LA GROTTE DES VOYAGEURS – Chapitre 15

Chapitre 15

268° jour de la saison d’hiver de l’an 2

Nous étions heureux. Notre vie était simple mais toujours remplie. En quelques trajets, j’avais apporté le confort nécessaire à la grotte et Alex avait construit des parois vitrées pour en sceller l’entrée.

Quelques panneaux solaires situés sur la façade sud, dans sa partie la plus escarpée et ensoleillée avaient fournis l’autonomie nécessaire à nos besoins électriques. La roche claire de la grotte et la façade extérieure entièrement vitrée, permettaient une vue panoramique sur toute la vallée et particulièrement sur le lac, qui s’étalait doucement vers l’Ouest. Mais nous ne perdions rien non plus des prairies où paissaient les animaux, des cultures encloses par sécurité, autant que de la forêt, qui assombrissait sans la déparer, la splendide vue dont nous jouissions de notre maison troglodyte. Nous avions confectionné des meubles rudimentaires mais confortables dont Alex tirait une grande fierté. Nos animaux avaient fait des petits (les bêtes d’origines comptaient parmi les « emprunts » que j’avais fait au village). Boulette s’était acclimatée et s’était même prise d’affection pour les chevaux qu’elle côtoyait sans crainte, ne se privant cependant pas de cracher dès que l’un d’eux s’approchait d’elle par surprise. Nous avions trouvé le potager en plein essor anarchique et il n’avait pas fallut longtemps pour le désherber, le biner et l’irriguer. Des plans nouveaux avaient été ajoutés ainsi que quelques arbres fruitiers qui s’étaient tous acclimatés. Nos réserves de nourriture et de viandes en particulier, étaient stockées au fond de la grotte, dans une anfractuosité si fraiche qu’aucun réfrigérateur n’aurait mieux conservé les aliments.

Nos amis étaient venus nous rendre visite – je faisais des allers et retours fréquents dans les différents villages. Martial et Serarpi séjournaient régulièrement avec nous, puis rentraient chez eux, chaque fois heureux de retrouver leur confort et leurs ordinateurs. D’autres aussi s’étaient succédés, pour une journée, une soirée, quelques nuits. Ma capacité à transporter les gens de leur maison à la mienne, était si développée maintenant, que j’emmenait sans difficulté une famille entière, du mur de leur salon, à l’intérieur de la grotte, afin qu’ils soient saisis par la beauté stupéfiante de cette vallée perdue. Ainsi, Shebaa et Horacio, chaque fois qu’ils le pouvaient, emmenaient leurs enfants s’amuser toute la journée dans le bassin dont l’eau ne refroidissait pas, pendant que nous devisions calmement devant la grotte que nous avions parée d’un rustique mais confortable salon de jardin. D’autres amis étaient venus puis repartis, ébahis, émerveillés, mais heureux de rentrer chez eux. Il semblait que cette vallée perdue ne plût réellement qu’à nous. Peu nous importait !

Notre vie ressemblait à un paradis dont nous n’aurions jamais osé rêver, même si mon ventre restait toujours aussi vide et plat. Alex ne se désespérait pas et se dévouait tous les soirs pour accomplir son devoir, disait-il avec un rictus sardonique. Je l’aurais bien giflé si je n’avais pas été aussi heureuse et satisfaite d’une telle attention. Ma table d’illusion ne me manquait pas, moi qui n’envisageais pas une vie sans elle et sans une activité créative. Mes journées étaient rythmées par les besoins des animaux et ceux des plantations, par les récoltes, les confitures, les conserves, les venaisons, les pâtés. Nous avions maintenant un garde-manger qui permettait de tenir un siège, même si j’espérais que nous n’aurions plus jamais à le faire ! Alex m’aidait dans toutes les tâches quotidiennes, à laquelle il ajoutait l’activité de bucheron. Seul point faible de notre mode de vie, la cheminée était gourmande et malgré les gros troncs d’arbres débités rapidement après notre arrivée, il fallait sans cesse renouveler le stock de buches. Heureusement, nous respections le principe édicté par Joshua lors de notre arrivée sur Matria, un arbre arraché, un arbre replanté. Notre forêt comptait toujours autant d’arbres, mais leurs tailles étaient disparates.

