A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Quatrième Partie – Chapitre 2

Chapitre 2

264° jour de la saison de printemps de l’an 1

Je remontais le chemin en direction du portail et m’arrêtais devant le poste où se trouvait Alex. Pratiquement enterrés, ne disposant que d’une meurtrière horizontale permettant le tir, les postes étaient fortement blindés eux aussi.

Je tapais à la porte et après une rapide inspection, elle s’ouvrit. Alex m’attira à l’intérieur et m’embrassa fougueusement.

– j’espérais que tu allais venir, dit-il dans un souffle. Je n’ai pas pu t’embrasser en partant tout à l’heure et j’étais désespéré.

– je suis là maintenant.

– je vois, dit-il en glissant ses mains brulantes sous ma robe et en me plaquant contre la paroi.

Je le laissais faire. Nous ne connaissions pas l’issue de cette journée et si je ne devais plus jamais le revoir, je voulais garder le souvenir de notre denier moment d’amour. Ce fut une éteinte rapide mais d’autant plus passionnelle que cela pouvait bien être la dernière. Je me sentais si bien dans ses bras que j’aurai voulu y rester, mais la voix de Serarpi retenti dans le communicateur :

– ils viennent de passer la quatrième balise. Vous devriez les voir au sommet du chemin maintenant.

En effet, sur l’écran de contrôle qui éclairait faiblement l’abri, nous vîmes les hommes apparaitre, toujours regroupés et déterminés dans leur course farouche.

– il faut que j’y aille, dis-je en m’arrachant au bras puissant d’Alex, je dois me rendre à mon poste.

– vas, ma belle, vas ! Tu as ton arme ? me dit-il en reboutonnant prestement le haut de ma robe et en rajustant mes bretelles.

Dans l’affolement général, je n’avais pas pris le temps de me changer et d’enfiler une tenue plus adaptée au combat, il était trop tard maintenant pour s’en préoccuper.

– tout est là haut sur la plateforme, lui répondis-je en l’embrassant amoureusement.

– sois prudente…jure le moi ! Ses mains courraient encore sur moi pour garder le contact et j’avais du mal à m’en arracher.

– je te le jure !

– je t’aime ! ajouta t-il en m’enlaçant si fort que j’en perdis le souffle.

– moi aussi je t’aime, quoi qu’il arrive ! lui répondis-je en blottissant mon visage dans son cou pendant que mes mains le repoussait.

Il allait ajouter quelque chose, me retenir peut-être, mais je ne lui en laissais pas le temps. Je le bousculais presque et m’enfuis. Il n’y avait pas d’autre solution. Son attraction était si forte qu’elle me vidait de ma volonté.

Soudain, j’étais dehors et je courrais vers le portail. Strom et Mayok, postés chacun sur une plateforme au sommet du portail, m’encouragèrent à grimper l’échelle de bois clouée le long de la paroi. Je rejoignis ma propre plateforme dont l’avant, comme les leurs, avait été renforcée par d’épaisses plaques de métal. Martial et Mayok, aidé de Sorel, avaient conçu un astucieux système de plaques rabattables qui pouvaient en un seul mouvement former autour de nous une protection totale. Nous nous retrouvions enfermés dans de petites boites métalliques dans lesquelles nous ne pouvions tenir debout mais elles étaient blindées et résistantes à la chaleur…jusqu’à une certaine limite ! J’espérais ne pas avoir à en arriver là mais je posais tout de même ma main sur la poignée qui déclenchait la fermeture de l’abri. De mon poste d’observation, par la fente taillée dans le bois, je voyais distinctement les hommes qui se rassemblaient maintenant en rangs serrés et organisés. Ils étaient immobiles et leur grand nombre les rendait encore plus inquiétants que quand ils courraient. Leur organisation parfaite dénotait une rigueur militaire dont je ne les aurais pas crus capables. L’homme en vert se posta devant eux et leur parla brièvement. Sa voix n’était pas assez forte pour que nous le comprenions mais nous l’entendions. Il ne criait pas, il parlait vite, des phrases courtes, des ordres. Puis il se tourna vers le village dont il ne pouvait voir que la palissade. Son regard parcouru la forêt alentours puis revint sur le portail. Il donna un ordre sec et une douzaine d’hommes se détachèrent de la formation et s’avancèrent derrière lui le long du chemin. Son pas cadencé et militaire donnait le rythme aux autres qui suivaient dans sa foulée. Serarpi avait raison de parler de machine, ils étaient presque irréels tant leur symétrie était parfaite.

