JE LA REGARDE – Chapitre 7

Chapitre 7

Je la regarde parler, elle me décrit en quelques phrases courtes et amusantes l’histoire du livre qu’elle tient entre les mains. Depuis quelque temps j’ai pris l’habitude de lui rendre lui visite régulièrement.

Au départ mon intention était d’acheter tant de livres qu’une vie n’y suffirait pas pour les lire tous. Puis peu à peu, j’ai commencé à prendre plaisir à ces rencontres, à ces conversations où seule la littérature nous intéressait. Nous n’avons jamais parlé de nous et je ne sais même pas comment elle s’appelle. Je peux décrire sa bouche ornée d’un élégant grain de beauté sur la lèvre supérieure, ses yeux forts beaux, malgré le crayonnage charbonneux qui les cerne, la touffeur de ses cheveux bouclés et un peu hirsute, son nez fin, orné d’une légère bosse au milieu, sa peau pâle, parsemée de grain de beauté et de taches de rousseur, son corps dont les blouses amples et les jupes lourdes ne cachent pas totalement les rondeurs et les aspérités mais je ne sais toujours pas comment elle s’appelle. Je n’ai jamais pris le temps de lui demander. Au début je parlais peu, ou pas. Je la laissais me guider à travers les livres et je l’écoutais parler avec délice. Son phrasé lent et précis, sa diction parfaite, le choix de ses mots toujours justes pour décrire chaque chose, me charmaient et suffisaient au plaisir de nos rencontres. Puis, peu à peu, je l’ai interrogé sur chaque livre que je choisissais et ses conseils me faisaient du bien. J’avais l’impression que quelqu’un prenait soin de moi et j’ai donc multiplié mes visites au point d’y venir presque tous les jours. Sur le chantier, personne n’a besoin de moi. Deux équipes se relaient pratiquement nuit et jour sous la direction de Nyoman et le premier bungalow, celui des Australiens, est pratiquement terminé. Prenant modèle sur le mien, nous avons décidé de tout rénover et de faire de chacun de ces bâtiments, un modèle de luxe et de confort. Il a fallu pour cela batailler longtemps avec diverses administrations pour obtenir l’autorisation de faire venir l’électricité jusqu’au complexe. La pose des poteaux et le câblage a été long et coûteux. Mais nous y sommes arrivées, Monsieur Wayan et moi.

Tous les bungalows sont maintenant équipés d’un tableau électrique et se verront dotés de lumières et de climatisation ainsi que de tout le confort imaginable au fur et à mesure de leur restauration. Ce chantier me coûte un fric fou. J’ai décidé de tout acheter sur place, de n’utiliser que des fabrications locales, des matériaux venant de Bali ou des îles environnantes, et de respecter le plus possible des normes écologiques. Je veux que ce soit beau et je veux que ce soit sain. Nous avons décidé, en fait je devrais dire « je »parce que c’est la seule part que je puisse maîtriser, de donner à chaque bungalow une couleur intérieure différente. Ainsi, celui des Australiens, se verra paré de vert là où le mien est blanc. J’ai déjà commandé tous les meubles et tous les accessoires de décoration pour chacun des bungalows et ils sont stockés dans un grand entrepôt que j’ai loué dans la zone industrielle de Denpasar. Il y aura un bungalow bouton de rose, un autre soleil, bleu lagon, taupe, pourpre, turquoise, rouge, et même bronze. Le même bois blond qui a été utilisé chez moi,viendra bientôt anoblir chacune des maisons. Ces touches colorées n’auront que pour fonction de les différencier, de les personnaliser. Tout cela m’a pris beaucoup de temps et beaucoup d’énergie et j’ai été heureux de m’épuiser ainsi dans d’incessants trajets, dans des attentes indescriptibles dans des administrations incompréhensibles, d’une lenteur qu’aucun occidental n’accepterait parce que cette agitation et toutes les complications que nous avons rencontrés, me faisait par moment oublier Chloé. Notre dernière rencontre fiévreuse et désespérante remonte à un mois et je n’ai plus eu de nouvelles depuis. Elle n’est jamais revenue et je n’ai pas cherché à la revoir. Je n’en ai pas la force. Je crois même que je ne l’aurais plus jamais. Je ne peux la chasser de mon esprit où elle rôde en permanence et je dois m’arrêter parfois, arrêter un geste, un élan, tant la douleur qui me traverse la poitrine est fulgurante. Mais je dois continuer, je dois avancer. Plutôt que de tourner en rond sur le chantier, je passe mes matinées à arpenter la jungle de la baie secrète, armé d’une machette, coupant, arrachant et déchirant avec toute la rage dont je suis capable, les lianes, les branches et cette végétation exaspérante qui pousse inlassablement. J’ai planté quatre poteaux, sans vraiment mesurer, qui formeront un jour les angles de ma maison. Je l’ai située plus en retrait que je ne l’avais imaginé au départ, car j’ai découvert une deuxième butte plus grande et beaucoup plus plate, sur laquelle pourra trôner une immense maison. La première butte, qui descend jusqu’à la plage en pente douce, pourra accueillir une piscine et un jardin qui formeront une transition harmonieuse avec le sable et l’océan.

À la fin de la matinée, même si je suis épuisé, après avoir mangé et pris ma douche, je suis désœuvré. Le soleil est trop chaud pour que je continue à m’agiter dans la moiteur lénifiante de l’après-midi alors je me réfugie dans la librairie où les pales des ventilateurs donnent une illusion de fraîcheur.

Les pages volent quand nous feuilletons les livres et mes cheveux se décollent un peu de mon front en sueur. Je ne sais pas comment elle fait, elle doit être comme Monsieur Wayan, elle se déplace lentement. Mais à la différence de lui, elle est volubile et mobile bien que ses gestes soient calmes et sa voix posée. Il n’y a aucune agitation chez elle, aucun énervement. Être à ses côtés et l’entendre parler des personnages d’un roman m’apporte un peu de sérénité. Si ma présence quasi quotidienne l’intrigue, elle n’en dit rien. Quand j’entre dans sa boutique elle me sourit et me laisse me promenait longuement entre les hautes travées remplies de livres puis me parle quand je la rejoins au comptoir pour lui montrer ce que j’ai déniché. Je ne pense pas qu’elle puisse vivre de son activité carje n’ai jamais vu grand monde dans sa boutique. C’est d’ailleurs la première question que je m’autorise lui poser. Elle rit d’un rire cristallin, et elle me dit :

– oh non !Je ne fais pas ça pour l’argent, c’est un plaisir. J’ai toujours aimé les livres. J’ai toujours voulu vivre parmi eux. Quand je suis arrivée à Bali j’ai repéré cette petite boutique et je m’y suis installée. Ici j’ai réalisé un rêve.

Elle n’en dit pas plus et je n’ose même pas lui demander son prénom.

Je reste quelque temps absent de la ville, absorbé par le nettoyage de mon terrain et par des problèmes techniques qui nécessitent ma présence. Non pas pour les résoudre mais pour les payer. Nyoman mène le chantier d’une main de maître et je le vois chaque jour prendre un peu plus d’assurance. Je suis fier de lui et je suis heureux d’être son ami. Il m’a invité à plusieurs fêtes dans sa famille où j’ai retrouvé son cousin, sa sœur, et son oncle, Monsieur Wayan. J’ai aussi fait la connaissance de ses parents et de ses autres frères et sœurs, ainsi que de ses nombreux neveux et nièces et d’une multitude d’oncles et tantes, tous plus prévenants les uns que les autres. Chaque fois que je me rends chez eux, je suis accueilli comme un invité de marque. Je suis choyé, nourri et je fais l’objet de toutes les attentions. C’est à la fois extraordinaire et épuisant. La famille est une chose fascinante mais dont je ne suis pas familier. Je les regarde se parler et se toucher avec un naturel déconcertant, moi qui n’ai pas le souvenir d’avoir jamais touché mon père ni embrassé ma mère. Les femmes se coiffent entre elles, s’extasient devant chaque nouveau bijou, chaque nouveau vêtement en babillant et en riant. Les hommes se prennent la main en parlant, se tiennent par les épaules, autant de gestes qui me sembleraient déplacés dans n’importe quel autre contexte. Mais pour les balinais, tout cela est normal. C’est moi qui ne le suis pas. Je leur envie cette simplicité, cette profusion de gens à qui parler, moi qui passe mes nuits seul et n’ai pour autres interlocuteurs que des gens que je rétribue. J’apprécie Nyoman et Monsieur Wayan, ou madame Soda. Je me plais à penser que ce sont des amis mais, se seraient-ils comportés de la mêmemanière si nous n’étions liés par de l’argent ? Je n’en connaitrais jamais la réponse. Pourtant, je sens chez eux une chaleur, une générosité qui dépasse nos transactions commerciales. J’espère que je ne me trompe pas quand je qualifie Nyoman d’ami. Il est normal que je le paie pour son travail. Il doit vivre et nourrir sa famille. J’aimerai simplement être sûr que les gens que je côtoie ici, sont différents de tous ceux que j’ai connus auparavant. Malgré mes interrogations incessantes, les obligations demeurent et je m’en acquitte au fil des jours. Je paie le fournisseur, je rétribue Monsieur Wayan pour son travail d’intermédiaire et bien sûr je donne leurs salaires à Nyoman et aux ouvriers à chaque fin de semaine, comme ils me l’ont demandé.

Je ne retourne à Denpasar qu’après une bonne quinzaine de jours. Après avoir rempli quelques obligations, je me rends avec un plaisir anticipé à la rencontre de ma libraire. Quand j’entre, elle est assise derrière son comptoir et lit. Elle lève les yeux et me sourit. Je lui rends son sourire en réfrénant mon envie de lui parler immédiatement et fonce entre les grandes étagères pour y trouver quelques livres que je n’ai pas une minute pour lire. Je traîne un peu, choisis un livre au hasard, contourne une table sur laquelle sont posés des ouvrages de photos, feuillette un livre sur New York qui attire un peu mon attention. Je m’y plonge un moment, contemplant les grandes artères de Manhattan que j’ai longuement arpentées, ces buildings qui me sont familiers, puis je m’en détourne. C’était une autre vie et je ne tiens pas y retourner. En revenant vers elle, j’attrape un deuxième livre sans le regarder. Quand je pose mon butin devant elle, elle me regarde, me sourit et dit, malicieuse :

– vous attendez un enfant ? 

Cette question ne déconcerte et me déstabilise.

– Non, pourquoi ? 

Il y a plus d’agressivité dans ma réponse que je ne l’aurais voulu, mais elle ne semble pas s’en formaliser.

– Regardez !  dit-elle, en me montrant le livre que je viens de poser devant elle. À ma grande confusion je m’aperçois que j’ai pris une vieille édition du livre «J’attends un enfant » de Laurence Pernoud.

Je bredouille :

– non, non ! J’ai dû l’attraper sans faire attention. Ce n’est pas celui que je voulais prendre.

– Vous faites de drôle de choix ces derniers temps.

– Pourquoi dites-vous ça ? 

J’ai essayé de radoucir ma voix.

– La dernière fois, vous avez pris un livre de cuisine, « Mille et une façons de cuisiner les pâtes », vous ne semblez pas être le genre d’homme à faire la cuisine. Ce choix m’a étonné.

– vous avez raison mais parfois je me laisse tenter par la couverture, et puis j’ai une immense bibliothèque à remplir. Et qui sait, peut-être qu’un jour je ferais cuire des pâtes ! 

Elle éclate de rire, et sa gaité me fait du bien.

– En effet, vous pourriez apprendre à cuisiner des pâtes ou à réparer un moteur… Vous avez pris un livre sur la mécanique et ça non plus, je ne-vous vois pas en train de le faire. Vous n’êtes pas le genre d’homme à faire de la mécanique.

– Vous semblez bien me connaître ! Alors je suis le genre d’homme à faire quoi, d’après vous? 

Elle prend le temps de me regarder, non pas qu’elle n’ait pas la réponse mais je pense plutôt qu’elle réfléchit à la manière de la formuler sans me heurter où me blesser.

– Vous êtes le genre d’homme à aimer les choses raffinées. Je ne vous vois pas les mains dans un moteur et même si j’ai constaté que vos bras et vos mains étaient couverts d’écorchures ces derniers temps, je pense que cela est très nouveau pour vous. Vous êtes le genre d’homme qui va chez le coiffeur une fois par semaine, qui s’habille dans des boutiques de luxe, et qui ne fréquente que de très belles femmes.

– Je ne sais pas si je dois me sentir flatté ou insulté ! 

– Oh, soyez flatté !Ce n’est pas un reproche ni une critique, c’est une constatation et elle vous fait plutôt honneur.

– Qu’est-ce que cela a de flatteur ? Je lui demande en me rapprochant du petit comptoir.

– Parce que cela vous va bien, répond-elle. Vous avez cette assurance des gens qui vivent dans l’aisance et qui y sont tellement habitués qu’ils n’y font même plus attention.

Je baisse la tête, touché et blessé par une telle perspicacité. J’espérais avoir laissé derrière moi ce dandy mondain, cet homme d’apparence que j’ai été toute ma vie. Mais il semblerait qu’on ne se fuit pas aussi facilement. Et malgré mon corps abîmé par les coups qu’il a reçus, mes récents travaux et mon âme à vif, elle a décelé en moi celui que j’ai longtemps été.

– nous avons tous droit à une deuxième chance, n’est-ce pas ? Du moins je l’espère, dis-je le cœur lourd au souvenir écrasant de la perte de Chloé.

– qu’auriez-vous donc pu faire de si terrible, qu’il vous faudrait une nouvelle vie pour vous repentir ? 

C’est ce que j’apprécie chez elle. Cette façon qu’elle a de tourner ses phrases  cette perspicacité mêlée de sagesse et de distinction.

– vous ne voudriez pas diner avec moi ? Je lui demande tout à trac. Peut-être pourrais-je vous en parler plus longuement devant un bon repas ? 

– c’est gentil, je vous remercie mais je suis très occupée.

– Cela pourrait être quand vous voulez. Demain, dans une semaine, dans un mois, mais s’il vous plait, dites oui ! Vous êtres ma seule connaissance occidentale et j’ai besoin de retrouver des compatriotes  par moment.

Elle me sourit. Elle n’est pas dupe mais je l’ai amusée. Alors elle répond :

– d’accord, un repas. Lundi prochain. Venez me retrouver vers six heure et mettez des vêtements confortables.

Je calcule rapidement. Nous sommes Mercredi. Cela fait six jours à attendre.

– D’accord, lundi à six heure mais je peux revenir vous voir entre temps ? 

– je vous conseille plutôt de commencer à lire tous les livres que vous m’avez achetés. Prenez le temps de les ranger dans votre belle bibliothèque et lisez les, un par un. Je vous épargne le livre sur la mécanique et les recettes de cuisines. Dans l’ensemble, vous avez fait de bons choix et dans une semaine j’aurai un nouvel arrivage dans lequel vous trouverez probablement votre bonheur.

– Lundi, sera déjà un bonheur, dis-je en badinant. Mais à son air réprobateur et légèrement offusqué, je rengaine mon sourire charmeur, paie mes livres et lui dit au revoir.

Jamais aucune femme n’a refusé mes avances. C’est nouveau pour moi et c’est finalement plutôt déconcertant. Je ne sais pas y faire avec ce genre de femme. D’ailleurs qu’elle genre de femme est-elle ? Je n’en sais rien. Comme d’habitude, j’ai parlé de moi et je ne lui ai rien demandé sur elle, rien de précis en tout cas.

J’ai toujours fréquenté les mêmes milieux, quelques soient les endroits où je me trouvais. Un petit univers clos où tout le monde se connait. Les femmes : bourgeoises, filles de capitaine d’industrie, mannequin, avaient toutes les mêmes raisons de s’intéresser à moi. Mes motivations étaient différentes et bien que ma réputation de Casanova ait circulé à travers la planète, chacune d’elles pensait être celle qui me séduirait. Je les ai toutes baisées et je les ai toutes délaissées dès que leurs déhanchés lascifs ne m’ont plus excité. Il y en avait toujours une nouvelle, une autre à conquérir, une plus jeune, plus fraiche, plus séduisante. Je me souviens de ce jeune mannequin suédois. Elle devait avoir à peine seize ans. Elle était sublime. Blonde comme les blés, une liane, toute en longueur et si peu de rondeur qu’elle en était étonnante. Un visage d’ange et un corps androgyne. Je n’avais pas eu beaucoup de mal à la mettre dans mon lit. Elle n’en était pas à son premier homme. Je l’ai emmené dans des soirées où elle ne serait jamais allée sans moi. Je me suis affichée avec elle devant les photographes et je l’ai baisé à longueur de journée partout où nous allions, dans des lieux et des positions plus humiliantes au fil des jours. Et elle s’est laissé faire sans protester, sans y prendre aucun plaisir, laissant échapper des petits soupirs décalés quand j’éjaculais en elle, dans sa bouche, dans son vagin, dans son cul, sur ses petits seins d’adolescente. Je l’ai attachée, bâillonnée, je l’ai échangée contre une autre et je l’ai regardé se faire baiser.

Et je me suis lassé d’elle comme de toutes les autres, parce que ses yeux étaient vides, parce qu’il y manquait cette étincelle, cette envie de dévorer la vie, parce qu’elle était déjà blasée. Tout était à elle, tous était à ses pieds mais pour combien de temps ? Quand se fanerait cette beauté fragile, que deviendrait-elle ? Alors je suis parti au bras d’une autre et elle ne m’a pas retenu. D’autres attendaient leur tour et elle le savait. Des poupées, toutes ces filles étaient des poupées, aucune n’était vraie à par Chloé, belle et saine, heureuse et authentique, que j’ai tenté de transformer en poupée et qui m’a résisté. Fréquenter cette libraire sera une première pour moi qui n’ai jamais eu que des filles beaucoup plus jeune. Je ne sais pas son âge et je ne pense pas que j’oserai le lui demander mais je soupçonne qu’elle est plus âgée que moi, pas de beaucoup mais un peu, entre quarante et quarante-cinq ans. Et puis soudain je me souviens de Clotilde que j’avais volontairement occultée. Clotilde était la meilleure amie de ma mère et elle m’avait attirée dans sa chambre, une nuit où nous séjournions tous ensemble dans un palace de Marrakech. La première fois que j’ai fait l’amour avec elle, bien que n’étant plus puceau depuis déjà quelques temps, j’ai compris l’ampleur de mon inexpérience. Clotilde était une femme mure mais extrêmement séduisante et je me suis senti flatté qu’elle veuille de moi. La première fois a été laborieuse. J’étais trop excité pour tenir longtemps et j’ai éjaculé si vite que j’ai eu honte. Elle m’a rassuré gentiment et, comptant sur la vigueur de ma jeunesse, elle m’a encouragé à recommencer. J’ai jouit plusieurs fois trop vite, lui laissant à peine le temps de commencer à soupirer et elle m’a finalement demandé de s’occuper de son petit minou, c’est comme ça qu’elle l’appelait. Son petit minou était une découverte pour moi et je m’y suis plongé avec délice et maladresse. Elle m’a guidé de la main et de la voix, comme un jeune chiot que l’on dresse et elle m’a honoré d’un orgasme roucoulé au fond de sa gorge, comme au gros chat qui ronronne. Nous avons continué durant tout notre séjour, pendant que ma mère passait ses journées en soins rajeunissant. J’ai ainsi été initié à la baise, la vraie, car il s’est avéré que sous ses airs de grande bourgeoise, Clotilde était une véritable salope qui aimait le cul et qui l’aimait plutôt sale. Des petites réjouissances buccales, nous sommes passés à la baise brutale. Ensuite, des objets divers ont fait leur apparition et, bien que perturbé par ses expériences assez violentes, je n’ai pas résisté au plaisir coupable que j’y prenais chaque fois un peu plus, apprenant à résister à la douleur qu’elle m’infligeait, à la faire souffrir en retour et à me retenir jusqu’à ce qu’elle m’ordonne de la baiser comme une chienne. J’ai remisé Clotilde au fond de ma mémoire car son souvenir, bien que formateur, n’est pas glorieux. Elle m’a appris à baiser et pas à faire l’amour. Il m’a fallu plusieurs expériences avec des filles plus douces, pour apprendre à donner du plaisir autrement que dans la brutalité. Une amie de ma mère !

Je ressors de la librairie un peu décontenancé mais heureux. Une joie douce que je n’ai pas ressentie depuis longtemps m’envahit un moment mais une voiture ressemblant à celle de Chloé me fait redescendre de mon nuage et me ramène brutalement à ma perte.

Je m’arrête chez Madame Soda, à qui j’ai fait construire une vraie baraque pour qu’elle puisse cuisiner plus aisément et qu’elle mette ses tables à l’abri quand la mousson arrivera. Elle m’accueille chaleureusement et me sert immédiatement. Elle ne veut plus que je la paie mais je lui laisse toujours quelques billets en partant. Elle a maintenant une dizaine de tables, réparties entre la petite salle et les grands parasols installés à l’extérieur, et son restaurant commencent à être connu. Je lui ai fait fabriquer une belle enseigne colorée qui invite le passant à venir déguster ses spécialités balinaises.

Je rentre chez moi où le chantier progresse. Le premier bungalow est terminé et j’y fais un tour avec plaisir. Il est vide pour le moment. Tous les meubles seront amenés en même temps mais sa structure en bois est splendide. La salle de bain est dotée d’une baignoire et la cuisine ressemble à celle d’un loft new yorkais. Une immense mezzanine, scindée en trois, permettra de créer trois chambres petites mais agréables, dotées de fenêtres avec une vue sur l’océan. Je voulais y adjoindre des terrasses, mais Nyoman m’en a dissuadé, me faisant remarquer qu’il faudrait modifier radicalement l’architecture des bungalows, ce qui nécessiterait beaucoup plus de temps et de travail. Les ouvriers s’activent à l’intérieur de deux autres maisons, la« bleu lagon » et la« jaune soleil ». J’entre dans l’un d’eux pour voir Nyoman. Il m’accueille en me faisant de grands gestes pour me montrer l’avancée des travaux. Il est fier de son travail et je le comprends. Je lui ai parlé de mon projet de maison mais nous ne sommes pas d’accord sur les plans et sur le style. Nous avons conservés les murs en bambous sur les bungalows existant, parce que c’est leur style d’origine et que cela leur donne un cachet authentique qui leur va bien. Mais ce n’est qu’une apparence, tel un placage de pierres sur un mur en béton, car nous les avons doublés de parois en bois masquant une laine isolante, pour que la climatisation soit efficace.

Je veux autre chose pour ma maison et Nyoman proteste.

Nous finirons bien par tomber d’accord et nous avons encore du temps. Deux bungalows sont finis, deux sont en travaux. Il en reste encore six. Au rythme où les équipes travaillent, et elles sont efficaces, il faudra encore au moins quatre mois pour que tout soit fini. Je pourrais embaucher d’autres ouvriers mais je ne suis pas pressé et je ne veux pas que Nyoman soit débordé par le nombre. J’ai tout mon temps, j’ai une bouquiniste à séduire, des tonnes de livres à lire et un terrain à nettoyer.

J’ai décidé de le faire à la main pour entretenir mon corps car, pour le moment, l’océan m’effraie encore. En fait ce n’est pas l’océan qui m’effraie, c’est ce dont je serai capable si je m’y plonge. J’ai plusieurs fois repensées à ma tentative de noyade, même si je ne l’ai pas vraiment vécu comme un suicide mais plutôt comme une volonté de me perdre ou de m’oublier. Ces derniers temps j’ai regardé l’océan, et sa ligne d’horizon, là où il se confond parfois avec le ciel et en pensant à Chloé, j’ai eu envie de disparaître à nouveau. Alors, je m’en tiens loin et je me cantonne à des activités terrestres qui n’épuisent et harassement mon corps, ce qui me permet parfois d’arracher quelques heures de sommeil à mes nuits agitées. L’après-midi est déjà bien entamée mais je me change et armée de ma machette, je me rends sur la butte dont j’ai réussi à dégager les plus hautes lianes. Il reste un frangipanier planté au beau milieu, comme une poutre centrale et je ne sais pas encore ce que je vais en faire. J’ai acheté une bêche et une pelle et même si je ne sais pas vraiment m’en servir, je m’attaque aux racines qui poussent dans cette terre mêlée de sable. Le travail est fastidieux car les racines sont tentaculaires et s’entrecroisent à quelques centimètres de la surface. Certaines s’enfoncent plus profondément dans le sol et je m’arrête quand, ayant creusé plus de cinquante centimètres de profondeur, je n’ai dégagé qu’un mètre et demi d’une énorme racine qui semble ne pas avoir de fin. Je retourne à mon bungalow, couvert de sueur et d’écorchures, et je prends une douche réparatrice. Nyoman à tapissé les murs de la salle de bains de mosaïques colorées dont les reflets iridescent joue avec le soleil qui se couche. Ici la nuit tombe brutalement. Les couchers de soleil sont rapides et spectaculaires. À peine sortis de l’eau et drapé d’une serviette, je m’installe sur la véranda et regarde le soleil disparaître dans la mer. C’est un spectacle magique et majestueux dont je ne me lasse pas. J’ai déjà assisté à de nombreux couchers de soleil dans d’autres parties du monde mais la lenteur de la descente sur la côte basque par exemple ne m’a jamais ému autant que quand je vois cette immense boule virer au rouge et s’enfoncer dans la mer comme si elle s’éteignait en une braise que l’eau absorbe.

Ma rutilante cuisine me donne envie de tenter quelques recettes. Les placards sont remplis d’accessoires de toutes sortes et il serait temps que j’apprenne à me nourrir tout seul. Jusqu’à présent j’ai réussi à faire des œufs au plat et j’ai beau me creuser la tête, c’est à peu près tout. Je farfouille dans les placards et trouve une poêle dans laquelle je jette quelques tranches de lard que je couvre ensuite de deux œufs. C’est un peu rudimentaire, mais accompagné de galettes de blé que j’achète en sachet, c’est suffisant pour un repas du soir tout seul. Demain je ferai une liste en prenant une recette et j’irai acheter les ingrédients dont j’ai besoin pour apprendre à cuisiner. Pour le moment, je me contente de savourer mon assiette en attrapant un roman policier que j’ai acheté récemment. J’ai toujours été fan de romans policiers. Je crois avoir lu tous les « Agatha Christie » quand j’étais enfant et je suis impatient d’en découvrir d’autres. La libraire m’a conseillé une série de romans suédois. Je m’attaque au premier, après m’être assuré que je les entamais dans le bon ordre et je me plonge dans l’intrigue qui commence avec un cadavre gelé dans une maison inhabitée que découvre une jeune romancière à la recherche d’une amie. Le roman s’appelle « la reine des glaces ». J’en lis pratiquement la moitié, ayant ensuite traîné mon corps douloureux du fauteuil jusqu’à mon lit. Celui-ci, que nous avons laborieusement érigé sur la mezzanine avec Nyoman, son cousin et de nombreuses cordes, ne cesse de me séduire chaque fois que je le vois. Du bas de la pièce, il est masqué par la largeur de la mezzanine qu’un escalier presque aussi raide qu’une échelle me permet d’atteindre en me tenant debout. Le toit pentu ne fait plus qu’un mètre de haut à la tête du lit, mais nous avons, Nyoman et moi, dérogeant à la règle et au style balinais, surélevé cette partie du toit et installé une imposte que je masque d’un store coulissant quand je me couche, pour bénéficier d’un peu d’obscurité le matin. Parfois je le laisse ouvert pour contempler le ciel étoilé comme à l’époque où la tempête m’avait tant malmené mais où Chloé était un rêve accessible. Je m’endors en pensant à elle, comme tous les soirs et j’essaie, sans y parvenir, de ne pas me remémorer cette nuit épouvantable où elle m’a quitté. Je ressasse inlassablement les mêmes séquences et je me demande ce que j’aurais pu changer pour que l’issue soit différente. Je la revois, frénétique, se convulsant de plaisir, se faisant souffrir, m’expulsant de son cœur alors même qu’elle m’appelait de tout son corps. Et je me torture inlassablement en me remémorant chaque centimètre de sa peau, son odeur, ses cheveux emmêlés sur le matelas crasseux, ses mains griffant l’air et ma peau, ces seins tendus et son sexe brûlant. Je sais qu’il n’y a pas de bonne réponse. Je sais qu’il n’y avait aucun moyen de la raisonner et cela me désespère. Mon sort était déjà arrêté quand elle est arrivée et je ne sais si elle m’a fait un cadeau ou si elle a tenté de se désenvouter de moi. Parfois, la douleur de son absence, de sa perte, est si grande, que je voudrais mourir. D’autre fois, saisi d’un espoir fou, je m’imagine, retournant à l’hôtel et réussissant à la convaincre de son erreur. J’élabore de grands discours que je corrige sans fin dans ma tête, cherchant le mot le plus juste, la phrase la plus subtile pour la convaincre de son erreur. Mais je ne fais rien de tout cela car j’ai peur de ne pas avoir la force de le supporter. Comme si j’avais atteint une limite que je ne pouvais pas franchir sans me perdre définitivement. Et cette limite je l’ai compris il y a peu, c’est celle de la folie. Le peu de bon sens dont je dispose à présent me retient d’y sombrer et de retourner la conquérir. Je ne saurais probablement jamais quels ont été les enjeux qui ont scellé mon sort et ont décidé de ma perte. C’est peut-être cela que je supporte le moins. Ne pas avoir de réponse, ne pas pouvoir comprendre. Ne trouvant pas le sommeil, je rallume la lumière et je me replonge dans les péripéties de mon roman glacé. Ma jeune romancière a trouvé de l’aide auprès d’un policier qui l’agace et l’attire en même temps. Je sombre dans le sommeil sans m’en rendre compte, mon livre posé sur la poitrine et ma lumière encore allumée.

Nous sommes jeudi, et j’ai encore cinq jours à attendre.

Je suis réveillé par les bruits du chantier, les ouvriers qui s’interpellent d’un bungalow à l’autre, leurs rires et leurs chants résonnant dans les structures vides. Je passe la matinée sur mon terrain, bien décidé à avoir raison de cette racine qui semble se diriger jusqu’au bout du monde, toujours plus profondément. Je m’en fous je l’aurai ! Je ne peux plus maîtriser grand-chose dans ma vie mais cette racine ne me résistera pas.

Après des heures d’un travail harassant, j’ai dégagé, en creusant toujours plus profond, deux mètres de plus. Il semblerait qu’elle ait décidée de me gâcher la vie car elle traverse de part en part l’emplacement de ma future maison. Pour me calmer, je m’attaque à des racines plus petites sur lesquelles je passe ma rage et que j’arrache avec un plaisir jouissif. Après avoir mangé un morceau avec Nyoman et les ouvriers, j’y retourne, malgré la chaleur et à la fin de la journée, perclus de douleur, j’ai dégagé deux mètres de plus. J’ai dû pour cela élargir ma tranchée et elle fait maintenant plus d’un mètre de profondeur. J’ai oublié d’aller acheter des provisions et je suis trop fatigué pour cuisiner. Je me contente de galettes et de reste froid qui traîne dans mon frigo. Je termine mon repas avec des fruits, en particulier de la noix de coco que je déguste en reprenant ma lecture. Je termine mon roman avec un petit pincement au cœur, vite oublié, quand j’entame la lecture du deuxième volume. Je retrouve avec bonheur les mêmes personnages, plongés dès le départ dans une situation inextricable. Enfin quelque chose de tangible dans ma vie ! Je résiste au sommeil encore quelque chapitre puis je m’endors, épuisé par le labeur de la journée.

Vendredi matin, plus que quatre jours.

Je ne sais pas pourquoi j’accorde autant d’importance à ce repas. Je l’attends avec une impatience fébrile mais heureuse. Je savoure l’idée de cette rencontre et je la bénis d’avoir décidé de nous laisser du temps pour que l’attente elle-même participe au plaisir anticipé de cette soirée.

Je retourne à ma racine comme d’autres à leur rocher ou à leur tonneau, et je continue à creuser toute la journée, m’autorisant uniquement une sortie chez Madame Soda dont la gentillesse ne cesse de me toucher. Encore une soirée avec mon roman et mes muscles douloureux. Mon corps commence à s’aguerrir et même si mes mains saignent régulièrement quand les ampoules crèvent au contact du manche en bois qui brûle mes paumes et mes doigts, mes bras sont plus puissants et mon dos me fait moins souffrir. Nyoman est venu me voir à plusieurs reprises et m’a montré comment me tenir pour que mes efforts soient efficaces et que mon corps force moins. J’ai suivi scrupuleusement ses conseils et ils ont été bénéfiques. Je me sens pousser des ailes chaque fois que je me dirige vers mon terrain armé de mes outils et que je sais que je vais en découdre avec la végétation, mais qu’au bout du compte, j’aurais le dessus. Mes efforts sont d’autant plus stupides qu’il est évident qu’il faudra faire venir un bulldozer pour creuser des fondations solides à cette immense maison que j’ai en projet. Mais ça m’est égal. J’aurai la peau de cette racine et pas l’inverse ! Alors je m’acharne toute la journée et j’ai pratiquement traversé la totalité de la surface quand je m’arrête en fin d’après-midi. Elle a changé de cap et se dirige maintenant droit vers la partie la plus touffue des buissons qui cernent encore les contours de ma maison. J’ai décidé de m’arrêter quand j’en atteindrai la limite. À partir de là, elle pourra bien se diriger ou elle veut, je l’aurai eue. Je l’aurai chassée de chez moi. Une nouvelle soirée solitaire où je me désespère parce que je n’ai plus rien à manger. Il faut vraiment que je fasse des courses demain. Je finis tout ce que je trouve : des céréales qui traînaient, quelques fruits abîmés, des galettes un peu sèches. Je suis affamé mais ma lecture m’attire tant qu’après avoir mâchouillé rapidement tout ce que j’avais sorti, je me plonge avec délice dans la suite des aventures de ce jeune couple qui ne sait pas encore qu’il va tomber amoureux. Moi je le sais. C’est évident, comme il était évident que Chloé était faite pour moi. Et me voilà repartis dans de longues divagations ou je réécris l’histoire et où Chloé est à nouveau à moi. Mon livre a glissé, et je ne le reprends pas car je m’abandonne enfin à un acte que je m’étais interdit depuis sa dernière visite : je me branle. C’est totalement désespéré car rien ne pourra remplacer le plaisir qu’elle m’a procuré mais c’est tout ce qu’il me reste. Alors je me branle avec lenteur, comme elle l’aurait fait si elle était là, en repensant à son corps, à tout ce que j’aime chez elle, pour m’abandonner finalement à un orgasme brûlant mais bref. Cet acte pourtant si naturel ne m’apporte ce soir que tristesse et dégoût. J’ai l’impression d’être devenu un de ces célibataires qui visionnent des films pornos pour se procurer un plaisir sale en regardant les actrices se laisser maltraiter pour satisfaire des hommes aux désirs brutaux. Tout cela n’a rien à voir avec l’amour. Il n’y a ni préliminaire, ni attention pour l’autre et jamais les femmes n’ont de plaisir, elles doivent supporter d’incessantes copulations pour finir par recueillir la précieuse semence qui se répand forcément à l’extérieur de leur corps, là où de nombreux sexes et objets ont pourtant pénétré. Je suis heureux en cet instant de n’avoir ni télé ni connexion Internet car j’aurais probablement cédé à la facilité de ces images. Je devrais plutôt me trouver de la littérature érotique, ce serait probablement moins avilissant pour moi qui en suis réduit à me donner du plaisir faute de partenaires. Je crois bien que c’est la première fois de ma vie que je me retrouve dans une telle situation. Durant ma retraite en Inde j’avais fait le choix du célibat. J’avais ensuite banni les femmes de ma vie, non pas parce qu’il n’y en avait pas mais parce que je n’en voulais plus. J’avais même repoussé les avances de Kimberley ce que maintenant je regrette. Pendant un instant, l’envie de l’appeler pour l’inviter à Bali, me traverse l’esprit. Elle a vraiment fait de son mieux pour tenter de me séduire mais elle ne savait pas qu’à cette époque rien ne pouvait plus m’atteindre. Puis la crainte de redevenir celui que j’étais, ce jouisseur impénitent, me fait renoncer à ce projet. J’ai trente-sept ans, je suis à la tête d’une fortune enviable, j’ai un superbe terrain à Bali dont les maisons vont me rendre encore plus riches et je suis tout seul. Il est temps que je tourne cette page de ma vie qui m’a vu tenter désespérément de ne satisfaire que moi-même. Kimberley ne serait qu’une autre parmi toutes celles à qui j’ai promis la lune est à qui, du fond de mon lit, j’ai l’impression de n’avoir apporté que l’enfer. Sans que je sache comment cette association d’idée a eu lieu, je me mets à souhaiter la présence de Martin. Je ne lui ai plus parlé depuis ce séjour agité à Courchevel où nous nous sommes faits tant de mal. Je lui en veux toujours d’avoir abusé de Chloé mais j’en ai compris les raisons et je sais que je pourrais lui pardonner. Nous nous sommes croisés par la suite dans différents endroits mais je n’ai pas essayé de l’aborder et il s’est détourné de moi dès qu’il m’a vu. À cet instant, j’aimerais pouvoir l’appeler comme je le faisais avant pour lui raconter tout ce qui m’arrive. Je ne sais pas si je peux faire ça, si j’en ai la force et si je supporterai son refus de me parler. Pourtant l’envie est si forte que j’attrape mon téléphone et ayant calculé approximativement le décalage horaire en espérant qu’il soit en France, je compose son numéro. Je tombe sur sa messagerie et je raccroche car je n’ai pas pensé à ce que je pourrais lui dire. Je prépare un message dans ma tête que je tourne et retourne pendant de longues minutes. Puis, après avoir pris une profonde inspiration, je rappelle et je me prépare à laisser un message léger et agréable, susceptible de lui donner envie de me rappeler.