J’avais pris l’habitude de me lever tôt et de regarder le soleil envahir peu à peu la combe, irradiant la paroi ouest de sa lumière dorée. J’aimais ce moment translucide entre la nuit et le jour où tout semblait en suspend. La vallée retenait son souffle, espérant la lumière. Même les particules de poussières étaient soudain immobiles. Moi je respirais à plein poumons cet air frais et pur qui ne tarderait pas à se réchauffer au midi.

Dès le deuxième jour, j’avais trouvé une nouvelle pierre irisée et plate, trouée comme les précédentes, elle était cependant beaucoup plus petite. Je la passais dans une fine lanière que j’attachais à mon poignet. A quelques jours d’intervalle, j’en trouvais une autre, toujours sur la même pierre plate, à mi-chemin entre la grotte et la rivière, là ou je m’installais pour regarder le soleil entrer chez nous comme un ami bienvenu. En quelques temps, mon poignet teintait du bruit de clochette des pierres qui s’entrechoquaient à chacun de mes mouvements. Contre toute attente, ce son était apaisant plutôt qu’irritant. Alex me regardait avec curiosité accumuler les jolis cailloux bleutés qui scintillaient quand le soleil les atteignait. Ils étaient pratiquement tous de la même taille.

– tu ne te demande jamais pourquoi tu es la seule à en trouver ? me dit-il un matin où j’enlevais mon bracelet pour y ajouter une douzième pierre trouée, ramassée sur la roche blanche.

– non, j’ai arrêté. Au début, quand j’ai trouvé celles-là, dis-je en montrant le collier qui ne quittait pas mon cou, j’ai pensé à un hasard, puis j’ai imaginé un moment que c’était toi. D’ailleurs, l’une d’elle était dans ta sacoche, dis-je, penaude, car j’avais oublié que j’avais fouillé dans les affaires qu’il m’avait confiée pour trouver des vêtements, avant de le rejoindre dans le camp du nord.

– j’avais tout laissé pour toi, me répondit-il, ne t’inquiète pas. J’ai été heureux de la voir à ton cou quand nous nous sommes retrouvés.

– où l’avais tu ramassée ?

– à l’entrée de la grotte de la plage, juste devant, comme si quelqu’un voulait que je la voie mais je n’en ai jamais trouvé d’autre.

– depuis que nous sommes ici, j’en ai ramassé douze, dis-je en recomptant mes perles de pierre. Je sais que quelqu’un les laisse à mon intention. Ces pierres sont travaillées. On le voit. Elles ont été taillées, polies et percées. Elles ne sont pas là par hasard. Je ne connais pas leur fonction mais je pense qu’elle renforce mon pouvoir. C’est grâce à elle que je peux voyager sans passer par les grottes.

– c’est aussi grâce à elle que nous pouvons communiquer si facilement tous les deux, ajouta Alex en faisant tinter mon bracelet du bout des doigts.

– probablement. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi je continue à en trouver. Que pourrais-je faire de plus ? Je peux me déplacer n’importe où sans avoir besoin d’utiliser les accès traditionnels et je peux communiquer par la pensée…

– tu ne peux pas soulever ou déplacer d’objet…

– non, en effet, bien que je n’aie jamais vraiment essayé…

– en tout cas, j’ai l’impression que plus tu en as, plus tes pensées se diffusent. Je suis étonné que ça ne marche pas dans l’autre sens.

– c’est parce que je ne le veux pas. Nous finirions par vivre dans le silence et cela m’effraie.

– mais moi je n’arrive pas à bloquer tes pensées quand tu es émue, en colère, triste ou heureuse …

– je vais essayer d’y faire attention.

– non, ne change rien, j’adore te sentir heureuse et tu l’es bien plus souvent que triste, depuis que nous sommes ici.

– il faut dire que tu ne me laisse pas trop le choix !

Tout en parlant, nous nous étions rapprochés et nos bouches se touchaient presque pendant que nous parlions. Je regardais, fascinée, l’ourlet de sa lèvre inferieure se retrousser quand il souriait. Il était si séduisant ! Depuis que nous étions installés dans notre domaine, Alex irradiait la joie et le bonheur. Je ne pus m’empêcher de happer sa bouche qui s’ouvrit sous l’assaut et nous nous embrassâmes longuement.

« Et c’est moi qui ne te laisse pas le choix ? »

«  Tais toi et aime moi »

Ce qu’il fit longuement et avec tout l’amour qu’il pouvait me donner.