Arrivé à proximité du portail, exactement à l’emplacement de la cinquième balise, l’homme s’arrêta et dit :

– Déserteurs ou qui que vous soyez, je vous demande d’ouvrir cette porte ! Vous êtes installés illégalement sur ce territoire qui ne vous appartient pas. Le gouvernement nous a chargés de vous ramener à Materia où vous serez réaffectés sur d’autres sites. Je vous donne quelques secondes pour ouvrir la porte avant que nous ne donnions l’assaut.

Un lourd silence s’installa. Ils étaient tous parfaitement immobiles et formaient un bloc compact dont l’homme en vert se détachait à peine. J’attendis un peu, juste un peu, le temps de reprendre mon souffle et de masquer ma peur puis, quand je sentis qu’il n’attendrait plus, je me levais, montais les quelques marches qui me séparais du haut du portail et apparu à leur yeux. Je vis la surprise apparaitre sur leurs visages et je supposais qu’ils s’attendaient à voir un homme et non une jeune femme en robe légère et sans arme.

– Monsieur, sachez que nous avons entendu votre demande mais que nous sommes au regret de ne pouvoir y répondre favorablement. Ma voix tremblait un peu au début mais je me raisonnait et y mis tout mon courage. C’est d’une voix plus forte et assurée que je poursuivis :

– Nous vivons ici depuis déjà longtemps et nous n’avons en aucun cas l’intention d’abandonner notre village. Votre gouvernement n’est pas le notre. Nous l’avons désavoué le jour où il a décidé de nous exterminer. Cependant, nous ne désirons pas entrer en guerre avec le gouvernent ni avec vous. Nous sommes une communauté pacifique. Nous vous proposons donc de vous laisser repartir sain et sauf et de porter ce message à Materia : Nous n’abandonnerons jamais notre village!

Les hommes se mirent à rire malgré eux mais l’homme en vert les arrêta d’un geste de la main.

– vous me semblez bien jeune, mademoiselle pour parler au nom de tous.

– l’âge n’a pas une grande importance aujourd’hui, ne croyez vous pas Monsieur ?

– puis-je connaitre votre nom et votre fonction ?

– bien sur si vous en faites de même.

– je suis le commandant Farahawk, Chef des Armées coloniales de Matria.

– Commandant Farahawk, je suis Zellana, chef du village.

Il ne pu s’empêcher de rire et d’ajouter :

– j’espère que vous n’êtes pas la plus âgée, je m’en voudrais d’attaquer un village de fillette.

Je ne répondis rien et laissaient les hommes à leur hilarité vulgaire.

– bien, Mademoiselle Zellana, pourriez vous je vous prie ouvrir ses portes. Il serait dommage de les détruire…et vous avec. Nous avons d’autres projets pour les jeunes femmes telles que vous…

Les hommes avaient rompus l’alignent parfait et riaient à gorge déployée. Une jeune femme tentait de leur tenir tête. Ils n’avaient probablement jamais vu ça.

– Monsieur, je vous le redis pour la dernière fois, repartez avec vos hommes et il ne vous sera fait aucun mal, sinon je me ferai un plaisir de vous tuer de mes propres mains.

A ces mots, les hommes cessèrent de rire et le commandant s’inclina cérémonieusement devant moi :

– il en sera fait selon votre volonté, dit-il. Il se retourna et donna l’ordre à ses hommes de faire demi-tour. En rang serré et discipliné ils remontèrent en haut de la colline. Je rejoignis ma plateforme en tremblant sous le coup de l’émotion et les observais à travers la fente.

