UN BAISER OU LA MORT Chapitre 9

Le lendemain matin je me réveillais dans une douce torpeur et nos baisers me revinrent instantanément en mémoire. Tout mon corps semblait emplit d’une énergie nouvelle.

Je sautais de mon lit bien avant que ma mère ne commence à s’énerver dans la cuisine, avalais mon petit-déjeuner, pris ma douche et m’habillais si rapidement que je fus sur le pas de la porte bien avant l’heure fatidique du bus.

Jacob avait dû se lever aussi tôt que moi car nous ouvrîmes nos portes au même moment et nos regards se croisèrent puis nous éclatâmes de rire. La coïncidence était trop grande pour qu’elle nous échappât. Il s’approcha de moi et ayant regardé autour de lui rapidement, posa un tendre baiser sur mes lèvres. Puis n’y tenant plus, il me serra dans ses bras si fort que j’en eu le souffle coupé mais je ne me dérobais pas à ses baisers fougueux car la chaleur de son corps contre le mien était la meilleure sensation que je connaissais et son odeur fraiche et fleurie comblait mes narines. Si tous les matins devaient être comme celui-ci alors la vie était vraiment belle. Soudain, je vis deux petites silhouettes s’approcher et je repoussais vivement Jacob qui en resta un peu décontenancé. Alicia arrivait, suivie de près par Dounia qui avait dû passer la nuit chez elle.

– Ah Jacob, s’exclama-t-elle, m’ignorant superbement ce qui me rassura car cela voulait dire qu’elle ne nous avait pas vus. Je me demandais quel cadeau j’allais t’offrir pour ton anniversaire, ajouta-t-elle en le prenant d’autorité par le bras. Je crois que j’ai un cadeau spécial pour toi.

Le regard qu’elle lui lança ne laissait aucun doute sur ses intentions et je me demandais comment Jacob allait se tirer de ce guêpier. Il la regarda un instant, repoussa son bras puis lui dit en parlant bas et calmement comme s’il s’adressait à une enfant têtue :

– désolé Alicia, je dois te le redire, j’ai une petite amie et je suis très attaché à elle. Je ne veux pas la tromper. Je pense que tu peux comprendre ça.

Alicia eut une moue agacée puis elle rétorqua :

– cette Emily…mais elle n’est même pas là alors que moi je suis ici, avec toi, répliqua-t-elle en se collant à nouveau ostensiblement à lui, écrasant sa poitrine contre son torse.

J’avais envie de me ruer sur elle pour la repousser mais je me retins d’intervenir car je n’avais pas envie d’avoir à m’expliquer. De toute façon, Jacob semblait savoir comment la gérer. Il la repoussa encore une fois mais cette fois-ci plus rudement et elle dut s’en rendre compte car elle lui jeta un regard noir et riposta sèchement :

– tous les américains sont aussi coincés que toi ?

– je suis  sud-africain…

– C’est pareil !

– euh, c’est pas le même continent, lui fit remarquer Dounia qui n’avait rien dit jusqu’à présent.

Dounia était une très jolie brune à la peau mate et aux cheveux longs toujours tressés. Ses yeux en amande ourlés de noirs étaient splendides. Elle ressemblait à une princesse des mille et une nuits. Je m’étais toujours demandé, depuis que je les connaissais toutes les deux, pourquoi les garçons étaient irrésistiblement attirés par Alicia qui ressemblait à une poupée Barbie sur-vitaminée plutôt que par Dounia aux charmes plus mystérieux. Pour ma part, je préférais Dounia qui avait en plus l’avantage de ne pas faire attention à moi.

La pauvre fut stoppée net par une Alicia furieuse qui déchargea toute sa frustration sur elle dans un regard si noir qu’elle aurait dû mourir sur le champ si Alicia avait été une sorcière. Alicia était une sorcière !

Quand le bus arriva, Alicia boudait, Dounia se tortillait indifférente, des écouteurs dans les oreilles et Jacob avait pris ses distances avec les filles, se rapprochant légèrement de moi. Quand je montais dans le bus, il effleura ma main et son contact m’électrisa. Alicia ne savait pas ce qu’elle manquait en se comportant comme elle le faisait. Jacob était visiblement un garçon sensible et tendre qui méritait mieux qu’une fille bien trop dévergondée pour son âge.

Je m’installais au fond et Jacob se résigna, après un regard appuyé, à s’assoir devant avec le troupeau de filles qui allait en grandissant au fur et à mesure que nous approchions du lycée. Plus maquillées les unes que les autres, chacune rivalisait de coups d’yeux appuyés et de rires forcés pour attirer son attention. Il souriait à certaines, visiblement bien rodé à ce petit jeu.