Allongés dans notre lit, réchauffés par un feu permanent dans la cheminé de pierre que nous avions érigée contre une paroi de la grotte, après que nous ayons fabriqué des tuyaux d’évacuation, j’avais posé ma tête sur le torse d’Alex qui s’assoupissait, et soudain, comme quand nous avions unis nos esprits avec le baveau, je vis ses rêveries défiler dans sa tête. Comme toujours quand l’esprit s’éloigne doucement dans le sommeil, les pensées s’enchainent sans grande cohérence. Je revis certaines des images douloureuses de son passé auxquelles se mêlaient des pensées plus sereines, émanant de notre vie actuelle. Plus il s’enfonçait, plus les images devenaient rapides et saccadées. J’allais enlever ma tête et m’abandonner au sommeil, quand l’une d’elle me fit sursauter. C’était un visage d’homme. Un visage d’une grande beauté mais dont le regard était si dur ! Je ressentis la détresse d’Alex en même temps qu’il poussait un petit soupir de douleur dans son sommeil. Je me rejetais vivement en arrière pour couper le contact, ce qui le réveilla.

– que se passe-t-il ? me demanda-t-il, encore brumeux.

– rien, dort, lui répondis-je.

Je devais d’abord calmer les battements de mon cœur avant de lui parler car cet homme, je le connaissais, du moins je pensais le connaitre. La ressemblance laissait peu de place au doute. Cet homme qui semblait tant effrayer Alex était mon frère Zeldon, j’en étais pratiquement sure. Il ressemblait énormément à ma mère dont il tenait son front altier, son regard perçant et ce nez si droit qu’on aurait pu poser une règle dessus. Même la forme du visage appartenait à ma mère. Comment Alex pouvait-il connaitre Zeldon ? Je lui avais pourtant parlé de lui et il n’avait pas réagit quand j’avais prononcé son nom.

Je me levais doucement pour ne pas troubler son sommeil et je m’activais un moment au potager que nous avions dû clôturer pour que les chevaux, qui vivaient libres dans la journée, ne croquent pas nos somptueux légumes. Les autres animaux avaient de grands enclos dans les prairies du sud mais je n’avais pas pu me résoudre à y parquer Gazelle et son compagnon. Ma jolie jument était d’ailleurs pleine et ne tarderait probablement pas à mettre bas. Eux aussi avaient employé utilement leur temps de liberté !

Je ruminais de sombres pensées autour de ma famille quand Alex arriva.

– ça n’a pas l’air d’aller ? me dit-il tendrement. Tu sembles troublée.

Je n’avais pas envie de parler mais je ne souhaitais pas non plus que mes pensées lui parviennent. Je ne savais pas s’il me cachait quelque chose. J’étais soudain inquiète et méfiante.

– c’est à cause de cette image dans ta tête. Dis-je finalement.

– qu’elle image ? me répondit-il, étonné.

– celle de cet homme très beau qui était dans ton rêve !

– je ne vois pas de qui tu parles, dit-il comme s’il fouillait son cerveau à la recherche d’un souvenir enfoui.

– tu as rêvé de lui tout à l’heure, l’image a été très fugace mais tu avais l’air d’avoir peur.

– peur de cet homme ? dit-il, interloqué.

– oui, j’ai senti des sentiments très forts de haine mais aussi de terreur, dis-je en lui projetant l’image de l’homme à laquelle se mêlait les souvenirs que j’avais de Zeldon.

Alex se retourna d’un bond et quitta le potager en laissant la barrière ouverte, ce qui attestait de son trouble. Je le suivis en refermant l’enclos derrière moi. Il s’arrêta au bord de la rivière que nous avions barrée d’un joli pont en bois qui nous permettait de ne plus la traverser en nous mouillant les pieds. Accoudé à la rambarde, il regardait sombrement dans l’eau.

– Alex, ça va ? Dis-je inquiète de ce que ma demande avait réveillé en lui.

