe et que j’ouvre les portes, j’ai découvert que le vaisseau était vide. J’ai couru partout…il ne restait plus personne. Ils étaient tous partis et je ne savais même pas comment descendre dans les soutes. Alors je suis restée ici depuis…Je ne sais même pas depuis combien de temps je suis seule.

– plus d’une année…

– mon dieu, ils m’ont abandonné ici toute seule et ils ne sont jamais revenus. Et vous, pourquoi êtes vous là ? me demanda-t-elle, soudain suspicieuse.

J’hésitais un instant à lui répondre. Devais-je lui dire la vérité ou lui mentir ? Puis-je la vit telle qu’elle était, une femme abandonnée, faible et dépendante de nous. Ce n’était plus la superbe Sobia qui régnait sur l’humanité et dont les décisions n’étaient jamais contestées. Alors je me lançais :

– nous avions besoin d’accéder aux données centrales de l’ordinateur et nous chargeons aussi des armes pour nous défendre.

– des armes ! Mais  pour quoi faire ? s’exclama-t-elle, presque offusquée. Matria est une planète pacifique.

– oui, en apparence, mais il y règne des bandes organisées de mercenaires et de gardes armés qui sont devenus très dangereuses au fil des années. Nous nous sommes installés dans un endroit isolé ce qui nous a permis de ne pas être attaqué pour le moment, mais nous savons que ça ne durera pas et nous devons défendre notre village.

– Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? dit-elle en, se redressant sur un coude.

– Il m’avait semblé que vous auriez plus facilement la réponse que moi…

– moi ? En aucun cas ! J’ai toujours veillé à ce que la colonisation de Matria se fasse dans le respect de la planète mais aussi des hommes que nous y avions envoyé.

– vous plaisantez ? laissais-je échapper sarcastique.

– Pas du tout ! J’ai toujours été très attachée à la dignité humaine ! répondit-elle avec force. N’est-ce pas ce que nous souhaitions tous en partant pour ce nouveau territoire ? Repartir à zéro sans refaire les mêmes erreurs ?

– alors, dans ce cas, il semblerait que votre gouvernement, où en tout cas certains membres, n’aient pas vu cette colonisation de la même manière que vous. Ecoutez, nous parlerons de cela plus tard. Venez, je vais vous présenter aux membres de l’expédition. Ils sont au courant de votre présence et personne ne vous fera de mal, ajoutais-je en voyant la peur réapparaitre dans ses yeux. De toute façon, nous allons bientôt repartir et vous ne voulez pas restez ici tout seule ? Nous ne savons pas si nous pourrons revenir.

– je viens, laissez moi le temps de prendre ma valise, elle est dans la salle de bain.

– j’y vais, lui ai dit-je, mettez vos chaussure et couvrez vous, vous risquez d’avoir froid pendant le voyage. Les navettes ne sont pas particulièrement bien équipées.

Je trouvais un magnifique sac en cuir dans la salle de bain. J’attrapais une petite valise vide qui trainait par terre et j’y fis tomber tous les produits éparpillés sur le lavabo et autour de la baignoire, je vidais consciencieusement les placards de leur contenu et je rejoignis Sobia qui chancelait dans des chaussures à talons trop haut pour ses maigres forces.

– vous n’auriez pas des chaussures plus confortables ? Là où nous allons, celles-ci ne vous serviront à rien.

Elle me regarda étonnée et légèrement contrariée. Malgré le temps écoulé, elle ne semblait pas être habituée à ce qu’on la contredise, mais elle repartit dans son dressing et revint avec une paire de chaussures en cuir plates, moins seyantes mais plus adaptées.

Je l’aidais à marcher et nous traversâmes le salon sous le regard étonné de Nuncio et Sotomayor qui chargeaient les meubles qui restaient. Elle eut un moment d’arrêt face à ce pillage alors je dis :

– ne vous inquiétez pas, vous retrouverez tout ça en bas, nous ne pouvons pas le laisser ici, vous en conviendrez ?

Puis je lui présentais les deux hommes sans préciser leur fonction d’origine. Elle les salua puis répondit :

– oui, vous avez raison, il faut sauver toutes ces merveilles…

Nous passâmes dans le salon vert qui n’avait plus de nom que la tapisserie car même le somptueux tapis avait disparu. Sorel nous regarda avancer vers lui sans bouger. Il semblait médusé et en colère.