Aussi, je reste sans voix quand je l’entends répondre :

– allô, Jeff ? C’est toi ?

-…Oui Martin, c’est moi. J’avais envie de te parler. Je ne sais plus à quand remonte notre dernière conversation, dis-je imprudemment, puis devant son silence, j’ajoute :

– nos conversations téléphoniques me manquent, Martin.

Après un long silence ou je devine qu’il hésite entre raccrocher et me parler, il répond :

– moi aussi, tu m’as manqué.

Sa voix semble triste. Je connais Martin sur le bout des doigts, mais comme Chloé, je ne l’ai plus vu depuis cinq ans et j’ai l’impression qu’un gouffre nous sépare. Alors, pour donner un peu de légèreté à cette conversation je lui dis :

– tu ne devineras jamais d’où je t’appelle ! Et devant son silence je continue :

– je suis à Bali, Martin. Je m’y suis installé depuis quelques mois déjà. Je viens de racheter un terrain sur lequel se trouve un complexe hôtelier que je suis en train de réhabiliter. Et je vais aussi me construire une immense maison au bord d’une plage cachée de tous, ce sera magnifique ! J’aimerais tant que tu vois ça ! J’ai bien conscience que je parle pour combler le vide et le silence qui s’est installé alors je m’arrête, parce que je ne veux pas l’obliger à avoir cette conversation. Au bout d’un moment il dit :

– je suis content pour toi Jeff. Je suis content si tu es heureux.

– Et toi Martin, parle-moi de toi, comment vas-tu ?

– Je vais bien Jeff je vais bien.

Je sens que cette conversation lui pèse alors je m’apprête à lui dire au revoir quand finalement il dit :

– j’ai mis du temps à m’en remettre, tu sais et j’ai mis encore plus de temps à te pardonner. Mais maintenant je vais bien. Je vis en couple. J’ai enfin trouvé un homme qui me supporte et j’espère que cela va durer. Mais tu m’as terriblement manqué durant toutes ces années et j’ai espéré chaque jour que le téléphone sonne et que ce soit toi. Et maintenant que tu m’appelles, enfin…je ne sais plus quoi te dire. J’imagine que tu es toujours et irrémédiablement hétérosexuel?

– Oui toujours, désolé Martin. J’essaie d’adopter un ton badin comme lui mais je sais que cette conversation et décisive, elle va sceller l’avenir de notre relation et ce dont j’ai le plus besoin actuellement, c’est bien d’un ami. J’ajoute :

– je suis heureux pour toi Martin. Je suis heureux que tu ais enfin trouvé l’amour. Je t’envie. C’est loin d’être mon cas. Mais tu sais ce que c’est, j’ai toujours eu beaucoup de mal à me fixer.

Après un long silence il reprend presque dans un murmure car le sujet est douloureux pour nous deux :

– tu as retrouvé Chloé ?

– Oui, je l’ai retrouvé et je l’ai perdu à nouveau. C’est pour ça que je suis à Bali. Elle dirige un grand hôtel au sud de l’île. Je suis venu ici pour elle mais finalement ça n’a pas marché.

Je n’ai pas envie de lui raconter les détails de nos retrouvailles et de cette atroce nuit parce que je ne sais pas comment le lui dire et dans l’immédiat, je suis heureux de lui parler.

– Je suis désolé pour toi Jeff. Je sais que cette relation a beaucoup compté. J’espérais vraiment que vous parveniez à vous retrouver. C’est la vie !Je suis sûr que tu pourras t’en remettre. Tu sembles avoir de beaux projets. Je regrette de ne pas pouvoir venir te rendre visite. Ma vie est assez compliquée en ce moment et je croule sous une masse de travail. Mon copain, enfin mon homme, il s’appelle Maxime au fait, est plutôt jaloux. Il voit d’un très mauvais œil toutes mes relations masculines. Je n’ai jamais été très fidèle, tu le sais et j’ai beaucoup de mal à supporter cette relation exclusive…mais je ne suis plus tout jeune et j’en ai assez de courir après des chimères. Alors je l’aime, je fais de mon mieux pour le rendre heureux. J’avance. Nous essayons d’adopter un enfant et c’est vraiment quelque chose de très compliqué. Tu vois Jeff, je me suis rendu compte ces dernières années que c’est ce qui me manquait le plus. Je sais que tu as eu une enfance encore plus merdique que la mienne alors ça n’a peut-être aucun sens pour toi. J’ai beau savoir que mes parents n’étaient vraiment pas de bons exemples, quelque chose me dit que je serais un bon père, où plutôt une bonne mère – ajoute-t-il à voix basse – bien meilleur que la mienne en tout cas. Alors on s’est lancé et la procédure suit son cours.

Il s’arrête, épuisé par cette longue tirade qui, bien que décousue, en dit plus long sur lui que je ne l’avais espérais.

– C’est super Martin, je suis loin d’en être là. Pour tout te dire je drague actuellement une bouquiniste qui doit avoir quarante ans. Tu imagines un peu, moi, avec une femme de mon âge ! 

– avec une veille, tu veux dire ! 

 Je lui dirais que tu as dit ça ! 

Je suis heureux, nous avons retrouvés nos échanges faciles et libres mais soudain il reprend :

– il faut que je te laisse, Maxime appelle sur l’autre ligne. Je te rappellerai !

Et il raccroche, me renvoyant au silence de la nuit et à ma solitude qui me paraît encore plus tangible après cette conversation. Martin est en couple. Je n’aurais jamais cru que cela pourrait arriver. J’avais toujours pensé à lui comme à un adolescent incapable de choisir entre hommes et femmes et papillonnant éternellement. Le savoir casé, bientôt parent, accentue le vide de ma vie. Comment a-t-il réussi à négocier ce passage que je semble avoir loupé ? Je n’ai jamais eu envie d’avoir un enfant même pas avec Chloé dont je pensais pourtant qu’elle serait la femme de ma vie. Je sais que je ferais un père abominable, incapable de faire passer ses envies après les besoins élémentaires de son enfant. J’ai été élevé comme ça et je ne vois pas à quel modèle je pourrais me raccrocher pour qu’il en soit autrement. Martin ne m’a même pas parlé de son travail ! Avant, nous passions des heures à analyser les taux boursiers et à spéculer ensemble, raflant des mises faramineuses et perdant des fortunes sur de simples paris téléphoniques. C’était un jeu entre nous. Nous nous lancions des défis, et bien sûrs, nous ne cédions jamais. J’ai gagné beaucoup d’argent à ce petit jeu et Martin aussi. Parce que nous étions sûrs de nous, parce que le monde était à nos pieds puisque le monde était à nous. Maintenant je n’ai plus rien de tangible que ce bout de terrain sur lequel je me bats avec une racine. Comment pourrais-je raconter ça à Martin ? Comment lui dire que je passe mes journées à lutter contre la nature et qu’au-delà des quelques mètres carrés que je m’acharne à nettoyer, j’ai perdu d’avance ? Comme avec Chloé. C’était perdu d’avance. Elle était partie et il n’y avait aucune raison pour qu’elle me revienne. C’était une folie de penser que nous aurions une deuxième chance. Je ne sais pas pourquoi elle me l’a accordée, un instant d’égarement, un souvenir agréable, mais elle a retrouvé sa route et s’en est allé, me laissant seule à nouveau. Mon lit king-size me semble si grand et si vide que j’étreins un oreiller dans lequel je sanglote de longues minutes. Je n’avais plus pleuré depuis déjà quelques jours et me retrouver ainsi, de nouveaux désespérés, m’anéantit encore une fois. Quand vais-je enfin trouver la paix ? Probablement jamais. Je serais le malheureux propriétaire de dix bungalows flambants neufs, prêt à se jeter dans l’océan pour nager jusqu’à la ligne d’horizon.

Alors je me dis que les choses ne peuvent pas aller plus mal et que demain je ferai enfin la peau à cette putain de racine et que je retrouverai un peu de dignité.

Samedi matin, plus que trois jours.

Aujourd’hui l’échéance qui approche me laisse indifférent. La nuit m’a laissé un gout amer et a pollué ma journée. Je reste focalisé sur ma racine jusqu’à ce que je me souvienne, en milieu d’après-midi, que je n’ai plus rien à manger. Je regrette le temps où Sonia se chargeait de tout ça. Sonia la traitresse ! Je ne veux plus jamais penser à elle. Elle m’a enlevée Chloé deux fois. La première fois en l’aidant en s’enfuir et la deuxième en l’éloignant de moi. Je me change en vitesse et fonce à Denpasar où j’ai trouvé, aidé de Nyoman, un équivalent de grande surface où je peux m’approvisionner en denrée occidentale. Je rempli un panier de tout ce qui me tombe sous la main, essayant de passer dans toutes les allées pour ne rien oublier puis je rentre et range mes courses. Je me cuisine un plat « micro-ondable » – et oui, on en trouve aussi ici, j’en ai rempli mon frigo !- que j’avale en reprenant la lecture de mon roman. Je le termine rapidement et l’intrigue me laisse plus ou moins indifférent tant je suis attaché à la vie sentimentale des protagonistes. Ils s’aiment et cela leur est simple de le reconnaitre et de s’installer ensemble. Des gens heureux, enfin pas vraiment parce qu’elle, elle est un peu torturée avec son obsession pour sa grande taille et ses kilos en trop. Mais lui, il s’en fout, il l’aime comme elle est, il ne veut pas qu’elle change. J’ai oublié le volume suivant en bas et je n’ai pas le courage de retourner le chercher. Alors j’éteins et je contemple le ciel. J’ai presque achevé ma racine. Demain je la scierai et ce sera fini. Je pourrais l’extraire du trou que j’ai creusé sur des dizaines de mètres en priant pour qu’au premier coup de pioche, je ne retombe pas sur une aussi grosse. Malgré les recommandations de Nyoman, je travaille torse nu pour ne pas altérer mon bronzage ce qui est stupide parce que pour bien faire, il faudrait que je travaille à poil et ça, ce serait vraiment n’importe quoi ! Je m’endors en m’imaginant tout nu au fond de mon trou, piochant en essayant de ne pas m’arracher un pied, offrant mon cul à la nature environnante. Finalement, ça pourrait être drôle si je n’étais pas tout seul.

Dimanche matin, plus que deux jours !

J’ai bien dormi, malgré mon dos qui brule, rougi par les coups de soleil. Les ouvriers sont à pieds d’œuvres. Ici on travaille tous les jours si c’est nécessaire. Ce matin je prends mon temps. Je bois mon café, rend une visite de propriétaire au chantier. Les bungalows avancent vite. Le travail est parfait, Nyoman y veille. Tout sent le bois poncé de frais, la cire et la sciure. J’aime cette odeur, elle est indissociable du neuf et du propre. Exactement ce dont j’ai besoin : neuf et propre.

J’ai jeté moi-même le matelas où nous avions fait l’amour, Chloé et moi. Je l’ai porté à la décharge et je l’ai regardé bruler en silence, les entrailles en vrac. J’ai attendu jusqu’à ce qu’il soit totalement noir. Je ne voulais pas que quelqu’un le récupère. J’avais le sentiment qu’il portait malheur.

Après mon tour de propriétaire, je m’arme de ma scie et je m’attaque à la racine. Je commence par tronçonner au ras de l’arbre, là où elle est à fleur de sol et grosse comme ma cuisse. Je découpe consciencieusement des morceaux d’un ou deux mètres pas plus, d’abord parce qu’elle elle est très lourde et que la sortir du trou devient de plus en plus difficile quand elle s’enfonce profondément, même si elle a légèrement diminuée de volume, ensuite parce que je savoure ma victoire sur la bête ! Vers la fin je dois l’attacher avec une corde et la tracter hors du trou pour l’extraire. Au coucher du soleil, je trône devant un grand tas de bois, fier et heureux. Je l’ai eu ! C’est fini, plus de racine qui traverse ma maison. J’ai pratiquement retourné toute la terre et je ne crains plus de faire de mauvaise découverte. Demain, je commencerais à creuser les tranchées pour les fondations de la bâtisse. En fait, je devrais plutôt trouver un architecte parce que je risque de creuser pour rien mais j’ai très peur de rester désœuvré. Nyoman, à qui je partage ce sentiment, me fait remarquer que j’ai des hectares de jungle à débroussailler si ça m’amuse. Je crois qu’il ne comprend pas le but de cet acharnement. Peu importe, il a raison et moi aussi !

Demain je trouverai un architecte et ensuite, pendant qu’il dessinera les plans de ma maison, je continuerai à couper dans la jungle à grand coup de machette. C’est extrêmement libérateur !

Soirée calme, un peu fébrile dans l’attente du grand jour. Demain soir, lundi, je mange ma libraire. Cette pensée m’a échappée et je me reprends : je mange avec ma libraire ! C’est la mienne à présent, à défaut de connaitre son nom. Je bouquine et je tourne en rond, incapable d’aller me coucher. Quand je m’y résous enfin, il est très tard et je sombre dans un profond sommeil trop tôt interrompu par le chantier. Je traine un moment. Je ne veux pas faire deux fois de suite le trajet à Denpasar dans la journée alors j’appelle monsieur Wayan pour qu’il m’indique quelqu’un qui pourra dessiner les plans de ma maison selon mes souhaits. Il me donne un nom et un numéro de téléphone : Ben Lowell. C’est un jeune américain avec lequel je discute un moment en lui racontant mon projet de maison. Il m’écoute et contre toute attente, me propose de venir tout de suite voir le site pour se faire une idée, prendre des mesures et discuter avec moi de ce que j’ai en tête. Il arrive une heure plus tard, au volant d’une vielle bagnole rafistolé et m’explique, qu’ici, les architectes n’ont pas beaucoup de travail en dehors des hôtels et des villas pour occidentaux. Les entreprises locales font le travail elle-même et il n’est pas nécessaire d’avoir des plans très précis pour construire une maison. Les hôtels sont trustés par des architectes étrangers dont les cabinets prestigieux sont situés en Europe ou aux État Unis, mais certainement pas à Bali. Quand je lui demande ce qu’il fait ici, il me répond laconiquement en levant légèrement les épaules, comme si c’était une évidence :

– l’amour, bien sûr ! Je suis tombé amoureux d’une femme d’ici et j’ai trois enfants. Je n’envisage pas une seule seconde de retourner vivre en Caroline du Nord avec eux. Ils deviendraient fous ! Ils sont d’ici et ils doivent y rester. Alors je vivote en faisant des petits boulots mais je vous assure que vous ne serez pas déçu par mon travail. Je suis un excellent architecte ! 

– allons voir le terrain et dites-moi ce que vous en pensez ! 

Je le précède jusqu’aux palmiers qui cachent toujours l’accès à ma plage puis le regarde se faufiler, comme moi, sous la végétation qui a un peu reculé au fil du temps. Quand il découvre l’anse, il reste un moment silencieux. Il regarde autour de lui, puis avise mes quatre piquets, ma tranchée profonde et irrégulière serpentant au fil de l’avancée de la racine et le tas de bois en lisière de la végétation.

– je pense que vous avez trouvé le paradis et je comprends que vous vouliez une belle maison pour faire honneur à ce terrain.

Je suis heureux de l’entendre dire ça parce que c’est exactement comme ça que je le conçois. Les craintes qui m’ont assaillie quand je l’ai vu débarquer dans sa vielle voiture, avec son jean élimé et son tee-shirt rasta, disparaissent. Nous sommes sur la même longueur d’onde. Je lui parle de mes différentes idées : une immense maison de plain-pied, ou alors juste une immense chambre à l’étage, une véranda tout autour, des baie vitrées partout, le frangipanier au milieu sortant du toit et répandant ses fleurs dans un jardin d’intérieur, un mur bibliothèque, un salon lumineux ouvert sur l’océan, une piscine végétale se fondant dans le paysage et disparaissant dans la mer, finalement quatre chambres à l’étage, une maison sur deux niveau… Il écoute, prend note, explore. Il s’enfonce plus avant dans la jungle pour voir jusqu’où va le terrain. Quand il ressort de la végétation, ses cheveux bouclés ont attrapés des feuilles et des pétales de fleurs, on dirait un enfant qui s’est amusé dans les bois.

– Écoutez, voilà ce que je vous propose. Je vais vous dessiner deux plans : une maison sur un seul niveau et une autre sur deux. Il y a suffisamment d’espace pour faire une très grande surface au sol mais certaines pièces n’auront pas la vue sur l’océan. Alors je fais ça et je vous les apporte, ça vous va ? 

Si je ne me retenais pas, je l’embrasserais. C’est exactement mon dilemme : un seul niveau mais des pièces face à la végétation ou alors un bâtiment beaucoup plus imposant, avec un étage mais une vue imprenable sur l’océan !

Il tourne encore un moment puis, ayant métré le terrain, m’explique que quand j’aurai arrêté un choix de maison, il reviendra avec un géomètre pour faire un relevé plus précis du terrain. Nous retournons à mon bungalow où il admire le travail de Nyoman et je lui offre à boire. Nous discutons un moment du chantier en cours et de l’état du site quand je l’ai acheté. Il me demande s’il peut visiter et je l’y accompagne volontiers, fier du travail accompli. Il regarde tout : les planchers, le bois, les installations sanitaires, les cuisines. En sortant il dit :

– vous avez une excellente équipe. J’imagine que vous les voudrez pour les travaux ? 

– il n’est pas question que ça se fasse sans eux. Ils ont fait un travail remarquable. Ils travaillent vite et proprement. Vous avez vu, autour des bungalows il ne reste rien. Il nettoie tout au fur et à mesure. À la fin de chaque journée, ils repartent en laissant les lieux propres. J’apprécie énormément ça. Et puis ils sont agréables. Nyoman, le contremaître, est extrêmement compétent. Je veux que ce soit lui qui dirige les travaux. En plus c’est mon ami, j’ai confiance en lui. J’espère que ça ne vous pose pas de problème ?

– Oh non, au contraire ! Je préfère une équipe que vous connaissez et en qui vous avait confiance. Moi je m’adapte, et puis je parle balinais, ça c’est un gros avantage. Enfin, disons que je me débrouille. Ma femme a appris l’anglais plus vite que moi le balinais. Mais c’est une langue difficile. J’ai dû faire beaucoup d’efforts pour l’apprendre. Nous les Américains, on est plutôt feignant quand il s’agit de parler la langue des autres. On a tendance à penser que tout le monde parle anglais. Alors on ne fait pas d’efforts. Quand je suis arrivé ici, ça été terrible. Mais maintenant que je peux me faire comprendre, et que je comprends ce que l’on me dit, je me sens bien plus à l’aise partout où je vais. Vous devriez essayer !

– J’y pense, mais je n’ai pas encore trouvé le temps ni le courage de le faire. En plus, je ne savais pas si j’allais rester. Je ne le sais toujours pas d’ailleurs. Mon projet de départ a été complètement modifié et j’ai acheté ce terrain pour m’occuper. Je sais que ça peut paraître étrange dit comme cela mais c’était vraiment pour ça que je l’ai fait au début. Non c’est inexact, au départ je n’ai pas eu le choix. Mon bungalow a été ravagé par la tempête il y a presque deux mois, vous vous souvenez de cette tempête ? Voilà, c’est parti de là. Pour une raison que j’ignore, au lieu de chercher un nouvel hôtel, j’ai eu envie de réparer mon bungalow. Et puis comme ça m’ennuyait de le faire pour le compte de quelqu’un d’autre j’ai décidé d’acheter le terrain. Un peu comme vous quoi ! Vous êtes venus pour une raison et puis vous êtes restés pour un autre !

Je ne sais pas pourquoi je lui raconte tout ça, je devrais m’arrêter, je vois bien que son sourire s’est flétri mais je ne peux plus taire cette logorrhée qui jaillit de ma bouche comme une canalisation qui éclate.

– Je sais que vous devez me prendre pour un dingue mais j’ai beaucoup d’argent et ces derniers temps je ne savais plus quoi en faire. Bon, ça aussi ça doit paraître dingue à la réflexion. Attention, je n’ai pas choisi d’avoir beaucoup d’argent. Je suis né dans l’argent. Je n’y peux rien. Et maintenant j’essaie de faire quelque chose de bien. Vous voyez ces bungalows, j’ai fait en sorte de ne faire travailler que des entreprises locales. Et pour vous c’est pareil, je préfère prendre un architecte qui vit ici plutôt que de faire venir un cabinet de l’étranger. Vous vivez ici, vous connaissez la culture, vous parlez la langue. Je pense que vous serez à même de concevoir une maison qui allie des matériaux locaux à une conception plus occidentale. C’est cela que je vous demande. Un mélange de culture, vous pensez que vous pouvez faire ça ?

Il me regarde un moment pensif, puis donnant des petits coups de pieds dans la dune de sable devant laquelle nous nous sommes arrêtés, il répond :

– oui, je peux le faire. Il me regarde droit dans les yeux et ajoute en souriant :

– et ne vous inquiétez pas, je ne profiterai pas du fait que vous être très riche. Je vous ferai une maison honnête et raisonnable. Ça vous va ?

Reconnaissant de ne pas m’avoir tenu rigueur de cette conversation décousue, je lui réponds :

– ça me va ! Vous avez toute ma confiance ! J’attends vos plans dès qu’ils seront prêts. N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de détail ou si vous avez n’importe quelles questions à me poser. Venez, je vous raccompagne à votre voiture.

Nous marchons tous les deux côtes à côtes sur la plage, passant devant les bungalows vides et nous ne nous sommes toujours pas parlés quand nous rejoignons son véhicule.

– J’attends de vos nouvelles.

Je lui serre la main et repars rapidement vers mon bungalow. Je dois me préparer pour mon rendez-vous. Je prends une douche, me lave les cheveux, me rase, je me coupe même les ongles des pieds. Je sais que c’est absurde mais j’aibesoin de me faire beau. Je songe à enfiler un costume quand je me souviens qu’elle m’a dit de mettre des vêtements confortables. Alors je trouve un compromis en attrapant un pantalon en toile kaki d’un grand couturier dont les formes amples m’offrent le confort nécessaire tout en mettant en valeur mon cul. Je l’assortis d’un polo de même couleur et d’un léger blouson en cuir. J’enfile de confortables chaussures de marche en cuir sombre et je me regarde dans la glace. Mes cheveux un peu en bataille et ma tenue me donnent un air de baroudeur qui me plaît bien. Mon portefeuille, mes clés et me voilà prêt. Je ressens soudain une grande vague d’appréhension comme je n’en ai pas ressenti depuis longtemps. Le temps des premiers rendez-vous. Le moment où tout se joue, le moment décisif où l’on sait si l’on va pouvoir supporter l’autre cinq minutes, une nuit ou quelque temps encore. Avant Chloé, je n’étais pas allé au-delà de quelque temps encore. Et aujourd’hui je vais revivre ça. Je ressens une excitation triste et joyeuse à la fois. Si Chloé était toujours là, cette expérience n’existerait pas. Je grimpe dans ma voiture avant que le doute devienne trop fort et je prends la route de Denpasar. J’arrive un peu en avance et traîne un moment dans les rues alentour pour ne pas être impoli.

À six heures précises, je pousse la porte de la librairie dont les pendeloques de verre tintinnabulent et annonce mon entrée. Elle m’attend derrière son comptoir. Elle a revêtu pour l’occasion, une blouse blanche brodée de fleurs en couleur et un jean qui met en valeur ses jambes. Elle a mis un peu d’ordre dans ses cheveux et portent de longues boucles d’oreilles bruyantes, assorties d’un lourd collier qui lui enserre le cou. Elle me regarde et me dit :

– vous êtes splendides ! On dirait que vous sortez d’un magazine.

Je décèle une pointe d’ironie dans sa voix et je me demande si je n’en ai pas fait un peu trop. Si je m’étais écouté, je serais venu en costume. Alors je pense que je n’en ai pas fait trop. Je pense même que je suis resté très raisonnable et je le lui dis :

– je m’habille comme ça tout le temps vous savez. C’est juste que quand je viens à Denpasar d’habitude, je suis en habit de travail.

– Ah bon ? Le jean et le T-shirt de marque, se sont vêtements de travail ?

Encore cette ironie qui commence à m’agacer.

– Oui, je taille la jungle à grands coups de machette et je pioche la terre pour tuer des racines. C’est ça mon travail en ce moment et j’en suis très fier. Hier j’ai tué la plus grosse racine que j’avais jamais vue.

Elle explose de rire et se détend.

– Je pense que nous allons passer une très bonne soirée ! Venez suivez-moi.

Elle ferme la porte à clé et m’entraîne vers l’arrière-boutique où nous sortons dans une petite rue pour rejoindre sa voiture. Elle conduit prudemment à travers la circulation lente et approximative de cette fin d’après-midi et au bout de quelques minutes, nous sortons de la ville pour nous diriger résolument vers le nord. Je ne lui pose aucune question, je ne veux rien savoir, je veux avoir la surprise. Je me contente de regarder le paysage. La route s’enfonce rapidement entre de hautes collines pointues. Des rizières en terrasses apparaissent tout autour de nous. Les couleurs ont changé. Du vert sombre de la végétation du bord de mer où les rizières sont moins denses, nous passons au vert tendre des jeunes pousses de riz, ponctué par endroits, de sombres arbres rescapés des cultures. Nous roulons ainsi quelques kilomètres, puis elle tourne soudainement dans un petit chemin qui serpente encore plus profondément entre deux collines, bordés de hauts murs de végétation emmêlée et d’arbres aux troncs larges et noueux. Enfin, nous arrivons au pied d’une colline où des véhicules sont stationnés. Elle arrête la voiture, descend et me montre des points lumineux à quelques centaines de mètres.

– Voilà, c’est là que nous allons. J’espère que vous êtes en forme. Il faut à peu près une demi-heure pour s’y rendre.

– Ça ira, je n’ai pas beaucoup travaillé aujourd’hui.

Nous nous engageons sur un sentier éclairé par des lanternes posées à même le sol qui nous guide dans notre ascension. Le chemin serpente, atténuant la pente à coups de virages sinueux. Au bout d’une longue marche nous arrivons finalement sur une esplanade où poussent de très grands arbres. Au pied de l’un d’eux, un petit stand. En fait c’est une sorte de petit comptoir derrière lequel se tient une agréable jeune femme qui sourit en nous voyant arriver. Elle accueille ma compagne avec chaleur et la serre dans ses bras en lui disant :

– bonsoir Marie, je suis heureuse de te voir ! 

Voilà déjà un point réglé, elle s’appelle Marie. Je ne pourrais plus l’appeler ma libraire et je me sens un peu dépossédé. Quelqu’un d’autre que moi lui a donné un nom. Dans le même temps, je regarde autour de nous et ne vois aucune trace d’un restaurant. Je me demande ce que nous venons faire là. La jeune femme ajoute :

– Steve ne va pas tarder, il arrive, vous l’entendez ?

Un grincement métallique déchire les bruits de la forêt et soudain, comme descendant du ciel, une petite nacelle arrive sous nos yeux et se pose à quelques mètres de là. Un jeune homme en descend, un peu dégingandé, vêtu d’un jean et d’un tablier de serveurs. Il nous invite à le suivre et nous montons avec lui dans la nacelle qui a ma grande surprise, repart aussitôt à la verticale, nous emmenant au sommet de l’immense arbre. Je n’avais pas pris la mesure de sa grandeur. La nacelle s’arrête au bord d’une grande plate-forme d’où partent des passerelles et des câbles tendus au sommet des grands arbres. Sur chaque arbre, en fonction de sa taille, une ou deux ou trois petites plates-formes accueillent des tables basses, des coussins et des bougies par centaines. Toutes les plates-formes sont chapeautées de moustiquaires. Steve nous précède le long d’une passerelle mouvante et en nous agrippant aux câbles tendus, nous rejoignons de notre mieux, une petite terrasse de bois sur laquelle il nous installe. Une fine corde la ceinture, et je soupçonne qu’elle n’est pas là pour assurer notre sécurité, mais uniquement pour en indiquer le bord, de la même façon que les bougies en limite le périmètre. Une fois assis, je me sens mieux. Autour de nous, à une distance raisonnable, des groupes ou des couples sont en train de manger et la forêt résonne du tintement des verres et des couverts et du bruissement des conversations. La solennité des lieux incite les dîneurs à parler à voix basse et seuls quelques rires fusent de temps en temps à travers les hautes branches. Nous sommes assis face-à-face, calés dans de moelleux coussins colorés, posés sur des fauteuils très bas, et je ne sais comment entamer la conversation. Heureusement Steve revient rapidement et nous demande ce que nous voulons manger. Marie, puisque c’est son prénom, lui dit :

-deux menus complets et apporte-nous donc une bonne bouteille de Bordeaux s’il te plaît, puis, se tournant vers moi elle ajoute pendant que Steve repart :

– il n’y a qu’ici que je bois du vin français. C’est une des seules choses qui me manquent depuis que je suis loin de la France. Et vous, y-a-t-il beaucoup de choses qui vous manquent depuis que vous êtes à Bali ?

Je pense à Chloé, à la vie que j’avais imaginée et qui s’est désintégrée, je pense à mes amis restés en France, je pense au sexe dont je suis privé depuis quelque temps, mais je ne lui en parle pas. Au lieu de ça je réponds :

– quelquefois la nourriture française me manque en effet. Et je ne refuse jamais un bon verre de Bordeaux. Sinon je ne sais pas. D’une certaine manière tout me manque et en même temps j’ai tout ce dont j’ai besoin en ce moment. Mais avant que je me lance dans les grandes aventures de ma vie, parlez-moi un peu de vous.

– oh moi, il n’y a pas grand-chose à dire. Je suis bretonne, du Finistère Sud. De la pointe du Finistère pour être précise, la partie sauvage, là où la lande résiste encore à l’urbanisation. Je suis parti de chez moi très jeune pour aller vivre dans une communauté en Inde et j’ai eu une fille, que j’ai élevé seule et qui a maintenant vingt ans. Ça fait dix ans que je vis à Bali, depuis que son père est mort, me laissant un héritage confortable. Nous n’étions pourtant pas très proches mais il tenait à assurer l’avenir de sa fille. C’est comme ça que j’ai pu acheter la librairie et c’est grâce à lui que je peux me permettre de vivre sans me soucier de mon avenir. Je suis comme vous finalement, je m’occupe. Ma fille est repartie il y a deux ans. Elle vit chez mes beaux-parents à Paris et elle fait des études d’ingénieur. Je suis très fière d’elle. C’est ma plus belle réussite. Voilà, vous savez tout ! Ah non j’oubliais un dernier détail, je m’appelle Marie Santerre. Je sais que vous mourrez d’envie de savoir mais que vous n’osez pas le demander.

– Bonsoir Marie Santerre, je me présente : François Joseph Vaucanson.

Et pour la première fois je ne lui demande pas de m’appeler Jeff comme je l’ai fait avec tant d’autres, même avec Chloé. Avant j’étais Jeff, plus maintenant.

– Vous avez un lien de parenté avec les entreprises Vaucanson, et la fondation « fleur du désert » ?

-« Les premières, c’était mon père, la seconde c’est moi. À sa mort j’ai liquidé tous ses actifs et j’ai investi de l’argent dans la fondation. Maintenant la fondation tourne sans moi. Je ne suis plus qu’une sorte de faire-valoir et ce n’est pas un rôle que j’apprécie énormément. J’ai trop souvent été sous le feu des projecteurs. J’apprécie énormément de vivre dans l’anonymat.

– Mon Dieu ! S’exclame-t-elle, voilà pourquoi je savais que je vous connaissais ! Vos photos ont fait là une des magazines durant des années ! Mais, pourquoi avoir choisi de vous réfugier à Bali ?

– Au début je courrai après une chimère. Quand l’illusion s’est dissipée, j’ai choisi de rester parce que j’ai découvert un petit coin de paradis auquel je tiens plus que tout. Je vous emmènerais un jour, vous verrez c’est magnifique. Et au cas où vous auriez des doutes, je ne suis plus du tout l’homme que vous avez vu sur ces photos. Tout ça est loin derrière moi. Je suis devenu sage avec le temps.

– J’espère tout de même que vous n’êtes pas devenu trop sage ! Les hommes sages ont quelque chose d’ennuyeux. J’ai toujours préféré la folie à la sagesse. Les hommes sages ont des projets raisonnables, des goûts simples et des envies réalistes. Autant de choses qui m’ennuient prodigieusement. Les hommes fous échafaudent des plans grandioses, des projets de génie et ont envie de conquérir le monde. J’espère que vous n’avez pas perdu cette part de folie.

– Je crois que j’ai eu ma part de folie pour le reste de ma vie. Et au risque de vous décevoir, j’aspire de plus en plus à la sagesse. Cependant je vous l’accorde, il est dur de s’y cantonner. Mais je fais de mon mieux pour canaliser ses élans de folie qui ont toujours guidé mes choix. Je voudrais vraiment que vous voyez mon terrain, vous comprendriez à quel point je jongle entre sagesse et folie.

Le chuintement d’une petite nacelle qui nous relie au l’arbre central nous détourne de notre conversation et nous regardons Steve déposer harmonieusement un nombre considérable d’assiettes et de petits plats devant nous. Quand il repart, un lourd silence s’installe et nous commençons à manger pour masquer notre gêne. Il y a là tout un assortiment des spécialités balinaises accompagnées d’une bouteille de Bordeaux totalement anachronique mais délicieuse. Cette cuisine excellente et raffinée remet un peu d’harmonie entre nous. Nous savourons un moment en silence, piochant dans les différents plats et nos yeux se croisent de temps en temps, échangeant des regards de plus en plus complices. Durant notre ascension dans les arbres, dans la nacelle, Marie et moi étions collés l’un contre l’autre et je n’ai pu m’empêcher de sentir la rondeur généreuse de ses seins et la chaleur de son corps. Cette sensation nouvelle, mêlée à l’étrangeté de la situation, m’a troublé. Ses cheveux voletant ont dégagé une odeur fruitée que j’ai trouvée savoureuse. J’ai été heureux d’être libéré de ce contact car j’aurais eu du mal à cacher plus longtemps mon excitation naissante. Et maintenant, nous sommes assis face à face et nous nous regardons par intermittence, incertain de ce que nous souhaitons vraiment. Dans ce lieu inattendu, le temps semble suspendu, comme nous, au sommet de ces arbres. Rassasiés, et les jambes douloureuses d’être resté assis en tailleur, je m’adosse au tronc d’arbre après avoir glissés des coussins dans mon dos et allonge mes jambes engourdies. Marie me regarde un moment, puis sans vraiment se lever, viens me rejoindre. Nous nous retrouvons tous les deux, côte à côte, contemplant à travers les branches un ciel lumineux et étoilé et au loin, les petites lumières de Denpasar. Seule l’agglomération est éclairée. Les maisons alentour ne bénéficient pratiquement pas d’électricité et la lumière des bougies ou des lampes à pétrole n’est pas suffisante pour être visible à travers cette végétation. J’ai l’impression que nous avons atterri sur une autre planète, vierge de toute présence humaine et peuplée de lucioles. Marie se cale légèrement contre moi et le parfum de sa peau me donne envie de l’embrasser mais je retiens cet élan pour ne pas gâcher la magie de ce moment. Je me sens bien auprès d’elle, la chaleur de son corps me réconforte. Sa présence silencieuse à mes côtés est une source de plaisir apaisant. Pas d’excitation fébrile, pas de fantasmes débridés. À leur place, la sensation agréable d’être en sécurité. Nous restons ainsi un long moment sans bouger et je m’aperçois à peine que sa main s’est délicatement glissée dans la mienne. Une main robuste et chaude dont le contact me réconforte. Le grincement de la nacelle nous fait sursauter et Steve apparaît, tel un lutin, et débarrasse rapidement la table. Il est porteur de différents desserts, la majorité à base de noix de coco, qu’il dépose devant nous avant de repartir. Nous n’osons pas bouger pendant un long moment et je pense que comme moi, elle craint de rompre ce contact délicieux. Finalement, elle se redresse et restant à mes côté, commence à piocher dans les différents desserts.

– Vous devriez goûter, c’est délicieux. Ce moelleux à la noix de coco est sublime.

Elle en détache un morceau qu’elle porte délicatement jusqu’à ma bouche. Je déguste le gâteau fondant et sucré avec plaisir. Elle me nourrit ainsi pendant quelques minutes, me faisant goûter un petit morceau de chacun des plats. Je vois ses yeux malicieux me détailler pendant qu’elle me nourrit. Puis, de façon totalement inattendue, elle se penche vers moi et dépose un baiser sucré sur mes lèvres. Je reste saisi, incapable de réagir. Elle attrape une fine lamelle de noix de coco qu’elle glisse entre mes lèvres. Je mâche le fruit sucré dont les fibres craquent sous mes dents et je la regarde en souriant. Quand sa bouche se pose une nouvelle fois sur la mienne je suis prêt. Je réponds à son baiser avec douceur, sans précipitation et me contente de l’embrasser délicatement. Satisfaite, elle se redresse et continue à butiner dans les plats.

– Vous savez, Marie, je dois être totalement honnête avec vous si nous voulons partir sur de bonnes bases. Je sors d’une relation amoureuse tumultueuse qui a duré cinq ans. Je n’en suis pas totalement remis et je ne sais pas si je le serais un jour. Cette femme a envahi ma vie comme un ouragan et n’y a laissé que ruines. Je commence tout juste à me reconstruire et je ne suis pas sûr d’avoir grand-chose à offrir.

– Ne soyez donc pas si condescendant. Vous pensez être le seul à avoir vécu l’amour fou ? Vous pensez être le seul à vous remettre de vos blessures ? Que croyez-vous que je fasse à Bali ? Je suis comme vous, je panse mes plaies, je répare ma vie. Je n’attends pas de vous une passion dévorant, mais j’apprécierai une relation simple et harmonieuse. Voilà ce dont j’ai le plus besoin actuellement, et à vous écouter, il me semble qu’il en est de même pour vous. 