– tu crois qu’ils vont s’en aller ? demanda Strom, légèrement en contre bas.

– non, bien sur que non mais nous allons nous battre ! lui répondis-je en retrouvant ma combativité. Préparez vous ! Dès qu’ils arriveront, tirez sans discontinuer !

J’appuyais sur le bouton du communicateur et je dis :

– tout le monde est prêt ?

– oui, répondirent de multiples voix. On va les massacrer, ajouta celle d’Alex qui me réconforta.

– je ne connais pas leur stratégie, mais ils ne vont probablement pas arriver à découvert, clama Martial.

En effet, pendant que nous parlions, trois colonnes se formaient dans une rigueur militaire. L’une se dirigea immédiatement vers nous pendant que les deux autres se séparaient vers les cotés de la palissade. Nous avions prévu cette éventualité et nous nous y étions préparés.

– est-ce que je peux tuer leur chef ? demanda la voix d’Amozzo, posté sur la tourelle la plus proche de moi et armé d’un redoutable fusil.

– non, on attend…

– Zellana, tu vois bien qu’ils ne s’en vont pas ! je l’ai dans mon viseur, me supplia-t-il.

– je sais, mais nous ne tirerons pas les premiers, c’est compris ?

– compris !

Soudain, tout se déchaina. Les hommes commencèrent à courir pendant que des lance-roquettes envoyaient des fumigènes presque au pied du portail. En quelques secondes, nous étions dans le brouillard le plus complet.

– j’aurai du tirer quand je l’avais encore en visuel, protesta Amozzo.

– on attend, personne n’a encore fait feu.

– mais on ne voit rien…

– ne vous inquiétez pas, on les verra quand ils seront à porté de tir.

Je fis signe à Strom et Mayok de déployer leur bouclier avant d’en faire de même. Dans ma petite boite, il faisait chaud et cela n’allait pas s’arranger si je devais y demeurer un moment. Je pris le fusil posé à mes coté, l’armais et attendis. Soudain un bruit de pas réguliers m’alerta :

– les voilà, je murmurais dans le communicateur.

Puis, une immense flamme s’éleva dans les airs et vint percuter le portail. Je ne pouvais voir ses effets sur le bois mais je savais que nous avions du temps malgré la puissance du feu. Ce bois imputrescible résistait au feu naturellement mais nous avions renforcé sa protection par une préparation confectionnée par Joshua.

Je vis plusieurs autres flammes se diriger vers nous alors j’appuyais sur le bouton et je criais :

– c’est notre village, ils ne nous le prendront pas. Feu à volonté !

Les coups de feu retentirent de toutes les tourelles et une des flammes s’arrêta en même temps qu’un cri retentissait. Un homme avait été touché et je m’en réjouis. Des roquettes venant de l’intérieur survolèrent le portail et vinrent exploser dans la masse brumeuse. Des cris encore, puis des tirs violents ébranlèrent le portail sans l’entamer cependant.

La bataille dura ainsi un moment sans que la situation semble évoluer. Nous tirions tous de nos postes sans aucune visibilité pendant qu’ils canonnaient le portail et que les lance-flammes continuaient leur travail de destruction. Soudain une voix retentit :

– ils pilonnent le coté Ouest !

Je reconnus la voix de Nuncio.

– et le flanc Est aussi, dit une vois que je n’identifiais pas.

– il faut renforcer les tirs de roquette !

Les explosions se succédaient. Soudain je vis une forme verte apparaitre partiellement dans la brume qui commençait à se dissiper dans l’air marin. Je visais et tirais sans succès.

Respire, me disais-je pour me calmer, rappelle toi ton tir parfait. Respire et tire.

Je repris mon observation et repérais à nouveau la combinaison verte. J’ajustais mon tir, fermais les yeux, pris une profonde inspiration et tirait droit devant. Un cri et la forme s’affaissa.