Quand nous nous assîmes enfin en cours, Il colla sa chaise contre la mienne et je passais la meilleure journée de toute ma vie au lycée. Son corps si proche du mien, sa main frôlant la mienne en prenant un crayon ou une gomme, sa cuisse appuyée contre la mienne, tout n’était que contacts délicats et effleurements et je sentais mes sens s’affoler. À la pause-déjeuner, il me retrouva dans la petite cours et je laissais mes révisions de côté pour m’abandonner à ses bras et à ses baisers. La journée passa si vite que nous étions déjà dans le bus du retour quand je repris mes esprits. Je n’allais pas pouvoir continuer comme cela toute la semaine.

Je n’arrivais plus à me concentrer et je n’avais pratiquement rien durant les cours. Je pouvais faire ce que je voulais de mes soirée si mes notes n’en pâtissaient pas mais si elles baissaient ne serait-ce que d’un demi-point, ma mère me collerait des cours de soutien immédiatement. 

Quand j’eus fini mes devoirs, je prétextais un exercice de math difficile et filais chez Jacob qui m’accueillit à bras ouverts. Je me jetais dans ses bras et nous tombâmes sur son lit, roulant l’un sur l’autre tant nous étions avides de nous retrouver. Entre deux baisers fiévreux je réussi toutefois à l’arrêter et je dis :

– Jacob, je ne vais pas pouvoir faire ça tous les jours. J’ai besoin de rester concentrée en cours…

– quoi ? Tu es la meilleure de la classe et tes notes sont tellement hautes que je me demande comment tu peux espérer avoir plus !

– ce que je veux éviter c’est de perdre des points. Tu sais ma mère n’a qu’une seule exigence, que mes notes restent toujours aussi élevées. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller…

– tu n’as qu’à accepter de sortir avec moi officiellement et nous n’aurons plus à nous cacher…me dit-il en déposant de petits baisers de la base de mon cou jusqu’à mon menton ce qui fit naitre un brasier fou dans mon ventre.

– arrête, je haletais, c’est sérieux Jacob !

– je suis très sérieux, murmura-t-il à mon oreille tout en faisant descendre sa bouche vers ma clavicule, déclenchant une série de frissons irrésistibles. Je crois que je n’ai jamais été aussi sérieux avec une fille, ajouta-t-il en me regardant droit dans les yeux un instant.

Ses mains qui jusque-là tenaient mon visage, se détachèrent et descendirent lentement jusqu’à la ceinture de mon jean. J’allais l’arrêter quand je les sentis soulever mon tee-shirt et se glisser dans mon dos. Le contact de sa peau contre la mienne était si déroutant, si merveilleux que je fermais les yeux et m’abandonnais. J’arrêtais de lutter. Au diable les devoirs, les notes, ma mère…j’avais le droit de vivre moi aussi et ce que me proposait Jacob était largement plus exaltant que mes résultats scolaires. Je le laissais m’embrasser un moment puis, sans réfléchir à ce que j’étais en train de faire (sinon je ne l’aurais probablement jamais osé) je relevais son tee-shirt et laissais mes mains courir sur son abdomen et ses pectoraux musclés. Il soupira et accentua ses baisers. Son corps pesait lourdement sur le mien mais c’était une sensation délicieuse. Je remontais jusqu’à ses épaules et savourais leurs rondeurs et leur galbe. Avant que j’ai eu le temps de réagir, Jacob attrapa son tee-shirt par l’encolure et le fit glisser par-dessus sa tête, ce qui le décoiffa complètement le rendant encore plus beau. Sa peau bronzée était douce et soyeuse, sa musculature puissante bougeait sous mes doigts quand je caressais son dos et je me sentais merveilleusement bien. Soudain je me tétanisais quand Jacob commença à tirer sur mon tee-shirt pour lui faire subir le même sort que le sien.

– non, arrête, non, je ne peux pas, m’écriais-je en me recroquevillant sous lui.