Je la regarde, satisfait qu’une femme ait enfin les mêmes envies que moi. Une relation simple, sans promesse, sans engagement ferait parfaitement mon affaire et je serais satisfait que ce soit avec elle. Mais je connais les femmes et je me demande combien de temps cela pourra durer. Les femmes ne vivent pas au jour le jour. Elles veulent plus. Elles échafaudent des plans. Elles attendent de nous des promesses que nous ne faisons que pour leur faire plaisir mais que nous trahissons dès que nous en avons l’occasion. J’espère que Marie n’est pas ce genre de femme. Elle ajoute :

– et puis, vous allez bien vite, je vous rappelle que nous n’avons échangé qu’un baiser. Rien ne vous dit que j’attends autres choses de vous.

Mais je vois dans ses yeux qui pétillent qu’elle se moque de moi. Je suis un peu vexé. L’idée me traverse l’esprit d’en rester là mais elle se rallonge à mes côtés, reprend ma main et me demande :

– alors, racontez-moi vos grandes aventures.

Je reste un moment silencieux, je ne sais pas ce que j’ai envie de raconter. Je ne lui parlerai pas de Chloé ça c’est sûr.

– Il n’y a pas grand-chose à dire que vous ne sachiez déjà. Je viens d’une famille fortunée, je suis un homme fortuné, et toute ma vie j’ai fréquenté des gens fortunés. J’ai gagné beaucoup d’argent, j’ai un don pour gagner de l’argent et j’ai perdu beaucoup d’amis, ça aussi c’est un don. J’ai eu beaucoup de femmes et aucune n’a vraiment retenu mon attention… 

– Jusqu’à ce grand amour qui vous a brisé le cœur…

– en effet, jusqu’à cette femme-là. Avant je ne concevais pas une relation sérieuse, je me suis amusé. Après elle… Tout est en friche…et il y a vous.

– Eh ! crie-t-elle , je ne suis pas un lot de consolation et je ne suis pas non plus le repos du guerrier !

– Je n’ai jamais dit ça ! Je ne vous vois absolument pas comme cela. J’aimerais que nous soyons amis. Ce serait déjà merveilleux. Pour le reste, nous avons le temps.

– Est-ce que je dois comprendre que vous ne désirez pas faire l’amour avec moi ? Dit-elle en remuant la tête et en me chatouillant le visage avec ses cheveux.

– Je vous mentirais si je vous disais que je n’y ai pas pensé mais ça n’est pas la raison principale de ma présence avec vous ce soir.

– Et quelle est donc cette raison supérieure qui vous a conduit jusqu’à moi ?

– Je vous l’ai dit, l’envie d’avoir une amie, de faire votre connaissance. Vous m’intriguez. Je veux tout savoir de vous : ce que vous aimez, ce que vous détestez, ce qui vous fait rire, comment vous occupez vos journées, tout ce que vous aurez envie de me dire de vous.

– Vous savez je ne me dévoile pas facilement. Si vous voulez savoir tout cela, il vous faudra le découvrir au fil du temps.

– Ça me convient parfaitement !

Je caresse sa main doucement, sans bouger et savoure le bonheur de ce moment de répit qu’elle m’offre au sommet de cet arbre. Steve revient peu après, il débarrasse la table et dépose devant nous deux cafés que nous dégustons en silence. Puis Marie me dit qu’il est temps de rentrer et nous empruntons la passerelle de bois qui tangue sous nos pas pour rejoindre l’arbre central où nous attendons Steve dans sa grande nacelle. Nous sommes tous les deux appuyés contre l’arbre, probablement pour ne pas trop nous approcher du bord, et nos corps se touchent avec facilité. Elle pose une main sur ma poitrine comme pour fixer la distance entre nous et m’embrasse à nouveau délicatement. Ses lèvres sont douces et j’aimerais que ce baiser dure longtemps car tout mon corps en éprouve de la joie. Les grincements de la nacelle nous séparent et nous rejoignons le sol en nous donnant la main. Elle dit au revoir à son amie qui refuse mon argent quand je sors mon portefeuille pour payer. Le chemin du retour est plaisant. Guidé par les lampions qui bornent le chemin, nous nous laissons glisser paresseusement le long de la pente, à petits pas prudents. La moiteur de la journée a laissé la place à une fraicheur relative mais agréable et les parfums de la forêt sont enivrants. Les arbres majestueux nous protègent de leurs feuillages bruissant et même les insectes bronzinants qui tournent autour de nos têtes ne parviennent pas à altérer notre sérénité. Nos mains ne se sont pas lâchées et je vois arriver le parking avec regret. Le trajet de retour passe trop vite et quand nous parvenons dans la rue ou elle gare sa voiture, j’ai du mal à la quitter. Nous nous embrassons longuement et pour la première fois elle glisse sa langue dans ma bouche. Une petite langue douce et chaude que je caresse avec un grand sentiment de réconfort. Puis elle s’écarte légèrement et me dit :

– bonne nuit François, venez donc me voir mercredi, j’attends de nouveaux livres.

Elle s’en va, légère, et disparaît dans sa maison. Je marche lentement dans les rues animées où la fraîcheur du soir remplit les restaurants de touristes affamés. Je retourne à ma voiture le cœur léger, heureux de cette soirée inattendue et constate avec plaisir que je suis saisi d’une douce excitation dont la légère raideur reste tout à fait contrôlable. Je rentre chez moi et me couche, heureux. Je passe les deux jours suivants dans la jungle, à débroussailler à grands coups de machette, tout ce qui tombe sous ma lame. Je prends un plaisir quasi physique à voir tomber lourdement sur le sol de grosses lianes grasses dont les feuilles font un bruit mou en s’écrasant par terre. En deux jours, j’ai abattu un boulot colossal. Le terrain à l’arrière de la maison commence à s’aérer, et j’ai découvert, grâce à mon nettoyage, de grands arbres et majestueux qui feront honneur au beau jardin que j’envisage.

Je reste sans nouvelles de Ben pendant deux jours, et puis le mercredi, alors que je m’apprête à partir, il m’appelle. Le son de sa voix me fait plaisir d’autant plus qu’il semble joyeux. Il m’explique qu’il a terminé, qu’il n’a jamais travaillé aussi vite tant il se sentait inspiré. Il me propose de passer demain matin me montrer son travail. Je lui fixe rendez-vous en fin de matinée et je mets rapidement un terme à la conversation. Je suis pressé de retrouver Marie. Je mets longtemps à choisir des vêtements. Je me fais l’effet d’un adolescent se rendant un premier rendez-vous. Quand enfin je me suis vêtu d’un jean, d’un polo noir et d’une veste légère, je monte dans ma voiture en cherchant encore ce qui aurait le mieux convenu à cette deuxième rencontre. La route de Denpasar me semble longue, beaucoup plus longue que d’habitude. J’arrive enfin dans les rues encombrées de la ville et pose ma voiture dans le premier endroit que je trouve. J’ai travaillé une bonne partie de la journée et mes bras sont encore endoloris des efforts qu’ils ont fournis. Je pousse la porte de la librairie qui carillonne, annonçant mon arrivée. Marie est derrière son comptoir comme à son habitude. Elle porte une blouse mexicaine dont l’encolure entièrement brodé de fleurs de couleur, dévoile la naissance de ses seins et une longue jupe blanche à volants dont les lourdes broderies frôlent le sol quand elle marche. Elle s’avance vers moi et me salue d’un baiser sur la bouche, simplifiant mon arrivée car je ne savais pas comment l’aborder. Elle me dit :

– Bonjour François, vous allez bien ?

– Bonjour Marie, je vais très bien et vous ?

– Bien merci ! Venez, je vais vous montrer tout ce que j’ai reçu, c’est fabuleux ! Vous allez adorer, il y a plein de romans policiers !

Elle m’entraîne dans l’arrière-boutique, où des cartons à moitié déballés regorgent de livres étalés partout sur le sol. Elle a commencé à faire des piles, les classant par genre et par auteur. Elle ressemble à une enfant qui aurait reçu des cadeaux de Noël. J’examine quelques livres pour lui faire plaisir mais toute mon attention est concentrée sur elle. Cette joie enfantine lui va bien et je la trouve extrêmement séduisante.

– Vous ne trouvez pas cela merveilleux ? Tous ces livres ! C’est un des plus gros arrivages que j’ai jamais eus !

Je l’attrape par la main et la plaquant contre moi, je l’embrasse avec passion. Elle se laisse faire, répondant à mon baiser puis se dégage rapidement en posant une main sur ma poitrine, comme pour s’éloigner de moi.

– Venez François, me dit-elle, allons manger. Tout ce travail m’a donné faim. Pas vous ?

Et sans attendre ma réponse elle se dépêche de fermer la boutique. Nous nous retrouvons dans la rue où je la suis dans un dédale de ruelles inconnues. Elle m’entraîne jusqu’à une petite échoppe devant laquelle sont disposées, serrées contre le mur pour laisser un peu d’espace aux passants affairés, deux tables munies de bancs en bois. Nous nous asseyons l’un en face de l’autre,séparés par la table minuscule. Un vieux monsieur barbu et édenté nous apporte immédiatement deux bols de bouillon. Il est chaud et relevé, parsemé depetits légumes et de morceaux de viande. Le vieil homme nous apporte ensuite une grande palme sur laquelle sont posées des petits morceaux de porc dans une sauce gluante et du riz agrémenté de fruits. Je dévore le tout en regardant Marie picorer, savourant chaque bouchée, heureuse et sereine. Finalement elle me dit :

– alors, qu’avez-vous fait aujourd’hui ?

– Je me suis battu avec des lianes gigantesques et j’ai gagné ! J’ai dégagé des arbres magnifiques ensevelis sous cette végétation encombrante. Je vous ai dit que j’étais en train de construire ma maison ? Devant son air étonné, je continue : pour le moment je me contente de nettoyer le terrain mais dès demain, un jeune architecte américain vient me présenter des plans. Je suis désolé Marie, je vous raconte tout à l’envers. Je vais vous expliquer. Je me suis installé il y a quelque temps dans un bungalow au bord de la plage, au sud de l’île. La tempête l’a détruit et j’ai entamé des travaux pour le remettre en état. Et puis je suis tombé amoureux de cet endroit et je l’ai acheté. J’ai fait rénover tous les bungalows du site. Il y en avait une dizaine. Les derniers sont pratiquement terminés. En arpentant le terrain j’ai découvert une plage cachée sur laquelle je compte construire ma maison. J’espère que c’était plus clair ainsi.

– Voilà donc ce qui vous occupe à longueur de temps. Et voilà pourquoi vos bras sont couverts d’égratignures. C’est un beau projet François, j’espère que cette maison vous apportera le bonheur.

– Je l’espère aussi mais je ne suis pas sûr de savoir ce qu’est le bonheur.

– Le jour où vous l’aurez trouvé, vous le saurez !

Elle ne dit plus rien pendant un moment puis se lève et me dit :

– venez, allons-nous promener.

Je la suis dans une grande balade au cœur de la ville qui nous amène devant un immense temple où se déroule une cérémonie religieuse. Après la lente et longue processions de fidèles portant des offrandes et des statues de divinités qu’ils déposent avec soin sur l’autel du temple, nous assistons à une série de danse où de nombreuses jeunes femmes vêtues de sarong jaune vif se meuvent lentement au son d’une musique composée principalement d’instruments rythmiques et de grelots. Nous les contemplons longtemps. Je suis touché par la grâce de leurs mouvements, la lenteur et la synchronisation de leur danse, leur beauté sculpturale. La tête droite et haute, coiffées d’immenses bijoux perchés en équilibre sur leur têtes aux cous graciles, elles se déplacent avec une élégance émouvante. Marie semble en contemplation. Sa main se glisse machinalement dans la mienne et nous restons ainsi, bras contre bras, sans bouger. Puis elle pivote légèrement, et posant la main sur ma joue me dit :

– voulez-vous que nous allions chez moi ?

– Je veux bien Marie.

Nous marchons lentement dans les rues sans nous lâcher, attentifs au moindre frôlement de nos corps. Nous allons faire l’amour et nous le savons. Cette imminence rend la lente approche de la maison plus délicieuse encore. Nos frôlements timides ressemblent à des promesses de bonheur. Je voudrais que le chemin dure encore longtemps tant le plaisir est grand de marcher ainsi, main dans la main, sentant la chaleur de son corps irradier ma hanche et ma jambe quand sa jupe flottante s’y pose le temps d’un pas. Je vois la porte se rapprocher. Nous sommes au milieu de la rue. La boutique est proche et mon désir monte d’un cran. La sensation devient plus réelle, plus physique. De la douce euphorie de l’anticipation, nous passons à la sensation concrète du plaisir à venir. L’excitation nous fait presser le pas. Quand nous entrons enfin dans la boutique, elle tire un rideau qui révèle un escalier menant à l’étage. Je monte derrière elle, faisant grincer à chaque pas les vieilles marches de bois. Nous entrons dans un petit salon richement meublé de multitude de commodes, secrétaire, tables basses, canapés et fauteuils. Il reste peu de place pour se mouvoir. J’aperçois une petite cuisine attenante et Marie me conduit rapidement jusqu’à une petite chambre où trône un immense lit à baldaquin recouvert de moustiquaires. Une grande armoire sombre barre un mur pendant que de part et d’autre du lit, de lourdes tables de nuit complètent l’ameublement. Nous avons à peine la place de nous tenir debout entre le mur et les meubles. Aussi c’est collé l’un contre l’autre que nous nous enlaçons et que nous nous embrassons tendrement son pouvoir bouger. Marie me dégage de ma veste qui tombe sur le sol pendant que je dénoue fébrilement le lacet qui ferme sa blouse. Mais l’échancrure est trop petite pour que je puisse même accéder à ses seins. Elle dégage mon polo et le fait glisser par-dessus ma tête le long de mes bras puis de ses mains ouvertes elle me caresse longuement, tout au plaisir de sa découverte. Ensuite, en me regardant droit dans les yeux, elle fait glisser sa blouse par-dessus sa tête, révélant sa poitrine nue. Ses seins sont beaux et généreux. Il tombe un peu et je suis saisi d’une folle envie de les malaxer entre mes mains mais je me contente de les caresser doucement pendant que Marie m’embrasse à nouveau. Elle dégrafe ensuite mon pantalon qui glisse le long de mes jambes et dont je me dégage en tortillant puis elle laisse tomber sa jupe et m’entraine sur le lit où nous nous allongeons face à face. Elle porte une culotte en coton blanc toute simple, comme celle d’une petite fille et je la trouve ravissante. Elle me regarde longuement puis m’embrasse en se pressant contre moi. Je réponds à son appel en lui caressant les hanches et en glissant audacieusement ma main dans sa culotte pour caresser ses fesses. Sa peau est douce et s’étire un peu sous ma main. Cette sensation est extrêmement agréable pourtant je m’aperçois, malgré le plaisir que je ressens, que quelque chose ne va pas. Je ne bande pas, bien qu’elle m’attire énormément. La contempler pratiquement nue sur ces draps blancs, dans cette chambre si intime, me donne envie de lui faire l’amour immédiatement mais je ne peux pas. Elle ne semble pas encore s’en être aperçue et continue à m’embrasser en caressant mon torse et mes bras musclés. Puis ses jambes s’enroulent autour des miennes et son bassin se rapproche. Là, normalement, je devrais être en érection depuis longtemps mais il ne se passe rien. La sentir si proche devrait réveiller ma libido plutôt chaotique ces derniers temps mais il n’en est rien. Elle se colle lentement contre moi et m’embrassant toujours, glisse une main délicate vers mon entre-jambe qu’elle caresse un moment, par-dessus mon caleçon. Espérant régler mon problème je m’en débarrasse rapidement, révélant une bite à peine turgescente. Marie la prend dans sa main et la caresse longuement, mais rien n’y fait, elle ne se dresse pas. Je suis honteux et désespéré. Je lui dis :

– je suis désolé Marie je ne sais pas ce qui m’arrive, ça n’a rien à voir avec vous. J’ai très envie de vous mais il semblerait qu’il y ait un désaccord entre ma tête et mon anatomie.

J’ai essayé de prendre un ton détaché mais je ne sais pas si elle est dupe. Elle retire vivement sa main, abandonnant mon sexe qui retombe mollement et elle me répond :

– ne vous en faites pas François ! Les premières fois ne sont pas toujours celles que l’on avait espérait. Nous pouvons attendre si vous voulez ou bien nous revoir une autre fois, ou bien abandonner.

– Oh non Marie, je vous en prie ! C’est la dernière chose que je veuille ! Je ne sais pas ce qui m’arrive. Cela va vous paraître cliché mais je vous assure que c’est la première fois. Vous êtes une femme splendide est très excitante et je sais bien que cela n’a rien à voir avec vous. J’ai très envie de faire l’amour avec vous, j’y ai pensé souvent. Je ne devrais pas vous dire ça d’ailleurs mais vous avez beaucoup occupé mes fantasmes ces derniers temps.

– Vous m’en voyez flattée mon cher François mais je préférerais que vous soyez avec moi dans la réalité plutôt que dans vos rêves.

Sa voix s’est légèrement durcie et je la sens blessée. Alors, comme je ne sais pas quoi faire d’autre je l’embrasse fougueusement et me serrant contre elle, commence à caresser partout où mes mains peuvent aller. Je la sens se détendre entre mes bras et s’abandonner à mes caresses. J’attrape enfin ses seins, objet de mes fantasmes et les saisissants à pleines mains, les malaxe comme je l’avais souhaité. Ma bouche se pose sur ses larges tétons plats, si large qu’on dirait presque des soucoupes. Quand j’en glisse un dans ma bouche il s’étire comme de la pâte à modeler. J’ai l’impression d’être plein de lui. Je le tète goulûment, énorme mais il ne durcit pas. Il garde cette consistance étrange et agréable. Ses seins roulent entre mes mains et elle soupire doucement. Je laisse glisser une main le long de son corps et venant survoler sa hanche, m’accroche dans sa culotte. Je la fais descendre centimètre par centimètre et elle m’aide en repliant légèrement les jambes. Je dégage un pied, la libérant de l’emprise du tissu et vient poser ma main au creux de son aine. Elle est parcourue d’un léger frisson. Je m’enhardis et la faisant basculer sur le dos d’une pression douce et ferme sur la hanche, je me penche sur elle. Je tiens toujours son sein dans ma bouche et cela a l’air de lui plaire. Je glisse délicatement mes doigts le long de ses poils pubiens dont je ne connais pas encore la couleur. Ils sont doux et soyeux, tel un petit buisson bouclé. Ils me font penser au cœur de ces fleurs dont on peut caresser la surface couverte de minuscules pistils. Mon doigt s’égare le long de sa fente et écarte de grosses lèvres mûres. Je reste un moment immobile, attentif à ses réactions. Elle continue à soupirer doucement les yeux fermés et la tête rejetée légèrement en arrière. Alors, je remonte délicatement d’un doigt agile jusqu’à son clitoris qui frémit quand je l’effleure. Elle émet un léger bruit de gorge et les soupirs reprennent plus soutenu. Je la caresse lentement en continuant à lécher avec plaisir cette mamelle offerte. Son corps se tend légèrement, ses soupirs se font plus rapprochés et plus bruyants et dans deux légers cris d’une délicatesse extrême elle jouit sous mon doigt. Je reste un moment immobile puis relâchant son sein, je l’embrasse tendrement en même temps que je retire ma main. Ses yeux sont légèrement embués mais je remarque tout de même le rapide coup d’œil qu’elle jette à mon sexe toujours au repos. Malgré mes attentes, son plaisir ne m’a pas fait bander. Je vois de la déception sur son visage et j’en éprouve autant qu’elle. Je m’apprête à me lever et à m’en aller mais elle me retient de la main et me dit :

– non, restez, je vous en prie ! Il est tard, vous reprendrez la route demain matin tôt. Nous allons dormir, cela nous fera du bien.

Elle rabat le drap, soustrayant son corps à mon regard puis me tournant le dos, vient se lover contre moi. Je la sens partir rapidement dans le sommeil et sa respiration devient lente et presque silencieuse. Je reste très longtemps éveillé, conscient de ce corps chaud contre le mien qui ne réussit pas à éveiller suffisamment de désir pour que mon membre réagisse. Finalement, aux petites heures de l’aube je finis par m’endormir. Quand je me réveille, peut-être une ou deux après, elle est toujours contre moi et à ses mouvements je comprends qu’elle se réveille et que son corps se colle au mien. Une raideur dans le bas-ventre m’en donne la raison. Mon sexe se dresse, fier et d’attaque. Elle se retourne vers moi, me regarde droit dans les yeux, ces beaux yeux bleus limpides et encore ensommeillés disent son hésitation. Mais, je ne lui laisse pas le temps de la réflexion, je bascule lentement sur elle et elle écarte les jambes pour me faciliter l’accès. Ma queue excitée trouve facilement l’entrée de son vagin et s’y glisse avec délice. Je commence à bouger lentement, libéré de cette sensation d’impuissance qui m’avait saisi la veille. Je me sens vivant et en pleine possession de mes moyens. Marie est douce et moelleuse. À lavoir ainsi abandonnée, ses cheveux en bataille égarés sur l’oreiller, ses yeux doux qui ne me quittent pas, je comprends que je ne pourrais pas la manipuler à ma guise. Aussi je m’emploie à lui faire l’amour avec douceur et tendresse, laissant monter son plaisir lentement, écoutant ces soupirs soutenus et ses petits bruits de gorge qui ponctuent parfois un soupir plus fort. Je bouge lentement et nos corps sont en harmonie. Elle m’accompagne sans jamais perdre le rythme ni me devancer. Elle s’est livrée entièrement à moi mais elle garde le contrôle. Peu à peu le plaisir me gagne aussi. Il est aussi savoureux que le moelleux à la noix de coco que nous avons mangé quelques jours auparavant. Et enfin au bout d’un long moment où nos deux bassins se sont unis dans un rythme parfait, nous jouissons ensemble dans de longs soupirs remplis de joie. Pour la première fois j’ai l’impression que mon plaisir est plus joyeux qu’orgasmique. J’ai éjaculé longuement, répondant mon sperme en elle et je suis heureux. Ce n’était pas un plaisir physique violent comme j’en ai l’habitude. C’est quelque chose de nouveau, une sensation très étrange de bien-être et de plénitude tranquille.

Marie me fait rouler délicatement sur le côté pour se dégager de moi. Ma queue retombe sur les draps dans un bruit mou et je suis gêné qu’elle lavoit alors je tire rapidement le drap pour masquer mon corps. Jamais auparavant je n’ai ressenti le besoin de me cacher. Cette femme étrange provoque en moi des sensations nouvelles et pour la première fois aussi je suis rassasié. Je n’éprouve pas ce désir fébrile de recommencer immédiatement. J’ai dû m’endormir à nouveau.

Quand je me réveille je suis seul et la lumière qui entre par les volets me laisse à penser que la matinée est bien entamée. Je récupère mes vêtements, m’habille et passe ma main dans mes cheveux pour tenter de les discipliner puis je descends le plus doucement possible l’escalier qui grince et je me trouve nez à nez avec Marie qui a dû m’entendre marcher. Elle me regarde et me dit :

– vous avez bien dormi ?

– Oui je vous remercie, et vous Marie ?

– Fort bien, grâce à vous ! Je vous revois bientôt ?

– Quand vous voulez Marie.

– Eh bien disons samedi si vous êtes libres. Si vous avez du temps je vous emmènerais faire une grande promenade dans les collines. J’ai cru comprendre que vous n’aviez pas trop pris le temps de visiter l’île.

-« Avec plaisir Marie, à samedi alors.

Elle m’embrasse délicatement puis repart vers son comptoir où elle a entreposé des piles de livres. Elle me regarde partir avec un petit sourire en coin. Je me retrouve dans la rue, un peu déconfit. Je me sens léger et vide à la fois. J’aurais aimé rester plus longtemps, pas forcément pour lui faire l’amour mais pour profiter encore de son calme et de sa présence apaisante. Me voir ainsi congédié et rappelé à une date ultérieure est une chose fort nouvelle pour moi. Je rentre chez moi, partagé entre joie et désappointement. Quand j’arrive sur le parking, en découvrant la voiture de Ben, je me souviens de notre rendez-vous. Je file jusqu’au bungalow où il m’attend tranquillement, confortablement assis dans un transat. Je lui ouvre la maison et lui présente des excuses pour mon retard. Je lui dis que j’ai passé la nuit à Denpasar et que je n’ai pas encore déjeuné et lui propose de prendre un café avec moi. Il accepte avec plaisir. Pendant que je m’affaire dans la cuisine, préparant le café, faisant griller les toasts et apprêtant un grand plateau, il a déplié sur la table un long rouleau de papier composé de plusieurs feuilles. Je pose mon plateau dans un petit coin dégagé et nous commençons à discuter autour d’un café chaud. Le premier croquis montre une grande maison d’un seul niveau ornée de plusieurs toits de chaume élégamment répartis à des hauteurs différentes. Un deuxième dessin coloré au crayon donne un aperçu plus réaliste de la structure dans son élément naturel. Il a dessiné de jolis jardins autour en tenant compte des arbres et de la végétation locale. D’autres croquis de l’intérieur montrent de vastes pièces entièrement vitrées à travers lesquelles on aperçoit l’océan ou la forêt dense qui entoure la propriété. Il pose ensuite sur la table un autre jeu de plan sur lequel figure une bâtisse plus haute à deux niveaux, ornée de colonnades. On dirait une de ces splendides bâtisses du sud de l’Amérique. On pourrait presque se croire dans un paysage ancien, suranné et idyllique du Mississippi. L’ensemble est en bois. Deux grandes vérandas ceinturent la maison surplombée d’un large toit pentu. Des fenêtres en chien assis la chapeautent. Devant la demeure, une élégante piscine bleue pale se fond dans l’océan. Il m’explique qu’une piscine verte – c’est comme cela qu’elle s’appelle – nécessite deux bassins. Le premier bassin dans lequel on se baigne est relié à un second, pas trop éloigné et beaucoup plus grand, entièrement végétalisé, qui filtre l’eau de façon naturelle et la renvoie en permanence dans le premier bassin. Mais il me rassure en me disant que le terrain est suffisamment vaste pour permettre l’implantation des deux bassins. Sa seule crainte concerne les moustiques. Ce bassin végétal risque de les attirer et il faudra donc, si je m’en tiens à cette idée, trouver un moyen de les éloigner. Les intérieurs des deux maisons sont à peu près identiques. La surface y est répartie de façon différente mais elle reste similaire. Chacune des deux maisons possède quatre chambres, une bibliothèque, un grand salon, une salle à manger, une cuisine et ses dépendances. Les deux maisons me plaisent et je lui fais part de mon embarras face à ce choix. Nous discutons longtemps de l’intérêt de l’une et de l’autre des constructions et je finis par lui demander de me laisser le temps de réfléchir car ces deux réalisations sont à la fois belles, astucieuses et séduisantes. Je lui promets de l’appeler rapidement, dès que j’aurai arrêté mon choix. Après son départ, je me change et part faire un tour sur le chantier. Les ouvriers sont en train de terminer le dernier bungalow et n’auront bientôt plus de travail. Nyoman semble très satisfait de me voir. Il me montre les quelques finitions qu’il reste à effectuer puis me fait comprendre qu’il serait bien que les ouvriers se reposent quelque jours après la fin des travaux. Je lui propose de venir voir les plans et il accepte avec plaisir. Il étudie tous les dessins consciencieusement, fermant les yeux longuement pour mieux imaginer puis me dit que ces deux maisons sont bien trop grandes pour lui mais que son choix se porte quand même sur la première car elle disparaît mieux dans le paysage. Je ne suis pas loin de penser comme lui mais je suis encore tenté par la maison coloniale. Il me laisse à mes réflexions et retourne sur le chantier. Après avoir encore détaillé longuement les deux plans, je me change et attrapant mes outils, me dirige vers ma plage. Durant la nuit, l’océan a charrié quelques troncs que j’entasse sur un tas déjà conséquent. Une fois découpés, ils alimenteront ma grande cheminée parce que je veux une grande cheminée. Puis, ayant compris où Ben souhaitait installer le deuxième bassin, je m’attaque avec une joie sans pareille à la végétation qui en recouvre le terrain. Durant toute la journée, je travaille comme un forcené, épuisant mon corps. À la fin de l’après-midi, je me déshabille et pour la première fois depuis mon aventure malheureuse, je me laisse glisser avec une joie ineffable dans l’eau limpide de l’océan. Je me contente d’une petite nage calme, faisant quelques longueurs de plage histoire de délasser mes muscles surmenés. Je me laisse bercer par les vagues calmes et régulières qui me soulèvent légèrement pour mieux m’accueillir dans leurs creux. J’adore cette sensation. Les yeux fermés, je dérive ainsi un moment, mon corps abandonné à l’eau qui me porte sans peine. Enfin rassasié et délassé, je sors de l’eau et sans me rhabiller, rejoint mon bungalow où je prends une douche chaude et réparatrice. Je me prépare ensuite un repas rapide que je mange en étudiant encore une fois les plans de Ben. Puis je monte me coucher dans mon grand lit où je retrouve avec plaisir le livre que j’avais abandonné deux jours auparavant. L’intrigue se poursuit, sombre et embrouillée par les sentiments ambivalents des protagonistes et je glisse rapidement dans un sommeil agité. Je me réveille en pleine nuit, le sexe dressé par une érection douloureuse. J’éprouve le besoin violent de me soulager et je me branle vigoureusement jusqu’à ce que j’éjacule bruyamment dans des cris de plaisir mêlé d’énervement. Ma bite ramollit légèrement mais ne parvient pas à trouver le repos. Je m’allonge sur le ventre et je la masse longuement à long coup de rein en espérant que les draps parviendront à apaiser ce que ma main n’a pas réussi à faire. Le frottement des draps que j’ai réuni pour former une sorte de petit tunnel qui m’enserre la queue, m’excite mais ne m’amène pas jusqu’à l’orgasme. Alors, je descends de la mezzanine, toujours raide et me rends jusqu’à la plage. Je recommence à me branler face à l’océan, en poussant des cris violents, comme pour expulser de mon corps toute la souffrance que je n’ai exprimé ces derniers temps. Un orgasme salvateur arrive enfin, en longues giclées de sperme qui tombe sur le sable, pendant que je continue à brutaliser mon membre jusqu’à l’épuisement en hurlant à la lune. Puis je me laisse tomber sur la plage, le corps fatigué et l’âme en vrac. Je rampe jusqu’à la mer et je m’y laisse glisser pour y trouver le repos. L’eau me porte et un semblant de calme m’envahit. Après un long moment, je me traîne jusqu’à la maison et encore mouillé, je me recouche. Mais à peine ai-je fermé les yeux que mon sexe se dresse à nouveau, douloureux. Je revois Marie et ses seins moelleux et cette image est brouillée parcelle de Chloé dont la poitrine excitante me manque tant. Je revois Chloé sur le matelas crasseux et je tente de substituer cette image à celle de Marie dans ses beaux draps blancs, sans succès. Je revois la main de Chloé s’agitant entre ses cuisses, je revois le corps de Chloé m’appelant de toutes ses forces, je revois la bouche de Chloé enserrant ma bite, et je me branle à nouveau, tentant vainement de me concentrer sur la douceur et la tendresse de Marie. Mais c’est Chloé qui l’emporte et qui me fait jouir quand je me revois en train de marteler son cul. Je finis par sombrer dans un sommeil triste dont je ne me réveille qu’en milieu de matinée. Je suis malheureux et je suis seul. Les ouvriers sont loin dans le dernier bungalow et malgré leurs voix, la solitude me pèse. Une douche rapide, un petit déjeuner avalé sur le pouce et me voilà de nouveau acharné, coupant et tranchant tout ce qui se présente devant moi. Nyoman m’a appris à me servir d’une tronçonneuse et je découvre la joie incommensurable de voir tomber, les uns après les autres, les troncs des arbres que je taille à grands coups de lame ronflante. En un après-midi j’ai dégommé tous les petits arbres qui me polluaient la vue. Mais j’ai des scrupules à m’attaquer aux plus grands et au plus vieux d’entre eux qui pourtant, sont situés au beau milieu de mon bassin. De plus, j’ai bien conscience que je ne peux m’attaquer à ce travail tout seul. Il nécessite des cordes, plusieurs hommes et une réflexion coordonnée pour que l’arbre ne vienne écrabouiller personnes en tombant. Je me trouve donc un peu désœuvré jusqu’à ce que je me souvienne que la même jungle m’attend à l’arrière des bungalows. Demain, ce sera ma mission. Je termine l’après-midi en découpant les arbres en petit rondin que j’entasse soigneusement dans un coin du terrain. Puis, comme la veille, je me baigne le long de la plage et je retourne à mon bungalow pour manger et tenter de m’occuper le plus longtemps possible. Après le repas, pris rapidement, je retourne au plan que j’annote de différentes modifications qui me passent par la tête. J’écoute de la musique, je feuillette des magazines, j’ai peur d’aller me coucher. Enfin, la nuit bien entamée, mon corps épuisé réclame du repos. Je monte sur la mezzanine et me glisser dans mes draps froissés. Je m’endors presque aussitôt pour me réveiller, comme la nuit précédente, avec une érection titanesque est tout aussi douloureuse. Je ne tiens pas à aller hululer à la lune toutes les nuits alors je décide de me branler si longtemps qu’une seule fois devrait suffire. Je passe en revue tous mes fantasmes et la plupart concernent Chloé et des parties de son corps que je ne parviens pas à oublier. Je jouis une première fois au souvenir de ses hurlements de plaisir, puis une deuxième, laborieuse, où je tente de revoir Marie à travers une Chloé omniprésente. La troisième fois, désespéré, je me contente d’un mouvement mécanique et j’éjacule sans plaisir. Le sommeil me gagne enfin et je vole quelques heures de repos à cette nuit mouvementée. Quand je me réveille, je me demande si je vais pouvoir tenir longtemps à ce rythme. J’arrache presque les draps sales et durcit par endroit par les giclées de spermes de ces deux dernières nuits et les jette dans la machine à laver que je mets à tourner.

Peut-être devrais-je anticiper mon rendez-vous avec Marie mais je ne pense pas qu’elle apprécierait. Nous avons rendez-vous en début d’après-midi pour aller visiter l’île. Mais mon besoin de sexe me brouille l’esprit et je m’épuise toute la journée sur la végétation qui borde les bungalows. Vers six heures, je me lave et m’habillant en vitesse, fonce à Denpasar. Quand j’arrive à la librairie, elle est en train de fermer. Elle me regarde à travers la vitre et je lis de la désapprobation dans ses yeux. Elle ouvre cependant et me laisse entrer. Avant même qu’elle ait eu le temps d’ouvrir la bouche, je la plaque contre moi et l’embrasse violemment. Mais elle se dégage brutalement et me dit :

– enfin, François ! Que vous arrive-t-il ?

– Excusez-moi, Marie, j’ai eu envie de vous depuis le matin où nous nous sommes quittés.

Et je m’apprête à l’embrasser à nouveau quand elle m’interrompt encore :

– arrêtez s’il vous plaît ! Je ne veux pas d’une relation comme celle-là ! Je vous fais grâce de votre retard mais je vous fais remarquer que je vous ai attendu toute la journée. Alors, allons manger. Nous verrons ensuite dans quelle humeur nous sommes.

Son ton péremptoire m’exaspère et une envie folle de la violer me traverse l’esprit. Mais j’en ai fini avec ses conneries. Alors je baisse les yeux, lui présente des excuses et la suit docilement jusqu’à un nouveau restaurant où je mange sans faim, un repas dont je n’ai pas envie. Marie me contemple longuement puis finit par me dire :

– vous n’avez vraiment pas l’air d’aller bien.

– Non et je suis vraiment désolé de m’offrir en spectacle de la sorte.

– Ne vous excusez pas François, nous avons tous des passages à vide.

Elle se lève et je la raccompagne jusqu’à la boutique. Là, sur le pas de la porte, je vois qu’elle prend son temps et qu’elle réfléchit. Je reste immobile, espérant qu’elle me laissera rentrer. Finalement elle ouvre la porte et fait un geste pour m’inciter à en franchir le seuil. À peine a-t-elle refermé la porte derrière elle que je me jette sur sa bouche pour l’embrasser mais elle me repousse encore et d’une main calme, m’exhorte à la patience. Elle monte l’escalier et je la suis. Une fois arrivée dans la chambre, je me colle à elle et laisse mes mains fébriles courir le long de son corps mais elle me repousse encore et prend le temps de me déshabiller lentement, puis s’offre à mon regard en en faisant de même. Quand nous sommes enfin nus, je la bascule sur le lit mais elle prend ses distances. Alors je m’allonge immobile et j’attends. Elle se penche délicatement sur moi et vient poser sa bouche sur la mienne. Chaque fois que mes lèvres s’affolent elle se retire. Quand, enfin vaincu, j’accepte ces doux baisers, elle m’embrasse passionnément. Je l’attrape par les hanches, prêt à la basculer à nouveau pour la pénétrer mais elle ne se laisse pas faire. Elle pèse de tout son poids sur mon corps et m’oblige à rester allongé sur le dos. Elle laisse courir ses mains le long de mon torse et de mon ventre puis elle atteint mon sexe qui palpite et le prend dans sa main. Mais elle ne bouge pas. Aucun mouvement ne vient exciter ma bite déjà tendue. Je rêve qu’elle vienne la chevaucher mais elle n’en fait rien. Elle continue à laisser courir ses doigts sur moi et à explorer chaque centimètre de ma peau. Je suis en transe. Je crains d’éjaculer à la première pénétration. Finalement, elle s’allonge sur le dos et m’appelle en chuchotant. Alors, essayant de rester calme et de me maîtriser, je m’installe entre ses jambes et je laisse glisser mon sexe dans son vagin accueillant. C’est d’une douceur subtile et bouleversante et au lieu de l’orgasme volcanique et immédiat auquel je m’attendais, je suis traversé par un plaisir tranquille qui gagne du terrain peu à peu, envahissant tout mon corps pendant qu’elle m’encourage de ses doux soupirs. Je tiens longtemps, beaucoup plus longtemps que je ne l’aurais imaginé et nous finissons par jouir tous les deux dans une grande plénitude. Comme la fois précédente, elle me tourne le dos et vient se coller contre moi et nous nous endormons. Mais elle me réveille quelques heures après et me chuchote de rentrer chez moi. Je n’ai pas envie de bouger, je n’ai pas envie de partir, je voudrais rester dans ce grand lit où je trouve calme et repos mais elle se fait pressante et je finis par rassembler mes vêtements, me rhabiller, et m’en aller. Je me retrouve tout seul au milieu de la nuit, rentrant sur la route défoncée qui me ramène à mon bungalow. À peine arrivé, je me jette dans mon lit et je sombre comme une masse. Je dors longtemps et à mon réveil, je suis complètement désorienté. Je m’aperçois tout de même que Marie et moi, n’avons pas convenu d’un nouveau rendez-vous.