– Sobia, je vous présente Sorel, un ami qui vit dans notre village. Sorel, j’amène Sobia au poste de commandement, je te laisse superviser le reste du déménagement. Il ne reste plus que les meubles de la chambre et peut-être la salle de bain si vous avez le temps. Le mobilier est en chêne massif, il est magnifique et la baignoire en porcelaine est une pièce de collection.

– c’est très aimable à vous de me prendre mes affaires, dit Sobia.

– oh, mais ce n’est pas pour vous que nous le faisons, répliqua Sorel qui ne masquait pas une froide colère. Tout cela a bien trop de valeur pour n’appartenir qu’à une seule personne !

– venez ! dis-je pour couper court à une éventuelle dispute car, même si je comprenais la colère de Sorel et que je la partagerais partiellement, Sobia était bien trop affaiblie pour lutter.

Nous marchâmes lentement à travers les couloirs déserts. Quand nous arrivâmes au milieu du vaisseau, elle du s’arrêter pour reprendre des forces. Je lui donnais un jus de fruit et une barre vitaminée que j’avais fourrés dans ma poche et elle les avala l’un après l’autre en laissant les emballages tomber sur le sol. Je regardais les papiers avec réprobation mais Sobia ne sembla pas incommodée par mon mécontentement :

– à quoi bon, tout n’est que ruine…

– je vous déconseille de vous comporter comme ça quand vous serez au village, nous ne vivons pas du tout de cette façon…

Elle me regarda, surprise, puis elle dit d’un ton contrit que j’espérais sincère :

– je vous le promets.

Elle reprit appui sur mon bras et nous repartîmes à pas comptés. Quand nous arrivâmes au poste de pilotage, tous avaient été avertis de sa présence car certains des anciens gardes se tenaient devant la porte et la saluèrent cérémonieusement durant que d’autre détournaient ostensiblement le regard. A notre entrée, Martial se leva et approcha un siège, mais Serarpi ne broncha pas. Toujours absorbée par ses écrans, elle ignora notre présence. Sobia s’assit lourdement dans le profond fauteuil et resta un moment silencieuse. Elle semblait minuscule, si maigre et sans force, presque englobée dans le cuir sombre du siège, mais ses yeux brillaient d’une énergie nouvelle. Elle reprenait des forces et il me vint à l’esprit qu’il ne lui faudrait pas longtemps pour retrouver sa combativité.

Vers la fin de l’après midi, bien que cela puisse sembler très relatif dans ce jour perpétuel, nous avions pratiquement terminé. J’étais retournée aider Nuncio et Sotomayor à charger les œuvres d’art et les meubles de l’appartement présidentiel pendant que les autres chargeaient de lourdes armes, des munitions, des armes de poings, etc. ils démontèrent même un canon qui trônait auparavant sur une tourelle du vaisseau. Il était si encombrant qu’il remplit une navette à lui seul. Je réussis à leur imposer un certains nombre de fournitures indispensables à beaucoup d’entre nous au village et plusieurs navettes se remplirent de cartons contentant du matériel scolaire et médical, de vêtements, de vaisselles, de linge de maison, etc. le vaisseau regorgeait de fournitures neuves dont nous avions cruellement besoin. J’insistais pour que nous callions les meubles avec des matelas et des coussins. Les couvertures ayant déjà été réquisitionnées pour emballer les armes. Quand je retournais au poste de contrôle, Martial et Serarpi remballait le matériel et Sobia attendait patiemment sous le regard toujours réprobateur et vigilant de Sorel qui avait pris place non loin d’elle. Nous perdîmes encore du temps quand les hommes découvrir un satellite beaucoup plus gros que celui que nous avions fabriqué, attendant d’être lancé en orbite dans une cale du vaisseau. La procédure était simple mais demandait le temps d’une reprogrammation, que nous prîmes, car il nous serait utile pour survoler le territoire nord et pourquoi pas un jour, l’océan. Quand il fut lancé et positionné dans le bon axe, nous pûmes enfin embarquer en ramenant avec nous les armes légères et le précieux chargement informatique que Serarpi tenait serré contre elle.

