JE LA REGARDE – Chapitre 11

Chapitre 11

Je la regarde parler. Elle a pratiquement forcé ma porte alors que j’étais installé à mon bureau, organisant laborieusement notre périple à travers la planète.

Une escale à Paris pour vois mes avocats puis diverses destinations dont l’ordre m’échappait encore, quand elle est arrivée, tambourinant à la vitre.
Je lui ai ouvert malgré moi. Je ne veux pas la voir mais ai-je le choix ? Elle est debout dans mon salon, le visage ravagé par les larmes, les yeux si rouges que j’ai envie de la serrer dans mes bras pour la réconforter. Je la fais assoir et lui propose un café. Elle décline le café mais se laisse tomber pesamment dans un fauteuil profond. Elle y disparait presque tant elle semble repliée sur elle-même.
– je pensais que tu n’arrivais que dans quelques jours.
– j’ai avancé mon vol quand Sonia m’a dit que tu refusais de me voir. Je dois te parler, c’est important !
– maintenant que tu es là et que tu ne me laisse pas le choix, je t’écoute. En parlant je regarde sa main gauche qui ne porte pas d’alliance.
– Sonia m’a dit que tu savais pour François. Je suis désolée de te l’avoir caché. J’avais peur de ce que tu ferais si tu apprenais son existence. J’avais peur que tu me le prennes, tu as tant d’argent, tant de pouvoir. J’avais peur que tu me l’enlève, sa voix est presque un murmure tant elle semble affectée et je la sens au bord des larmes.
– c’est vraiment ce que tu penses de moi ? Que je t’aurai enlevé ton enfant ? Mais je n’aurai jamais fait une chose pareille Chloé. S je l’avais appris quand je suis arrivé à Bali, j’aurai été l’homme le plus heureux du monde !
– parce que ce n’est plus le cas ?
– Non ça n’est plus le cas ! Comme tu l’as remarqué, je n’ai rien fait pour en revendiquer la paternité. J’ai estimé que si tu avais choisi Steve pour être son père, je n’avais pas le droit de m’interposer. Cet enfant a le droit d’être heureux et serein. Il ne méritait pas d’être mêlé à nos querelles.
– je suis désolée de ne pas t’avoir fait confiance. Les choses seraient probablement très différentes aujourd’hui.
– je te le confirme ! En ce qui me concerne, je serais heureux de le connaitre quand tu le jugeras opportun, mais je ne te forcerai pas. Maintenant je vais te demander de t’en aller ; j’ai encore beaucoup de choses à régler avant de partir.
– tu t’en va ? Tu quittes Bali ?
– oui momentanément. Je pars en Europe, puis je vais effectuer un tour du monde. Je cherche quelque chose, un concept, enfin ce serai trop long à expliquer.
– mais tu penses être absent longtemps ?
Ces yeux s’emplissent de larmes et elles finissent par franchir la digue de ses paupières qui ne les retiennent plus. Elles coulent lentement sur ses joues déjà pâles, laissant des sillons de mascara noir.
– que se passe-t-il Chloé ? je demande. Je ne voulais pas poser la question mais devant cet afflux de larmes qui ne semblent pas être les premières, je ne peux rester impassible.
– Steve et moi nous avons rompu. Il n’a pas voulu m’épouser finalement…
– j’en suis désolé pour to, Chloé, vraiment désolé. Mais je ne vois pas bien ce que je peux y faire. Nous ne sommes pas ce que l’on peut appeler des amis, lui et moi ! Il a quand même réussi à me faire interner presque quinze jours !
– il avait des raisons, tu avais complètement disjoncté !
– bon écoute, c’est de l’histoire ancienne. Maintenant je voudrais que tu t’en aille. Tu as fait des choix, je les ai respectés ! Je t’accorde que je ne me suis pas toujours très bien conduit mais après ce que tu as fait avec mon fils, je n’ai plus rien à te dire. Estime-toi heureuse que nous en restions là. Un jour, quand tu le souhaiteras, je rencontrerai François. Pour le moment je dois partir. Au revoir Chloé.
Je l’attrape par le bras pour la forcer à se lever. Je veux qu’elle quitte ma maison. Komang doit arriver demain, j’ai des vols à trouver et je m’en sors très mal. J’aurai du lui demander de l’aide. Dès que Chloé sera partie, je vais l’appeler pour qu’elle vienne. Elle me manque trop !
– je n’ai nulle part où aller, Jeff, dit-elle dans un cri. Je suis toute seule avec mon fils et je ne sais plus quoi faire.
– tu as ton travail…
– non, j’avais démissionné pour partir avec Steve. Je ne pensais pas revenir un jour mais ça a été un véritable fiasco aux Etats Unis. J’étais si malheureuse de t’avoir perdu et puis…