Aujourd’hui, les ouvriers ne travaillent pas. Ils se rendre à une cérémonie funèbre pour honorer un membre de la famille de l’un d’entre eux. À Bali, même les cérémonies funèbres font l’objet de festivités. Ils m’ont proposé de les rejoindre en début d’après-midi et je ne sais pas encore si je vais y aller. En buvant mon café, je regarde encore les plans un à un et je n’arrive toujours pas à me décider. Je n’ai pas rappelé Ben pour lui faire part de ma décision et pour cause, je n’en ai pas pris. Je suis presque sûr de vouloir une maison de plein pied mais j’ai un problème avec le style. Ben a dessiné une maison magnifique, entièrement vitrée, dont le jardin intérieur permet une communication de part et d’autre. Son idée est géniale. Mais c’est l’alliance des styles qui ne convient pas. Cependant je sais qu’il a raison pour la pente du toit car, quand la mousson commencera, un toit plat ne résistera pas à la quantité d’eau. Finalement, je me décide à l’appeler et lui faire part des remarques et des modifications que je souhaite apporter à la maison. Comme les fois précédentes, il me propose d’être là dans l’heure et j’accepte. Je mets un peu d’ordre dans le bungalow, prend une douche, me rase et je finis de m’habiller au moment où il arrive. Nous reprenons les plans, assis côte à côte le long de la grande table et je lui montre toutes les annotations que j’y ai portées. Je veux une cheminée qui descend du plafond au milieu du grand salon. Les pièces principales doivent être situées dans la partie Ouest de la maison, face à l’océan. J’hésite encore à y mettre ma chambre ou à la placer à l’arrière, dans l’enfilade des chambres que Ben a dessiné. Finalement nous décidons de la mettre à l’angle sud-ouest, face à l’océan d’un côté et à la forêt de l’autre ce qui rend le choix moins cornélien. La cuisine et les dépendances occuperont l’aile Est. Une partie de la façade ouest et de l’aile Nord accueilleront le salon, la bibliothèque et un bureau. L’aile Est sera occupée par trois chambres avec salle de bain. Il sera possible de s’y rendre par un long couloir qui bordera ma chambre, ou par le jardin intérieur. Nous convenons qu’il faudra couvrir un chemin qui reliera les deux parties de la maison, pour qu’il soit possible de traverser le jardin intérieur sans se tremper quand il pleuvra. Finalement Ben me dit :

– bien, il me semble que vous avez fait votre choix. Ce sera donc une maison sur un seul niveau.

– Oui, mais il reste le problème du toit. J’aurais adoré un toit plat qui aurait permis à la maison de paraître moins haute.

– il est possible de trouver un compromis, et si on faisait un toit bombé. Un toit légèrement arrondi qui ne retiendrait pas l’eau.

– Comme en Grèce ?

– Oui, quelque chose dans ce genre-là, un toit peut-être un peu moins bombé sur lequel on pourrait faire pousser de la végétation ou bien laisser le béton blanc.

– Pourriez-vous me redessiner tout ça s’il vous plaît Ben ? Je pense que tous nous tenons quelque chose de bien !

– Bien sûr, je m’en occupe très rapidement mais il faut que je revienne avec le géomètre pour faire des plans précis du terrain. Ça vous pose problème si nous revenons demain matin?

– Non bien sûr, venez même si je ne suis pas là, faite ce que vous avez à faire. Nous nous quittons là-dessus. Au moment où il s’apprête à partir je lui tends une grosse enveloppe que j’avais préparée à son intention. Il la prend d’une main hésitante, puis regarde à l’intérieur et me dit :

– c’est beaucoup trop, je n’ai encore rien fait !

– Ne vous inquiétez pas pour ça et puis au moins je suis sûr que vous ne partirez pas travailler pour un concurrent !

Il se met à rire et me remercie puis s’en va d’un pas léger. Je me sens mieux. J’ai l’étrange impression d’être soulagé d’un poids, sans pouvoir en déterminer la nature exacte. J’enfile mes vêtements de travail et prenant mes outils, retourne à mon chantier. Je travaille toute la journée, puis comme les jours précédents, prend un bain de mer, une douche, un repas rapide chez Madame Soda qui me permet de sortir un peu de mon terrain et de mes préoccupation immobilières, suivi d’une soirée harassante de lecture sans arriver à me concentrer et je me couche enfin, appréhendant la nuit à venir. Je m’endors rapidement et je suis réveillé en sursaut par un cri puissant. Je regarde tout autour de moi, je suis seul. Soudain je me souviens que j’étais en train de rêver et que ce crie a jaillit de ma gorge. Mon érection et là, tendue vers moi et je tente de l’ignorer un moment en tournant et retournant sur le matelas mais elle persiste et me fait souffrir. Alors je me résous, sans joie, à y apporter réparation. Je la tiens d’une main ferme et je l’astique longuement, réfrénant mon envie de jouir tout de suite pour faire durer le plaisir longtemps, espérant ainsi ne pas avoir à recommencer. Tous mes fantasmes sont concentrés sur Chloé. Je n’arrive jamais à rester plus de quelques secondes fixées sur le corps de Marie. Je finis par éjaculer en grognant, malheureux du peu de plaisir que cela m’apporte. Comme je l’avais craint, mon érection ne diminue pas pour autant et je dois tout recommencer une deuxième fois, me concentrant immédiatement sur le corps de Chloé pour en finir au plus vite. En quelques allers-retours bien ajustés, j’éjacule à nouveau avec aussi peu de plaisir que la première fois. Il semblerait que j’ai réussi enfin à calmer cette frénésie car je me rendors. Je me réveille au matin, le membre endolori et les idées noires. Peu à peu les ouvriers arrivent et je vais leur rendre visite pour les regarder terminer avec satisfaction et une légère angoisse que je garde pour moi, le dernier bungalow. Ils regrettent que je n’ai pas pu les rejoindre la veille et je n’ose leur avouer que j’ai totalement oublié la cérémonie funèbre tant j’étais occupé à dégommer la jungle. Peu après, Ben et un homme d’âge mûr arrivent, munis de tout un tas de matériel. Je vais leur dire bonjour et les accompagne jusqu’à la petite plage où je les contemple un moment, l’un regardant à travers la lorgnette de son appareil de mesure, l’autre prenant note des cotes qui lui sont confiées. Je finis par rentrer chez moi en me sentant totalement inutile. Je sais que le lundi, Marie n’ouvre pas forcément la librairie car elle préfère consacrer cette journée au tri et au rangement. Je me lave, m’habille et prend la route de Denpasar en espérant qu’elle acceptera de me voir. Quand j’arrive devant chez elle, je l’aperçois au fond de la boutique en train de déballer ses cartons. Je frappe doucement à la vitre, elle se retourne étonnée, hésite un peu, puis vient vers moi en époussetant ses mains.

– Bonjour François. Vous savez que la boutique est fermée aujourd’hui.

– Oui, je sais Marie, bonjour, j’avais envie de vous voir. Je vous dérange ?

– Un peu mais je vous en prie entrer, vous pourrez peut-être m’aider…

Je m’apprête à l’embrasser mais elle se retourne et se dirige résolument vers l’arrière-boutique. Je la suis, vexé qu’elle me batte froid de la sorte. Elle est installée sur un petit tabouret et sors les livres un à un, les essuie avec un chiffon, et les poses sur des piles distinctes. Elle désigne un tabouret proche d’elle et me fait signe de m’y asseoir. Puis elle me tend un chiffon et sans dire un mot, continu son travail. Ma tête bouillonne de sexe. J’ai envie de baise, de baise sale. Mais Marie semble être la dernière personne avec laquelle cela pourra être possible. Docile et vaincu je me contente donc de sortir les livres des cartons, de les essuyer et de les lui tendre. Au bout d’un moment, devant mon air abattu, elle dit :

– allons François, ne faites pas cette tête ! Dans un moment je vous préparerai à manger

Le silence s’installe à nouveau. Nous continuons un long moment à sortir les livres, à les nettoyer et à les classer. Finalement elle se lève et ses yeux m’invitent à en faire autant. Elle s’approche de moi et dépose un baiser délicat sur mes lèvres en disant :

– merci François.

Puis elle se détourne et se dirige vers l’escalier qu’elle monte avec légèreté. Quand j’arrive à l’étage, elle est déjà dans la cuisine en train de s’affairer autour d’un petit réchaud à gaz. Elle met rapidement la table pendant que les aliments réchauffent. Enfin, elle répartie dans les assiettes un petit ragoût de viande accompagnée de riz. Nous mangeons en silence, je n’ai rien à dire, j’ai envie de baiser. Finalement, comme si elle lisait dans mes pensées, elle lève les yeux, me tend la main, et m’entraîne dans la chambre ou le même rituel se reproduit. Elle me déshabille, m’empêchant d’intervenir puis se déshabille à son tour. Mais je n’ai plus envie de me laisser faire. Alors, malgré ses protestations, je la bascule sur le lit et forçant ses jambes, y fourre mon visage. J’introduis ma langue jusqu’à sa chatte et je l’y plonge avec délice. Ma bite bat contre mon ventre et je me sens vivant. Je la lèche vigoureusement, et finalement, elle se détend et s’abandonne à ce plaisir inattendu. Je prends mon temps, je n’ai plus léché un sexe de femme depuis longtemps et cela me manquait. Sa chatte a un goût poivré et légèrement acide et cela m’excite encore plus. Elle a arrêté de se débattre ce qui me permet de lâcher ses hanches et d’aller attraper ses seins pour les malaxer pour son plus grand plaisir. Je finis par la laisser jouir, ce qu’elle fait en poussant des soupirs dont s’échappent quelques petits cris aigus. J’aimerais qu’elle me suce, qu’elle prenne ma bite dans sa bouche mais je sais qu’elle ne le fera pas. Je m’allonge contre elle et frotte ma queue un moment sur sa cuisse en espérant qu’elle me propose quelque chose de nouveau mais elle se contente de m’attraper par la main et de me conduire entre ses jambes où comme les fois précédentes, je la pénètre. Je ne peux nier que j’y prends un immense plaisir. Faire l’amour à cette femme est une chose suave et onctueuse. Je ne sais pas comment elle fait pour que je ressente cela mais les sensations sont les mêmes à chaque fois. Je me sens bien, entier, en pleine possession de mes moyens et je n’éprouve nulle envie d’accélérer et de la labourer pour avoir du plaisir. Je sais que je dois tenir longtemps car il n’y aura pas de deuxième fois. Mais ses gémissements soutenus ont raison de ma maîtrise et je lâche un flot de sperme en même temps que sortent de ma gorge des cris retenus d’un plaisir voluptueux. Comme les fois précédentes, elle se dégage et me tournant le dos, se colle à moi et s’endort. Je me repose un moment mais ne trouve pas le sommeil. Le contact de ses fesses sur mon sexe m’excite à nouveau et me voilà raide, dressé, incapable de savoir ce que je dois faire. Je me décide finalement à frotter mon membre excité contre son cul en espérant qu’elle ne me rembarrera pas. Elle ne bouge pas. Je m’enhardis alors à insérer ma bite entre ses cuisses ou je la fais aller et venir pendant un petit moment. Marie ne réagit toujours pas. Presque malgré moi, mon sexe trouve le passage et entre sans forcer dans son vagin. Je reste un moment sans bouger, comme un enfant pris en faute. Mais elle ne dit rien alors je commence un léger mouvement du bassin, de petits allers et retours. Quand enfin je sens son corps se coller plus fort contre le mien et que ses soupirs reprennent, j’accélère légèrement le mouvement et m’autorise à lui attraper les seins pour le malaxer tendrement. Je vais et viens ainsi un long moment. Marie pousse de petits cris aigus à peine perceptible et j’essaie de ne faire aucun bruit pour mieux les entendre. J’aime cette façon discrète mais épanouie de prendre du plaisir. Même ses orgasmes sont raffinés et délicats. Je l’imagine nue sur une plage, ramassant des coquillages telle une vénus sortie des eaux. Cette image m’emporte et je jouis dans son oreille en retenant mes cris de plaisir. Nous restons enlacés un long moment puis elle se retourne vers moi, les yeux légèrement brumeux et elle m’embrasse longuement. La nuit est tombée depuis un moment et j’ai sommeil mais elle me dit :

– il faut que vous rentriez François, vous ne pouvez pas dormir ici.

– Je vous en prie Marie, ne me mettez pas dehors en pleine nuit. Laissez-moi au moins dormir jusqu’à l’aube.

– Non, François. Je ne peux pas, je ne peux plus dormir avec un homme.

– mais vous l’avez bien fait la première nuit.

– c’était différent. Je ne pouvais pas vous mettre dehors après ce qui vous était arrivé. J’espérais pour vous que vous ayez résolu votre problème au matin et c’est ce qui est arrivé.

– merci de votre compassion Marie !

J’ai dit ça d’un ton plein de dédain et je la vois se raidir sous les draps. Je la baiserai bien, là, tout de suite, pour lui faire ravaler sa morgue et son assurance mais je me retiens. Je ne veux plus revivre les égarements et les excès dont Ariel a été la victime. J’essaie une dernière fois de circonvenir Marie :

– s’il vous plait, laisser moi rester encore un peu. Nous ferons l’amour et puis je m’en irai au petit martin, je vous le promets.

Mais elle est inflexible, sa voix devient dure :

– rentrez chez vous François, nous nous reverrons quand vous serez redevenu raisonnable.

– je suis raisonnable ! Vouloir faire l’amour à une femme qui me plait ne me parait pas déraisonnable ! Vous devriez vous en sentir flattée ! je m’écrie malgré moi.

Sentant qu’elle n’aura pas le dernier mot, Marie change de ton et c’est d’une voix presque larmoyante qu’elle me dit :

– Je vous en prie, rentrez chez vous !

Elle a dit cela, telle une supplique. Alors, je me lève, prends mes vêtements et m’habille rapidement, la laissant seule dans son lit.

Quand je sors dans la rue, elle grouille de monde. Il ne doit pas être bien tard et les touristes sont de sortie. Je n’ai pas envie de rentrer chez moi alors je flâne un moment dans les rues au hasard. Je tombe en arrêt devant l’enseigne d’un salon de massage que je n’avais pas vu. Son étroitesse, l’épais rideau qui en cache l’entrée me laisse espérer que je ne me suis pas trompé d’endroit. Je soulève le rideau et passe une sorte de sas au bout duquel se tiens une très vieille femme dans une robe ajustée. Une pancarte indique les massages proposés et leurs tarifs dans différentes langues. Avisant le prix le plus élevé, je sors une liasse de billets que je pose sur le comptoir. La vieille femme regarde, me scrute, me jauge puis elle ramasse les billets qu’elle fait disparaître et d’une voix éraillée crie quelque chose en direction de l’arrière-boutique. Aussitôt, surgissant de nulle part, apparaît une ravissante jeune femme vêtue d’une longue robe moulante entièrement boutonnée sur le devant. Elle me tend la main et m’entraîne le long d’un couloir sombre jusqu’à une petite alcôve fermée par un rideau et munis d’un banc de massage. Sur le côté, des petites tablettes regorgent de bouteilles d’huiles et d’onguent ainsi que de bougies qui brûlent un peu partout dans la pièce. L’air est lourd de senteurs soutenues, saturé par la fumée des bougies. L’atmosphère est presque suffocante et il y fait chaud, très chaud. Elle me fait signe de me déshabiller, ce que je fais rapidement et avec plaisir, conservant tout de même mon caleçon. Mais d’un geste éloquent elle m’invite à l’enlever. Pendant ce temps-là, elle a étendu une grande serviette sur la table et je m’y allonge sur le ventre. Elle se place ensuite devant moi pour que je la vois et déboutonne un à un les minuscules boutons brodés de sa longue robe, ce qui lui prend un temps incalculable. Elle n’en est pas à la moitié que je bande déjà, m’obligeant à me contorsionner sur la table pour dégager ma bite tordue. Elle est nue sous sa robe et cette vision m’excite. Elle disparaît de ma vue et je sens de l’huile tiède couler dans mon dos pendant que tintent des petits flacons de verre. Puis soudain, je la sens s’allonger sur moi et elle commence à me masser de tout son corps. Ses seins tournent en rond sur mes omoplates et dans mon dos et cette sensation est délicieuse. Son bassin se frotte contre mes fesses et ses jambes caressent les miennes. Elle est d’une légèreté extrême et ce massage sensuel est ce qui pouvait m’arriver de mieux. Elle se retourne ensuite et entreprendre de me masser à nouveau. Je sens maintenant ses seins contre mes fesses pendant un moment alors que de ses mains elle malaxe mes jambes. Puis elle recule et son sexe vient se poser sur ma nuque. La chaleur qu’il dégage m’électrise des pieds à la tête. Soudain, elle disparaît aussi lestement qu’elle était arrivée. Je sens ses mains soulever mon corps pour m’invite à me retourner. Je la contemple maintenant, fine et gracieuse, son petit corps musclé bougeant harmonieusement dans la pièce exigüe, ses seins petits et fermes, son sexe épilé, ses mains graciles saisissant délicatement des petits flacons dont elle verse quelques gouttes sur chaque partie de mon corps, mon sexe inclus. Puis, elle remonte à nouveau sur la table et reprend ses massages. Ces seins s’écrasent sur ma poitrine pendant que son bassin frotte ma bite en petits cercles. Elle pose ensuite ses mains sur ma poitrine et s’assied littéralement sur ma queue qu’elle commence à caresser de sa vulve. Elle semble flotter au-dessus de moi, toujours mobile et la sensation de son sexe sur le mien fait monter en moi un plaisir violent et incontrôlable. Me sentant battre de plus en plus fort, elle s’interrompt. Elle concentre ses massages sur mes jambes, descendant sa vulve sur chacune de mes cuisses, tournant un moment sur mes genoux puis descendant jusqu’à mes pieds. Elle tend le bras et attrape quelque chose que je ne vois pas mais j’entends le bruit d’un emballage qui se déchire. Elle approche sa bouche de mon sexe qui se dresse et je la regarde, subjugué, dérouler lentement avec ses lèvres un préservatif sur ma verge excitée. Elle reprend ses mouvements de massage de tout son corps, s’allongeant entièrement sur moi puis, descendant lentement, laisse mon sexe entrer en elle. On dirait qu’elle me masse la queue. Tout son corps continu à bouger d’un même mouvement. Je sens monter en moi un orgasme volcanique que je retiens à grand-peine tant ses gestes sont précis. Je commets l’erreur de regarder ses seins s’écraser sur ma poitrine alors que son vagin exerce une pression continue sur ma bite affolée. Je ne peux me retenir plus longtemps et j’éjacule violemment dans de longs spasmes pendant qu’elle continue à s’agiter au-dessus de moi. Quand elle sent que j’ai fini, elle descend, me débarrasse de mon préservatif, et à l’aide d’un linge humide, ne nettoie tout le corps en s’attardant sur mon sexe couvert de sperme. Je suis épuisé. Elle me couvre ensuite d’une légère couverture, souffle les bougies, et me laisse dans une demie obscurité. Je me sens bien, repus et apaisé. Je m’endors rapidement. Je suis réveillé quelques temps plus tard par de petites mains qui font rouler rapidement la serviette sur mon corps et s’affairent, glissantes. J’ai l’impression qu’elles sont partout à la fois et ce n’est qu’en ouvrant les yeux que je m’aperçois qu’elles sont trois. Trois jeunes femmes pour moi tout seul qui prennent soin de mon corps. Toutes les trois sont nues et identiques. Même gabarit, même cheveux attachés en un chignon serré. Me voyant réveillé, la première vient se placer derrière moi et me masse la tête, la nuque et les épaules et les bras. La deuxième s’installe à mes pieds et commence à les malaxer avec dextérité. La troisième enduit ses mains d’une huile odorante et entreprend de me masser le sexe. Ces six petites mains qui s’activent sur moi sont aussi inattendues que paradisiaque. Elles me mènent toutes savamment dans un plaisir conjugué et coordonné qui atteint des sommets quand, ayant enfilé un nouveau préservatif sur mon membre turgescence, l’une d’elle me chevauche et m’emmène dans de grands cris que je ne peux retenir, dans un orgasme fracassant pendant que ses compagnes continuent à masser le reste de mon corps. C’est un plaisir total et absolu qui me traverse de part en part et m’amène au bord de l’évanouissement. Ensuite elles me nettoient à nouveau puis me recouvrent et disparaissent me laissant dormir un long moment.

Quand je me réveille, les bougies sont pratiquement fondues et certaines ce sont éteintes. J’avise mes vêtements soigneusement pliés sur une petite chaise et me rhabille lentement. Je suis fatigué et vide. Je ressors dans la rue où l’animation n’a guère diminuée et je mets un moment à me repérer. C’est finalement un petit temple aux pierres si usées qu’elles semblent toutes ébréchées, qui me permet de m’orienter. Je retrouve enfin ma voiture et rentre au bungalow où je me couche, au milieu de la nuit, les sens apaisés.

Au matin je suis réveillé par le silence. Un silence qui m’attriste avant même que je me souvienne de ce qu’il représente : les bungalows sont terminés et les ouvriers ne viendront plus jusqu’à ce que le chantier de ma maison commence. Je suis à nouveau tout seul et je me demande si je ne vais pas immédiatement louer les habitations afin de combler un peu le vide des lieux mais finalement j’y renonce. Je ne saurai trop dire pourquoi. La gestion de ces locations ne m’intéresse pas du tout. Je louerai quand j’aurai trouvé quelqu’un qui s’en occupe à plein temps.

Je suis désœuvré. Je n’ai plus envie de tailler la jungle maintenant que les ouvriers ne sont plus là. Je suis en train de prendre un petit déjeuner morose quand Ben débarque, porteurs de longs rouleaux de papier. Il semble si joyeux que sa vue me redonne le sourire.

– Ça y est, dit-il, je crois que j’ai ce qu’il vous faut !

Et il étale devant moi ses longs rouleaux de plan, dévoilant des esquisses et des croquis très différents de ceux qu’il m’avait montrés précédemment.

– Vous voyez ? Je n’arrivais pas à faire le lien entre cette architecture moderne que vous souhaitiez, et l’architecture traditionnelle balinaise. Mais j’ai trouvé, regardez !

En effet, il a respecté la conception carrée est ouverte de la maison telle que nous l’avions décidé la fois précédente, mais il en a totalement modifié le style. Le toit en pente douce, inclinée d’un seul côté, est recouvert d’un matériau sombre qui rappelle la paille de riz. Peut-être des tuiles, ou de l’ardoise. Je n’en sais rien mais l’effet me plaît. Le tout est comme un joyau à quatre pans taillés, ouvert en son centre, laissant dépasser le majestueux frangipanier aux fleurs épanouies qui trônera dans le jardin intérieur. Le bois est partout. Un bois rouge, assez sombre, dont on devine la patine dans la précision de son crayonnés. Les larges baies vitrées sont encadrées de bois. Le tout donne une ambiance chaleureuse et confortable à la maison, sans lui ôter sa transparence. Je suis immédiatement emballé par ce nouveau projet. La maison répond à mes attentes, et ben a respecté chacun de mes souhaits. Une immense cheminée suspendue, telle une soucoupe volante, descend du plafond pour s’arrêter à un mètre du sol. Le salon est lumineux, ouvert sur l’océan et il communique avec une bibliothèque qu’il a fait monter jusqu’à la plus grande hauteur sous le toit, à l’aide d’une coursive reliée par une échelle. La maison sera de plain-pied, légèrement surélevée par rapport au reste du terrain et le jardin descendra en pente douce vers la première butte sur laquelle sera situé la piscine. Ben m’explique cependant qu’il a dû abandonner l’idée de la piscine verte mais qu’ils se renseignent actuellement sur le traitement des piscines salées. Je lui fais part de ma satisfaction et lui demande quand les travaux peuvent commencer. Il fait un compte rapide de ce qui lui reste à faire et me dit qu’un bulldozer pourrait venir dès la semaine prochaine commencer le terrassement et creuser les fondations. Je ne souhaite pas que l’entrée de la maison se fasse par les bungalows, aussi devons-nous envisager l’ouverture d’une route à l’arrière du terrain qui ne desservira que ma maison. Nous nous quittons après avoir mis au point divers détails et convenons de rester en contact. Je suis si heureux que je me retrouve sur la route de Denpasar sans vraiment l’avoir décidé. Je m’arrête chez Madame Soda qui me sert immédiatement à manger. Une fois rassasiée, je reprends le volant et rend visite à Monsieur Wayan. Comme à son habitude, il m’accueille, affable et me sert immédiatement un café. Je lui explique que les bungalows sont terminés, ce qu’il sait déjà et que je ne souhaite pas m’occuper de la location. Il me propose ses services, ceux à quoi je m’attendais. Il m’explique qu’une de ses nièces parle couramment anglais et français et pourra parfaitement s’acquitter de cette tâche. Je lui dis que j’aimerais bien mettre au point un service de restauration assurée par Madame Soda. Cette idéem’est venue pendant que je mangeais chez elle. Un service de livraison de repas à domicile me paraît la meilleure solution pour des touristes fatigués qui n’auraient pas envie de cuisiner. Monsieur Wayan trouve l’idée formidable d’autant plus qu’il a un lien de parenté lointain avec cette dame.

Ayant réglé ces diverses affaires et comptant sur la diligence de Monsieur Wayan pour tout régler, je me rends à la librairie où pour la première fois depuis longtemps, je cherche de nouveaux ouvrages. J’ai épuisé mon stock de roman policier suédois et souhaite diversifier mes lectures. Marie me regarde tourner dans les allées d’un œil critique. Je ne sais pas si elle est ravie de me voir là mais j’ai réellement envie de lire et si en prime je réussi à l’approcher, j’en serais comblé. Je prends des livres, les repose, indécis. Finalement elle vient me rejoindre et me demande ce que je cherche.

– je ne sais pas vraiment…quelque chose de différent, de nouveau… 

– je n’ai rien de nouveau mais j’ai quelque chose qui pourra vous plaire j’en suis sure ; une histoire d’amitié et une histoire d’amour aussi. Je pense que c’est ce qu’il vous faut… 

Elle me tend deux vieux livres écornés dont je déchiffre les titres patinés : « rue de la sardine » et « tendre jeudi » de John Steinbeck. J’ai déjà lu les incontournables de Steinbeck – « les raisins de la colère » et « à l’est d’éden » mais leur noirceur m’avait un peu refroidi, même si j’en avais apprécié le style parfait. Je les prends donc avec peu d’enthousiasme et Marie hoche la tête gravement.

– je vais les lire, je vous promets. C’est juste que je ne suis pas un grand adepte de Steinbeck malgré ses indéniables qualités d’auteur ! 

– lisez ces ceux-là et vous regretterez qu’il n’en ait pas écrit plus de cette facture. Vous savez, Steinbeck a eu plusieurs périodes. Celle-ci est vraiment celle que je préfère ; faites-moi confiance ! Vous ais-je déjà déçu ? 

Je sais que la question recèle un piège alors je prends mon temps pour répondre :

– non, Marie, vous ne m’avez jamais déçue, vous êtes même allé au-delà de mes espérances. Le simple fait que vous existiez, je veux dire que vous ayez ouvert cette boutique, est un miracle ! 

Je crois que je ne m’en suis pas trop mal tiré et le plus extraordinaire c’est que je suis presque sincère en le disant. Maire répond à beaucoup de mes attentes, pas à toutes mais je le garde pour moi.

– j’étais aussi venu vous voir parce que les travaux de mes bungalows sont terminés. J’aimerai vous faire visiter les lieux et vous montrer l’emplacement de ma nouvelle maison. Vous seriez d’accord pour venir avec moi ? 

– pourquoi pas…il faut que j’y réfléchisse. Peut-être d’ici quelques jours… 

– oh, Marie, je vous en prie, l’après-midi est bien entamée, vous pouvez fermer votre boutique quand vous voulez. Venez s’il vous plait. J’aimerai tant que vous me fassiez cet honneur.

Elle réfléchit un moment puis baissant légèrement la tête dit dans un souffle :

– je suppose que c’est envisageable. Pourrez-vous me ramenez après ? 

– bien sûr mais vous pourriez dormir chez moi. Je veux dire, j’ai neuf bungalows à votre disposition si vous ne voulez pas dormir avec moi. Vous n’aurez que l’embarras du choix. Il vous suffira de choisir la couleur et je vous offrirai la chambre qui vous plait. Le plus éloigné du mien est le bungalow bronze. Il devrait vous satisfaire ! 

Elle rit doucement puis répond :

-laissez-moi quelques minutes, je vais me changer.

– je vous attends ici, Marie et si un client vient, je lui vendrai tous les livres qu’il désire ! 

Elle s’éloigne dans une virevolte de dentelle et de broderie. Je la suivrai volontiers à l’étage tant j’ai envie de caresser encore son corps qui me résiste mais je reste prudemment en bas. Elle redescend peu après porteuse d’un lourd sac en bandoulière d’un cuir rouge sombre qui semble avoir beaucoup voyagé. Sa patine est craquelée par endroit, lui donnant encore plus de beauté. Marie est tout à fait le type de femme à avoir un sac besace de cette nature. Je le lui prends pour l’en soulager et elle me sourit. Elle n’a pas l’air réellement enchanté mais plutôt résignée. Cela m’attriste un peu mais je me dis que quand elle verra mon terrain, elle changera d’avis. Nous grimpons en voiture et devisons poliment durant le trajet. Quand enfin je me gare sur l’esplanade vide, elle a l’air soulagée que nous soyons arrivés. Elle descend du véhicule et je la laisse suivre le chemin dallé de traverses de bois grisées par le soleil, qui mène à la plage. Elle porte une longue jupe noire à volants dont la transparence involontaire dessine ses jambes. Elles sont longues et fines, joliment galbées et quand elle bouge, je devine son entrejambe gainé d’une culotte noire, ce qui m’excite immédiatement. Elle tourne sur elle-même, regarde longuement l’alignement parfait des bungalows, puis me regarde enfin :

– depuis le temps que vous m’en parliez, je m’étais fait une idée de cet endroit mais je n’aurais jamais imaginé que cela puisse être aussi beau. Vous êtes un artiste François ! Vous avez réussi à conserver l’authenticité de ces bâtiments tout en leur donnant beaucoup d’allure et de charme. J’ai hâte de voir l’intérieur.

– allez-y, ne vous gênez pas. Ils sont tous ouverts. Je ne ferme jamais rien ici. Elle grimpe rapidement les marches du bungalow le plus proche et s’attarde un moment sur la véranda pour regarder la mer et les iles vierges qui parsèment la baie puis elle pousse la baie vitrée qui coulisse dans un bruit feutré et pénètre à l’intérieur. Je la suis et la retrouve au centre de la pièce. C’est un bungalow familial  pourvu d’une immense mezzanine sur laquelle trois lits à une place ont été disposé. Le bas est séparé par une fausse cloison. D’un côté la partie salon cuisine et de l’autre une chambre et la salle de bain. C’est le bungalow orange. Aux teintes blanches et beiges des tissus et des bois, viennent s’ajouter des touches orangées un peu partout dans la pièce. Les lampes, les coussins du canapé, la grande coupe à fruit…autant d’objet qui personnalisent cet espace. Marie explore lentement chaque partie du bungalow, puis se tourne vers moi, se rapproche, se colle contre moi et m’embrasse longuement :

– merci François, ce que vous avez réalisez est somptueux. J’aime ce mélange de modernité et d’éléments traditionnels.

Je la serre dans mes bras et l’embrasse à mon tour d’un long baiser dans lequel je mets toute ma ferveur et toute mon âme et elle y répond avec passion puis se détachant de moi elle me dit :

– vous pensez que nous pourrions nous baigner ? Je ne vais que rarement au bord de l’océan. Je n’ai pas le temps.

– bien sûr venez, allons chez moi prendre des serviettes. 

La tenant par la main je la conduit jusqu’à ma maison qu’elle découvre avec autant de plaisir. Je la laisse à sa contemplation et file dans la salle de bain mettre mon maillot, un bermuda rouge à motifs blancs que j’affectionne particulièrement parce que je l’ai acheté à Hawaï, dans une boutique de surfeurs. Une fois habillé, je prends des serviettes et sors. Quand je reviens, elle me détaille de la tête au pied puis me demande la permission d’utiliser ma salle de bain pour se changer. Je suis étonné de cette pudeur mais je réalise que je viens d’en faire autant. Elle en ressort au bout d’un moment. Elle a enroulé un paréo bleu très foncé autour de son corps qu’elle a noué au-dessus de ses seins. Elle me regarde timidement :

– on y va ?  dit-elle d’une voix presque enfantine. Je lui souris. En cet instant je la trouve charmante et touchante. Je la prends par la main et nous descendons vers la plage, comme deux enfants sages. Malgré l’aspect idyllique de cette relation amoureuse qui commence, je sais pourtant que quelque chose ne va pas. J’ai beau trouver adorable tous ces petits détails, ces précautions, rien de tout cela ne me ressemble. Mais je me morigène en m’exhortant à accepter le changement et les femmes différentes qu’il m’amène à rencontrer. Je chasse toute ses pensées et je pose les serviettes sur le sable encore chaud, même si le soleil décline rapidement, et j’entre dans l’eau d’un pas assuré. Marie hésite un moment et je me demande si elle sait nager mais je n’ose pas lui poser la question. Finalement, elle dénoue son paréo qu’elle laisse glisser au sol révélant un maillot composé d’un petit haut en triangle et d’une culotte noire en tricot ajouré. Elle ressemble à une jeune fille dans ce bikini seventies avec ses lacets en ficelle noués sur les hanches et dans le dos. Son corps peu bronzé est couvert de tache de rousseur et sa poitrine s’échappe légèrement des petits triangles lâches. Je suis saisit d’une folle envie de les lécher là, tout de suite, de la mettre à nue pour contempler son corps qui ressemble à de la crème fraiche saupoudré de cannelle. C’est du moins l’image qui me vient à l’esprit et que je tente de la chasse rmais je lui dis cependant :

– vous savez Marie, d’habitude je me baigne nu ici. C’est l’avantage d’être tout seul. Mais aujourd’hui pour vous faire honneur j’ai mis un maillot.

– ne vous inquiétez pas François, je vous laisserez retirer le mien tout à l’heure mais pour le moment je voudrais me baigner.

Elle marche résolument jusqu’à ce qu’elle ait de l’eau jusqu’à mi-cuisse, puis effectue un plongeon superbe. Je la regarde nager un moment avant de me joindre à elle. Nous longeons la plage lentement, appréciant la douceur de l’eau sur nos corps, le calme du moment, pendant que le soleil, énorme disque rouge, commence à embrase la mer entre deux iles solitaires. Bientôt il disparaitra derrière l’à-pic rocheux qui ferme la baie mais sa lumière nous éclairera encore quelques temps, pas très longtemps. Je sors de l’eau et m’allonge sur une serviette pour profiter de la chaleur du sable. Marie me suit et en fait autant :

– que c’est bon, j’avais oublié à quel point j’aime nager ! 