Le vol fut rapide et sans problème malgré les cris étouffés que Sobia laissa échapper à chaque secousse. Mais elle ne dit mot car Sorel la couvait d’un regard noir. Nous atterrîmes à la nuit tombée. Comme la fois précédente, les villageois nous attendaient avec impatience. Orep accouru pour accueillir son époux avec force démonstration d’amour qu’elle interrompit quand elle vit la frêle silhouette encore voutée de Sobia, sortir de la navette. Tout le monde sembla se figer, chacun s’interrogeait probablement sur ce qu’il pensait de la présente de Sobia parmi nous. Il y eut des rires nerveux, des cris de colères, des regards étonnés mais il fallut attendre que je m’approche d’elle et que je la présente au villageois rassemblés, pour que la vie reprenne :

– je pense que beaucoup d’entre vous ont reconnus notre chère présidente, Sobia Zablonski. Comme vous, nous la pensions installée à Materia avec les membres du gouvernement, mais il semblerait que dans la précipitation, elle n’ait pu décoller avec les autres. Nous l’avons donc amené ici en attendant de voir avec elle, ce que nous pouvons lui proposer.

Une voix cria : « qu’elle s’en aille ! » une autre plus faible dit : « vous auriez du l’y laisser ! » mais dans l’ensemble, les gens étaient plus décontenancés qu’hostiles.

Un grand repas nous attendait dans la salle commune et Sobia fut installée à une place, vers le bout de la table. Orep, qui sentait la tension palpable de l’assemblée, prit une chaise et s’installa arbitrairement à côté d’elle, comme si cela était naturel, alors qu’elle ne l’avait jamais rencontrée. Sorel garda ses distances jusqu’à ce que son épouse lui glisse quelques mots à l’oreille. Personne ne sut jamais ce qu’elle lui dit mais le soir même, Sobia s’installa dans leur maison le temps qu’on lui en construise une et Orep et elles devinrent amies si aisément qu’on avait l’impression, en les voyant discuter sur la plage à longueur de journée, qu’elles se connaissaient depuis toujours. Ce soir là cependant, la parole fut contrainte. Il n’y eut pas de discours, les gens se méfiaient. Dès le repas terminé, tout le monde rentra chez lui et je retrouvais Boulette avec grand plaisir. Elle au moins ne boudait pas son plaisir de me revoir et quand elle m’en voulait, elle disparaissait sous le lit jusqu’à ce qu’elle oublie.

Le lendemain, je rendis visite à Martial et Serarpi qui dépouillaient déjà les fichiers téléchargés. Martial m’accueillit en me disant :

– on dirait que tu te spécialises dans les chats errants…

– Martial, je n’allais pas la laisser là-haut toute seule. Tu imagines ce que cette femme a vécue ces derniers mois, abandonnées de tous. Elle a du survivre à la folie, à l’isolement…

– Admettons ! Tu as eu raison, on ne peut pas traiter les gens comme ils nous ont traités sinon nous deviendrions comme eux.

– je ne suis même pas sure qu’elle soit responsable de grand-chose…

– tu es trop gentille Zellana, tu ne vois pas le mal chez les autres. Ne te laisse tout de même pas abuser. Elle va retrouver ses forces et elle voudra probablement reprendre le pouvoir.

– on n’en est pas encore là…

– profites ! Tiens, ces fichiers devraient t’intéresser, ce sont les fichiers manquants sur la colonisation et quelques autres trouvailles que nous n’avons pas eu le temps de regarder mais qui t’intéresseront probablement, dit-il en me montrant un emplacement sur l’ordinateur. De toute façon, tu as accès à tout.  Farfouille, fais toi plaisir. Nous on s’occupe des armes et du satellite.

– et de faire atterrir les navettes, ajouta Serarpi.

– oui, ça aussi !

– bon je vous laisse, vous semblez occupés, dis-je pressée de découvrir ce que renfermais les fameux fichiers secrets. De plus, j’étais toujours partagée quand je me rendais chez eux. Martial me traitait comme sa propre fille et je savais qu’au fond, Serarpi m’aimait beaucoup, mais sa froideur me décontenançait toujours. Elle dû sentir mon malaise car, quand je franchissais la porte, elle lança :

– c’est bien ce que tu as fait Zellana. Viens manger à la maison ce soir, on aura le temps de parler. Puis elle baissa la tête et je vis Martial sourire tendrement.

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