– Il s’est passé tellement de choses…

– tu n’es pas obligé de me raconter…

– je voudrais bien mais…cet homme, dit-il en me renvoyant l’image mentale de mon frère, c’était le diable. Il dirigeait l’expédition qui m’a amené sur Matria. J’avais confiance en lui. C’était un haut gradé. Il sortait de l’école politique, tout comme moi et je pensais que nous étions amis. C’est pour être avec lui que je suis parti sur Matria. Je pensais que nous allions travailler ensemble, moi à la préservation des œuvres de l’humanité et lui à la mise en place d’un mode de vie pacifique sur cette planète. Mais à peine étions nous arrivé, que nous avons entendu parler du Mitreion. Les premiers colons l’avaient découvert peu de temps avant et certains avaient développé des pouvoirs très rapidement. Les membres du gouvernement, restés sur la terre, ont donné l’ordre d’en extraire et d’en stocker le plus possible. Ils voulaient en posséder une très grosse quantité quand ils arriveraient sur Matria. En fait, je pense que leur idée était de vider toutes les mines afin de détenir tout le minerai de la planète. Cet homme s’appelait Ménaral…

Je sursautais en entendant ce nom car c’était celui de mon père. Maintenant j’en étais sure, il s’agissait bien de mon frère !

– tu le connais ? dit Alex.

– je pense qu’il s’agit de mon frère Zeldon. Ménaral était le nom de notre père !

– tu es sure ? dit-il incrédule.

Mais je choisis de ne pas répondre et le pressais :

– Continu, que s’est-il passé alors ?

– les hommes ne voulaient pas aller travailler dans les mines. Ils n’étaient pas venus pour ça. Alors Ménaral les a tous trahis. Il a fait venir des gardes armés par le convoi suivant et les mineurs se sont tous retrouvés en esclavage. Le commandant Farahawk est arrivé et à eux deux, ils ont fait régner la terreur sur la planète jusqu’à la rébellion qui nous a conduit à fuir comme des misérables.

– et qu’est devenu Ménaral ?

– je ne sais pas. La bataille était très confuse. Il faisait nuit. Je me souviens l’avoir vu abattre de sang froid tout ceux qui passait autour de lui. Il était monté sur une tourelle et tirait sur touts les hommes, même les siens. Puis, soudain, il a disparu.

– comme moi ? m’écriais-je.

– je ne sais pas mais c’est possible après tout. Il était là, et tout d’un coup la tourelle était vide.

– tu peux essayer de le visualiser s’il te plait ? Ferme les yeux et pense à son visage…

– pourquoi ? me dit Alex au désespoir.

– je voudrais vérifier quelque chose…s’il te plait. Je sais que c’est douloureux mais c’est important.

– d’accord dit Alex, résigné.

Il ferma les yeux et je posais ma tête contre sa poitrine. J’entendais les battements de son cœur qui s’emballait sous le coup des émotions violentes qui le traversaient. Je sentais sa peur, elle était si forte ! Sa colère aussi et ce sentiment terrible que l’on ressent quand on a été trahi par un être proche : un mélange de stupeur, d’incrédulité et de haine. Puis le visage apparu. Au début, les images se succédaient à une grande vitesse

– essaie de le revoir vers la fin, une des dernières fois où tu l’as vu…

Le visage devint plus bronzé, ses traits durcirent et je vis ce que je cherchais. Ses yeux n’étaient pas bleus, ils étaient verts comme les miens.

– tu as vu ? dis-je, effrayée et excitée en même temps.

– quoi ?

– ses yeux !

– oh mon dieu, ils sont verts ! Il a les mêmes pouvoirs que toi !

– probablement plus encore, car il est là depuis plus longtemps et son organisme doit être gorgé de Mitreion ! dis-je, troublée, incapable de juguler la joie que je ressentais malgré les propos sombres d’Alex. Comment vous êtes vous connu ? ajoutais-je.

– je n’ai pas vraiment envie de parler de tout ça, Zellana, c’est du passé.

– mais c’est important pour moi ! Tu te rends compte, je viens de découvrir que mon frère est en vie. Peut-être sait-il ce qui est arrivé à Morel et à nos parents ! Il faut que je le retrouve !

– tu n’y parviendras jamais ! s’écria Alex, certainement plus fort qu’il ne l’aurait voulu.

– je dois au moins essayer !

– mais tu ne connais pas cet homme, tu ne sais pas ce dont il est capable !

– je ne peux pas croire qu’il soit devenu si mauvais. C’est mon frère, je l’aimais énormément et il m’adorait. C’était un jeune homme plein d’espoir, toujours joyeux. Quand je suis partie, il devait intégrer l’école politique. Malheureusement je n’ai plus eu de nouvelles de ma famille. C’était la volonté de l’Académie. Puis j’ai appris par une élève qui venait d’arriver, que la grotte où nous vivions s’était effondrée. J’étais anéantie. Je pensais les avoir tous perdus. Et maintenant, je découvre que Zeldon est vivant, enfin Ménaral !