Je la contemple, allongée sur sa serviette, des gouttelettes emprisonnées dans les lacets de son soutien-gorge ruissellent le long de sa colonne vertébrale pour se perdre à la naissance de ses fesses. Je ne peux résister à cette vision et du bout de la langue j’en intercepte quelques une avant qu’elles ne disparaissent. Marie soupire. Je lèche délicatement le creux de son dos, descendant jusqu’à la limite du tissu en crochet noir, puis, m’enhardissant, je tire lentement sur les cordelettes du soutien-gorge qui se dénouent, dégageant son dos. Je fais subir le même sort aux nœuds qui maintiennent sa culotte et celle-ci s’ouvre, me permettant de dévoiler son postérieur blanc et laiteux. Je tire délicatement sur le tissu pour le retirer et Marie m’accompagne en soulevant légèrement son bassin afin que la culotte ne lui cisaille pas la vulve. Elle pousse un soupir quand le tissu se détache mais je ne saurais dire si elle se soumet ou si elle s’impatiente. Je me débarrasse de mon maillot rapidement, ôtant enfin le tissus mouillé et froid qui se colle désagréablement à ma peau puis je la caresse des pieds à la tête. je remonte de ses chevilles fines et osseuses, en passant par ses mollets musclés jusqu’à ses cuisses fermes. Je m’attarde un moment sur son cul osant même glisser un doigt dans la chaleur mouillée de sa fente, lui arrachant un petit cri de surprise autant que de plaisir. Je caresse longuement son dos, massant ses épaules puis je glisse ma main le long de son corps, et je dégage son sein écrasé sur la serviette. Elle gémit mais accepte ma caresse. Je malaxe un moment cette chair tendre et malléable puis je fais légèrement pression sur son torse pour qu’elle se retourne. Elle s’installe sur le flanc, face à moi, et plante ses yeux dans les miens. C’est une sorte de défi. J’y vois aussi une mise en garde. A la moindre velléité d’outrepasser ses limites, elle m’interrompra. Peut-être s’en ira-t-elle. Je garde donc mes distances, réfrénant mon envie pressante de la baiser et je m’attarde longuement sur sa poitrine que je caresse et lèche avec un plaisir que je ne dissimule pas. Mon membre raide et douloureux coule déjà d’un long filament transparent. Marie le voit et d’un doigt délicat elle recueille le liquide qu’elle vient déposer sur ses aréoles. Elle masse ensuite ses tétons jusqu’à les en enduire complètement. Elle ne m’a toujours pas quitté des yeux, mais son regard commence à se voiler. Je la laisse faire. Je la regarde. Elle est splendide dans la lumière déclinante du soleil qui disparaît. Je me rapproche lentement d’une reptation calculée et vient coller mon corps contre le sien. Je ne sais pas trop comment m’y prendre avec Marie. Jusqu’à présent je l’ai laissé fixer les règles mais il semblerait qu’aujourd’hui elle m’autorise à plus de liberté. Alors, relevant une de ses jambes pour la poser sur les miennes, je me rapproche encore et présente mon gland à l’entrée de son vagin. Ses yeux toujours fixés dans les miens, elle avance légèrement son bassin en signe d’assentiment. Je pousse un peu et ma queue s’introduit, attendue. Une main plaquée dans son dos, je la colle contre moi et nous synchronisons nos mouvements pour que nos sexes se rencontrent de façon douce et régulière. Le plaisir monte vite. J’ai du mal à réfréner l’orgasme qui commence à envahir mon bas-ventre pendant que Marie gémit de plus en plus fort. Je ralentis un peu, je ne voudrais pas que notre étreinte soit trop courte. Je concentre mon attention sur sa poitrine. Ses seins pendent légèrement sur le côté et contrairement à ce que j’avais toujours imaginé, je les trouve incroyablement excitant. Je suis plutôt habitué aux seins siliconés ou aux poitrines plates des mannequins mais cette poitrine naturelle m’émeut au-delà de mes espérances. Une vision fulgurante des seins de Chloé me traverse l’esprit mais je la chasse immédiatement, me refusant à retomber dans ses travers. Ces seins bougent mollement au rythme de nos bassins et j’y enfouis mon visage pour les caler contre moi. Les sentir ainsi de part et d’autre de ma figure, enflamme irrémédiablement mon sexe dont je ne peux retenir plus longtemps l’éjaculation brûlante. Marie, dont le plaisir semble avoir suivi le même chemin que le mien, se tend et jouit avec moi dans de longs gémissements que je ne lui connaissais pas. Nous retombons, heureux, sur nos serviettes, nos bassins toujours unis et nous contemplons un moment le ciel qui s’obscurcit, passant d’un orange flamboyant a un bleu sombre, annonciateur de la nuit. Finalement, sans nous être concerté, nous nous désemboitons et récupérant nos affaires, nous retournons à ma maison. Marie a renoué son paréo autour de son corps et je fonce dans la salle de bains, enfiler un short. Ce moment d’intimité, plus passionnée que d’habitude, nous a laissé légèrement gêné. Je n’ose pas vraiment la regarder et je ne sais que lui dire. Finalement je lui propose de préparer à manger ce qu’elle accepte volontiers. Elle me laisse seul à mes fourneaux et s’attarde longuement devant la bibliothèque. Soudain elle me dit, comme si ce que nous venions de partager n’avait pas existé :

– je sais ce qui vous manque, François ! Il vous manque les grands classiques. Vous n’avez aucun auteur français antérieur au XXe siècle ! Et je ne parle pas des Anglais et des Américains ! Il faut que vous vous frottiez un petit peu à la littérature classique pour pouvoir mieux aborder la littérature contemporaine !

Je la laisse parler, soucieux de ne pas réactiver le malaise qui nous a étreint en revenant chez moi tout en sachant fort bien que je n’ai aucune envie de m’attaquer aux grands classiques de la littérature française pour une raison fort simple : je ne suis pas réellement friand de littérature française et exception faite de Philippe Djian, peu d’auteurs français trouvent grâce à mes yeux.

– Vous avez probablement raison Marie mais je ne suis pas sûr d’être assez sage et assez cultivé pour ce type de lecture. Laissez-moi donc butiner d’auteur en auteur pour le moment. Peut-être plus tard aurai-je la sagesse de me plonger dans les œuvres complètes d’Hugo ou de Balzac, je n’en suis pas capable pour le moment.

– Comme vous voulez…

J’ai le sentiment indistinct que cette conversation à un sens caché qui m’échappe encore. Alors je me lance :

– vous savez Marie, j’ai adoré la manière dont nous avons fait l’amour sur la plage. J’ai adoré cette liberté que vous m’avez laissée. Je sais que vous n’aimez pas que nous en parlions mais il me semble important de vous dire que, même si chacune de nos rencontres a été source de grand plaisir et de joie, je serais heureux que vous me fassiez plus confiance et que notre relation évolue vers plus de liberté. Je ne vous ai pas caché mon mode de vie antérieur et je ne suis pas en train de vous dire que je souhaite revivre cela avec vous mais plutôt que mes besoins et mes envies tendent vers plus de fantaisie… Excusez-moi Marie, je m’y prends mal ! Cela ressemble à des reproches alors qu’il n’en est rien. Ce que j’essaie de vous dire, c’est que je me sens bien avec vous et que j’aimerais que notre relation évolue vers plus de complicité et d’intimité. Mais pour cela, il faudrait que vous me fassiez suffisamment confiance pour me laisser vous aimer comme je peux le faire. Est-ce que c’est mieux ainsi ?

J’ai dit ça dans un sourire, en me tournant vers elle, porteur de deux assiettes sur lesquels fument des omelettes aux champignons, accompagnées de petits légumes frais que j’ai préparés rapidement. Je reprends :

– Il me semble qu’il y a peu de temps vous vous moquiez de moi quand j’ai acheté des livres de recettes et bien regarder, j’en ai fait bon usage !

Et d’un geste de la main, je l’invite à s’asseoir à table. Durant tout ce temps, Marie est restée près de la bibliothèque et ne s’est pas départi de son air grave et sérieux. Elle vient à table et s’assied un peu raide sur sa chaise. Je commence à manger et je constate avec plaisir que mon omelette est bonne. Marie chipote dans son assiette du bout de sa fourchette, déchirant des petits morceaux d’omelette qu’elle laisse sur le bord. Puis soudain elle lève les yeux vers moi et me dit :

– je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à vos attentes François. Je sais quel genre d’homme vous êtes, et je ne vous cache pas que je me suis engagé dans cette relation avec beaucoup de réticences. J’ai cédé à votre charme, à votre gentillesse et surtout à votre désarroi mais j’ai toujours crains que vous usiez de moi comme vous l’avez fait avec tant d’autres. Ça, je ne peux pas vous le permettre ! Je ne suis pas une de ces midinettes qui se pâmaient devant vous dans vos soirées mondaines et vous ne me transformerez pas en objet sexuel. Je sais bien que je ne comble pas vos besoins et vos attentes, j’en suis consciente. J’oserais même vous dire que je l’ai fait volontairement. Mais comprenez-moi François, je ne suis pas le genre de femme qu’il vous faut ! Je ne vous laisserai pas me rendre folle de vous pour me laisser tomber après. Je ne vous permettrai pas de me briser le cœur et je ne vous permettrai pas d’user de mon corps. Si vous voulez que nous continuions cette relation, il faudra vous contenter et vous satisfaire de ce que j’ai à vous proposer !

Puis elle se concentre sur son assiette et commence à manger lentement. Je reste un moment médusé, méditant cette longue déclaration et évaluant ma capacité à l’accepter. Marie a probablement raison et cela remet en question l’avenir de notre relation ou alors la manière dont je la conçois. Peut-être est-il temps de passer à autre chose, d’accepter une relation plus sérieuse et plus ancrée dans le temps qui m’amènera inexorablement à réfréner mes ardeurs et mon désir sexuel auquel j’ai toujours laissé toute liberté. Peut-être est-ce cela la réponse à tous ces tourments passés. Mais soudain, comme un grand coup dans l’estomac, le vide qu’a laissé Chloé revient et me submerge. Je ne peux plus me permettre de m’abandonner à ses égarements mais il me faut quelques instants pour calmer les battements de mon cœur qui s’est emballé et revenir à cette conversation avec Marie. Je termine mon assiette en silence, prenant le temps de réfléchir à ce que je vais lui répondre. Marie n’a pas relevé la tête et elle pique de petites bouchées qu’elle mange visiblement sans intérêt. Si en cet instant mes qualités de cuisinier me préoccupaient, j’en serais vexé mais cela n’a guère d’intérêt pour le moment. Finalement je romps le silence :

– je comprends ce que vous voulez dire Marie et je le respecte. Je crois que c’est ce qui m’a attiré chez vous. Il me semble que j’ai tout de suite su que vous ne me laisseriez pas me perdre dans les dissipations de ma vie passée. Je comprendrais que vous souhaitiez arrêter notre relation mais je vous demande d’y réfléchir à la lumière de ce que je vais vous dire. Je vous apprécie énormément. J’aime les moments que nous passons ensemble et je pense que si nous nous laissons le temps, si nous apprenons à nous connaître, nous pourrons peut-être faire évoluer notre relation vers quelque chose de plaisant pour nous deux. Cependant, j’ai bien conscience, comme vous d’ailleurs, que cela ne correspond en rien à ce que je connaissais jusqu’à présent. Mais je peux changer. Il le faut. Je ne peux pas me comporter comme un adolescent toute ma vie et je pense sincèrement que je peux changer avec vous et grâce à vous. Donnez-moi au moins la chance d’essayer et permettez-moi aussi d’exprimer avec vous certains élans que vous m’avez refusés jusqu’à présent. Il me semble que c’est dans cette réciprocité que nous trouverons l’harmonie à laquelle nous aspirons tous les deux

Je ne sais pas pourquoi je plaide. Je ne sais pas si je tiens réellement à elle ou si je veux juste conserver la possibilité d’une attache et d’une relation sexuelle agréable. Il y a un tel vide à l’intérieur de mon ventre, un tel sentiment de solitude que je ne peux me permettre le luxe de laisser filer cette relation qui pourrait peut-être me satisfaire un jour. Pour la première fois j’avance à l’aveuglette, sans objectif déterminé. Avec les autres femmes c’était clair. Je remplissais mon tableau de chasse ! Avec Chloé je me suis abandonné à l’amour fou, à la passion dévorante, à une éternité destructrice. Je la voulais, je ne voulais qu’elle, je savais ce que je voulais ! Mais ce soir avec Marie, je suis obligé de reconnaître que je n’en sais rien. Elle n’est pas un nom dans mon palmarès et elle n’enflamme pas mon cœur et mon corps comme l’a fait Chloé. Elle est une énigme que je tente de résoudre en ne sachant par quel côté l’aborder. Marie me déconcerte, elle me résiste, elle m’échappe, elle attise ma curiosité et je suis forcé d’avouer que je me sens bien quand je suis près d’elle. Mais quelque part, tapi au fond de mon cerveau, une pensée lancinante tente de se frayer un chemin que je lui refuse obstinément. Pourtant, il faudra bien que je me résolve à la laisser éclore. Que suis-je allé faire dans ce salon de massage ? Quelle était cette frustration qui m’a poussé, nuit après nuit, a tenté d’apaiser mes désirs inassouvis ? Marie les a-t-elle attisés ou bien ne sera-t-elle jamais capable de les satisfaire ? Voilà ce qui trotte au fond de ma tête. Voilà ce à quoi je refuse de répondre pour le moment. Marie, qui a écouté en silence et qui a renoncé à faire semblant de manger, redresse la tête et me contemple. Puis elle se lève, fait quelques pas en arrière et dénoue son paréo qui tombe sur le sol, la révélant dans sa nudité épanouie. Je la détaille, laissant glisser mes yeux de son visage déterminé à ses épaules rondes, ses seins tendres, son ventre doux, les poils blonds de son sexe, ses jambes de marcheuse parsemées de taches de rousseur. Elle se tourne lentement, me révélant son dos et la courbe généreuse de ses fesses et monte avec une lenteur calculée les marches de la mezzanine pour disparaître de ma vue. Si c’est comme cela qu’elle comprend le compromis, je suis partant ! Et ma queue aussi qui s’est instantanément dressée devant cette vision sublime. Je pourrais me précipiter à sa suite mais je n’en fais rien. Je prends le temps de débarrasser la table, autant pour faire durer le plaisir que pour éviter l’invasion de fourmis que je sais inévitable si je laisse traîner la moindre miette. Puis avec la même lenteur, je grimpe les marches et je découvre Marie qui s’est glissée dans mes draps et m’attend, la poitrine découverte. Je me débarrasse de mon short et m’allonge à ses côtés. Je me demande si elle va me laisser faire ou bien si elle va, comme les fois précédentes, m’imposer son rythme et ses envies. Mais elle ne bouge pas et un fin sourire se dessine sur son visage pendant que ses yeux se vissent sur les miens. Alors je m’enhardi, tendant une main vers son corps, je l’attire à moi et la couvre de baisers. J’embrasse son visage et ses lèvres douces. J’introduis ma langue dans sa bouche que je force légèrement. Je descends dans son cou. Je m’attarde longuement sur sa poitrine que je malaxe. Je glisse le long de son ventre et autour de son nombril. Je parcours ses jambes de mes lèvres qui picorent. Elle n’a pas bougé mais elle m’a livré son corps sans retenue. Je retourne à sa bouche et je l’embrasse passionnément, d’un de ces longs baisers qui en disent plus sur l’amour et le désir, que toutes les paroles. À cet instant je l’aime. Pour combien de temps, je n’en sais rien mais dans ce moment magique où elle s’offre à moi, je l’aime. Je redescends vers son sexe bouclé et je me perds dans ses poils, m’enivrant de son odeur, tétant le sel sur sa peau. Ma langue s’enhardit et se glisse dans sa vulve pendant que ses jambes s’écartent. Je lèche l’entrée de son vagin déjà mouillé, je m’y attarde, écoutant ses soupirs et ses petits cris de plaisir, puis je remonte tout doucement jusqu’à son clitoris que je nettoie de la langue. Elle se cabre sous la caresse et je lui laisse le temps d’en profiter en perdant mon visage dans les poils de son pubis. J’y retourne à nouveau, tournant autour, l’effleurant sans jamais m’y attarder jusqu’à ce que ses cris et les soubresauts de son bassin témoignent de son excitation et de sa frustration. Alors, je l’enserre de mes lèvres tendues et je le tète délicatement, écoutant monter ces cris dans le silence de la nuit. Notre seule connexion réside dans ma bouche attachée à son sexe. Cette succion précise et rythmée l’emporte finalement dans un orgasme strident qui parcourt son corps en d’irrépressibles soubresauts. Conforté par cette expression moins retenue de son plaisir, je ne lui laisse pas le temps de se reprendre et je la pénètre lentement mais résolument. La dominant de mon torse, j’entre et je sors dans une poussée forte et contrôlée, m’enfonçant avec un indicible plaisir dans la douceur soyeuse et brûlante de son vagin qui se crispe encore. Elle m’accompagne et nouveau voguons ainsi longuement, d’accélération en moments de pause, jusqu’au sommet d’une vague orgasmique qui nous emporte tous les deux dans des cris de jouissance. Quand elle retrouve son calme, que sa respiration s’apaise, je la libère de mon poids et m’allonge à côté d’elle. Elle reste un moment silencieuse, allongée sur le dos puis elle se tourne vers moi et se blottit dans mes bras. On dirait une enfant qui sombre dans le sommeil, tranquillisée. Je la serre contre moi et pose ma joue sur ses cheveux emmêlés. Je l’écoute s’endormir et je la préserve en long moment de mon érection renaissante qui fait darder et s’agiter ma queue de plus en plus rapidement sous le drap blanc. Je ne saurais dire si c’est sa présence chaude contre ma peau ou si, malgré son indéniable volupté, cet orgasme ne m’a pas rassasié mais le fait est que je bande à nouveau. J’attends de longues minutes, laissant ma queue battre contre mon ventre sans oser la réveiller. Finalement n’y tenant plus, mes mains s’égarent à nouveau sur ses seins qu’elles malaxent avec une sensation de découverte toujours renouvelée. D’une poussée délicate de mes jambes, je déplie son corps lové contre moi et viens presser mon sexe contre son ventre. Elle dort toujours mais son souffle se fait irrégulier. Je frotte lentement ma bite sur sa peau chaude en attendant que ce contact l’éveille. Elle soupire, comme agacée, mais je sens sa main se poser sur mon bras et le caresser doucement. Je la laisse faire un moment, continuant à me frotter contre elle, puis j’interromps son geste et saisissant sa main je la dépose sur ma queue. Elle reste un moment inerte puis se décide à l’attraper. Au début ses mouvements sont maladroits et désordonnés comme quelqu’un qui réapprend un geste. Ensuite, sa main se raffermit, son geste s’assure et un rythme régulier vient agiter son poignet et me procure une profonde satisfaction. Je la laisse faire un moment, sentant monter un plaisir un peu mécanique puis je m’enhardi à nouveau et lui saisissant délicatement la tête, je la pousse vers mon bas-ventre. Marie résiste un peu, hésitante, puis se laisse faire. Sa bouche vient se poser contre mon gland et y demeure, immobile. Son mouvement s’est ralenti et je me demande si elle ne va pas m’abandonner et s’en aller. Ce serait bien la première femme avec laquelle je couche qui se refuse à me sucer la queue. J’avance légèrement mon bassin et vient doucement forcer ses lèvres qui s’entrouvrent, puis s’ouvrent et je sens enfin sa langue s’enrouler autour de moi. Sa main et sa bouche combinées réaffirment mon plaisir qui monte de plus en plus insistant. Étonnamment et malgré le plaisir que j’y prends, je ne me sens pas très à l’aise à l’idée que Marie me suce. Je ne saurais dire si c’est lié aux réticences dont elle a fait preuve dans nos relations antérieures ou s’il s’agit d’autre chose. J’ai le sentiment diffus et coupable de la forcer à répondre à une envie qui n’est pas la sienne et cela réfrène un peu mes ardeurs durant un moment mais la sensation persistante et concrète de cette main qui me branle et de cette bouche qui me suce, fini par faire céder mes résistances et j’éjacule bruyamment dans sa bouche. Marie se redresse, tourne la tête à droite et à gauche, un peu affolée puis se résout à avaler la substance gluante que je viens de répandre. Elle s’écarte de moi et je sens une grande tension dans son corps. La lumière de la nuit qui nous éclaire par la fenêtre qui nous domine, montre son visage fermé. Je pense qu’à cet instant, si nous étions chez elle, elle m’aurait mis dehors. Mais elle est chez moi, dans mon lit, coincée. Je peux lire tout ça dans le pincement de ses lèvres, les fentes entrouvertes de ses yeux et le serrement de ses mâchoires. Son corps s’est replié et la distance entre nous est bien plus grande que celle de mon matelas. Il faut que je dise quelque chose mais j’ai peur d’aggraver la situation :

– merci Marie, merci d’avoir fait ça pour moi, cela me touche beaucoup. Mais je ne vous le demanderai plus jamais si vous n’aimez pas.

– ce que je n’aime pas François, c’est que vous m’ayez forcé !

Sa voix est dure et elle crie presque.

– Je ne vous comprends pas Marie. Je vous le répète, si vous n’aimez pas ça, dite le moi.

– Cela n’a rien à voir François. Je vous l’ai dit, je n’aime pas la façon dont vous me traitez.

Ces mots me blessent terriblement et je décide de mettre un terme à cette relation que je trouve de plus en plus compliquée.

– Écoutez Marie, je ne crois pas vous avoir demandé quelque chose d’extraordinaire ! C’est une pipe, une simple pipe ! Tous les hommes aiment qu’on les suce ! Je ne vous ai pas mise dans une position acrobatique, je ne vous ai pas sodomisée, je ne vous ai pas fait les mille et une choses que je pourrais vous faire. Je vous ai respecté ! Mais si me sucer la bite est déjà un tel problème, je crois que nous devrions en rester là !

Et sur cette sortie exaspérée je lui tourne le dos et remonte le drap sur mon corps. Nous restons ainsi longtemps silencieux et je commence à m’endormir quand elle dit d’une voix basse :

–  je suis désolée François. Je ne voulais pas être aussi virulente. Vous ne méritez pas que je vous parle comme cela. Vous avez toujours respecté mes exigences sans protester. Il semblerait que j’ai plus de mal que vous à m’adapter. Est-ce que vous me pardonnez ? 

Je prends mon temps, savourant cette petite victoire sur cette femme distante et condescendante puis, estimant qu’il serait délicat de faire durer le silence plus longtemps, je me retourne et lui caressant doucement le visage je lui dis :

–  ne vous inquiétez pas Marie, je vous pardonne et je ne vous en veux pas. Nous ne nous connaissons pas encore très bien et peut-être ai-je sans le vouloir, réveillé en vous quelque chose de douloureux. C’est moi qui vous demande pardon. Je vous ai dit des choses désagréables et je le regrette. Pensez-vous que nous puissions effacer tout cela ? 

Je jubile déjà à l’idée de cette victoire facile.

– merci de votre gentillesse et de votre compréhension François. Je ferai en sorte d’être plus attentive à vos envie à l’avenir et elle se blotti à nouveau contre moi et vient écraser mon sexe dressé qui l’attend. Elle a un petit mouvement de recul mais elle ne peut s’échapper après ce qu’elle vient de dire, alors elle devient toute molle entre mes bras et s’abandonne. Je la laisse un moment se remettre puis, m’attachant à ses seins, je la bascule sur le dos et la pénètre profondément. J’attrape ses mains, les relève au-dessus de sa tête et les y maintien. J’aime baiser dans cette position, cela m’apporte un sentiment de maitrise et de puissance qui décuple mon plaisir. Chloé adorait que je lui fasse l’amour de cette manière parce que cela l’excitait terriblement. Je suis le maitre du jeu, je m’enfonce à mon rythme dans son corps qui ne bouge pas pendant un moment. Mais je suis patient et je ne veux pas la perdre alors je m’applique à la baiser consciencieusement, brisant peu à peu les barrières qu’elle a érigées entre nous et finalement elle ne peut s’empêcher de laisser échapper un gémissement, suivi d’un autre plus perceptible. Ca y est, je la tiens ! Alors j’accélère, je trouve mon rythme, attentif à son plaisir qui monte lentement. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois car par moment, elle décroche et un silence terrible s’installe entre nous, déchiré par le bruit presque obscène des draps qui se froissent et de mon corps qui claque contre le sien puis elle repart, le plaisir revient et quand je suis sûr qu’elle ne va pas me lâcher au dernier moment, je la ferre d’un long coup de bite qui la fait partir dans un orgasme qu’elle aimerait taire mais qui s’échappe de ses lèvres en longs cris. J’éjacule en criant à mon tour et continue longtemps à la baiser jusqu’à ce que toute trace de plaisir ait disparue. Alors, je m’allonge à côté d’elle, je la serre dans mes bras et déposant un baiser sur sa joue, je lui dis :

– merci Marie.

Elle reste silencieuse et nous nous endormons finalement alors qu’une faible clarté commence à envahir la chambre, comme si l’ombre reculait devant le jour qui se lève.

Quand je me réveille, je suis seul dans mon grand lit et j’en savoure le plaisir un moment puis je me demande où elle est, alors je me lève et enfilant mon short qui traine au pied du lit, je descends de ma mezzanine pour découvrir la pièce vide. Marie n’est nulle part. Je sors sur la véranda et après un moment d’inquiétude, je l’aperçois en train de nager au large. Elle fend les vagues matinales d’un crawl parfait, régulier et puissant. Je marche jusqu’au bord de l’eau, hésitant. J’ai faim mais il me semble plus correct de la rejoindre. Je me laisse glisser paresseusement dans l’eau et nage lentement jusqu’à elle. Elle semble surprise de me voir et s’interrompt un instant puis reprend sa nage rapide, s’éloignant de moi. Dépité, je me traine sur le sable où je reste un moment, profitant du soleil  puis je rentre préparer du café. Je m’installe ensuite sur la véranda et allongé sur un transat, je la regarde nager sans que sa vitesse décroisse. Quand finalement elle s’arrête, elle reste un moment dans l’eau, flottant au gré des vagues. Elle se dirige enfin vers le bord et sort de l’eau en me regardant. Elle est nue et l’eau ruissèle sur son corps, s’attardant dans les poils de son pubis. Ses cheveux sont plaqués en arrière et elle semble jeune et fraiche. Elle se dirige vers moi, monte les marches qui gardent la trace de ses pieds mouillés. Elle se plante devant moi, étonnement indécente et attrapant ma tasse de café, la déguste avec un plaisir évident. Ensuite, elle s’assied sur mes jambes et entreprend de déboutonner mon short, ce que je l’aide à faire, excité que je suis par cette initiative inattendue. Elle me dévêt rapidement et sans attendre, saisit mon sexe et le guide en elle. Je m’enfonce, proche de l’orgasme et je dois fermer les yeux longuement pour retrouver mon calme. Elle bouge à son rythme et je vois ma bite disparaitre à travers ses poils blonds, dans sa fente brune et élargie. Elle a posé ses mains sur mon torse pour stabiliser ses mouvements et chaloupe au-dessus de moi avec légèreté. Je prends ses seins à pleines mains et leur contact m’électrise. Sans pour autant les lâcher, je dois cependant faire une pause et tenter de freiner mon corps qui s’embrase déjà. Marie gémit doucement au rythme de la monté de son plaisir et après quelques déhanchés de plus en plus appuyés, elle se met à crier, son corps cambré par l’orgasme. Alors je relâche la pression qui me serrait le bas ventre et je jouis violemment avec elle. Elle s’abat ensuite sur moi et je recueille sur ma poitrine l’eau salée qui coule encore de ses cheveux. Je me sens bien et je le lui dis. Elle reste longtemps ainsi, silencieuse et alanguie puis elle murmure :

– moi aussi je me sens bien mais je dois rentrer chez moi maintenant. Pourriez-vous me ramener s’il vous plait ? 

– bien sur Marie, le temps de m’habiller. Si vous voulez, je vous emmène manger chez Madame Soda. Elle tient un petit restaurant sur la route. C’est ma cantine. Je l’apprécie beaucoup.

Marie ne répond rien mais elle se lève et se rend dans la salle de bain où j’entends la douche couler. J’attrape mes affaire et me rend dans le bungalow d’à côté où j’inaugure la salle de bain presque identique à la mienne. Pendant que je me lave, je me souviens que c’était celui du jeune couple triste. Ils ne reconnaitraient pas leur chambre et encore moins leur salle de bain. Je revois la jeune femme qui me regardait par la fenêtre alors que je baisais Ariel et cette image m’excite. Je me retrouve encombré d’une érection dont je me serais bien passée. J’hésite un moment. Je peux rejoindre Marie sous la douche et la baiser à même le carrelage. C’est tentant mais elle ne va pas apprécier ! Alors je me résous à une petite branlette rapide, nourrit de quelques fantasmes ciblés des baises inoubliables avec Chloé. J’éjacule presque instantanément et mon corps devient plus léger mais mon âme est sombre. Quand Marie m’imposait un rythme sexuel frustrant, je pouvais encore comprendre ce besoin quasi priapique qu’exprimait mon corps mais maintenant qu’elle s’offre plus volontiers et après l’orgasme que je viens d’avoir, je ne comprends pas, je ne me comprends pas. Vais-je rester toute ma vie insatisfait parce que les autres femmes ne sont pas Chloé ? Vais-je devoir fréquenter les salons de massages et les putes pour assouvir ces besoins qui semblent insatiables ? N’y aura-t-il aucune femme qui réussira à me combler comme Chloé le faisait ? Je chasse ses questions sans réponse et après m’être séché, je m’habille rapidement. Marie m’attend sur la véranda et sourit en voyant d’où je viens :

– c’est l’avantage d’avoir à sa disposition dix maisons différentes.

– effectivement, cela m’a permis d’être prêt presque en même temps que vous, mais peut-être auriez-vous préféré que je vous rejoigne sous la douche ? Je lui murmure à l’oreille en la serrant dans mes bras. Elle consent à un baiser puis de détache doucement et me dit :

– François, j’apprécierais que notre relation ne se cantonne pas au sexe. Vous êtes un excellent amant, je vous l’accorde mais je ne me satisfais pas uniquement de cela ; je dirai même que s’il n’y arien d’autre entre nous, cela ne me satisfera plus du tout ! 

Je la tiens serrée contre moi un moment puis, saisissant son visage entre mes mains, je lui réponds :

– promis, Marie ! Je me tiens d’ailleurs à votre disposition le jour qui vous plaira pour que vous m’emmeniez découvrir Bali. Est-ce que cela vous convient ?

Je l’embrasse délicatement tout en saisissant doucement ses seins à travers le tissu de son corsage puis je la relâche et me détourne d’elle comme si ce geste n’avait pas d’importance. Elle reste un temps silencieuse, comme arrêtée puis reprenant son souffle elle dit :

– vous est vraiment un homme déroutant François ! Mais je vais vous prendre au mot et je vous emmènerais samedi visiter la splendide cascade de Nungnung. Vous allez adorer. J’ai l’habitude de faire cette promenade de nuit pour voir le soleil se lever à l’arrivée, mais comme vous n’êtes pas familier de ce chemin un peu difficile, je vous propose de partir tôt le matin et d’y prendre le repas de midi. Cependant je dois vous prévenir que la randonnée est très fatigante, la pente est très raide et il faut gravir de nombreux escaliers pour arriver au sommet. Vous êtes toujours partants ?

– Bien sûre Marie, je vous l’ai dit et puis j’ai bien trop longtemps négligé la découverte de cette île magnifique, tant j’étais obnubilé par des préoccupations matérielles.

Tout en parlant, nous avons rassemblé nos affaires et nous nous dirigeons vers ma voiture. Nous restons silencieux jusqu’à ce que je me gare dans le parking du petit restaurant de Madame Soda. Plusieurs voitures sont déjà stationnées et toutes les tables sont occupées par des touristes ravis de l’opportunité de goûter à la cuisine locale dans cette jungle magnifique. Toutes les tables, sauf la mienne que Madame soda garde jalousement. Dès qu’elle voit arriver mon véhicule, elle disparaît dans son échoppe, et nous avons à peine le temps de nous asseoir qu’elle nous apporte déjà deux assiettes somptueuses, recouvertes de feuilles de palme, sur lesquelles elle a déposé un assortiment des plats qu’elle a cuisiné aujourd’hui. Mari la regarde aller et venir un peu interloquée et je finis par lui raconter l’histoire qui me lie à cette femme.

– Je ne vous savais pas aussi généreux ! Dit-elle d’un ton légèrement ironique, quand je lui explique l’extension grandissante du commerce de mon amie.

– Vous avez raison Marie ! Il n’y a rien d’altruiste dans ma démarche. Je voulais m’assurer d’avoir toujours un endroit où je pouvais manger à n’importe quelle heure. Alors j’ai aidé Madame Soda à s’agrandir parce que j’adore sa cuisine. Et comme vous pouvez le voir, je ne suis pas le seul ! J’envisage d’ailleurs de l’aider à monter un service de livraison à domicile pour approvisionner les touristes qui viendront habiter mes bungalows.

– je retire ce que j’ai dit, reprend Marie d’un air penaud, vous êtes réellement généreux. Je ne sais pas si vous savez ce que cela doit représenter pour elle. Vous êtes en train de lui faire gagner en quelques semaines, plus d’argent qu’elle ne pouvait en espérer dans toute sa vie. Au demeurant, si je me fie à ce que je vois d’elle, elle n’en fera pas grand usage car elle semble être sage et raisonnable.

Nous finissons notre repas avec des sucreries et un délicieux café dont Madame soda nous régale. Puis nous repartons vers Denpasar et je me gare, comme à mon habitude, près de la librairie. Je raccompagne Marie jusqu’à sa porte et elle me dit d’un air timide :

– voulez-vous entrer un moment François ?

– Avec plaisir Marie. Vous avez certainement quelques ouvrages à me conseiller.

Je pénètre à sa suite dans la boutique sombre dont Marie s’empresse d’ouvrir des stores pour laisser entrer la lumière. Elle semble embarrassée par ma présence alors je me réfugie dans le fond et je feuillette un moment les livres de photos sur la table qui sert de présentoir. Un grand livre sur les plus beaux hôtels de la planète attire mon attention. Page après page, je regarde défiler, sur un splendide papier glacé, des hôtels de luxe dont la plupart me sont familiers. J’arrive même à me souvenir, pour certains d’entre eux, des circonstances qui m’y ont conduit et des personnes avec lesquelles je m’y suis rendu. Ma mère m’a traîné dans certains. J’ai accompagné mon père dans d’autres et quelques-uns ont hébergé des fêtes surréalistes. Je rêvasse un moment, oubliant ou je me trouve et cela doit intriguer Marie car je prends soudain conscience de sa présence à mes côtés. Alors je lui montre :

– nous avions une suite ridiculement luxueuse à quatre chambres dans cet hôtel, lui dis-je en lui montrant une photo, parce que ma mère emmenait toujours avec elle des amis plus ou moins intéressés et intéressant aussi. Dans celui-ci, j’ajoute en lui en montrant un autre quelques pages plus loin, Mon père a traité une de ses plus grosses affaires et dans celui-là, je tourne quelques pages, j’ai passé une semaine sans sortir du lit.

Elle me regarde avec un étonnement dont je ne saurais dire s’il est admiratif ou teinté de compassion. Je me tourner vers elle et l’attrape par la taille et la serrant contre moi puis je l’embrasse fougueusement tout en insinuant une main sous sa blouse pour aller attraper son sein nu. Elle tente de résister mollement mais s’abandonne finalement à mon étreinte vigoureuse. Forçant mon avantage, je la bascule sur la table qui grince un peu sous le poids et retrousse sa jupe.J’introduis ma main dans sa culotte pour aller caresser son sexe chaud. Elle gémit instantanément et répond avec force à mon baiser. Elle laisse glisser ses mains jusqu’à ma ceinture et défaisant fébrilement boucles et boutons, elle me débarrasse de mes vêtements jusqu’à mi-cuisse. Cela me suffit amplement. D’un doigt alerte j’écarte sa culotte et je la pénètre. Elle est mouillée et brûlante et elle m’accueille avec un cri de plaisir anticipé. Nos bouches toujours soudées, nous accordons nos mouvements pour ne plus former qu’un seul corps qui va et vient, faisant bouger la table, bousculant des livres qui tombent lourdement sur le sol. Je suis heureux que notre relation ait évolué et qu’elle m’autorise aujourd’hui à lui faire l’amour de façon spontanée là où, quelques jours auparavant, j’aurais dû me plier à un rituel qui serait devenu fastidieux. Je la lime un moment, heureux d’aller et venir en elle, heureux d’entendre ses cris qui montent peu à peu dans le silence empesé de la boutique. Je veux que ce moment dure longtemps pour qu’elle ne se refuse plus à moi. Je veux qu’elle en éprouve tant de plaisir qu’elle en vienne même à le solliciter. Alors je la baise, patiemment, consciencieusement, avec un plaisir grandissant qui nous conduit finalement à jouir ensemble longuement. Je suis en nage et Marie est dépenaillée. Nous restons un long moment affalé sur la table puis, ayant repris ses esprits, Marie me pousse doucement pour se dégager. Elle rajuste sa blouse, redescend sa jupe et se tournant vers moi me dit :

– voulez-vous monter vous rafraîchir?

– Non, cela n’est pas nécessaire. J’aime garder votre odeur sur moi et vous Marie ?

– Moi ? J’aime vous sentir en moi et quand votre sperme coule le long de mes jambes, cela m’excite encore plus…dit-elle d’une voix un peu rauque puis elle s’éloigne dans le bruissement soyeux des volants de sa jupe pour retourner derrière son comptoir et reprendre ses activités. Je me dépêche de remonter mon pantalon et d’en boucler la ceinture et je me précipite vers elle pour lui dire :

– vous ne pouvez pas me dire des choses pareilles et vous en aller ensuite comme si de rien n’était ! Regardez dans quel état je suis maintenant, lui dis-je en montrant la bosse qui force la braguette de mon pantalon.

– mais si bien sûr. Je veux que vous ayez encore envie de moi la prochaine fois que nous verrons !

– Mais j’ai déjà envie de vous Marie, j’ai envie de vous là, tout de suite !

– Je sais François mais il faut apprendre à être patient ! Si vous voulez, vous n’avez qu’à venir vendredi soir. Nous irons manger et ainsi nous pourrons partir très tôt samedi matin. À bientôt mon ami me dit-elle, mettant ainsi un terme à la conversation.

Je reste un moment ébahi devant cette Marie que je ne connaissais pas puis, obéissant, je sors de la boutique et me retrouve dans la rue légèrement décontenancée. L’idée me traverse l’esprit de me rendre petit salon de massage mais j’y résiste et me résous à rentrer chez moi. Durant tout le trajet je me revois, basculant Marie sur la table, j’entends encore le bruit de son orgasme dans mes oreilles, je sens le parfum musqué de son sexe. Pour la première fois, cette femme me trouble. Peut-être est-elle en réalité bien différente de celle que j’avais imaginée et de cette apparence tranquille et sérieuse qu’elle aime à montrer.

La semaine aurait pu être longue mais c’était sans compter avec Ben, la maison, et les travaux qui commencent.