Jacob arrêta immédiatement son geste et se redressant, il dit :

Désolé, j’aurais dû te demander, je suis vraiment désolé Colette, je n’ai pas réfléchis, je me sentais si bien, si proche de toi, pardon…

– non, ce n’est pas toi…c’est…c’est moi, je ne peux pas…Je le repoussais de toutes mes forces. J’étais déjà debout et je m’enfuyais mais Jacob était rapide. Il m’intercepta au moment où je franchissais sa porte et me reprenant délicatement dans ses bras, comme s’il risquait de me casser en morceaux, il dit :

– non, ne t’en vas pas. Je peux gérer ça, ne t’inquiète pas. Ce n’est pas grave, ça n’a même aucune importance, c’est de ma faute. J’aurais dû réfléchir. Ne pars pas s’il te plait. Si je te laisse partir maintenant je sais que tu ne reviendras pas…

Je me forçais à respirer comme je l’avais appris quand la panique m’envahissait. Au fond de moi je savais qu’il ne me voulait pas de mal et je ne pouvais pas lui faire supporter le poids de mes angoisses. Je fermais les yeux longtemps, jusqu’à ce que la panique reflue, comme une vague qui repart au loin. Quand je sentis le calme revenir, protégée par son corps qu’il maintenait à quelques centimètres du mien, je rouvris les yeux et lui dit :

– ça t’embête si on reste un moment tranquille, si on parle un peu…

– non, viens, dit-il en m’entrainant jusqu’au fauteuil de son bureau dans lequel je me laissais tomber. Il s’assit sur le bord du lit, à quelques pas de moi et il enfila son tee-shirt en vitesse puis il me regarda.

– Je suis vraiment, vraiment désolé. Je n’ai pas réfléchis. J’aurais dû te demander si tu étais d’accord, dit-il en passant la main dans ses cheveux pour les rejeter en arrière.

– laisse tomber, je répondis, ça n’a rien à voir avec toi mais je ne veux pas en parler, pas maintenant. Je suis bien là, je contrôle, tout va bien.

Je parlais comme un petit automate et je devais faire peur à voir mais il ne se laissa pas intimider. Il reprit :

– tu m’en parleras un jour, tu me raconteras ?

– …je ne sais pas…ce n’est pas le moment. Je ne peux pas…je commençais à nouveau à m’agiter et il dû le sentir car il reprit :

– peu importe, on a tous des problèmes à un moment, tu sais, je veux juste rester avec toi encore un peu, c’est tout. Je me sens bien quand tu es là, je n’ai plus envie de fuir, de monter dans le premier avion pour les Stats…

– pourquoi as-tu renoncé à rentrer ? Lui demandais-je, heureuse de parler d’autre chose, de penser à autre chose, j’espère que ce n’est pas à cause de moi parce que je ne me le pardonnerais pas !

– non…enfin…tu as pesé dans la balance mais de toute façon mes parents ne sont pas d’accord. Ils pensent que je ne peux pas m’en sortir tout seul là-bas. Et puis, je n’ai plus de maison, plus de famille là-bas. Je pourrais être pris en charge par la Fédération mais…et puis tu es là…alors…

– tu ne voulais pas participer aux jeux olympiques ?

– si mais j’ai encore du temps, c’est dans trois ans, je peux encore revenir dans la compétition l’année prochaine. C’est suffisant pour se remettre au niveau.

– de toute façon tu partiras l’an prochain alors ?

Il ne répondit rien et se laissa tomber en arrière en soupirant, frottant son visage avec ses mains comme s’il essayait de sortir d’un mauvais rêve.

Colette, you know, I have this obsession in my head… all the nights I swim in my dreams, I see the podium, the medals, I see myself at the top, I know I can do it, you understand ?

Que pouvais-je répondre ? Je comprenais cette obsession, j’avais la même, je voulais passer mon bac avec les meilleures notes possibles, intégrer la meilleure école et faire de brillantes études. Je me voyais moi aussi régulièrement le jour de la remise des diplômes, à Polytechnique ou dans une prestigieuse école d’ingénieur, je me voyais inventant quelque chose qui révolutionnerait le monde, parce que c’était ce à quoi j’aspirais au plus profond de moi, alors je pouvais comprendre ses rêves de compétition.

Je soupirais à mon tour et me relevant à peine, je me glissais contre lui posant ma tête dans le creux de son épaule. Il ne bougea pas mais il tourna légèrement son visage vers moi.

– je comprends Jacob, je comprends parce que j’ai moi aussi des rêves fous que j’espère un jour réaliser et je ne laisserais rien ni personne se mettre en travers de mon chemin.

Il sourit et posa un baiser sur mon front.

– tu y arriveras…j’en suis sûr.

Nous restâmes longtemps comme cela, l’un près de l’autre, sans parler ni bouger. Nous étions bien et rien d’autre n’était nécessaire. Finalement, j’avisais l’heure et je me redressais :

– je dois rentrer maintenant. Écoute, j’ai besoin de rester concentrée en cours alors, si tu  veux, on peut se retrouver au déjeuner dans  la petite cours, on pourra travailler un peu et…

– j’ai compris Colette, je te laisserais tranquille au lycée, je te le promets !