– tu l’as eu ! cria une voix qui grésillait.

– continuez à tirer, ne vous laissez pas distraire, ils ne nous ferons aucun cadeau ! répliquais-je.

J’entendais le sifflement des roquettes au dessus de moi. Soudain la voix de Martial retenti :

– descendez du portail, ils vont l’avoir, ne restez pas là haut ! Il y a déjà presque une brèche en bas ; filez tant que vous pouvez encore ! Zellana, pour une fois fais ce que je te dis ! Descend de là et va te mettre à l’abri !

J’ouvris prudemment l’habitacle qui me protégeait et me laissais glisser le long de l’échelle en même temps que mes camarades. Plusieurs cercles incandescents commençaient à grandir dans le portail et bientôt des trous apparaitraient, nous rendant vulnérable. Je couru à toute vitesse vers l’abri d’Alex qui m’ouvrit la porte et me laissa entrer.

– pas mal le discours…inutile mais bien tenté.

– il le fallait !

– je sais, tu as eu raison. Tiens, prends ce fusil, me dit-il en me tendant une arme énorme. Au fait, joli le tir dans le brouillard ! J’aurai du te croire ce matin.

J’avais les yeux rivés sur le portail qui commençait à céder par endroit et je regrettais tout ce beau bois qui brulait à cause de la bêtise humaine.

Tout autour de nous, les tirs continuaient et un feu nourrit tombait sur nos assaillants quand nous commençâmes à recevoir les premiers obus. L’un d’eux tomba très près de notre abri, faisant retomber une pluie de terre dont le bruit impressionnant nous assourdit un moment.

– bon sang, dit Alex, ça tourne mal.

Pendant qu’il envoyait ses roquettes les une après les autres, je me postais le long de la meurtrière munie du lourd fusil que je peinais à tenir droit. Le portail brulait maintenant et toutes ses résistances lâchaient. Bientôt, il leur suffirait de passer par les brèches ouvertes par le feu. Mais nous eûmes beau attendre, il ne se passa rien. Sur l’écran de contrôle, le brouillard s’intensifiait à nouveau.

– comment font-ils pour se repérer dans cette purée de pois ? demandais-je abasourdie.

– ils ont des masques spéciaux…j’aurai du y penser, m’expliqua Alex. Ils peuvent y voir et respirer sans difficulté…

– ils attaquent de tous les cotés, hurla Nuncio. La palissade va bientôt ressembler à un gruyère !

– Serarpi ! criais-je dans le communicateur.

– oui, j’y vais.

– cessez le tir ! dis-je à tous.

Pendant un instant, le silence régna et il était terrifiant. On n’entendait plus que les crépitements du bois qui brulait un peu partout, puis le rayon vert arriva du ciel, d’un seul coup et il longea la clôture à l’extérieur, comme s’il voulait l’éclairer, puis des hurlements retentirent.

Quelqu’un cria :

– ils se replient !

– attend avant de crier victoire, me dit prosaïquement Alex. Ils n’en n’ont pas fini. Tant qu’il en restera un seul vivant, il se battra. Ce sont des machines. Ils ne ressentent pas la douleur. Même sur une jambe, ils se battraient. Comme un poulet sans tête qui continuerait à courir.

– qu’allons-nous faire ?

– je ne sais pas, je ne suis pas un stratège de guerre mais ils vont revenir. Tu peux me croire.

– Serarpi, tu les vois ?

– non, la fumée s’ajoute au brouillard artificiel. Je ne distingue que des formes mouvantes.

– que font-ils ?

– certains semblent être retournés en haut du chemin mais je distingue très mal. Je continue à activer le laser mais je ne suis pas sûre qu’il y ait encore quelqu’un en dessous, répondit-elle en baladant le laser à l’extérieur, élargissant un peu le périmètre sans pour autant atteindre la zone où les navettes étaient dissimulées.