Dès le lendemain matin je le retrouve, arpentant le terrain, des piquets à la main, aidé d’un jeune homme que je ne connais pas. Il cote déjà le futur emplacement de ma maison. Il prend grand soin de protéger le frangipanier afin que le bulldozer qui arrive dans l’après-midi, ne vienne pas l’abîmer en s’y frottant de trop près. Ben est partout. Il court dans tous les sens, donne des ordres, mesure. On dirait une fourmi affolée mais je m’aperçois vite que derrière cette agitation, une grande organisation est à l’œuvre. Il a délimité un passage à travers la jungle que le bulldozer doit dégager pour créer la route qui mènera jusqu’au portail d’entrée. Pour cela, le bulldozer doit s’enfoncer à travers la végétation en partant du parking. Cette tâche, qui semble aisée, lui prend plusieurs jours car, même si la végétation tombe vite, les racines nombreuses et coriaces font obstacle. Il doit, de sa petite pelle fouisseuse, arracher une à une les souches qu’il laisse ensuite derrière lui. Finalement la route est ouverte et le bulldozer commence à niveler le terrain en contournant soigneusement les arbres que nous avons marqués et que je souhaite conserver. Au soir du troisième jour, je me rends sur le terrain et j’ai l’impression d’être sur un champ de bataille. Cratères et tumulus de terre fraîche s’éparpillent et de ce paysage lunaire s’échappent de toutes parts des branches rétives qui refusent de se laisser enterrer. J’avoue que le spectacle me sape un peu le moral et je fuis presque ce lieu que j’aime tant pour me réfugier dans mon bungalow, dans ma musique et dans les livres. Le quatrième jour voit les choses s’améliorer. Le bulldozer nivelle puis creuse les premières fondations de la maison. Un immense tertre et ainsi formé qui viendra accueillir le grand bâtiment carré avec, comme axe central, mon arbre solennel. Je sens chez le conducteur du tractopelle quelques velléités de le renverser alors je passe la journée à le surveiller d’un œil noir et à m’agiter comme un forcené à chaque fois qu’il s’en approche trop près. Il finit par renoncer à tourner autour et se concentre sur la tranchée qui viendra accueillir le socle de ma maison. Ici le sol est stable, pas de risque de glissements de terrain aussi la construction sera rapide et peu contraignante. Ben est omniprésent. Il arrive très tôt le matin et ne disparaît qu’à la tombée de la nuit ; cependant, nous n’avons qu’à peine le temps de nous voir tant il est occupé à planifier la suite des travaux. Pendant que le bulldozer travaille, des camions de matériaux ont déchargé des quantités phénoménales de sable, de ciment, des tours impressionnantes d’aggloméré, des ferrailles et un petit préfabriqué dans lequel sont incluses des toilettes pour les ouvriers. Ben tient à faire les choses dans les règles. Le cinquième jour, le terrassement est terminé et l’équipe de Nyoman investit les lieux. Ben et Nyoman ont très vite sympathisé et à les voir, on dirait de vieux copains, j’en suis presque jaloux. A partir de là, le chantier se transforme en fourmilière. Des ouvriers travaillent dans tous les coins à préparer les ferrailles qui viendront créer l’armature de la semelle. Ensuite, une dalle sera coulée, arrimée de lourds grillages et de poutrelles ferrées, qui viendront créer le socle de ma maison.

Ben, qui aime les constructions en bois, m’explique qu’il préfère cependant, en raison de la taille de la maison et des tempêtes tropicales dont la force peut être destructrice particulièrement en bord d’océan, couler des piliers en béton à chaque angle. Il se prépare ainsi à faire ériger huit coffrages qui une fois montés, ressemblent à de longs bras tentant d’attraper le ciel. Je passe mes journées, fasciné, à regarder ce travail transformer ma jungle en une ébauche de maisons dont je peux déjà imaginer la surface. Tout cela devient très concret et j’ai parfois de léger pincements au cœur en repensant aux heures que j’ai passées à fouetter la jungle de ma machette et de ma hache pour me frayer un passage laborieux là où le bulldozer a tout emporté en quelques heures de travail.

Le vendredi arrive enfin et après une matinée où je traîne dans les pattes des ouvriers, les gênant et leur faisant perdre du temps, je me décide à me replier chez moi pour me préparer en perspective de ma soirée et de ma journée d’expédition. Peu après mon arrivée à Bali, dans mon désœuvrement, j’ai acheté un de ces sacs à dos de randonnée que je n’ai jamais utilisé. Bardé de poche, renforcé de barres métalliques biens que garanti ultraléger, il semble parfaitement approprié à la journée de demain. Je m’amuse un moment à le porter sur mon dos, tournant et virant dans mon salon, me contemplant longuement dans la glace comme un enfant qui étrenne un nouveau cartable. Finalement après avoir pris une douche et préparé mes affaires pour le lendemain, je quitte la maison pour me rendre chez Marie. J’y arrive en fin d’après-midi et la librairie, chose inhabituelle accueil un client. Ils semblent tous deux en grande discussion et Marie s’interrompt, embarrassée, à mon arrivée. Je ne sais pas qui est ce type mais il m’est immédiatement antipathique. Cependant, pour ne pas froisser Marie, je me présente poliment et réponds à quelques questions de circonstances pour faire montre de mon savoir-vivre.

Je sens Marie se détendre imperceptiblement et j’apprends donc que ce bel homme, car je ne peux lui contester ça, et un américain du nom de Steve Russel. Marie le connaît depuis quelques années et je comprends, à son air gêné, que leur amitié n’a pas été que platonique. Cette découverte me conduit à faire deux choses stupides : tout d’abord, je contourne le comptoir et vient me placer délibérément aux côtés de Marie, ensuite j’entreprends de faire la conversation à cet homme avec le plus grand naturel. Il répond à mes questions sans difficulté. J’apprends ainsi qu’il dirige un hôtel sur les contreforts d’Ubud, la capitale culturelle de Bali. Un de ces grands hôtels spa dont ma mère raffolait. Il m’est d’autant plus antipathique ! Et plus je ressens ce sentiment diffus d’exaspération, plus je redouble de politesse et d’amabilité. Marie, qui commence à me connaître un peu, ne sait comment intervenir dans cet échange de propos faussement affable. Steve finit par nous inviter à se joindre à lui pour un repas dans un restaurant quatre étoiles à la périphérie de Denpasar. Je sens que Marie voudrait refuser mais je la devance et accepte comme si cette invitation était la chose la plus merveilleuse au monde. Il finit par quitter la boutique après avoir déposé un léger baiser sur la joue de Marie, si proche de sa bouche que je lui aurais bien collé mon poing dans la gueule. Un silence pesant s’installe pendant un moment que je romps finalement en lui proposant d’aller manger. Elle accepte cette diversion avec plaisir et je m’efforce, durant tout le repas, de la divertir au mieux pour lui faire oublier que je viens de rencontrer un de ses anciens amants. Finalement nous concentrons notre conversation sur l’expédition du lendemain et nous retrouvons une bonne humeur que nous avions failli perdre définitivement. À la fin du repas, nous avons chassé tous les fantômes et nous retournons à l’appartement de Marie main dans la main. Je lui saute dessus à peine la porte refermée derrière nous et lui arrachant presque ses vêtements, je la couvre de baisers pendant qu’elle monte laborieusement l’escalier, couverte de ma bouche et de mes mains baladeuses. Quand nous arrivons dans sa chambre, nous sommes déjà nus et il ne nous reste plus qu’à basculer dans le lit pour que je la pénètre enfin, propriétaire de son corps pour la nuit tout du moins. Une première passe d’armes ou je m’arc-boute en elle de toute mon énergie nous conduis à un orgasme fébrile et trop rapide. Je lui laisse à peine le temps de récupérer et je repars à l’attaque de son corps poussant plus loin ma liberté nouvellement conquise. Je la retourne délicatement à grand renfort de baisers et de massages appliqués et quand elle est enfin allongée sur le ventre, je la pénètre à nouveau, harnachée à ses hanches, contemplant son beau cul pale qui tressaute au rythme de mes coups de bite. Nous restons ainsi un moment, puis je l’attrape sous le ventre en plaquant ma main sur son sexe et la force à relever son cul. Et c’est dans une levrette échevelée où je la chevauche avec passion, que nous jouissons une deuxième fois. Marie semble éreintée, heureuse mais fatiguée. Elle s’éloigne de moi, s’enroulant dans le drap, prête au sommeil. Je reste un moment tranquille, attendant les réactions de mon corps. Si ma queue reste au repos, je la laisserai dormir mais si elle se dresse à nouveau je devrais trouver un moyen de circonvenir Marie. Le simple fait d’y penser, comme un bête effet mécanique, me fait bander immédiatement. Alors je me rapproche d’elle, me collant contre son corps et malgré le soupir de lassitude qui s’échappe de sa bouche, j’entreprends de l’asservir à mes désirs. Je lui caresse le dos longuement puis, laissant courir mes mains sur son corps, je lui attrape les seins que je serre et presse longuement, frottant de mes doigts aguerris ses mamelles larges et plates jusqu’à ce que des petits gémissements s’échappent malgré elle de sa bouche close. Sa fente ruisselante de mon sperme, accueille mon doigt et je m’applique un moment à lui masser le clitoris jusqu’à ce qu’elle n’offre plus aucune résistance. J’hésite un peu puis me résout finalement à lui procurer un orgasme avec mon doigt. Je masse, je contourne, je tapote, j’énerve, j’excite, et enfin je libère un plaisir que j’ai savamment laissé monter. Marie se lâche enfin et elle expulse de sa gorge des cris de plaisir qui font gonfler ma queue. Toujours collé contre son dos, je m’introduis dans son vagin brûlant puis me retirant aussi rapidement, je présente mon gland à l’entrée de sa rondelle. Elle se cabre pour me repousser mais je la tiens serrée contre moi. Je reste là, ma bite contre son cul, laissant le temps agir pour moi. La légère mais constante pression que j’exerce, finis par entrouvrir l’orifice dans lequel je me glisse avec lenteur. J’aime la sensation de ce muscle puissant et serré. Il enserre ma queue et sa chaleur et presque insoutenable. Je bouge doucement et Marie grogne. Peu de femmes savent réellement apprécier la sodomie. Il leur faut du temps et un amant patient et attentif, ce que je me targue d’être. Chloé était une élève fabuleuse qui en avait vite compris le plaisir foudroyant et qui s’y prêtait donc sans aucune résistance. Marie, elle, semble moins enthousiaste et je m’efforce donc de restreindre mes mouvements pour ne pas la brusquer ni la blesser. Malgré cela, l’étau dans lequel je suis entré me procure un plaisir si fort que je ne peux résister à accélérer légèrement le mouvement et à mettre plus de puissance dans les coups que je porte. Je sais que je ne la convertirai pas en une fois alors je me résous à jouir tout seul, dans un orgasme d’une puissance absolue qui m’emporte dans des rugissements de plaisir. Malgré le bruit que je fais, il ne m’a pas échappé que ses grognements se sont transformés en gémissements. Nous sommes loin du compte mais je ne désespère pas de la faire jouir en l’enculant. Je m’endors instantanément, enfin rasséréné. Marie me tire d’un sommeil profond quelques heures après, pour me dire qu’il est temps de se préparer et de partir. Elle est de nouveau froide et distante et je me retiens de lui demander une petite pipe car je ne pense pas qu’elle en saisirait l’humour. Il est cinq heures du matin quand nous montons en voiture et que Marie nous conduit, durant une bonne heure, sur des routes qui nous éloignent de Denpasar, droit vers le nord. Nous nous garons au pied d’une montagne où sont déjà stationnés de nombreux véhicules. J’arbore mon sac à dos comme un trophée et je le trouve bien plus lourd, jusqu’à ce que Marie m’explique qu’elle y a entassé toute notre nourriture et nos réserves d’eau. Nous entamons la longue montée qui va nous amener jusqu’aux chutes de Nungnug.

La montagne est couverte d’une forêt somptueuse à travers laquelle serpente un chemin qui parfois disparaît presque dans la végétation. De nombreux cours d’eau et petites rivières serpentent le long de ses flancs et nous devons traverser laborieusement des ponts de bois branlants, à peine retenus par des cordes usées, pour ensuite s’attaquer à d’interminables escaliers de bois qui grimpent, raides, attaquant la montagne de fac epour en atteindre le sommet. Rapidement, et ce malgré la musculature que je me suis forgé au cours de ces derniers mois, tout mon corps et douloureux, en particulier mes jambes et mon dos. Le poids du sac devient de plus en plus gênant à chaque minute qui passe. Nous effectuons de longues haltes au bord des ruisseaux. Marie nous désaltère et nous restaure d’un thé sucré et de fruits secs qu’elle a pris le soin d’emporter. Autour de nous, les chants d’oiseaux se disputent aux cris aigus des singes. Les arbres bruissent de toutes parts et nous voyons ces curieux animaux sauter régulièrement de branche en branche, d’arbres en arbres tels des acrobates, réussissant à se rattraper in extremis au bout d’une branche qui ploie, pour dégringoler aussitôt sur une autre qui les emporte vers la forêt profonde. Je ne me lasse pas de ce spectacle et Marie doit me secouer pour que nous reprenions notre randonnée. Nous croisons quelques touristes en maraude qui redescendent, ayant vu le soleil se lever. Sous le couvert des arbres, nous devinons sa présence à travers les grandes feuilles et les palmes qui nous en cachent la vue. La forêt est somptueuse. Le vert sombre de la végétation est régulièrement ponctué de grandes fleurs colorées dont les tons de rose prédominent. Par moments, perdu dans cette jungle, j’ai l’impression que nous sommes des rescapés d’un naufrage perdus sur une île déserte et je me verrais bien, en Robinson, armée de ma hache, nous construire une cabane, pêcher du poisson, et vivre ainsi tous les deux isolés et oubliés du monde.

À la réflexion, il me vient à l’esprit que ce n’est pas avec Marie que j’aimerais être naufragé. Je ne suis pas sûr que sa compagnie me satisfasse très longtemps. Chloé, par contre contenterait tous mes besoins. Sa gaieté et son optimisme naturels rendraient cet isolement paradisiaque. C’est les yeux rivés sur le cul de Marie moulé dans un pantalon de coton adapté à la marche, que je continue à avancer, me motivant en passant en revue toutes les positions dans lesquelles je compte la baiser à l’avenir. Cependant j’éprouve pour elle une immense gratitude quand nous arrivons au sommet, après quatre longues et douloureuses heures de marche, pour découvrir une somptueuse cascade qui dégringole dans un large bassin dont l’eau limpide laisse voir le fond clair parsemé de grosses pierres noires et rondes polies par le temps et l’eau et les poissons qui nagent paisiblement, indifférent à notre présence. Malgré le piétinement de nombreuses chaussures qui ont laissé leurs empreintes dans la glaise meuble du bord de l’eau, le lieu ressemble à un paradis.

Épuisés et affamés, nous nous laissons tomber sur un tronc usé par de nombreuses fesses et nous contemplons en silence le spectacle féerique de cette eau qui tombe du haut d’une immense falaise, dans un grondement sourd et persistant. Malgré les mises en garde de Marie, je délace mes chaussures et enlevant mes chaussettes, me précipite pour tremper mes pieds échauffés dans l’eau fraîche du bassin. Je m’y baignerais volontiers malgré la température de l’eau, mais Marie m’en empêche, me faisant remarquer que si tout le monde faisait pareil, ce lieu deviendrait vite aussi sale qu’une station balnéaire. Alors je me contente de marcher dans l’eau, laissant glisser la glaise entre mes orteils avec un bonheur enfantin. Des petits poissons noirs tournent autour de mes jambes et certains, peu farouches, s’enhardissent mêmes à poser leurs petites bouches ventouses sur ma peau. Finalement Marie me propose de manger et je sors de l’eau à regret. Elle déballe de mon grand sac plusieurs boîtes en plastique dans lesquelles nous piochons allègrement une nourriture froide mais délicieuse, agrémentée de thé sucré. Ce lieu et si paisible que j’y passerai volontiers la journée et pourquoi pas la nuit mais Marie m’explique que dès la tombée du jour, les moustiques attaquent en force et qu’au petit matin nous serions dérangés par une horde de randonneurs venus contempler le soleil se lever. Elle a vite remballé nos affaires et me presse maintenant de repartir alors que je n’aspire qu’à rester là, contemplatif et heureux. Mais Marie semble pressée. Je ne sais ce qui la pousse à vouloir quitter ce lieu paradisiaque et je ne prends pas la peine de lui poser la question. Je ne sais si c’est par indifférence ou si je n’ai pas envie d’en connaître la réponse. Finalement, face à ces appels répétés, j’entreprends laborieusement de me rechausser et je comprends alors les mises en garde de Marie car mes pieds déjà abîmés par le frottement des chaussures se sont ramollis dans l’eau et mes ampoules suintent maintenant et me font terriblement souffrir. Heureusement, Marie qui semble avoir pensé à toutes mes inconséquences, sort de son sac une crème apaisante et des pansements. Elle m’en tartine les pieds qu’elle protège ensuite à grand renfort de sparadrap. Je me rechausse lentement, essayant de ne pas irriter plus que nécessaire les plaies déjà ouvertes et nous entreprenons une descente douloureuse et longue. Les escaliers déjà dangereux à monter, sont de véritables pièges lors de la descente. Nous devons nous cramponner aux cordes, aux anneaux métalliques plantés dans la falaise ainsi qu’à la végétation qui nous tombe sous la main, pour en venir à bout. Je me traîne sur des ponts branlants qui nous balancent au-dessus de ruisseaux rapides et tourbillonnants et je boitille le long des chemins sinueux qui nous ramènent, à travers les arbres, jusqu’à notre véhicule. Le soleil se couche quand nous démarrons et il fait nuit noire quand Marie me dépose à ma voiture. J’ai bien tenté de lui demander si je pouvais dormir chez elle pour reposer mon corps épuisé mais elle a catégoriquement refusé. Je reste longtemps assis sur mon siège, incapable de démarrer, incapable de conduire. Si longtemps que je la vois ressortir de sa maison, habillée d’une longue robe colorée, parée de beaux bijoux et se rendant visiblement un rendez-vous. Son pas rapide fait danser ses jupes autour d’elle et elle semble flotter à travers la foule, traçant son chemin sans s’occuper des passants. Je ne peux résister à l’envie de la suivre et c’est en boitillant que je l’escorte telle une ombre, jusqu’à un restaurant où elle retrouve Steve. Je savais bien qu’il fallait que je me méfie de ce type ! Cependant leur relation semble amicale car, après l’avoir embrassé sur la joue, il la conduit jusqu’à une table où ils s’absorbent dans une grande conversation. Je reste longtemps à les contempler, jaloux et malheureux puis je me résigne à rentrer chez moi.

Arrivé à la maison je me déchausse et devant l’état de mes pieds, je comprends que je suis condamné à passer les prochains jours en tong. Après une douche rapide, je me jette dans mon lit et dort d’un sommeil de plomb durant de longues heures. Même le bruit des bétonnières qui coulent du béton durant toute la matinée ne parvient pas à me tirer de mon lit. Je me lève finalement vers midi, le corps endolori et je me régale du contenu d’un panier que Nyoman a dû déposer devant ma porte. Je me traîne ensuite jusqu’au chantier où je me fraie un chemin à travers les buttes de terre pour contempler les ouvriers qui s’affairent de toutes parts. Certains assemblent les ferrailles pour en faire une armature solide durant que d’autres enfournent pelletée après pelletée dans la gueule béante des gigantesques bétonnières qui tournent sans relâche. Les brouettes se succèdent et les tranchées se remplissent d’un béton liquide et gluant, d’un gris clair, qui, au fil de la journée, matérialise les contours de ma maison. Nyoman m’a apporté un transat et vient me faire de réguliers comptes rendus. Il sautille d’un bout à l’autre du terrain, encourageant les uns, conseillant les autres, inspectant les travaux. Je ne l’ai jamais vu aussi heureux. Le chantier s’arrête soudainement à la tombée de la nuit et les ouvriers repartent, laissant les bétonnières rincées la tête en bas, les brouettes propres retournées, et une tranchée pleine dont il ne reste plus qu’à attendre qu’elle sèche. Ces premières fondations marquent le contour intérieur de la maison. Nyoman m’a expliqué qu’une journée ne suffirait pas pour venir à bout de la tranchée extérieure. Pour la solidité du matériau, il n’est pas possible de couler cette semelle en plusieurs temps, aussi Nyoman a prévu que tout le monde travaillerait tard dans la nuit jusqu’à ce que la tranchée soit comblée.

Après leur départ, je me traîne chez moi et en grignotant ce qui me reste et je me plonge dans les aventures drôles et pathétiques de la bande de vagabonds de « rue de la sardine ». Leurs péripéties ne parviennent cependant pas à me tenir éveiller très longtemps et je sombre rapidement dans un sommeil réparateur.

Je n’ai pas dû dormir plus de quelques minutes quand les vibrations répétées de mon téléphone m’extirpent douloureusement de mon endormissement. Je le cherche à tâtons et fini par mettre la main dessus en pestant contre l’irresponsable qui appelle tard dans la nuit.

-« Allô ? » Dis-je d’une voix peu amène.

-« Jeff ? C’est moi » la voix chuchote presque et elle semble hésitante.

-« Chloé ?» Je me redresse dans mon lit, immédiatement en alerte.

-« Que se passe-t-il Chloé ? Tu vas bien ? »

-« Je ne sais pas Jeff ! Je voulais juste entendre ta voix. Excuse moi je n’aurais pas dû t’appeler…»

-« mais si ! Tu as eu raison Chloé, je suis heureux de t’entendre. Ça n’a pas l’air d’aller, tu peux me parler tu sais, je serai toujours là pour t’écouter, toujours ! » Un long silence que j’interromps en répétant son prénom pour être sûr qu’elle n’a pas raccroché ;

-« je suis la Jeff… Tu me manques… Et puis je voulais te présenter des excuses pour la façon dont je t’ai quitté. Je n’aurais pas dû écouter Sonia. Je voulais juste te dire ça. J’espère sincèrement que tu vas bien. Je vais raccrocher maintenant, au revoir Jeff »

-« Chloé ? Chloé ? Je t’aime ! Tu me manques ! Chloé ? ».

Je ne suis pas sûr qu’elle m’ait entendu. La communication est coupée. Je me lève, fébrile, incapable de me rendormir. Je descends dans la cuisine où je m’agite sans raison. L’idée me traverse l’esprit de sauter dans ma voiture pour me rendre à l’hôtel mais j’y renonce. Comment peut-elle me faire une chose pareille? Elle a mis un terme à notre relation de façon brutale et violente sans me laisser la possibilité de la revoir. Le temps a passé, j’ai fait des efforts considérables pour l’oublier. Je me suis épuisé dans la jungle à coups de machette pour la chasser de mon esprit et de mon cœur, pour l’extirper de chaque cellule de mon corps, pour oublier cet obsédant besoin d’elle et voilà qu’elle réapparaît de sa propre initiative, visiblement malheureuse et me balance que je lui manque pour ensuite me raccrocher au nez.

Mon cœur bat si vite que j’ai l’impression qu’il va exploser. Je baigne en pleine confusion. Espoirs et rage se mêlent. Mon ventre semble être pris de tourbillon frénétique comme une sorte de tornade qui tordrait mes tripes dans tous les sens. J’ai l’impression que je vais vomir. J’ai l’impression que je vais mourir à l’instant tant la violence de mes sentiments me submerge. Comment puis-je vivre après une telle déclaration ? Comment puis-je continuer ma vie avec Marie quand Chloé y fait à nouveau intrusion ? En quelques secondes, quelques phrases, elle a balayé toutes mes certitudes, elle a détruit tout ce que j’avais mis des semaines à construire et elle a réanimé le manque que j’avais mis tant de temps à bâillonner.

À cet instant, je lui en veux tellement que je tourne en rond dans la maison, déplaçant des objets, jetant rageusement des coussins sur le canapé avec une envie de hurler si violente que je descends en courant les marches du bungalow pour aller crier ma colère et mon désespoir à l’océan et à la lune. Ayant épuisé toute mon énergie dans cette expression bruyante et solitaire, je tombe sur le sable où je pleure longuement. Si mon australienne était encore là, je l’aurais baisé jusqu’à la garde pour me débarrasser de cette tension qui me nous le ventre et m’embrouille l’esprit. Je ne peux plus dormir, je crois même que je ne pourrais plus jamais dormir. Je retourne chez moi, enfile un T-shirt et saute dans ma voiture. Je reste longtemps à l’embouchure de mon chemin, hésitant sur la direction à prendre. À gauche je vais voir Chloé, à droite je vais à Denpasar. Allez voir Marie me semble impensable, pourtant je me force à prendre la direction de Denpasar, craignant un instant malheureux qui me conduirait à faire ou à dire des choses que je regretterai éternellement si j’allais voir Chloé.

Je roule à tombeau ouvert sur la route défoncée et même les cahots qui m’envoient me cogner contre le plafond du véhicule, ne parviennent pas à me faire ralentir. Par chance la route est vide et je parcours la distance qui me sépare de la ville en un temps record. Je jette ma voiture dans la première rue dans laquelle je m’engage et je descends de la voiture en claquant bruyamment la portière. À cette heure avancée de la nuit, la ville est calme et à part quelques touristes qui traînent encore à la sortie des restaurants et quelques commerçants inépuisables dont les échoppes sont encore ouvertes, la ville est pratiquement silencieuse et vidée de ses habitants. Je tourne un long moment dans le lacis de rues et de ruelles, l’esprit en ébullition, sans but précis. Je voudrais aller taper à la porte de Marie, qu’elle m’ouvre, qu’elle m’accueille et qu’elle me laisse lui faire l’amour et me perdre dans son corps pour oublier mais je commence à la connaître suffisamment pour savoir qu’elle ne me le permettra pas. D’ailleurs, peut-être est-elle avec Steve, s’abandonnant à ses caresses et à son sexe qui la laboure furieusement, jouissant sous son corps puissant d’ancien footballeur américain. Et sans que j’y aie réellement réfléchi, mes pas me conduisent jusqu’au salon de massage, seul lieu où je trouverai de l’apaisement sans avoir à supplier.

Après les deux rideaux dépassés, scruté par le videur, je me présente devant le comptoir ou la vieille femme somnole. Je sors de mon portefeuille une liasse de billets si considérable qu’elle en écarquille les yeux. Quelques petits chuchotements plus tard, je suis escorté jusqu’au plus profond de la boutique, vers une pièce plus spacieuse dans laquelle trône un large matelas couvert d’un drap blanc immaculé. Des dizaines de bougies constituent le seul éclairage. La jeune fille qui m’a accompagné, m’installe. Elle me déshabille et me lave des pieds à la tête à l’aide d’une serviette chaude et parfumée. Puis, comme la fois précédente, elle se déshabille lentement, se débarrassant de sa longue robe qu’elle pose soigneusement sur un petit tabouret, pour apparaître nue. Une musique douce et apaisante, à peine perceptible, couvre les bruits du salon dont les nombreux rideaux fermés montrent l’activité. Une deuxième, puis une troisième jeunes femmes arrivent et se déshabillent à leur tour. Le rituel commence. La première me masse la tête, les épaules, les bras et la poitrine, pendant que la seconde s’occupent de mes pieds, de mes mollets et de mes cuisses. La troisième jeune fille s’affaire en préparatifs. à l’aide de pipette, elle dépose sur différentes parties de mon corps des gouttelettes d’huile parfumée, que les deux autres s’empressent d’étaler sur ma peau. Leurs massages doux et efficaces dénouent peu à peu les tensions de mon corps et finalement mon sexe durci et se dresse. L’une d’entre elles s’allonge sur moi et entame ce massage sensuel en longues rotations appuyées et langoureuses, que j’ai tant apprécié la première fois. Je ferme les yeux et je m’abandonne à ce savant massage qui alanguit mon corps et réveille mes sens. J’entends soudain des bruissements qui me forcent à sortir de la douce somnolence dans laquelle je m’enfonçais lentement et je découvre trois autres jeunes filles en train de se déshabiller à leur tour. Elles sont maintenant six à s’affairer autour de moi. L’une masse ma tête, pendant que deux autres prennent en charge mes bras, deux autres encore se partagent mes jambes et la dernière, assise à califourchon sur moi, s’apprête à m’enfiler avec la bouche, un préservatif annonciateur d’un plaisir salutaire. Je m’abandonne à ces mains agiles et professionnelles et quand ma bite pénètre dans le sexe de celle qui me chevauche, je ne saurais dire d’où vient le plaisir. En quelques mouvements de son bassin dont le vagin me serre fort, elle me conduit à un orgasme d’une plénitude totale qui irradie de la racine de mes cheveux en passant par l’extrémité de mes doigts jusqu’à la pointe de mes pieds et me traverse d’une onde de jouissance absolue. Elles se retirent silencieusement et l’une d’entre elles me nettoie à nouveau des pieds à la tête et me recouvre d’une douce couverture puis elles disparaissent, me laissant dans un état de somnolence qui rapidement se transforme en sommeil. Le temps semble suspendu et je ne saurais dire au bout de combien de temps elles reviennent et me réveillent avec de douces caresses. Je sors avec difficulté de ce sommeil bienfaisant pour m’apercevoir que deux d’entre elles sont allongées de part et d’autre de mon corps, me prodiguant des caresses si subtiles que je suis rapidement repris d’une érection palpitante et douloureuse. L’une d’elles se glisse derrière moi, me forçant à me relever, et vient poser délicatement ma tête entre ses seins. Ainsi calé sur un oreiller vivant, je m’abandonne à elles et les laisse me croiser les jambes pour m’asseoir en tailleur. Un préservatif est de nouveaux déroulé sur mon sexe par une bouche chaude et experte qui fait monter de plusieurs crans mon excitation sans la soulager pour autant. Puis, de nouvelles jeunes filles se présentent et soulevant la suceuse qui s’était assise elle aussi en tailleur, viennent l’empaler sur mon membre turgescente, à genoux de part et d’autre de nos corps. Elles la soulèvent puis la laisse retomber lourdement sur ma queue, attentives à la montée de mon plaisir, me laissant de longues minutes profondément enfoncé dans leur comparse jusqu’à ce que l’orgasme reflue. Elles répètent longuement ce manège, laissant mes mains vagabonder sur leurs seins fermes et haut perchés dont la douceur m’excite tant que chaque mouvement devient périlleux. Mais elles savent y faire et elles réussissent à me maintenir ainsi un temps considérable, dans un état de fébrilité et de bonheur indicible, mon corps éveillé à tous les plaisirs, pour enfin libérer ma queue en fusion en une éjaculation qui embrase mon corps entier. Je jouis longuement, ne retenant pas mes cris de plaisir, expulsant en même temps que ma semence toute la tension qui m’a conduit en ce lieu. Totalement vidé et épuisé, je m’endors instantanément et je ne les sens ni ne les vois me laver, me couvrir et disparaître. Je me réveille aux premières lueurs de l’aube, probablement sorti de mon sommeil par de légers bruissements tout autour de moi et immédiatement, comme si elle me guettait, une jeune fille revient et me gratifie d’un massage tonique qui réveille mon corps et qu’elle conclut par une pipe délicieuse.

Le soleil se lève à peine quand je me retrouve dans la rue, léger et apaisé. Les commerçants et les restaurateurs ambulants s’affairent déjà pendant que des touristes avinés et épuisés titubent jusqu’à leur chambre. Je regarde un moment cette foule s’agiter, attendant que la journée commence, pour aller taper à la porte de Marie, bien décidé à ne plus jamais pensé à Chloé. Marie vient m’ouvrir, ensommeillée, fermant à peine la ceinture d’un kimono de soie qu’elle vient visiblement d’enfiler à la hâte. Elle semble étonnée et légèrement inquiète de ma présence à cette heure si matinale et je la rassure rapidement en lui expliquant que des affaires m’ont conduit en ville très tôt ce matin mais que je l’inviterai volontiers à prendre un petit déjeuner avec moi. Elle hésite un moment puis me demande de l’attendre, sans pour autant me faire entrer. Je reste quelques minutes sur le pas de la porte, un peu surpris de l’accepter si facilement. Finalement elle reparaît, visiblement vêtu à la hâte, ses cheveux indisciplinés s’égayant en mèches rebelles. Elle me conduit à un petit restaurant où l’on nous apporte immédiatement des petites brochettes de viande et de légumes sur des assiettes de palme, agrémentés de pain en galette et d’un délicieux café. Nous mangeons en silence, chacun de nous gênés mais pour des raisons différentes. Je ne peux lui parler de sa soirée avec Steve, du coup de téléphone de Chloé, et de ma nuit éblouissante au salon de massage. Je ne sais ce qu’elle n’ose me dire et ne la force pas à parler. Après de longues minutes guindées et embarrassantes, Marie finit par lâcher :

– j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur François mais je n’ai pas osé vous dire qu’après notre randonnée, j’avais rendez-vous avec mon ami Steve. Vous vous souvenez de Steve Russel ? Je vous l’ai présenté à la boutique. Il voulait que nous mangions tous les deux car il avait une grande nouvelle à m’annoncer : il vient de se fiancer et il voudrait que je rencontre sa future épouse. En fait il souhaite nous inviter tous les deux à passer un week-end dans son hôtel sur les hauteurs d’Ubud. Sa fiancée sera là aussi et nous pourrons ainsi faire sa connaissance. Je suis ravie pour lui parce qu’il n’a pas toujours été très heureux en amour et il a mis du temps à trouver celle qu’il lui fallait. Vous êtes d’accord pour m’accompagner François ? Cela nous donnera l’occasion de passer du temps ensemble dans un endroit absolument magnifique.

– Écouter Marie, je ne sais pas si je vais pouvoir. Les travaux de ma maison viennent de commencer et ma présence et plus que nécessaire.

Malgré mon inutilité plus qu’évidentes sur le chantier, je n’ai pas trouvé d’autres arguments à opposer à cette demande. Non pas que je n’ai pas envie de passer un week-end en amoureux avec Marie mais fréquenter Steve et sa fiancée aurait plutôt tendance à me faire fuir.

-« S’il vous plaît, François ! Faites-le pour moi ! Je n’ai pas envie de me retrouver toute seule avec eux et puis nous ne serons pas obligés de leur consacrer tout notre week-end, ajoute-t-elle avec un petit regard coquin.

La perspective d’un week-end de baise avec Marie, qui dans ces circonstances sera obligé de faire preuve de plus de docilité, a raison de mes résistances. Cependant, pour la tenir encore un peu en haleine, je lui réponds :

-je vais essayer de m’arranger. Dites à votre ami Steve que nous y serons et je ferai mon possible pour vous accompagner.

– merci, François ! Je sais que vous êtes un homme de parole alors je vous remercie.

Nous avons terminé de manger et je la raccompagne jusqu’à la boutique. Arrivé sur le pas de la porte elle se retourne et me dit d’une petite voix incertaine :

-voulez-vous entrer ?

L’invitation est alléchante mais en même temps qu’elle m’émoustille, mon corps est saisi d’une grande lassitude. Je décline donc l’invitation à sa grande surprise et la gratifiant d’un léger baiser sur les lèvres je la laisse là, et retourne à mon véhicule.

Sur le chantier, les travaux ont dû commencer très tôt car une bonne partie de la semelle a déjà été coulée. Les ouvriers s’activent autour des bétonnières bruyantes, Nyoman règne en maître et même Ben est à pied d’œuvre et supervise les travaux. Je me sens légèrement inutile, presque en trop ! Tout le monde a l’air de savoir ce qu’il a à faire sauf moi. Alors je m’installe dans le transat que Nyoman a laissé à mon intention et je les regarde travailler à l’ombre de mon parasol. Ma nuit a été brève et harassante, même si la satisfaction sexuelle que j’en ai retirée à partiellement chassés Chloé et je m’endors dans les grincements de brouettes et les conversations fortes des ouvriers qui tentent de se faire entendre par-dessus les moteurs des bétonnières.

À mon réveil, le soleil est au zénith, mais quelqu’un a soigneusement tourné mon parasol afin que je demeure à l’ombre. Ben n’est plus làet les ouvriers mangent rapidement, assis sur les buttes de terre formées par le bulldozer, à l’ombre des grands palmiers qui nous surplombent. Je me traîne péniblement jusqu’à ma maison où je vide le frigo tant je suis affamé. Je pourrais retourner dormir toute l’après-midi mais je ne veux en aucun cas réitérer une nuit d’insomnie. Je dois me trouver une activité qui occupe mes journées. Je passe un moment à lire, affalé sur mon canapé puis quand le soleil commence à décliner, je descends sur la plage et me plongeant avec délice dans l’eau chaude et limpide, je nage durant une bonne heure. Ayant ainsi épuisé mon corps et tenté de vider mon esprit, je m’apprête à passer une soirée tout seul quand je m’aperçois que les travaux continuent. Je me sèche, m’habille en vitesse et me rend sur le chantier où l’agitation est à son comble. Des lampes incandescentes perchées sur de longs tubes ont été disposées de façon stratégique pour éclairer la totalité du chantier. Nyoman presse les ouvriers et j’en comprends la raison quand, en approchant, je m’aperçois qu’il ne reste plus qu’une petite portion de tranchée à couler. Dans une heure ou deux, les fondations de la maison seront terminées. Je rôde parmi eux, essayant de ne pas les gêner mais trop heureux de participer à cet événement pour rester en retrait. Ils vident la dernière brouette dans un cri de joie collectif auquel je mêle ma voix avec plaisir. Pour fêter l’événement, chacun a apporté un panier de nourriture et je leur propose que nous nous installions tout sur la plage devant mon bungalow où je répands couvertures et serviettes et dispose des torches en grand nombre. Les hommes parlent et rient et même si je ne comprends que quelques mots, je suis heureux d’être parmi eux. J’ai le sentiment de participer à un événement important et je suis fié qu’il me considère comme l’un des leurs. Finalement, Nyoman met un terme aux réjouissances en rappelant à tous que les travaux reprennent demain matin à l’aube. La saison des pluies approche et il voudrait que le toit soit déjà posé afin que les travaux puissent continuer malgré les intempéries. Ils disparaissent rapidement, ayant pris soin auparavant de replier couvertures et serviettes et de remballer tout ce qu’ils ont apporté. En quelques minutes le bruit des véhicules s’est éteint dans la nuit, la plage est vide et je rentre chez moi seul. À cette heure de la nuit, les singes dorment et leur cacophonie permanente s’est arrêtée. Seuls quelques oiseaux nocturnes se font entendre. Cependant la jungle n’est jamais silencieuse. Elles bruissent de mille petits mouvements frottés et frôlés, d’insectes et de rongeurs qui profitent de l’obscurité et de la fraîcheur pour s’affairer.