– pas trop quand même…dis-je en souriant tout en me levant.

Il éclata de rire et me retint un instant par la main, juste le temps de poser un baiser sur mes lèvres en ajoutant :

– pas trop, promis…vas-t-en maintenant, ajouta-t-il en lâchant ma main, sinon…

Je partis en courant et rentrais chez moi juste à temps pour passer à table.

– Tu travailles beaucoup avec Jacob en ce moment, dit ma mère d’un ton sérieux et je ne sus pas si c’était un constat ou un avertissement.

– tu sais, il a déjà fait une partie du programme et moi une autre alors c’est plus facile à deux…

– j’espère qu’il ne te fait pas trop perdre de temps…

– Maman ! On travaille !

– continue alors ma chérie, dit ma mère avec l’air de dire exactement le contraire.

 

Le reste de la semaine, nous réussîmes à nous tenir tranquille en cours et même quand Jacob me retrouvait le midi, quand il parvenait à échapper à Alicia et sa bande, il s’installait avec moi pour travailler.

– tu as raison, me dit-il un jour où nous nous étions assis par terre, étalant nos livres et nos cahier autour de nous pour pouvoir finir nos exercices de chimie, c’est bien aussi de bosser ensemble, on avance plus vite et puis avec toi je comprends tout de suite, tu ferais un très bon prof !

– ah non alors, je m’écriais, jamais ! Mon père était, mon père est…

Un lourd silence s’installa, je ne pouvais plus parler. Je ne comprenais même pas comment ces mots avaient pu franchir mes lèvres. Je me sentais si bien en compagnie de Jacob que j’avais baissé ma garde, j’avais oublié pendant un moment, je l’avais oublié…

Il attendit un instant, laissant le malaise se dissiper (il commençait à bien me connaitre) puis il reprit comme si je n’avais rien dit.

– au fait, ma mère a commencé à préparer notre anniversaire. J’espère que tu aimes les gros gâteaux, les ballons multicolores, les cadeaux avec pleins de rubans…c’est son truc…mais je dois admettre qu’elle fait ça vraiment bien alors je n’arrive pas à lui en vouloir.

– je n’arrive même pas à imaginer comment on pourrait en vouloir à ta mère, elle est tellement adorable, tellement attentionnée ! J’aimerai que ce soit ma mère !

Il me regarda en souriant puis il ajouta en se tournant vers moi :

– heureusement que ce n’est pas le cas sinon je ne pourrais pas faire ça, dit-il en m’embrassant en pleine bouche.

Il venait juste de s’interrompre quand nous entendîmes un petit cri étouffé. Alicia nous regardait, debout à l’angle du mur et j’espérais de tout mon cœur qu’elle ne nous avait pas vu nous embrasser.

– c’est là que tu te caches ! S’exclama-t-elle, je t’ai cherché partout ! Tout ça pour travailler avec…elle…

– qu’est-ce que tu veux ? rétorqua Jacob d’un ton dur et froid qui m’aurait fait fuir s’il s’était adressé à moi, qu’est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis de me laisser tranquille ?

– mais…je…bredouilla la malheureuse à qui aucun garçon n’avait jamais dû parler sur ce ton.

– tu quoi ? Tu n’entends pas quand je te dis d’arrêter ? C’est ça ? Comment faut-il que je te le dise ? Va-t’en et ne dis plus jamais du mal de Colette !

Elle resta un instant silencieuse, digérant les paroles de Jacob puis elle répliqua d’un ton fielleux :

– c’est à cause d’elle alors…C’est elle qui t’a embrouillé la tête !

Jacob se redressa. Il semblait tellement en colère que j’eus peur qu’il ne se contrôle pas. Alicia du finalement s’en rendre compte car elle ajouta en reculant :

– je vous laisse, amusez-vous bien tous les  deux, vous vous méritez !

Je me relevais moi aussi et je constatais que Jacob avais les poings serrés comme s’il s’apprêtait à se battre et une colère froide voilait ses yeux assombris.

– elle est partie, dis-je en lui caressant doucement les mains. Avec ce que tu lui as dit, je pense qu’elle ne reviendra pas te parler de sitôt…

– je ne supporte plus qu’elle parle de toi de cette manière, dit-il avec hargne tout en m’attrapant par la taille. Puis il m’embrassa avec force comme s’il se fondait dans ce baiser pour oublier.

Comme il l’avait dit quelques jours auparavant, nous avions tous des problèmes et l’adolescence était le premier d’entre eux.

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