– je comprends ce que tu ressens zellana, mais crois moi, tu te trompes sur cet homme. Même s’il s’agit bien de ton frère, il ne ressemble plus du tout au jeune homme que tu aimais. C’est devenu un monstre. Farahawk est un tendre à côté de lui. Il a mené des batailles sanglantes et il n’a jamais hésité à tuer un homme ou à lui faire du mal.

 En disant cela, Alex dégageait une souffrance si profonde que j’ôtais ma tête et m’écartais de lui malgré moi.

– je suis désolée Alex. Je ne voulais pas te faire revivre ces souvenirs terribles…

– qu’as-tu vu ? dit-il, visiblement affolé.

– rien, j’ai juste ressenti ta douleur. Elle était si violente que j’ai rompu le contact.

Je le vis soudain se décomposer et éclater en sanglots convulsifs et irrépressibles. Je le serrais contre moi de toutes mes forces pour lui apporter du réconfort. Il semblait détruit, ravagé. Je ne le reconnaissais pas. Je le berçais longuement comme on berce un enfant qui ne peut calmer ses pleurs, tout en me gardant bien de sonder son esprit. Il ne fallait pas que ses sombres souvenirs échappent à son contrôle. Finalement, l’aidant à se relever, je le ramenais jusqu’à notre chambre ou je lui fis prendre un sirop de plantes apaisantes que nous avait donnée Mafalda.

Je le couvais ainsi durant toute l’après-midi. Son sommeil agité me faisait peur. J’avais le sentiment qu’il n’allait jamais revenir, que je l’avais perdu encore une fois. Pourquoi ne pouvions-nous vivre en paix ? Pourquoi fallait-il toujours que le malheur fasse irruption au moment où nous avions baissé notre garde ?

A la tombée de la nuit, je fis rentrer les chevaux dans leur écurie et tous les animaux que nous parquions, dans une autre grotte, proche des prairies. Nous avions découvert des traces d’un félin des montagnes dans la terre meuble de la rivière. Il était probablement venu se désaltérer et chercher à se nourrir. Le gibier abondant de la vallée devait certainement lui suffire, mais nous ne voulions pas prendre le risque qu’il décime nos troupeaux.

Ensuite, je retournais à la maison où je trouvais Alex assis dans le lit, frottant vigoureusement son visage de ses deux mains, comme s’il chassait le brouillard de sa tête et de ses yeux.

– j’ai dormi longtemps ? demanda-t-il dès qu’il me vit.

– un peu…

– il fait nuit !

– oui, je viens de finir de rentrer les bêtes. J’allais préparer le repas.

– laisse, dit-il en sautant du lit d’un bond, ce qui lui fit presque perdre l’équilibre car il n’était pas encore très assuré sur ses jambes. Je vais m’en occuper.

– je sais que je cuisine mal, mais pas au point de te faire sortir du lit en courant tout de même, dis-je pour détendre l’atmosphère. Je le soutins jusqu’à la cuisine où il se laissa tomber sur un des hauts tabourets que nous avions fabriqués ensemble.

– ça va aller Zellana, cesse de te faire du souci pour moi. J’ai des crises comme celle là de temps en temps, mais elles passent vite.

Il se leva et s’appuyant contre la paillasse de bois hydrofuge que nous avions polie et traitée jusqu’à ce qu’elle devienne quasiment imputrescible, il commença à préparer le repas.

– il faudra tout de même que nous en parlions…

– non, nous n’en parlerons plus jamais. Je veux oublier tout ça. Je ne veux plus jamais me souvenir. Regarde dans quel état cela me met !

Il criait presque. Ce n’était pas l’homme que j’aimais, c’était une bête traquée que l’on accule et qui se défend.

– d’accord, nous n’en parlerons plus.

– plus jamais ! reprit-il durement.

– d’accord, plus jamais. Dis-je d’un ton résigné.

Je savais ce qui me restait à faire. Je devais extraire les informations dont j’avais besoin par moi-même mais il ne devait jamais le savoir sinon il ne me le pardonnerait pas. Peu importait ce que j’allais découvrir, je devais savoir qui était mon frère, ce qu’il était devenu et voir si je pouvais, dans les souvenirs d’Alex, récolter des indices pour le retrouver.

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