– ça ma belle, je l’interromps, il est un peu tard pour t’en apercevoir ! Mais je suis sur que tu vas t’en sortir ! Tu retrouveras rapidement un autre travail. Et puis tu as Sonia !
– Sonia a quitté l’hôtel ! Je ne sais pas où elle est. Je pensais la trouver en arrivant, mais elle est partie sans laisser d’adresse ; je ne comprends plus rien ! J’ai laissé François à une amie pour venir te voir.
– tu connais beaucoup de monde ici, je suis sure que tu vas t’en sortir !
Je la pousse toujours vers la sortie mais elle résiste, se dérobe et retourne dans le salon. Elle pleure à chaude larmes maintenant et malgré la peine que je ressens pour elle, je voudrais vraiment qu’elle s’en aille. Cette page de ma vie est tournée, à sa demande.
– tu n’écoute pas Jeff. ?Je ne sais pas où aller, je suis seule avec mon fils et…
– bon ça suffit maintenant ! Quand tu es parti il y a cinq ans, tu t’es très bien débrouillée. Je te fais confiance pour trouver une solution à ton problème actuel. je veux que tu t’en aille ! » J’ai haussé le ton, exaspéré.
A cet instant, je ne ressens plus une once d’amour pour cette femme qui se décompose devant moi. Elle m’a demandé de l’oublier, de reconstruire ma vie sans elle et je l’ai fait. De quel droit débarque-t-elle maintenant pour me tourmenter ?
– je ne peux pas, Jeff, je ne peux pas. J’ai besoin que tu m’aides !
– Je te donnerai tout l’argent que tu veux mais c’est tout ce que je peux faire pour toi. Maintenant vas t’en avant que je te mette dehors de force ! Je vais me marier moi aussi ! J’aime une femme sublime avec laquelle je pars en voyage et que j’épouserai à mon retour ! Alors pour la dernière fois je te demande de partir !
je lui tends une grosse liasse de dollars que j’avais préparée pour le voyage, mais elle les repousse de la main.
– je suis enceinte, Jeff…
Je marque un temps d’arrêt mais à bien y réfléchir, je ne vois pas en quoi ça me concerne.
– je ne sais pas si je dois me réjouir ou me désoler pour toi. A voir ta tête, il semblerait que ce soit plutôt une mauvaise nouvelle. Alor, désolé mais je ne vois pas pourquoi tu viens m’en parler. Il faudrait plutôt le dire à Steve !
– je suis enceinte de toi !
– c’est impossible voyons !
– avec Steve nous nous sommes toujours protégé ! Il n’y a qu’avec toi que j’ai fait l’amour sans protection ! C’est ton bébé que je porte, voilà pourquoi il a refusé de m’épouser, il m’a jeté dehors !
J’ai l’impression de me décomposer ; une image me traverse l’esprit. Je revois la grosse queue de Steve avec son préservatif rose puis je nous revois nu, tous les deux sur la terrasse, ma bite sans protection démontant rageusement Chloé. Non, ça ne peux pas recommencer !
– je ne te crois pas, un accident de préservatif ça arrive !
– non, jamais avec lui et puis les dates concordent !
– mais ce weekend là, tu as aussi fait l’amour avec Steve. Je t’ai vu. Tu n’as peut-être pas fait attention, vous avez peut-être oublié ! Il y a plein de circonstances qui font que ce genre de choses arrive. Tu ne vas pas me faire croire que c’est mon enfant alors que nous n’avons fait l’amour qu’une fois !
– deux fois, Jeff, deux fois de suite !
– D’accord, deux fois, mais qu’est-ce que ça change ?
– Steve est stérile, il ne me l’avait pas dit. Il ne voulait pas que je le sache mais quand je lui ai annoncé que j’étais enceinte, il a su que tout ce que tu avais dit à propos de nous était vrai, et il m’a mise à la porte avec François ! Il ne peut pas avoir d’enfant ! Il le savait et il ne m’a rien dit ! Et maintenant je porte à nouveau ton enfant et je ne sais plus quoi faire. Je t’en supplie, ne me jette pas dehors toi aussi ! Je suis désespérée !
– Qu’est-ce qui se passe ici ? dit alors la voix de Komang.
Je me retourne vivement, fais trois pas vers elle et la prends dans mes bras. Je voudrais la protéger de tout ce qui est entrain de me tomber sur la tête. Je voudrais l’écarter de Chloé qui s’est effondrée dans un fauteuil et qui sanglote bruyamment, mais elle me repousse et répète :
– qu’est-ce qui se passe François ? Qui est cette femme et pourquoi pleure t’elle ? »
Comment répondre à cette question sans qu’elle s’enfuie elle aussi ?

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