– concentre toi sur les lance-flammes, lui cria Nuncio. Si on pouvait maintenir encore un peu de protection, ce serait bien…

– d’accord, dit-elle, et l’on vit le rayon repartir le long de la clôture et les cris reprirent.

– je monte sur la colline avec le laser dit Serarpi.

– d’accord, dégomme tout !

Soudain elle s’écria avec effroi :

– je ne vois rien…on dirait qu’ils ont disparu !

– c’est impossible, ils étaient là il y a quelques minutes ! répondit Martial qui était sur la tourelle à gauche du portail.

– je ne vois plus rien bouger ! criait toujours Serarpi dans le communicateur.

– arrêtez tout, criais-je, arrêter de tirer ! Serarpi, arrête le laser ! Attendons que le brouillard se dissipe !

Le rayon s’éteignit comme une lampe que l’on coupe et les tirs cessèrent. Dans le silence pesant, nous tentions de distinguer ce qui se passait de l’autre coté de la palissade mais plus rien ne bougeait, les hommes s’étaient volatilisés.

– Alex, tu comprends ce qui se passe ?

– non, c’est impossible, ils n’ont pas pu disparaître, ils doivent être cachés quelque part à proximité. Ils ne peuvent pas être loin.

– les navettes ! Ils ont du se réfugier sous les filets qui masquent les navettes. Ils devaient savoir depuis le début qu’elles étaient là ! criais-je dans l’intercom.  Nous n’aurions pas du les recouvrir ! Là où ils sont, on ne peut pas les atteindre sans faire exploser les navettes.

– peu importe, faisons tout péter, hurla Martial.

– non, pas encore, seulement si nous n’avons plus d’autres solutions. Nous pouvons encore en avoir besoin.

– Zellana, ils peuvent tenir un siège comme ça, sans compter que d’autres hommes peuvent encore arriver !

– laissez-moi réfléchir…je suis preneuse de toutes les bonnes idées qui épargneraient les véhicules.

– il y aurait bien une solution…dit Alex comme s’il se parlait à lui-même.

– dis-moi !

– non, c’est stupide, laisse tomber, on ne peut pas savoir comment ça va tourner après…

– de quoi parles-tu ?

– rien, de rien, je réfléchissais, c’est tout.

– ah ! Si les baveaux pouvaient venir sur terre, je suis sure qu’ils nous aideraient.

– Alors, là, tu dis vraiment n’importe quoi ! Ce sont des animaux sauvages, pourquoi nous aideraient-ils ?

– parce qu’ils l’ont déjà fait. Je les ai vu tout à l’heure, il y en a une grande concentration près de la plage.

– tu n’as rien de plus réaliste à proposer ?

– non, je ne suis pas stratège de guerre moi non plus.

J’appuyais sur l’intercom et je repris la parole :

– écoutez, je ne sais pas ce que nous pouvons faire mais nous devons agir. Plus nous leur laissons de temps, plus nous courrons le risque d’être débordés à la prochaine attaque. D’autre part, il faudrait que certains d’entre vous essaient d’éteindre le feu du portail. Je sais que cela vous mettra à découvert, mais nous n’avons pas le choix. Nous devons à tout prix empêcher qu’ils pénètrent dans le village ! Serarpi, tu ne vois toujours rien ?

– non, aucun mouvement et ça m’inquiète…et s’ils avaient trouvé une des entrées ?

– Joshua, tu peux te rendre dans les sous-sols pour voir ce qui s’y passe et faire une inspection des portes ?

– j’y vais.

– je viens avec toi, dit la voix de Sofram, un ancien garde du gouvernement.

– bien, tous ceux qui sont dans les tourelles restent à leur poste, votre position est essentielle. Prévenez nous si vous repérez un mouvement. Je vais sortir pour arroser le portail. Tous ceux qui me rejoindront doivent prendre leur communicateur portable, ajoutais-je.

– on arrive, répondirent plusieurs voix.