Repu par le festin dont m’ont régalé la troupe des ouvriers, je me traîne jusqu’à mon lit ou ma nuit précédente, conjuguée à ma nage effrénée, ont enfin eu raison de mon corps. Je sombre dans un sommeil profond que rien ne vient interrompre jusqu’au petit matin.

Le tintement strident des ferrailles qui se cognent et s’entrechoquent et le roulement des bétonnières mettent finalement un terme à ma nuit. Je me lève et prends le temps de déjeuner tranquillement sur la véranda, profitant du soleil qui apparaît, de la lumière qui croit et du scintillement des vaguelettes sur l’océan calme de la baie. Je pourrais passer une nouvelle journée à regarder les ouvriers travailler, allongée dans mon transat à l’ombre de mon parasol, mais ce désœuvrement ne me correspond pas. Alors, après m’être douché et habillé, je reprends la route de Denpasar pour rendre visite à Monsieur Wayan. J’ai décidé qu’il était temps de rouvrir les bungalows. À mon arrivée, il m’accueille avec chaleur et m’offre un café. Après les politesses rituelles, nous nous attaquons à la réalisation du projet. Il téléphone immédiatement à sa nièce qui arrive dans la demi-heure suivante. C’est une ravissante jeune femme qui ne doit pas avoir plus de 20 ans et dont le français est plus que satisfaisant. Je la teste aussi en anglais et m’aperçoit qu’elle le parle presque couramment. Son oncle lui explique rapidement en quoi va consister son travail : recevoir les demandes de location, préparer les bungalows en vue de l’arrivée des touristes, les réceptionner à l’aéroport et les accompagner jusqu’à leur bungalow, leur donner toutes les informations nécessaires pour se rendre sur les plages et sur les lieux touristiques, leur indiquer où se trouvent les restaurants et surtout leur vanter les avantages de la restauration à domicile proposé par Mme Soda. La jeune femme acquiesce, elle semble parfaitement adaptée à cet emploi. Elle soulève même un point essentiel auquel nous n’avions pas pensé Monsieur Wayan et moi-même, celui de la publicité. Elle nous suggère de faire appel à un de ses cousins informaticiens afin qu’il nous crée rapidement un site permettant de louer en ligne. Je la félicite de cette initiative qui conforte le sentiment déjà évident qu’elle va gérer l’affaire avec brio. Nous convenons de nous revoir dans quelques jours, dès que son cousin, un des nombreux neveux de Wayan, aura attaqué le site internet.

Je retourne chez moi, satisfait après une longue halte chez madame Soda à qui je tente d’expliquer la concrétisation de mes projets, sans grand succès je le crains. Le terrain est encore occupé par les ouvriers qui finissent d’assembler les premières poutrelles métalliques qui formeront ensuite l’armature des piliers porteurs.

Ma dernière baise avec Marie m’avait laissé l’espoir d’une relation plus soutenue et passionnée mais ma nuit au salon de massage m’a apporté tant de plénitude sexuelle que je m’interroge sur la nécessité de continuer à baisouiller Marie. J’en suis là de mes réflexions à son sujet quand mon téléphone sonne. Je me précipite, redoutant et espérant tout à la fois que ce soit Chloé mais c’est la voix de Marie que j’entends et une vague d’agacement me submerge. Je lui en veux d’appeler et d’encombrer une ligne que Chloé pourrait bien vouloir utiliser. 

– Bonsoir François, je ne vous dérange pas ?

– Non, pas du tout Marie, justement je pensais à vous, dis-je sans expliciter.

– en bien j’espère…

– toujours Marie, toujours ! dis-je hypocrite et menteur.

– je vous appelle pour vous préciser la date de notre séjour à Ubud. Mon ami Steve vient de m’appeler et me propose que nous nous y rendions en fin de semaine. Si vous le souhaitez, vous pourriez dormir chez moi vendredi soir et nous prendrions la route tranquillement samedi. Nous ferons un peu de tourisme et nous arriverons à Ubud dans la journée. Steve nous réserve une chambre avec une piscine. Vous allez voir François, vous n’allez pas le regretter, c’est un endroit formidable ! 

J’hésite un moment avant de répondre. Je suis de moins en moins sûr d’avoir envie de revoir ce type et de rencontrer une fiancée probablement fadasse et sans intérêt mais qu’ai-je donc d’autre à faire ? Attendre un hypothétique appel de Chloé ? Tourner en rond sur le chantier sans but ? Me prélasser sur mon transat ? Tout cela je le fais déjà et je vois bien que Nyoman s’en agace. Non pas que ma présence le dérange, mais je vois dans ses yeux qu’il est inquiet pour moi. Peut-être mes heures sombres sont-elles de retours et l’a-t-il pressenti avant moi ? Alors je réponds d’une voix parfaitement maitrisée malgré mon manque de motivation :

– mais bien sur Marie, je serai ravi de vous accompagner ce week-end. Depuis le temps que je dois me rendre à Ubud, cela me fera une excellente occasion de découvrir cette ville que l’on dit magnifique.

– je suis si heureuse François. Cela me permettra de vous présenter plus officiellement. Après tout, il semblerait que notre relation devienne plus sérieuse. Oh, je vous laisse mon ami, un client vient d’entrer.

– A vendredi Marie, dis-je un peu hébété mais elle a raccroché.

Par quel paradoxe aberrant Marie a-t-elle le sentiment que notre relation devient sérieuse au moment même ou je m’interroge sur l’intérêt de continuer à la voir ? Mais ces situations sont finalement plus que banales. Peut-être m’a-t-elle sentie m’éloigner et craint elle de me perdre ? Je ne pense pas qu’elle m’ait jamais eu au demeurant. Je n’ai jamais été à elle. Je suis à Chloé et à personne d’autre et elles auront beau tout essayer pour me prendre dans leur filet, rien n’y fera !

Je me ressaisis quand je réalise la stupidité de mes pensées. Marie se méfie de moi depuis le début et je pense qu’elle fait en réalité un effort notable pour amener notre relation là où elle pense que je voudrais qu’elle soit. Chloé m’a embrouillé à nouveau et ses masseuses expertes ont dépouillé Marie de son attrait sexuel. Quel intérêt pourrais-je trouver à fréquenter une femme résistant à mes avances et à quelques uns de mes caprices quand je sui comblé quelques rues plus loin par une cohorte de jeunes femmes qui n’ont à cœur que mon épanouissement sensuel et sexuel ! L’aspect financier, que j’ai soigneusement mis de coté, me revient soudain et m’accable. Le choix qui s’offre à moi est pathétique tel que je le vois ce soir : continuer à fréquenter Marie pour laquelle mon attirance ne va certainement pas durer et dont l’usage sexuel ne me comble pas ou devenir un client assidu du salon de massage pour assouvir mes sens et épuiser mon corps moyennant un argent qui ne remplacera jamais l’amour d’une femme. L’amour de Chloé. Finalement, j’en suis toujours au même point ! Elle seule réussissait l’exploit de m’apporter la plénitude sexuelle et amoureuse. Je l’ai perdue et je ne sais comment la reconquérir malgré son appel énigmatique.

Je divague encore un moment, tournant en rond dans le bungalow puis me résous à aller prendre un bain dont j’espère tirer un certain apaisement. Je descends les marches de mon bungalow, nu, tel un roi dans son royaume. Les ouvriers sont partis et je suis à nouveau seul. Je traverse la plage nonchalamment, sentant battre mon sexe mollement sur ma cuisse droite. Il pend étiré mais au repos. Il suffirait d’un rien pour qu’il se réveille, ce qu’il fait dès l’instant où je me mets à y penser mais je décide de l’ignorer et je me plonge rapidement dans l’eau tiède du lagon, éclairé par une lune presque pleine. Je nage longuement sans trop m’éloigner du bord cependant. Ma queue raide me gène et malgré ma concentration, rien ne vient freiner cette trique infernale. Je sors de l’eau et m’allonge sur le sable chaud dans lequel je me roule longuement, excité par les petits grains qui s’écrasent sur ma bite quand je me frotte sur le ventre. J’effectue quelques mouvements du bassin dans sa tiédeur mais cela ne me satisfait pas, alors, me remettant sur le dos, je commence à me branler, la queue enfariné comme une saucisse panée. La sensation est étrange, douloureuse mais suffisamment forte pour m’apporter un plaisir qui s’annonce violent. Le sable râpe et étrille la peau tendre de mon gland. Je me masse vigoureusement les couilles avec l’autre main pour les polir, les enduisant de poignées de sable qui ruissèle ensuite entre mes cuisses. Je m’astique ainsi longuement, m’abandonnant à la souffrance et à la jouissance qui l’accompagne et je finis par éjaculer dans une éructation de grognements qui envoie de longues trainées de sperme s’emprisonner dans le sable qui me recouvre le ventre et la poitrine. Je ne suis pas rassasié mais mon membre irrité par le sable, me fait mal. Je me replonge dans l’eau pour calmer la brulure et fatiguer encore un peu mon corps puis me résigne à rentrer et à me coucher. Je reprends mon livre et me plonge dans les péripéties drôles et désespérées de mon équipe de vagabonds, mais chaque fois que le récit me fait rire, je suis saisi d’un fort sentiment d’irritation à propos de Marie. Ce soir je n’ai pas envie que mon plaisir vienne d’elle. Alors j’abandonne mon livre, le jetant loin de moi et m’enroule dans mon drap pour tenter de trouver le sommeil. Je n’ai pas fait grand chose de la journée et des pensées sombres tournent et retournent dans mon esprit. Le sommeil ne vient pas et je ne sais que faire. Au petit matin j’aurai pu m’armer de mes outils et débroussailler un arpent de terre autour des bungalows mais en pleine nuit, cela serait plus que stupide. Je risquerais de me blesser dans le noir et de rencontrer des animaux que je ne souhaite pas fréquenter. Quelques serpents discrets et peureux mais cependant redoutables, hantent les sous-bois et, en ayant déjà côtoyé quelques bien malgré moi, je ne tiens en aucun cas à en déranger un dans sa chasse nocturne. Je me lève cependant et descend sur la plage où je marche longuement, enroulé dans mon drap pour me protéger des moustiques voraces, tentant de m’abandonner au plaisir du sable qui rafraichit sous mes pieds. Mes déambulations m’amène finalement devant le bungalow des australiens qui ne ressemble en rien à ce qu’il était la dernière fois que j’y ai baisé Ariel. Cette pensé m’excite malgré moi et je gravis rapidement les marches pour me retrouver à l’intérieur, dans une semi-obscurité. Je n’allume pas de lumière et tente de me remémorer où se trouvait le matelas sur lequel nous avons copulé. Je me dirige vers le fond du bungalow, vers un espace vide, proche d’un canapé. J’attrape les coussins qui le recouvrent et forme une couche sur le sol, sur laquelle je m’allonge. Je me revois en train de ramoner son petit con luisant, accroupi derrière elle, son petit cul blanc battant mes couilles au rythme de mes poussées furieuses. Je revois sa copine qui se masturbait en silence et je bande à nouveau.

J’ai intérêt à ménager ma queue si je veux être opérationnel pour le week-end de sexe que m’a laissé miroiter Marie. Alors j’attrape deux petits coussins qui trainent par terre et je me cale dedans pour masser ma queue rougie. Le contact est moelleux et même si la pression n’est ni constante ni réellement suffisante, je finis par éjaculer, emporté par mes fantasmes emplis d’une Chloé en transe. Je m’endors enfin, la queue ramollie collée dans les coussins et je passe finalement une nuit calme. Au matin, le soleil est déjà haut. Je rentre dans ma maison et découvre avec étonnement que le salon est en pagaille. Je ne me souviens pas d’avoir laissé autant d’affaire par terre ! Les canapés et les fauteuils semblent avoir été débarrassés de leur contenu et les coussins jonchent le sol. Des livres ont été jetés à bas de la bibliothèque. Je m’habille rapidement et me rend sur le chantier pour en parler à Nyoman qui m’assure que personne ne s’est approché de mon bungalow. Lui-même, trop occupé par les travaux, n’a pas pris le temps, comme il le fait certain matin quand il trouve la porte fenêtre-ouverte, de venir me dire bonjour.

Je repars inquiet et frustré, sans réponse. Qui a bien pu venir visiter ma maison et faire tomber ainsi tous ces objets sans importance. Je fais rapidement le tour du salon : il ne manque rien. Ma chaine stéréo est là, mon ordinateur, bien qu’inutile, toujours rangé dan son buffet ainsi que mon appareil photo, mon téléphone et mon portefeuille. J’en suis là de mes investigations quand j’entends une agitation bruyante dans la salle de bain. Mon visiteur serait-il assez stupide pour être revenu ou peut-être n’est il jamais parti. Je saisi un manche de pioche qui traine sur la véranda et retournant à l’intérieur, pousse lentement la porte de la salle de bain provocant l’envolé d’un énorme coq sauvage, visiblement pris au piège dans la maison. J’explose de rire malgré la peur et me saisissant d’une serviette je fini, après quelques tentatives infructueuses qui provoquent une envolées de plumes et des cris déchirants, par la jeter sur mon indésirable invité que j’entortille à l’intérieur et vais fièrement montrer à Nyoman. Les ouvriers s’arrêtent tous et viennent contempler la bête, un coq somptueux, visiblement échappé d’un élevage car ses ergo pointus et limés, bien qu’un peu abimés, attestent de son utilisation. Un des ouvriers me demande si je souhaite le garder. Je le lui tends. Il sort quelques morceaux de ficelle de sa poche et en noue rapidement les pattes, les ailes et le bec de l’animal qu’il dépose ensuite à l’ombre des sous bois, abandonné à son triste sort. Il y passera la journée, nourrit et abreuvé à quelques reprises et aussitôt entravé. Au soir, l’ouvrier l’emporte et Nyoman me dit qu’il va le présenter à des combats de cop, sport très couru sur l’ile, et source de gros profits.

Je passe les jours suivants à me déplacer à Denpasar pour rencontrer Komang, la nièce de Monsieur Wayan, dont le travail en collaboration avec son cousin informaticien commence à porter ses fruits. Elle a contacté plusieurs agences de voyages de renommée internationale et a commencé à développer un argumentaire de vente plus qu’astucieux car il mêle à la fois la beauté et le luxe des lieux, à des tarifs plus que raisonnable au sud de l’ile pour ce type de prestation. Nous avons pris cette décision d’un commun accord car je ne souhaite pas que ma résidente « hôtelière » soit réservée à une élite dont je me méfie. Des budgets plus modestes apprécierons bien mieux la magnificence de ce site préservé sans se plaindre des quelques désagréments que ne manqueraient pas de trouver des gens habitués à un confort absolu et à un service irréprochable. Les clients commencent à s’intéresser à mon complexe et des réservations sont en cours de finalisation. Le site internet qui le présentera, parachèvera l’aboutissement du projet. Komang mène tout cela avec aisance et naturel, et sa gentillesse à mon égard me touche. C’est une jeune femme splendide dont la beauté brune et sombre est éclairée par des yeux en amande qu’un iris brun clair, presque vert, rend saisissant. Elle joue régulièrement avec ses cheveux qui glissent en permanence de son chignon pourtant serré et les gestes de sa main, quand elle rassemble des mèches égarées derrière son oreille, me rappelle douloureusement Chloé. Je n’ai jamais envisagé d’avoir une relation amoureuse ou sexuelle avec une balinaise mais je me laisserais bien tenter par Komang si je ne craignais pas, connaissant ma propension à faire du mal aux femmes qui m’approchent, de me retrouver avec la moitié de l’île à dos. La famille de Monsieur Wayan, dont l’acception est beaucoup plus large que chez les occidentaux, est immense et parsème l’île dans sa totalité. Aussi, malgré quelques excitations passagères que je masque résolument, je maintien une relation professionnelle avec elle.

Le reste du temps, je reprends mes outils et fauche les lianes jusqu’à épuisement. Parfois je déambule dans le chantier quand mes nuits agitées ne m’ont pas laissé le repos nécessaire pour travailler le lendemain.

Les travaux avancent bien. Après avoir arrimé les piliers métalliques, reliés par des poutres de même fabrication, afin que l’ossature soit solide et solidaire, les ouvriers ont bâti un coffrage en bois autour de chaque colonne et de chaque poutre, et le béton a coulé à longueur de journée, venant s’insinuer dans les structures de bois jusqu’à les combler entièrement. Les piliers – dix huit au total : un à chaque angle intérieur et extérieur, et un à chaque milieu de structure, pour que les poutres porteuse du toit ne soient pas d’une longueur démesurées – sècheront bientôt tranquillement et les poutres ne seront coulées que dans quelques jours, le temps que le béton sèche un peu. Pendant ce temps les travaux ne s’arrête pas. Il faut préparer la dalle qui formera le sol de ma maison. Elle a été déjà nivelée et aplanie mais il reste à la grillager et à la couler. Nyoman a renoncé à la monter sur pilotis car la butte ayant été surélevée par rapport à l’arrière du terrain, nous ne craignons plus d’inondation. Quand les grosses pluies arriveront, elles contourneront la butte dans des rigoles qui les canaliseront et les reflueront vers l’océan, épargnant, nous l’espérons, le jardin et la piscine.

J’apprends énormément au cours de ces travaux. Nyoman autant que Ben se plaisent à répondre à chacune de mes questions avec une infinie patience et une grande gentillesse. Cela serait presque suspect si je ne voyais dans leurs yeux, parfois, une grande inquiétude à mon sujet. Il est vrai que depuis quelques temps, ils m’aperçoivent régulièrement suant, sale, rouge et amoché ou alors drapé dans une serviette qui me sert de pagne, errant sur le chantier, ne ressentant aucune envie de m’habiller.

Je vois bien moi aussi que je dérive. Mes nombreuses occupations ne parviennent pas à juguler ce sentiment d’étouffement qui a commencé après le coup de fil de Chloé, puis celui de Marie avec cette invitation absurde à Ubud où je ne connais personne et où je n’ai aucune envie de revoir Steve.

Soyons clair : j’y vais pour baiser Marie qui depuis s’est refusé à moi de façon intelligente et délicate, me laissant sur le pas de la porte pour diverses raisons chaque fois que je lui ai rendu visite. Allons-nous réellement avoir un week-end de sexe dans ses conditions ? Je crains que cela ne ressemble à une petite baise de couple sage qui me laissera sur ma faim et réactivera la fureur de mon désir brulant pour une chatte accueillante et chaude. J’ai effectué nuitamment quelques visites au salon de massage, préférant la douceur des caresses payantes à la brulure du sable en solitaire et j’en suis ressorti physiquement comblé mais l’âme en lambeau. J’ai même essayé d’embrasser goulument une des jeunes femmes qui s’activait obligeamment sur ma queue dressée mais elle m’a repoussé, doucement mais fermement et son regard contenait un avertissement si clair que je ne m’y suis plus risqué. Je peux donc les laisser me manipuler à leur guise. Je peux leur embrasser, leur lécher ou leur téter les seins tant que je veux mais je n’ai pas le droit de toucher leur bouche ni leur sexe avec mes mains ou ma langue. Etrange ! Du coup, je suis obsédé par l’image leur fente luisante. Je les aligne mentalement l’une à coté de l’autre, les jambes écartées, et j’y fourre ma langue fébrilement. Je m’imagine bavant, lapant, léchant, fouillant leurs sexes épilés et doux, gourmandises inaccessibles qui me tente tant !

J’ai l’impression de reprendre des routes dangereuses que j’avais délaissées depuis plusieurs années. La sérénité qui m’avait permis de venir à Bali à la recherche de Chloé, m’a désertée depuis longtemps et les évènements divers de ces derniers mois sont en train d’avoir raison du peu de bon sens qui me reste.

Je suis parfois traversé de vagues de haine incoercibles que je porte à tous ceux qui traverse mon esprit. Ariel, qui m’a valu une tannée mémorable. Marie dont la distance m’exaspère. Sonia qui a mis un terme à ma relation avec Chloé. Chloé bien sur qui me repousse pour de mauvaises raisons. Parfois même Nyoman et Ben qui s’entendent un peu plus chaque jour, font l’objet de ma rage et de ma suspicion. Il serait temps que je me ressaisisse si je ne veux pas devenir complètement dingue. Il me reste quelques jours avant le week-end à Ubud. Il faut que je trouve un moyen de calmer cette folie qui commence à ronger mon cerveau avant qu’il ne me soit plus possible de l’endiguer ni de la contrôler. Il faut que je bouge, que je parte, que je m’éloigne un moment pour faire le point. Réunissant quelques affaires dans mon gros sac à dos, je décide finalement de partir une journée dans le nord de l’ile, endroit plus sauvage, plus authentique et moins touristique.

Après une journée de voiture, ayant essuyé de nombreux embouteillage liés à une surpopulation évidente dans le centre touristique de l’ile et escaladé les montagnes des volcans Angur et Batur, je parviens en fin d’après-midi sur le sable noir de la plage d’Amturan. Kalibukbuk, le petit village qui la borde, ne présente pas un grand intérêt mais les touristes y sont presque absents et passés les harceleurs qui veulent à toute force me vendre des colifichets et autres souvenirs, je parviens à trouver la paix sur cette plage étrange.

Le sable noir rend la plage un peu lugubre mais sa finesse humide et collante est agréable. De gros galets à peine érodés, parsèment la plage et le bord de l’eau. Incroyablement, à cet endroit de la côte, les rizières descendent presque jusqu’à l’océan et seule la bande de sable noir les sépare de l’eau. L’océan, pour sa part, n’est pas très accueillant et je renonce à me baigner. Une légère brume se lève lentement, recouvrant les environs. Je passe un moment assis, adossé à un rocher, à savourer le calme et la solitude des lieux. Des hommes et des femmes s’activent à quelques centaines de mètres de moi, courbés dans les rizières, tournant le dos au soleil, bêchant et fouillant l’eau. Tout semble plus dépouillé que dans le sud, plus simple. Même les quelques touristes que je vois passer sont en famille. Les surfeurs sont à la pointe sud ou sur les côtes est et ouest où les rouleaux du larges leurs sont propices. Ici, on retrouve une certaine authenticité qui me calme. Les pécheurs rentrent du large, porteur de filets qui ont emprisonnées des poissons de petites tailles. Je les observe longuement détacher un à un les poissons frétillants espérant encore une liberté illusoire, pour les entasser dans des grands seaux qu’ils transportent par deux, au bout de bâtons posés sur leurs épaules. Certains restent encore sur la plage pour ravauder les filets et les ranger puis les bateaux sont tirés à l’extrémité de la plage, à la lisière des rizières et de la végétation. Les hommes disparaissent finalement un à un, me laissant à ma rêverie. Je suis heureux d’être venu ici. Je ne trouve pas l’endroit particulièrement beau mais il offre une sérénité qui m’a fait défaut depuis longtemps, rodé que je suis à Denpasar et au tourisme du Sud.

La nuit commence à tomber quand je m’inquiète enfin de mon repas. Je me décide à bouger quand l’humidité me saisit et me fait frissonner. Je me dirige vers Kalibukbuk où je gare ma voiture au hasard, près de l’artère principale. J’y découvre un petit restaurant simple et agréable où l’on me sert diligemment un plat de poissons relevé et délicieux agrémenté d’un riz local absolument divin. Revigoré par ce repas et ce repos durant lequel mon esprit s’est vidé, occupé qu’il était à contempler paysans et pécheurs, je me promène un moment dans la rue principale et les quelques ruelles alentour. Mais rien n’y retient vraiment mon attention et en un sens, je m’en félicite. Je n’ai besoin d’aucune sollicitation particulière en ce moment. La surchauffe de mon corps et de mon esprit demande calme et modération pour retrouver un niveau supportable. Je finis par entrer dans un petit hôtel dont les chambres sont d’un prix si modique que je songe un temps à m’en aller, craignant de trouver saleté et inconfort. Finalement la chambre, bien que spartiate, offre une petite salle d’eau très raisonnable et des toilettes individuels. Un lit de petite taille pour moi qui suis habitué aux standards américains, m’accueille un peu durement mais j’y dors enfin d’un sommeil profond, bercé par le ressac des vagues et le silence de la rue qui s’est vidée rapidement après la fermeture des restaurants. Au petit matin, après une toilette un peu sommaire, vêtu d’un pull que je n’avais pas porté depuis longtemps vu la clémence des températures du sud, je sors dans la rue et la regarde tranquillement se réveiller. L’hôtel m’offre ensuite un petit déjeuner simple mais bon. Je réserver la chambre pour la nuit suivante et part me promener. Le guide dont je me suis muni, indique des bassins d’eau chaude dans lesquels il est possible de se baigner. Je prends donc la route et après quelques kilomètres dans la végétation, j’atteins « Air panas ». Trois bassins naturels de tailles différentes situés en amont les uns des autres, s’offrent à mon regard. Ils sont entourés d’arbres parmi lesquels j’identifie des palmiers. Je manque encore de culture à ce sujet. Après avoir payé mon entrée, je me plonge avec hésitation dans une eau maronnasse qui ne me tente guère jusqu’à ce que j’en distingue la forte odeur de souffre. La température idéale de l’eau a raison de mes résistances et je me plonge avec bonheur dans sa chaleur lénifiante. Le souffre, un peu oppressant au début, dégage mes poumons et j’ai l’impression que mon cerveau s’en trouve mieux, comme si on lui fournissait l’oxygène qui lui avait fait défaut ces derniers temps pour fonctionner normalement. Rapidement, le grand bassin se rempli d’hommes qui, sortant shampoing et savons, se savonnent abondamment, faisant mousser l’eau. Leurs gestes sont précis et méticuleux. Ils se lavent avec plaisir et satisfaction. Une cascade dégringole d’un à pic rocheux à quelques hauteur de là. Elle sert de douche. Ils s’y rincent longuement et l’eau savonneuse se répand autour d’eux en gros bouillon de mousse, puis poussés par le courant, ses coussins blancs et éthérés disparaissent, rendant à l’eau son bronze étrange. Etonnant ! Je n’aurai pas pensé à me laver dans un tel endroit mais finalement les bains publics ou les hammams offrent les mêmes services. Ce qui surprend ici, c’est que cela se passe dans un site naturel. Pour ma part, je me contente de trainasser dans le petit bassin jusqu’à ce que la chaleur du soleil rende la température de l’eau moins agréable. Après m’être séché et rhabillé, je retourne à Kalibukbuk où je mange un nouveau plat de poisson puis je me retire une partie de l’après midi dans ma chambre où je fais une longue sieste. Aucune érection ne vient perturber mon sommeil et il semblerait que ma libido se soit mise au repos. Tant mieux ! Je commençais à être épuisé par cet incessant besoin de sexe. Je dors puis somnole une partie de l’après midi et me résous finalement à sortir. Je retourne sur la plage où des bateliers me proposent de m’emmener voir des dauphins qui nagent au large. Peu convaincu mais décidé à ne rien refuser, j’embarque dans une pirogue blanche bordée de bleu, munies de deux balanciers qui servent de stabilisateur. Nous nous éloignions de la cote à moteur mais dès que nous avons franchit les quelques vagues qui trace une limite évidente entre la cote et le large, le pécheur hisse une voile qui nous conduit lentement plus au large. Finalement, il descend sa voile et nous voguons au gré des vagues calmes. Je ne pense pas que nous verrons réellement des dauphins même si mon hôte me le garanti, mais me trouver là, sur l’eau limpide et reposante, bercé par le clapotis du ressac contre la coque, me suffit amplement. Mon esprit se vide et je sursaute quand j’aperçois une première giclé d’eau jaillir de l’évent d’un animal encore indistinct. Puis une deuxième éruption, plus proche, une troisième, et finalement ils sont là, nageant paisiblement près de nous, insouciant de notre présence, nous qui n’avons pas bougé d’un cil. Ils forment une longue procession et leurs nageoires dorsales apparaissent par moment. Ils effectuent un premier passage, puis comme une parade commandée, reviennent, encore plus proche. L’un deux passe si près du bateau que je pourrais le toucher mais je me contente de contempler sa peau grise et brillante, luisante de l’eau qui la recouvre. On dirait du caoutchouc et je rêve d’en connaitre le contact sous ma main mais il s’éloigne déjà, nous ayant donné sa présence en offrande. Je suis aux anges. Je me laisse aller dans le bateau, adossé au petit banc qui forme l’arrière et je regarde le soleil qui commence à décliner. L’homme a remis le moteur en marche et c’est au bruit de son petit toussotement rythmé que nous rejoignons la plage où je le remercie vivement de ce spectacle inattendu et merveilleux. Il semble touché par ma gratitude et je lui glisse une grosse poignée de billet dans la main. Que puis-je faire d’autre ? Je n’ai que de l’argent à offrir. Je ne parle toujours pas un mot de balinais, en tout cas pas suffisamment pour soutenir même une maigre conversation. Il la fait glisser dans la poche de son pantalon large mais j’ai le sentiment que mes remerciements auraient suffit. Son regard légèrement condescendant me laisse à penser que j’ai peut-être commis une erreur. Peut-être l’ai-je insulté ? Il s’en va rapidement après avoir tiré son bateau hors de l’eau et je retourne à mon hôtel pour me changer. Le soir, j’essai un autre restaurant, attiré par des touristes occidentaux qui en occupent une partie de la terrasse, où je mange un plat de poisson moins savoureux que la veille. Un groupe est attablé pas loin de moi. Ils sont anglais, je les identifie rapidement grâce à leur accent caractéristique. J’entame laborieusement une conversation avec eux mais il s’avère rapidement que nous n’avons rien en commun et rien à nous dire. Je pourrais leur révéler mon identité, cela faciliterait nos échanges, mais je m’en garde bien. Je préfère nettement mon anonymat sans intérêt à leurs yeux, qu’une factice reconnaissance. Une des femmes, la cinquantaine bien conservée, me dévore du regard malgré la présence de son mari mais je décide de ne pas y prêter attention. Après avoir pris congé et trainé un peu dans les rues, où comme la veille, l’animation décroit rapidement, je retourne me coucher. Je suis réveillé en pleine nuit par le grincement d’un matelas et d’un sommier à ressort au dessus de ma tête. Des grognements d’homme et des gémissements de femmes ponctuent les couinements de la literie. Au bruit, leur relation à l’air basique. Monsieur dessus qui astique, madame dessous, jambes écartées, qui profite. Malgré moi je bande. Moi qui aspirait au calme, c’est bien ma veine. J’espère qu’ils vont en terminer rapidement mais après quelques minutes de grognements et de gémissements soutenus, le rythme reste égal et l’intensité des cris n’a pas varié. Alors je me résous à saisir mon membre raide et à le branler, calé sur leur va et viens, j’attends patiemment que la femme atteigne enfin l’orgasme et que l’homme la rejoigne à grand renfort de couinement métallique et de grognements bestiaux. Quand enfin je les entends jouir, je lâche un jet de semence qui me vide. Je me rendors instantanément. Le climat du nord semble réussir à mes nerfs. Je devrais y faire de plus long séjour ! Au matin, comme la veille, je me lève tôt et rencontre le couple qui descend derrière moi. Me retournant vers eux, je leur dis avec un petit sourire énigmatique :

– je vous remercie pour la douce musique de cette nuit.

L’homme prend un air indigné mais la femme rougit. Je les laisse là et part m’occuper de mon déjeuner que je prends au soleil, à une échoppe en bord de plage. Je suis désœuvré. Je pourrais retourner prendre un bain ou visiter un des nombreux temples qui pullulent dans l’ile mais je suis lassé de la solitude et je décide finalement de rentrer. Un petit break était nécessaire et les heures de sommeil volées à ma journée de la veille m’ont délassé. Je reprends donc le chemin du retour après avoir rassemblé mes affaires et payé ma note et m’offre une halte plus que plaisante pas loin du lac Bratan où je mange calmement en essayant d’éviter les touristes sportifs, harnachés de sac à dos prétentieux et de chaussures de marches rutilantes. L’un d’eux porte d’ailleurs le même sac que moi et je finis par me dire que je ne vaux pas mieux qu’eux. Je rentre lentement vers le sud, profitant des paysages qui déroulent sous mes yeux une alternance de végétation sauvage, de villages pittoresques et d’embouteillages peu réjouissant. J’arrive à la tombé de la nuit à mon bungalow. Les ouvriers sont partis et je n’ai pas la force de retourner chez Madame Soda. Je me contente du contenu de mon frigo et me jette avec un plaisir joyeux sur les fruits bien murs que j’avais négligés. Puis je me couche, renonçant à lire par crainte de réveillé des démons que j’espère avoir abandonné en route. Je passe une nuit longue et sereine et je me réveille au matin, heureux et apaisé.

Le chantier fait un bruit impressionnant. Après avoir bu tranquillement mon café, j’y retrouve Ben et Nyoman, a pied d’œuvre, dont le regard soulagé atteste de ma transformation.

Je me sens bien. Bien mieux. Le sable noir m’a lavé comme un gros savon de Marseille. Les bains m’ont purifiés et ce séjour somnolant et méditatif m’a calmé. J’ai le sentiment que la rencontre avec les dauphins a un sens dans cette métamorphose. J’ai l’impression d’avoir laissé une veille peau de serpent, une mue vide et desséchée, derrière moi. Je repense au dos du dauphin, à sa brillance, sa couleur pale dans l’eau claire. Je n’ai presque pas vu sa tête mais sa silhouette profilée comme une torpille me revient en mémoire. Il me montrait une voie, la voie de la simplicité, de la pureté et de la limpidité. Je dois la trouver et la conserver. Je dois absolument, sous peine de me perdre à jamais, retrouver cette sérénité acquise au cours des longues séances de méditation solitaire dans mon exil hindou.

Il me reste quelques jours avant le week-end avec Marie que je dois mettre à profit pour conforter cette nouvelle sensation qui fait jour en moi.

Il faut que je m’occupe sans m’épuiser. Il faut que je cesse d’harasser mon corps en espérant que cela videra mon esprit. Cela ne marche visiblement pas.

Je pourrais reprendre contact avec la fondation pour voir comment marche les différentes chantiers que j’avais laissé en cours à mon départ qui ne devait être qu’une brève absence mais la crainte d’être rattrapé par des problèmes ingérables, qui nécessiteraient toute mon attention, me fait reculer.

J’appelle Monsieur Wayan. Je n’ai pas envie d’aller à Denpasar. C’est prendre le risque de vouloir voir Marie mais aussi bifurquer dans la rue attenante et de me perdre dans le salon de massage ou ma débauche, bien que fort agréable, est en train de me rendre fou.

Il m’informe que les premières réservations sont effectives et réglées et que je dois me préparer à voir débarquer des locataires des le mois prochain. Nous avons choisi de laisser un délai car je ne souhaite pas faire subir aux premiers arrivants les désagréments des travaux en cours dans ma maison. Bientôt les bétonnières auront cessées de tourner, et le travail du bois autant que la maçonnerie seront moins bruyants.

Je savoure cette petite victoire. J’ai réussi. Mon projet était viable. Les touristes vont arriver peu à peu et vont aimer. Ils ne peuvent qu’aimer un endroit aussi beau. Cela ira même au-delà de leurs espérances car leurs budgets modestes les prédisposent habituellement à des locations moins luxueuses. J’ai l’impression de faire œuvre sociale et j’en éprouve un grand contentement. J’aimerai le partager avec quelqu’un mais Nyoman et ben le savent déjà, quant à en parler à Marie, elle prendrait ça pour de la vantardise ou de la condescendance et je n’ose même pas penser à appeler Chloé !

Les coffrages ont été démontés en mon absence et, piliers et poutres apparaissent maintenant, nus, gris et rugueux comme des nouveaux nés qu’il faudrait nettoyer. Après de longues discutions entre nous, nous avons convenu que certains murs seraient montés en briques importées du nord de l’ile, quand d’autres garderaient leur transparence vitrée, enchâssée dans des structures de bois fabriquées sur mesure. Tous ces mélanges de matériaux me fait ont un peu peur mais Ben m’assure que le résultat sera splendide. L’ensemble de la maison sera blanc, rehaussé de boiseries rouge foncé. Le toit sera bardé de tuile de bambou, encore une fabrication typiquement balinaise qui remplace astucieusement la terre cuite et donne immédiatement un aspect patiné que les tuiles mettent des années à acquérir. Ben et Nyoman ont bien travaillé. Ils ont fait venir de pleines palettes de briques quasi carrées, sombres comme de la pierre, frappées d’un sceau en leur centre qui leur confère un aspect ancien et rassurant. Les tuiles de bambou, achetées à une petite scierie située pas très loin de là où j’ai séjourné, seront acheminées bientôt. La dalle du sol reste à couler puis la structure en bois qui soutiendra le toit sera érigée et recouverte. A partir de là, la maison sera hors d’eau et les travaux moins lourds pourront commencer. Ben a prévu de laisser quelques cloisons intérieures en briques brutes, tant leur beauté est charmante et solennelle et même si je crains que cela n’obscurcisse un peu l’intérieur, je décide de lui faire confiance. Ainsi le mur de séparation entre le séjour et la bibliothèque en sera bâti pour une partie et permettra que les rayonnages reposent sur une surface solide. Cependant, le verre sera présent de part et d’autre pour garder la circulation de la lumière et du regard. La séparation entre ma chambre et la cuisine en bénéficiera aussi pour conserver l’intimité de ma couche. Je me suis placé à l’endroit ou bientôt trônera mon lit, et j’ai eu la grande satisfaction de constater que je pourrais, bien que ma chambre occupe l’angle sud-ouest, contempler l’océan et les rochers léchés par les vagues, à la pointe de l’anse.