Alex ouvrit prudemment la porte. Autour de nous le spectacle était désolant : d’énormes cratères grêlaient le chemin et la terre alentour. Quelques maisons brulaient, leurs jardins détruits. Une épaisse fumée noire commençait à envahir le ciel, assombrissant cette belle journée quasi estivale et rendant l’air lourd et suffocant. J’avais envie de pleurer devant ce paysage d’apocalypse mais il y avait plus urgent. Je courus au bassin de retenu et fixais un tuyau que je tirais jusqu’au portail qui brulait toujours. Le bois émit de petits crépitements quand l’eau glacée commença à couler sur les ronds incandescents. Plusieurs hommes me rejoignirent et chacun arrosait une brulure dans le portail et dans la palissade à proximité de l’entrée. Nous n’étions pas assez nombreux pour couvrir toute la longueur de la palissade et je désespérais que nous parvenions à endiguer tous les feux alors je dis :

– la prochaine fois, nous construirons une fortification en pierre, même s’il faut aller dans la chaine de montagne pour ramener des pierres ! Nous sommes trop vulnérables !

Cela fit rire Alex qui dit :

– eh bien au moins tu gardes espoir. C’est bien, je pense que c’est comme ça qu’on gagne une guerre !

– nous ne sommes pas de taille mais je refuse d’abandonner. De toute façon, quelle alternative avons-nous ? Si nous nous rendons, ils massacreront les hommes et probablement les enfants et nous réduiront en esclavage ! Je refuse d’être venue jusqu’ici pour subir ça !

Alex me regarda soudain d’un air déterminé puis il ajouta :

– ça n’arrivera pas, Zellana, je te le promets. Il faut que j’aille faire quelque chose, j’en ai pour quelques minutes. Je reviens !

Il disparu en courant avant que j’ai le temps de l’interroger. Je continuais à arroser le bois qui noircissait au contact de l’eau. Mais les dégâts étaient énormes et irréparables. Il suffirait d’un homme seul armé d’une masse ou d’un bélier pour percer le bois brulé. La protection n’était plus. Nous devions nous replier dans les abris.

– Serarpi ? Toujours rien ? m’écriais-je désespérée.

– non, je ne comprends pas ce qu’ils font. Je ne vois aucun mouvement. Peut-être en avons-nous tué plus que nous ne le pensions…

– est-ce qu’il y a des corps sur le sol ?

– non, je n’en vois aucun mais la fumée est toujours aussi dense.

– même le commandant ?

– non, désolée, tu as du le blesser…

– écoutez ! repris-je à l’attention de tous, je ne sais pas ce que nous pouvons faire mais je vous promets que je me battrais jusqu’à la mort. Serarpi ?

– oui ?

– balaies le long de la palissade avec le laser, ça les empêchera d’approcher !

– d’accord.

– à tous, reprenez vos postes et tenez-vous prêt !

– mais on attend quoi ? demanda une voix anxieuse.

– je ne sais pas…

– Zellana, dit la voix de Joshua ;

– oui ?

– les sous-sols sont OK, tout le monde va bien. On se dirige vers les portes extérieures.

– d’accord, tenez-nous au courant.

Je réintégrais l’abri et me demandais ce que faisais Alex quand la voix de Serarpi retentit :

– ils reviennent, je les vois, ils tirent un engin que je ne distingue pas. Je vais essayer de le bruler avec le laser.

Sur l’écran de contrôle, je regardais le laser se déplacer vers l’intérieur des terres et se poser sur la troupe d’homme qui marchait vers nous, puis la voix de Serarpi retentit à nouveau :

– ça ne sert à rien ! On dirait qu’ils ont un bouclier ! Le laser ricoche dessus. Ils continuent à avancer ! Vous les voyez ?

– je les distingue, dit Martial du haut de sa tour.

– alors tirer ! criais-je dans l’intercom.

Les tirs reprirent mais les hommes semblaient protégés par l’engin qu’ils tractaient derrière eux. Ils n’étaient pas plus d’une vingtaine sous ce dôme qui apparaissaient à la lumière verte du laser.

– ça ne sert à rien, les balles ne pénètrent pas la protection, les lance-roquettes non plus ! Gardez vos munitions, dit Nuncio.

– cessez le feu, criais-je.

Le silence revint à nouveau et nous observâmes les hommes avancer lentement sous le laser qui les suivait lentement sans les atteindre. A une cinquantaine de mètres du portail, ils s’arrêtèrent et commencèrent à s’agiter sous leur dôme. La fumée était toujours présente mais elle se dissipait. Ils n’allaient probablement pas tarder à tirer d’autres fumigènes. Soudain la voix de Joshua retenti en même temps que des coups de feu :

– ils sont entrain d’ouvrir la porte de la forêt. Nous ne sommes pas assez nombreux ! S’ils attaquent les trois portes en même temps, nous ne pourrons pas les retenir longtemps !

– je viens ! cria Julianne.

– moi aussi ! dit Daïa.

– nous aussi, crièrent d’autres femmes.

– non, restez dans le stock, vous êtes à l’abri, hurla Joshua mais le tumulte qui suivit démontra qu’il n’avait pas été écouté.

Des coups de feu éclataient dans l’intercom et nous ne pouvions suivre le déroulement des combats que quand l’un d’entre eux nous donnait des indications sur ce qui se déroulait dans les sous sols.

Ils sont entrés ! hurla Daïa. Son cri fut suivit de nombreuses salves de tir et quelques temps plus tard sa voix reprit :

– c’est bon, j’en ai repoussé quelques uns. Je garde la porte Ouest.

– je suis à la porte Sud dit Julianne. Nous tenons la position, ils n’entreront pas !

Soudain Serarpi cria :

– attention ; je crois que c’est un canon. Ils viennent de l’armer. Que tout le monde se mette à couvert.

Alors Martial hurla :

– Serarpi, sort de là, va dans les sous-sols, je t’en supplie, tu es trop exposée. L’atelier n’est pas protégé.

– non, je ne bougerai pas ! Je ne peux pas commander le laser ailleurs qu’ici, ne te fais pas de souci pour moi Martial ! Je t’aime.

– Serarpi ! Hurla Martial dans un long cri de désespoir.

Nous ne pouvions rien faire. Personne ne pouvait détourner Serarpi de ce qu’elle avait décidé et je devais avouer que nous priver du laser, serait probablement funeste. Nous entendîmes distinctement le bruit de l’obus qui prenait son envol et passait par-dessus la palissade puis il explosa derrière moi, quelque par dans le village et les larmes me montèrent aux yeux. La situation devenait désespérée. Leur arme était puissante et protégée. Bientôt ils entreraient dans le village et nous réduiraient à néant. Nous avions surestimé nos forces et sous-estimé les leurs. Alex n’était pas revenu et je craignais qu’il ne lui arrive malheur quand la porte s’ouvrit à la volée et qu’il rentra dans l’abri, couvert de terre et de trace de sang ;

– tu es blessé ? criais-je en me jetant sur lui.

– non, c’est rien, j’ai reçu une motte de terre sur la tête et j’ai quelques coupures sur le crane, ça saigne beaucoup mais ce n’est rien.

Il prit de l’eau et la versa sur sa tête pour laver son visage qui ruisselait de sang dilué, créant des sillons brunâtres le long de son visage et de son cou. Ainsi maquillé, il ressemblait à un guerrier portant des peintures de camouflage.

– la salle commune est détruite, l’obus est tombé en plein dessus ! dit-il.

– on la reconstruira.

– Zellana, écoute moi. J’ai fait quelque chose que je n’aurais pas fait si la situation n’était pas si désespérée. J’espère que nous n’en paierons pas les conséquences par la suite. Je n’avais pas le choix. Je ne veux pas que ces hommes vous détruisent et prennent tout ce que vous avez. Je ne veux pas qu’un seul d’entre eux pose la main sur toi !

– Mais qu’est-ce que tu as fait ?

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