En deux jours d’absence, j’ai l’impression que la maison a pris corps et je la regarde avancer lentement mais surement durant les deux jours suivants. Le vendredi arrive. Je me réveille avec la même tranquillité que d’habitude et ce n’est que quand je commence à envisager ma soirée avec Marie que je suis saisi d’une vague angoisse que je chasse à grandes respirations. Je passe la journée la plus calme possible, me contentant de quelques visites de routine sur le chantier pour manger avec Ben et Nyoman qui ne quittent pas les ouvriers pendant la pause et de longues siestes méditatives sur mon transat face à l’océan, dont le calme, dans cette baie protégée des rouleaux du larges par les rochers qui les freinent, offre une vision de paradis.

A la fin de l’après midi, mon sac de voyage posé à mes pieds sur la véranda, j’hésite. Et si je restais là ? Si je prétextais un surcroit de travail, un rhume, un lumbago, n’importe quoi, pour ne pas aller à Denpasar, ne pas revoir Marie dont l’image s’est légèrement dissipée dans mon souvenir, ne pas me rendre à Ubud, ne pas être confronté à ce gros rougeau américain, sûr de lui, heureux de vivre comme un pingouin sans conscience. Je n’ai rien contre les pingouins, plutôt de l’estime d’ailleurs vu les climats rigoureux qu’ils sont capables de supporter mais je ne sais pourquoi leur image reste attachée à celle de Steve. Leur raideur peut-être. Cette difficulté physique à se mouvoir gracieusement. Voilà l’image que j’associe à Steve immédiatement. Finalement, je dois faire preuve de toute ma raison et me convaincre que je vais tenir le coup, que je vais passer un bon moment avec Marie et que je vais apprécier Ubud, pour me résoudre à monter dans ma voiture et à rouler à petite allure vers Denpasar. En route, arrêté à une intersection, je vois passer une petite voiture rapide dont la conductrice n’est autre que Sonia. Un gros coup de poing dans le ventre ne m’aurait pas laissé plus de souffle. Etrangement, un homme barbu au cheveu blanc est assis à coté d’elle, mais le véhicule qui croise ma route, séparé de moi par les trois voitures qui me précèdent, va si vite, que l’image reste fugace. Je reprends mon souffle lentement, tentant de me raisonner en me disant que nous habitons sur la même ile, dans le même secteur géographique et qu’il n’a donc rien d’extraordinaire à ce que nous soyons amener à nous rencontrer par hasard. Sonia roulait si vite qu’elle ne m’a pas vue, j’en suis sur. Il me faut cependant le reste du trajet pour retrouver mon calme et j’arrive chez Marie, troublé mais moins secoué que je ne l’avais crains. Elle m’attend, blanche et fleurie et son sourire radieux devrait me réconforter. Elle m’embrasse plus chaleureusement que les fois précédentes et se colle même légèrement contre moi durant quelques secondes. Ses cheveux chatouillent mon nez et je la repousse involontairement. Elle lève un regard étrange dans ma direction mais ne fait pas de commentaire. Elle me propose d’entrer pour poser mon sac que je dépose prudemment au pied de l’escalier. Je n’ai pas envie de monter. Je n’ai pas envie de voir son lit. Je ne sais même pas si j’ai envie de lui faire l’amour, si j’ai envie de faire l’amour. Marie semble étonné, un peu décontenancé par cette raideur inhabituelle chez moi mais ne fait aucun commentaire. Saisissant ma main, elle m’entraine à l’extérieur et me conduit dans un restaurant très chic où l’on nous sert une cuisine mélangée. Les tables hautes, garnies de nappes blanches et de serviettes pliées en chapeau, confèrent un aspect européen à l’établissement, vite détrompé par les nombreuses sculptures et tapisseries colorées dont l’origine locales ne fait aucun doute. Ce mélange de genre finalement peu heureux, me dérange et le repas passe lentement. Marie tente de maintenir une conversation animée, mais malgré son incessant babillage à propos de la librairie, elle ne parvient pas à retenir mon attention et finit par s’en offusquer. Un long silence gêné s’installe entre nous que je fini par rompre en lui présentant des excuses :

– je suis désolé Marie, je suis fatigué. J’ai du effectuer un déplacement dans le nord de Bali durant deux jours pour acheter de matériaux pour ma maison et l’aller et retour m’ont fatigué.

Je mens, bien sur mais que puis-je lui dire. Qu’elle a perdue, sans que j’en comprenne la raison, tout attrait à mes yeux ? Que je n’ai aucun désir pour elle à cet instant précis ? Que ma vie est un total gâchis que j’essai tant bien que mal de réparer et dont elle ne fait pas partie ? Elle me regarde un moment, scrutant mes yeux à la recherche d’un indice sur mon état d’esprit réel alors j’affiche l’apparence la plus neutre possible et une grande lassitude s’empare de moi. Elle doit la repérer car elle se détend et me prenant la main me dit :

– ne vous en faites pas François, nous avons tous des moments difficiles et puis vous vous êtes lancé dans une aventure difficile que vous semblez mener de avec succès. J’ai entendu parler de vos bungalows. Il semblerait que vous ayez vu juste. Je suis sure que bientôt ils ne désempliront pas !  Venez, allons nous promener un peu avant de dormir, cela nous fera le plus grand bien.

Nous sortons du restaurant et la moiteur de la nuit, loin de m’apaiser, m’agace. J’aime la fraicheur qu’apporte l’océan. Ici l’air est lourd et légèrement pollué. Le bruit constant des engins qui circulent, klaxons enfoncés en permanences, me tapent sur les nerfs. Je la suis cependant jusqu’à une petite place où dansent une troupe locale au son d’un Gamelan. Percussions, métallophones et tambours se mêlent et produisent une musique rythmé et répétitive. Les danseuses, parées de milles couleurs, exécutent une danse lente et élégante. Marie presse ma main, son bras collé contre le mien, son corps chaud et vivant cherchant un contact que je lui refuse depuis le début de la soirée et je fini par me laisser aller. Je réponds à la pression de ses doigts et je l’attrape par la taille pour la coller enfin contre moi. Elle soupire de soulagement. Je le sens dans la tension qui déserte son corps rapidement. Elle me regarde encore longuement dans les yeux et pour fuir cette inquisition, je pose ma bouche sur la sienne et me force à lui rouler une longue pelle amoureuse. Presque aussitôt, elle m’entraine et d’un pas rapide jusque chez elle où, à peine le seuil franchit, elle m’enlace langoureusement. J’ai l’impression d’avoir une adolescente languide pendue à mon cou ! Je réponds à ses baisers et glissant mes mains sous son chemisier fleuri, j’attrape ses seins nus pour faire naitre une érection qui se refusait à moi jusque là. Ses mamelles lourdes et malléables ont raison de mes dernières résistances et je bande finalement. Je les malaxe longuement, les écrasant entre mes doigts jusqu’à la faire gémir de douleur et de plaisir mêlé. Je les maltraite un moment puis relevant le fin tissu pour les dénuder, je les suce goulument. Elle soupire de plaisir et son corps s’affaisse légèrement. Je pourrais la baiser là, par terre, au pied des escaliers mais j’ai envie de confort. Alors je monte à l’étage où elle me suit, docile. Arrivé dans la chambre, je me déshabille rapidement, la devançant dans ses rituels, puis je m’offre à son regard, le sexe dressé, un sourire engageant sur les lèvres. Elle hésite un peu mais mon attitude ne laissant aucun doute sur mon désir, elle se penche vers moi, toujours vêtue, et viens poser sa bouche sur mon gland qui palpite. Je pense qu’elle a du décider de jouer le jeu car elle me gratifie d’une longue pipe parfaite, suçant ma queue de haut en bas et massant mes couilles pour les stimuler jusqu’à ce que je la récompense d’une longue giclée de sperme qu’elle recueille dans sa bouche avant de l’avaler sans réel plaisir. Elle se redresse ensuite, le regard légèrement baissé. Elle attend, elle hésite. Quelque chose la déroute. Je profite de ce manque d’assurance pour la basculer sur le lit et me jeter sur son corps que je caresse brutalement à travers ses vêtements. Je frotte ses seins et elle soupire. Je glisse ma main entre ses jambes, pénétrant rapidement d’un doigt dans son vagin et elle gémit. Je parcours ainsi toutes les surfaces auxquelles j’accède, sans douceur ni délicatesse, maintenant cependant une excitation renforcée par mon sexe que je frotte inlassablement sur elle. Elle aimerait me repousser, je le sens bien mais en même temps le plaisir brutal que je lui procure, l’empêche de mettre un terme à cet échange physique. Finalement, je déchire sa blouse d’un geste violent et me jette à nouveau sur ses seins que j’avale presque tant ils sont moelleux et souples. Je gobe longuement ses mamelons foncés que je recouvre de bave avec délice. Marie, entravée par ses vêtements, geins, le visage tournée vers le plafond, les yeux clos, la bouche légèrement pincée. Je relève alors sa jupe qui lui recouvre ainsi le visage et je me plonge sans ménagement dans sa chatte excitée. Sa culotte me gène, je la déchire. Je fourre ma langue loin à l’intérieur de son vagin puis je mâchouille et lèche vigoureusement sa fente mouillée et chaude, lui arrachant des cris de plus en plus stridents. Quand j’atteins enfin son clitoris que j’ai volontairement délaissé, elle pousse un soupir si fort que je sens sa cage thoracique se creuser quand l’air en sort. Ensuite je la tiens. Je lèche sans relâche son bouton sombre et allongé jusqu’à ce qu’elle décolle dans des cris de plaisirs déchirants. Je l’ai eue, enfin !Elle se tord un moment sous ma langue assidue puis s’alanguie finalement dans les draps froissés. Décidé à ne lui laisser aucun répit ni aucun avantage, je l’emprisonne dans sa jupe qui la recouvre toujours, et la pénètre sans ménagement. Elle pousse un cri de surprise mais mon assiduité ne lui laisse pas le temps de se ressaisir. Je la pilonne vigoureusement, sentant monter mon sperme qui pulse violement dans ma queue en même temps que ses cris reprennent, étranges, comme si elle se surprenait à prendre plaisir à ce traitement dénué de tendresse. Je tiens ses poignets à travers le tissu et parfois elle tente de se dégager de cette emprise violente. Son visage masqué par la dentelle me convient. Je n’ai pas envie de la voir. Je n’ai surtout pas envie de voir son regard outré ou réprobateur. Le week-end de sexe commence ce soir ma belle et il faudra faire avec sinon tu iras rencontrer la fiancé de Steve toute seule ! J’embrasse sa bouche à travers le coton blanc du jupon, laissant une trace mouillée et ronde là où ma langue s’est enfoncée dans son gosier. Troussée comme un poulet sacrifié, je la martèle de ma queue brulante et j’éjacule en grognant violement, secoué par des soubresauts quand son vagin se contracte, enserrant mon sexe en plein élan. Je retombe lourdement sur son corps sans la libérer. Elle gémit encore un moment, essoufflée de cette folle étreinte dénuée de romantisme mais non de plaisir puis commence à s’agiter pour se dégager. Je n’ai pas envie de la libérer. J’ai envie de la mater, de l’asservir. Elle commence à se plaindre :

– François, soyez raisonnable, lâchez moi, je vous en prie ! 

–  patience Marie, nous n’avons pas encore terminé. Laissez moi faire, vous ne le regretterez pas, je vous l’assure. Je lui murmure à l’oreille à travers les froufrous.

-«François, libérez moi, s’il vous plait. Ce jeu a assez duré ! Sa voix devient dure et j’y entends une pointe d’angoisse.

– bientôt Marie, bientôt.

– François ! Hurle t’elle alors, lâchez-moi tout de suite ! 

Je la ceinture de mes bras enserrés, évitant les ruades de ses jambes musclées et, toujours emprisonnée dans son jupon, je la retourne et la redresse pour que son cul vienne se poser contre ma bite. Je pourrais l’enculer, l’envie est grande et elle est désarmée mais cela mettrait un terme à notre relation  et puis je m’amuse bien alors je vais essayer de ne pas trop la froisser pour que cette petite incartade n’ait pas de conséquences dramatiques. Il suffit que je la fasse jouir. Elle ne pourra pas résister si je lui donne la plus grosse baise de sa vie !

Je la pénètre rapidement en la tenant toujours serrée contre moi, ma queue est réactive comme si nous venions à peine de commencer. Je me sens une énergie d’enfer. Je baiserai la terre entière à l’instant précis où je l’empale. Elle crie de douleur et de rage mais je maintiens la pression et je la baise lentement, méthodiquement, ralentissant au furet à mesure qu’elle s’abandonne au plaisir que je lui procure. Vers la fin j’ai lâché sa jupe, la libérant et j’ai attrapé ses seins que je tiens comme deux poignées auxquelles je m’accroche pour mieux la chevaucher. La croupe en l’air, les reins cambrés, Marie se soumet à mon sexe et le plaisir monte inexorablement. Je l’entends râler et s’extasier dans les draps. Je sais qu’elle va prendre un pied mémorable. Ce soir, je suis le dieu de la baise. Toujours limant, je laisse monter ses cris et les miens et je l’achève d’une rapide succession de grands coups de bite qui l’envoient loin, dans des cris déchirants auxquels le voisinage ne doit pas être habitué. La Marie gémissante et nunuche a laissé la place à une furie hurlante et déchainée. Elle se tortille sur ma queue pendant que je me répands en elle, rabattant son cul jusqu’à la garde pour profiter jusqu’au dernier moment de ma raideur. Quand nous retombons enfin sur le matelas, j’ai l’impression que nous avons volé très loin, que nous avons quitté la pièce et que nous atterrissons lentement dans les draps blancs de Marie. Elle est échevelée, légèrement obscène avec ses vêtements déchirés, rabattus sur elle, sans grâce. Elle grogne un peu puis rampant loin de moi, se débarrasse des lambeaux de son chemisier et de sa culotte. Elle disparait un moment dans la salle de bain et j’entends la douche couler. Peut-être risque t’elle d’être fâchée finalement ? Moi, je me sens bien. J’ai décollé enfin. J’ai jouit avec une vraie femme pas une masseuse payée pour mon plaisir. J’ai vogué librement dans un océan de sexe et l’odeur de sa chatte parfume encore ma bouche.

Elle revient, vêtue d’une chemise de nuit rose pale en coton fin. Celle ci masque à peine son corps bien qu’elle lui descende jusqu’au pied. Elle se couche sans me regarder, gênée de l’insistance de mon regard sur ses seins et rabat le drap sous son menton, puis elle éteint la lumière.

– vous allez bien Marie ? 

– je préférai que nous dormions François. Nous avons de la route à faire demain et je suis fatiguée.

– vous m’en voulez ? 

Un long silence qui s’éternise s’installe entre nous. Je tends la main vers elle mais elle se dérobe, se réfugiant au bout du lit pourtant plutôt étroit. Je pense que si je la touche encore, elle tombe.

– allons, Marie soyez honnête, vous avez pris votre pied, vous ne pouvez pas dire le contraire ! C’est vous qui avez parlé d’une relation plus officielle il me semble. La sexualité en fait parti, Marie. Nous commençons à nous connaitre, nous n’allons pas continuer à baise comme des lycéens n’est pas Marie ?

– arrêtez, je vous en prie. Je déteste que vous me parliez comme cela ! 

–  vous vous conduisez comme une enfant. Je vous ai baisé, je vous ai fait jouir et à vous entendre plutôt bien. Ayez la gentillesse de le reconnaitre. Cessons ces pruderies entre nous ! 

Je jubile. Je ne sais pas pourquoi je m’amuse à la provoquer de la sorte mais j’yprends presque autant de plaisir que quand je la fourrais.

– cessez de m’importuner François, je vous déteste ! 

– mais non Marie, au contraire. Vous en redemandez mais vous ne l’assumez pas, dis-je suave, en me rapprochant dangereusement d’elle dont le corps qui se dérobe, oscille à l’extrémité du matelas.

– Non ! C’est faux ! 

– pourquoi avez-vous mis cette chemise de nuit transparente alors ?

– parce que c’est tout ce que j’ai, finit-elle par dire dans un sanglot. Les larmes n’étaient pas prévues alors j’arrête.

– je vous demande pardon Marie, nous allons dormir et demain nous passerons une excellente journée à Ubud, je vous le promets.

Elle pleure presque silencieusement alors je pose une main rassurante sur son bras. Elle ne se dérobe plus, elle ne peut pas. Je l’attire doucement vers moi et la serre dans mes bras en lui embrassant les cheveux. Elle se détend lentement et commence à s’endormir quand je la sens se raidir contre moi. Je bande à nouveau et ma queue vient d’entrer en contact avec sa cuisse.

– ne vous inquiétez pas Marie, nous verrons ça plus tard. Dormez maintenant. et je lui embrasse doucement les yeux.

Elle pousse un soupir résigné et plonge dans l’oubli du sommeil. Je m’endors rapidement. Je n’ai pas baisé autant depuis un moment et l’effort physique se fait sentir dans tout mon corps. Au demeurant je suis bien, je suis heureux et en paix avec moi même. Je me fous que ça ne lui plaise pas. C’est comme ça que je veux vivre cette relation amoureuse. Certes l’amour n’y est pas pour grand-chose, alors au moins que nous ayons du plaisir à être ensemble et sur ce plan je trouve qu’elle n’a pas à se plaindre. Elle n’avait peut-être rien demandé mais elle en a eut plus que son compte. Et je m’endors sur cette pensée réconfortante pour le male que je suis.

Je me réveille quelques temps plus tard, taraudé par une érection douloureuse et je constate que dès que je reprends une vie sexuelle active, ma libido déborde. Sans aucune préparation, j’en ai assez de prendre des précautions avec elle, je trousse sa chemise de nuit sur ses fesses parsemées de tache de rousseur. Je contemple son cul un moment, son corps endormi m’attire. Il est un peu mou et sans résistance. Il réveille des fantasmes étranges. Je lui embrasse la raie puis y fourre ma langue. Je la bascule doucement jusqu’çà ce qu’elle s’allonge sur le dos. Elle a chaud et sa fente sent fort mais j’aime son gout. J’écarte les cuisses qui se livrent sans résistance et contemple son sexe. Les lèvres sombres et poilues révèlent, quand je les écarte, la rougeur des muqueuses. Son clitoris brun, attend, endormi. Je l’aspire dans ma bouche puis le relâche. Marie soupire mais ne se réveille pas complètement. Je remonte encore le vêtement pour accéder à ses seins qui pendent un peu mollement sur le coté. Je pince un téton qui se dérobe sous mon doigt. J’aime sa consistance un peu caoutchouteuse. Je pince encore, un soupir. Silence. Je malaxe doucement la chair qui colle à ma main, remplissant ma paume comme de la pate à modeler. Je n’arrive pas à croire qu’elle dorme encore. Je retourne à son sexe. J’écarte résolument les cuisses, remontant ses jambes comme si elle m’attendait, comme si elle m’accueillait. J’introduis délicatement un doigt dans son vagin, soupir. Alors, ignorant son manque de réaction, je m’installe ente ses jambes, calant mon bassin et introduit ma queue qui patiente depuis un moment. Dès que je rentre, la chaleur me saisit et Marie soupire. Je bouge lentement. Finalement si elle dormait jusqu’au bout, cela m’éviterait des explications superflues. Plus elle tarde à se réveiller, plus il sera délicat de lui expliquer comment j’en suis arrivé à jouir en elle sans elle. Je m’active donc, bien décidé à régler cette histoire au plus vite. Après tout c’est une formalité. Quelques aller et retours, je jouis et on dort !

Mais elle se réveille et comme je l’avais crains, elle en fait toute une histoire. D’abord elle crie :

– François, mais vous êtes fou, que faites vous ? 

– cela me semble évident, ma chère, je vous honore. Je n’ai pu résister à l’attrait de votre con chaleureux.

– François, arrêtez immédiatement !

– Marie, soyez raisonnable, j’ai presque fini, encore quelques petits coups de queue et je vous libère.

– vous êtes affreux, je vous hais de me faire ça. Je savais que vous étiez un sale type. Je n’aurais jamais du vous faire confiance.

Plus elle s’agite et crie et plus elle m’excite. Mon orgasme est proche, je le sens.

– Marie, encore quelques instants » je grogne en la regardant droit dans les yeux.  Je vais bientôt jouir, je sens que ça viens, vous sentez ma queue qui bat en vous, vous sentez la pulsation, je vais éjaculer rapidement et vous pourrez vous rendormir comme un bébé.

– François, arrêtez, je vous en prie, s’écrit-elle à nouveau mais elle manque de détermination. Peut-être est-ce quand je lui ai dit que j’allais jouir que cela l’a fait réagir. Maintenant, elle se tait, concentrée sur une sensation que j’espère bonne puis elle soupire alors je retarde mon orgasme pour lui laisser du temps.

– vous voyez Marie, quand vous vous détendez, vous pouvez jouir avec moi. Je suis sure que vous pouvez. Vous allez adorer, c’est le meilleur moment pour baiser. En pleine nuit, comme ça, tout les deux, on s’envoie en l’air puis on se rendort. Je ne la lâche pas du regard et elle finit par baisser les yeux puis les fermer. Je continue à parler pour l’exciter parce que je suis au bord de l’explosion et que son plaisir a l’air incertain. Elle soupire pendant que je parle alors je reprends :

– allez Marie, sentez ma queue qui vous ramone. Sentez mon gland qui se dilate dans votre chatte, sentez mes couilles qui battent contre votre cul. Vous me sentez Marie ? Vous sentez la puissance de mon désir ? 

C’est un peu théâtral, j’en ai conscience, mais j’aimerai qu’elle jouisse pour pouvoir me répandre et dormir. Elle monte doucement en grognant, comme si elle escaladait un col ardu puis soudain elle s’écrit :

– putain, l’enfoiré ! Et elle jouit vite et fort. Je me dépêche d’éjaculer.

C’est plus hygiénique que bon. Elle m’a détournée de mon plaisir mais je ne lui en veux pas. Je retombe sur le matelas, évitant de l’écraser puis je la libère de mon sexe qui laisse une flaque poisseuse enter ses cuisses. Elle ne bouge pas. A la lumière de la lune, je vois le sperme qui s’écoule lentement de son vagin, étendant la trace mouillée sur le drap. Elle est restée, les jambes écartées, comme si elle ne s’était pas encore bien remise de ce qui venait de se passer, comme si elle n’avait pas bien réalisé. Je pense que nous allons nous disputer mais au moment où je m’apprête à parle sans vraiment savoir ce que je dois lui dire, je suis saisi d’une immense lassitude et je m’endors quasi instantanément.

Le soleil est déjà haut quand je me réveille et un instant j’oublie où je suis. Je me sens bien. Puis la nuit me revient en mémoire et, devant le lit vide, je ressens une boule d’angoisse. Ou est marie ? J’entends du bruit dans la cuisine alors je me lève et enfile mon boxer. Ma trique du matin est visible à travers le tissu élastique et je n’y peux rien. Je vais devoir attendre qu’elle ramollisse pour aller uriner. Marie lève la tête à mon approche et ses yeux restent bloqués sur la protubérance de mon entre-jambe.

– désolé c’est le matin, lui dis-je d’un ton que je veux badin mais son regard noir et ses lèvres serrées me font battre en retraite dans la salle de bain. La douche apaise mon érection matinale et je sors propre et drapé dans une serviette pour boire mon café. J’ai décidé de jouer au vieux couple. Je m’installe donc à la table de la cuisine, ma serviette autour des reins et remplis une tasse de café. Des galettes enveloppées dans un linge font office de collation. Je déjeune tranquillement pendant que Marie s’active, remplissant bruyamment son sac de voyage en cuir rouge. Celui que j’avais tant apprécié la première fois. Ce matin je le trouve vieillot. Un peu ringard. Comme si Marie s’accrochait à de vieux objets pour se rassurer. Je m’habille tranquillement, m’exhibant un moment tout nu dans la chambre pendant que je cherche mes vêtements dans mon sac et malgré sa réprobation, je vois bien qu’elle ne peut s’empêcher de laisser son regard parcourir mon corps. Je lui offre donc un spectacle plaisant, lui présentant mes fesses bronzées et musclées puis mon sexe au repos qui ne demande qu’à reprendre du service. Le voyant s’allonger légèrement, elle recule, et se réfugie dans la boutique avec son sac. Je l’y rejoins peu après et je l’embrasse presque amoureusement en lui disant bonjour. Elle ne peut se dérober à ce baiser amoureux malgré la tension de son corps contre le mien. Nous finissons par partir, et je la sens soulagée quand elle peut enfin se glisser sur son siège. Tenir le volant doit la réconforter. Je le lui laisse volontiers si cela lui donne le sentiment de contrôler la situation. Je lui aurais aussi laissé mon manche si elle en avait manifestée l’envie cette nuit. Cela nous aurait peut-être évité un long trajet silencieux.

J’ai l’impression que mon humeur change de plus en plus vite ces derniers temps. Quelques minutes auparavant, j’étais amusé par sa froideur à mon égard. Maintenant je boude au fond de mon siège comme un enfant capricieux. Marie semble ne pas me réussir. Je me laisse bercer par les chaos en me disant que ce voyage à Ubud est probablement notre chant du cygne. Notre relation touche visiblement à sa fin et j’ai intérêt à en profiter sexuellement avant une longue période de célibat. Cela me redonne soudain le moral. User du corps de Marie durant le week-end, voilà un palliatif excitant à la fréquentation de Steve. Aussi je m’absorbe avec plaisir dans la contemplation du paysage.

Cette route que j’ai déjà empruntée quelques jours auparavant, m’est un peu familière et je repère quelques sites à travers la végétation. Plus nous approchons d’Ubud, plus la circulation est dense et aux abords de la ville, il faut une patience d’ange pour ne pas renverser tous les deux roues qui slaloms entre les bemos, les mini bus, et les voitures. J’en fais la remarque à Marie dont les jointures blanches, cramponnées au volant, attestent de la concentration soucieuse qui l’habite. J’ai de la peine pour elle. Je voudrais la réconforter mais que puis-je lui dire ? Que je vais la baiser jusqu’à l’épuisement dès que j’en aurai l’occasion. Qu’elle ne pourra pas rester un instant seule avec moi dans une chambre ou une pièce quelconque sans que je la pelote et que je la baise si cela est possible. Autant en profiter jusqu’au bout. Nous nous quitterons fâché mais elle aura de bonnes raisons de me détester. J’aime que les choses soient claires. Elle hausse les épaules, inconscientes de mes projets libidineux et emprunte résolument une route qui quitte la ville. Nous serpentons un moment dans les collines, au fond de canyons boisés et sauvages sur une route pourtant fort bien entretenue. J’en comprends la raison quand j’aperçois en hauteur, un complexe hôtelier dont l’aspect extérieur laisse transparaitre le luxe évident. Nous nous garons sur une vaste esplanade à l’arrière du bâtiment qui surplombe la vallée. Marie extirpe son sac de la voiture et pénètre sans m’attendre dans le grand hall tout en bambou où elle se dirige vers l’accueil. Peu après, l’ayant rejointe, mon sac sous le bras, nous sommes accueilli par un Steve jovial et sur de lui. Je lui casserais bien la gueule, là tout de suite. Juste pour le plaisir de faire disparaitre son foutu sourire plein de dents. Il me donne une accolade virile comme si nous étions de vieux copains et un élan de haine me traverse. Je garde mon calme. Je ne vais pas faire un esclandre maintenant. Je baiserai Marie ce soir. Il nous conduit jusqu’à notre chambre, une suite luxueuse comme prévu. Le balcon se termine en bassin de nage dont la courbe épouse l’extrémité de la terrasse. J’imagine que quand on est dans l’eau, on doit avoir l’impression d’être suspendu dans la végétation. L’eau y est d’un vert sombre comme les feuilles alentour. Je pose mon sac et sors contempler le paysage. L’hôtel est perdu dans la jungle mais la vue sur la vallée est féérique. Je dois reconnaitre que la prestation est à la hauteur de la description élogieuse que m’en a faite Marie quand elle me parlait encore. Cet hôtel est aussi beau que celui de Chloé. Merde, Chloé, je l’avais oubliée. Elle serait fière de moi si elle me voyait là, entouré d’amis…avec ma nouvelle fiancée, refaisant ma vie sans elle comme elle semblait le souhaiter.

Steve est toujours dans la chambre quand je me retourne. Il montre à une Marie conquise et visiblement sous le charme de l’animal, les diverses installations sanitaires, vantant les mérites des matériaux locaux. J’ai envie de lui dire que ma maison aussi sera entièrement de fabrication balinaise mais je n’en fais rien. Nous n’allons pas faire un concours de quéquettes, j’ai gagnée d’avance. Il la conduit sur la terrasse et lui montre qu’il a réservé la chambre mitoyenne pour la nuit. Sa fiancée préfère dormir dans l’hôtel plutôt que dans le pavillon qu’il occupe au fond du parc. Les chambres communiquent par le bord des bassins. Je me fais d’ailleurs la réflexion qu’il serait simple de se glisser dans l’un pour passer dans l’autre à condition de ne pas avoir le vertige car le passage est étroit et en surplomb.

Marie lui demande quand nous aurons l’honneur de rencontrer sa fiancée et, malgré un petit plissement de la bouche qui ne m’échappe pas, il dit d’un ton réjouit, qu’elle ne saurait tarder. Elle travaille beaucoup et n’a pas pu se libérer pour être là à notre arrivée mais il l’attend d’un moment à l’autre. Son téléphone sonne.

– c’est elle, dit-il, heureux et visiblement soulagé et il sort, nous laissant en tête à tête Marie et moi.

Elle s’empresse de se réfugier à l’autre bout de la pièce où elle déballe son sac et en sort une robe fleurie et colorée que je ne lui connais pas. Elle a du l’acheter pour l’occasion car elle est bien plus habillée que tout ce que j’ai vu chez elle. Quand elle la pose sur le cintre, je distingue l’étiquette qu’elle a omit de retirer. Je m’approche et la félicite d’avoir apporté cette jolie robe. Je lui dis qu’elle sera charmante dedans, même si en ce qui me concerne, je la préfère nue. Pendant que je lui parle, je l’ai attrapé par la taille et presse ses seins dans mes mains. Elle tente de se dégager mais je tiens fermement. Je titille et énerve la pointe de ses seins qui finit par réagir malgré elle. Elle lève les yeux au ciel et s’abandonne. Je profite de cet avantage pour faire rapidement glisser son pantalon et sa culotte et ainsi déshabillé, je l’allonge sur le lit. J’ai relevé son tee-shirt pour dénuder ses seins, son pantalon la dégage jusqu’à mi cuisse. Je n’ai pas besoin de plus. Les parties alléchantes et vulnérables de son corps sont accessibles et je vois bien que malgré son irritation, elle est excitée. Je glisse une main entre ses cuisses, elle est mouillée. Peut-être en rêvait-elle finalement ? Peut-être suis-je ce qui pouvait lui arriver de mieux ? J’ouvre ma braguette et j’en sors ma queue pendant qu’elle soupire. Plaisir, exaspération…peu importe tant qu’elle me laisse faire. Je la pénètre rapidement et nous jouissons tous les deux vite et bien. Marie a gémi vers la fin. Quelques gémissements puissants qu’elle n’a pu réprimer et je vois que cela la dérange. Steve ! Elle craint que Steve ne nous ai entendu. Qu’à cela ne tienne, cette nuit nous allons réveiller l’hôtel. Je me laisse aller sur le matelas pendant qu’elle tente de remettre de l’ordre dans ses vêtements. Je caresse l’idée de la reprendre tout de suite en levrette pour lui montrer qui est le maitre mais je me sens bien. J suis détendu, je n’ai plus envie de bouger. Si nous étions vraiment complices, je lui demanderai une petite pipe pour le plaisir de sentir sa bouche sur ma queue. J’y renonce. Elle va refuser et je vais devoir la baiser à nouveau. Voyant que je ne bouge plus, elle se lève lentement et file dans la salle de bain. Peu après, j’entends la baignoire se remplir et je m’assoupi un moment, bercé par le bruit de l’eau. Quand Marie me réveille, elle est prête, habillée, coiffée et maquillée. Je ne l’ai jamais vu aussi raffinée. Elle est vraiment belle. Je la trouve très séduisante et je le lui dis. Elle se fend d’un petit sourire mais le cœur n’y est pas. Ce n’est visiblement pas pour moi qu’elle a fait tous ces efforts. Je la baiserai bien un petit coup, troussée rapidement sur le lit mais je ne veux pas froisser sa belle robe. Elle me regarde, toujours étendu sur le lit et je ne vois que réprobation dans ses yeux. J’en suis presque choqué jusqu’à ce que je m’aperçoive que je me suis endormi juste après l’avoir baisée, le pantalon descendu, la bite à l’air. Mon membre qui s’est légèrement redressée à sa vue, la fait fuir. Elle détale littéralement. Je l’entends dire qu’on se retrouve au restaurant puis la porte claque, me laissant seul dans la chambre assombrie par le coucher du soleil.

Je traine un moment. Je n’ai pas envie de me presser. Après tout, qu’ai-je à y gagner ? Je vais regarder Marie se trémousser devant Steve toute la soirée et avec un peu de chance, sa fiancée aura plus de conversation qu’une dinde rôtie. C’est le genre de sportif à attirer les blondes stupides, les gourdes, les cruches, les puritaines coincées. Un brushing impeccable, une robe bleu roi très décolletée, des seins déjà siliconées, un sourire aux dents parfaites et la conversation d’un pot de yaourt. Je m’apprête à passer une soirée charmante. Et si je séduisais la fiancée ? Après tout Steve et moi avons sensiblement le même âge et je suis nettement mieux que lui. Il est trop propre, trop parfait. Sa mâchoire carré, son nez un peu large, ses épaules de footballeur, sa carrure d’athlète un peu massive, lui confèrent une impression de bonne santé. C’est un type carré et sans fantaisie. Rien à jeter certes, mais j’ai nettement plus de charme, de séduction et de subtilité. Je m’habille donc comme si c’était moi que l’on présentait à la société ce soir. Un costume Armani sur mesure d’un gris-vert délicieux, une chemise assortie dont la teinte plus soutenue fait ressortir le vert de mes yeux et des chaussures en cuir fauve si bien cirée qu’on dirait des miroirs. Un peu de lotion dans mes cheveux pour les discipliner, un soupçon de parfum, léger et frais et me voilà prêt. Je suis aussi excité que si j’allais à mon premier bal. Ce qui était loin d’être le cas en réalité.

Je me souviens de ce bal organisé à Versailles quand j’avais seize ans. Je rentrais de New York, ayant abandonné ma mère pour retrouver mon père et il avait jugé utile que je sois présenté à la bonne société. Tout le gotha présentait ses rejetons une fois par an. J’en faisais partie. En costume de pingouin, au bras d’une cavalière que je ne connaissais pas et dont les pas malhabiles sur ses talons hauts, disaient, comme moi, à quel point elle aurait souhaité être ailleurs, nous avons descendu le grand escalier de marbre  sans nous rompre le cou. Nous avons valsé sur le parquet craquant comme on nous l’avait appris, sans trop nous marcher sur les pieds. Je l’ai serrée contre moi raisonnablement pour la réconforter, sans lui coller une main au cul comme je l’aurais fait quelques temps plus tard. J’étais ému, j’appartenais à un monde, un monde d’apparence certes, mais c’était mon monde. Martin était là au bras d’une autre, une grande perche maigre et sans charme qui tirait sur son bustier pour cacher ses seins absents. Nous avons bu du punch, mangé des petits fours, assisté à un repas ennuyeux qui n’en finissais pas puis nous nous sommes éclipsé et nous sommes allé nous bourrer la gueule tous les quatre. J’ai découvert que ma partenaire était la fille d’un chanteur de hard rock américain très célèbre. La partenaire de Martin était l’héritière d’un groupe pharmaceutique. Nous étions entre nous, les héritiers du monde. De ce monde qu’on nous offrait sur un plateau, prenant même la peine de nous réunir pour que nos alliances soient parfaites. Alors nous avions fait l’amour, Sharon et moi, d’une façon maladroite mais affectueuse, non parce qu’on nous le devions mais parce que nous ressentions beaucoup de tendresse l’un pour l’autre. Je l’ai dépucelée derrière des buissons, dans l’herbe tendre du printemps. À la fin nous étions couverts de rosée et nous n’étions plus vierges. Nous venions d’être intronisés. C’était un grand moment de ma vie, tendre et émouvant. Ensuite, elle a pleuré parce que nous ne serions plus jamais innocents. Notre bal était fini. Nous étions dans le grand bain et il fallait apprendre à nager. Nous nous sommes revus régulièrement et j’ai toujours autant de tendresse pour elle. C’est une maitresse femme, bardée de diplôme, mariée, à la tête d’une entreprise plus que rentable. Elle est heureuse, du moins c’est ce qu’elle dit. Mais quand elle me regarde dans les yeux, je sais qu’elle se souvient de cette nuit qui aurait du durer toujours et ne jamais avoir lieu et je sais qu’elle se rappelle son innocence, son ingénuité. Elle me rappelle la mienne aussi.

C’est dans cet état d’esprit légèrement nostalgique que je descends vers le restaurant. Toutes les cruches du monde ne pourront pas m’enlever ce que je suis, moi, François-joseph Vaucanson, fils de Charles Vaucanson, capitaine d’industrie, héritier du monde.

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