UN BAISER OU LA MORT Chapitre 15

Mon lit était si confortable que je faillis renoncer à me lever quand Jacob vint taper à ma porte le lendemain matin. Il dû revenir et me couvrir de baiser pour que je daigne ouvrir un œil. Ce n’était pas la pire façon d’être réveillée, pensais-je.

– tu ne devrais pas faire ça, je lui dis, je risque de ne plus jamais vouloir me réveiller si tu ne m’embrasses pas…

–  ça ne me dérangerait pas de pouvoir le faire tous les jours, répliqua-t-il sans broncher.

Son regard était empli de tant de douceur que je sentis mon cœur se serrer. Je n’étais pas sure de pouvoir répondre à tant d’amour. Je ne savais pas faire ces choses-là moi.

Je me levais d’un bond et filais sous la douche. Quand je ressortis, Jacob n’était plus là. Je m’habillais en vitesse et descendis prendre mon petit déjeuner. Dans la cuisine les discussions étaient soutenues. Chacun faisait des propositions pour la journée. Je me sentais un peu étrangère à ces échanges car je n’étais pas capable de savoir si je voulais descendre une piste noire ou une piste rouge. Je me demandais même si j’étais capable de tenir sur des skis…Finalement le groupe opta pour une piste noire et Jacob éclata de rire devant mon air horrifié :

– je vais t’apprendre à skier, ne t’inquiète pas. On va aller au bas de la station, il y a des pistes exprès pour ça. Si tu te débrouille bien on fera peut-être une descente dans l’après-midi…mais pas sur une piste noire ! reprit-il devant mes yeux écarquillés.

– qui rentre manger à midi ? demanda Marina dans une question de pure forme puisqu’elle ajouta, je pensais qu’on pourrait s’arrêter au restaurant d’altitude…

– pas de problème, dis Jacob, je rentrerais avec Colette. Si on monte au restaurant, il faudra qu’elle redescende à ski et je ne suis pas sure qu’elle puisse apprendre en trois heures.

– si vous voulez nous rejoindre, vous êtes les bienvenues, répondit toutefois Marina. La piste est simple et je suis sure que Colette va très bien s’en sortir.

Après m’être harnachée de ma doudoune et d’après ski fournis par Marina qui devançait tous mes besoins, nous sortîmes dans un soleil radieux qui faisait briller la neige d’un scintillement presque insupportable à regarder. Le paysage alentour était splendide. Les immenses sapins ployaient sous la neige amassée et on aurait dit qu’ils avaient été décorés.

Nos skis sur l’épaule, nous partîmes à pieds rejoindre le bas des pistes où Jacob commença par m’apprendre à mettre et à enlever mes skis. Puis il m’initia au rudiment du chasse-neige, au freinage, à l’utilisation des bâtons et au début des virages. Finalement, je trouvais l’exercice grisant dès que je cessais de tomber tous les mètres.

À la fin de la matinée, épuisée, je me laissais tomber sur un gros tas de neige tassée le temps d’une pause. Jacob s’affala à mes côté en riant. Le soleil était haut dans le ciel mais il n’allait pas tarder à passer de l’autre côté des cimes et à plonger les pistes dans la pénombre bien que nous ne soyons qu’au tout début de l’après-midi.

– tu veux rentrer ? me dit-il.

– non, ça va, je pense que je pourrais essayer de faire une descente pas trop difficile.

– tu es sure ?

– oui, ça va aller je pense.

– tu veux qu’on aille manger au restaurant d’altitude ?

– non je ne voudrais pas m’imposer, c’est déjà très gentil de la part de tes parents de m’accueillir sous leur toit…

– tu plaisantes j’espère. Ma mère ne me pardonnerait pas de t’avoir laissé dire un truc pareil. Viens allons manger, déclara-t-il en m’aidant à me relever. Ayant récupéré nos skis, nous avançâmes tranquillement jusqu’ à la longue file qui attendait pour prendre le télésiège, ski à l’épaule, lunettes masques sur le nez, bonnet à pompons, un vrai cliché…quand nous fumes interpellés par une dame en combinaison d’un blanc immaculé griffée par un grand couturier. Elle pratiqua sous mes yeux admiratifs un freinage parfait dans une gerbe de neige projetée. Quand elle eut enlevé ses lunettes de compétitions je reconnus Tatiana, la mère d’Alicia.

– bonjour les jeunes, nous dit-elle, ça fait plaisir de te voir Colette, Jacob s’ennuyait sans toi.

Juste derrière elle, comme une ombre noire, arriva son époux tout aussi parfaitement vêtu, puis Alicia dont la combinaison rose fuchsia moulante détonnait dans ce blanc et noir assortis. Quand elle me vit, bavardant avec ses parents, elle se rembrunit et garda un ses distances. Je lui souris et prit la main de Jacob l’air de rien. Il dut comprendre mon intention car il en profita pour passer un bras autour de mes épaules et pour répondre :

– c’est vrai, tu m’as manqué, mais maintenant que tu es là, les vacances vont vraiment pouvoir commencer !

– amusez-vous bien nous dit son père, nous rentrons au chalet, je suis épuisé, ajouta-t-il en jetant un regard amoureux à son épouse qui ne cachait rien de ses intentions réelles.

Pauvre Alicia ! Si elle avait été plus gentille, je lui aurais presque proposé de se joindre à nous mais je n’en fis rien et nous la regardâmes s’éloigner en se dandiner dans ses chaussures de ski roses. Avant de disparaitre totalement, Tatiana s’écria d’un ton joyeux :

– à demain, ça va être une fête fantastique !

– qu’est-ce qui se passe demain ? Je demandais inquiète comme chaque fois qu’Alicia était concernée de près ou de loin.

– c’est le réveillon et on est invité chez eux, tu verras, leur chalet est fabuleux. Il y a une Jacuzzi et une piscine chauffée. Je m’y suis baignée, c’est génial…il s’interrompit devant mon air fermé. Je m’y suis baigné tout seul…reprit-il en insistant sur le mot. Personne d’autre que moi n’est assez fou pour aller dans l’eau ici.

– pourquoi ont-ils une piscine alors ? Je demandais sur un ton plus agressif que nécessaire.

– parce qu’ils ont les moyens…

Nous embarquâmes dans une cabine assez grande où nous dûmes nous serrer car nous étions nombreux à faire le voyage. Jacob se colla contre moi et en profita pour m’embrasser durant toute la montée. Parfois la cabine était secouée d’un léger hoquet et certains retenaient leur souffle un instant puis elle retrouvait son équilibre et la montée reprenait régulièrement.

– c’est le vent dit Jacob, face à mon air étonné.

Quand nous arrivâmes sur un premier sommet d’où partaient d’autres cabines, je vis un immense chalet restaurant avec des tables en terrasse, des parasols et des transats alignés face à la vallée.

– c’est là qu’on descend, dit Jacob en me guidant dans la foule qui se pressait pour accéder aux pistes, aux cabines, au restaurant…

– ne t’inquiète pas, dit-il en devançant toute question, on est attendu, mes parents réservent toujours sinon c’est impossible d’avoir une table.

En effet, Marina s’écria en nous voyant :

– Colette, Jacob, venez, on vous a gardé deux places. J’étais sure que tu y arriverais, tu vois ? dit-elle en s’adressant autant à Jacob qu’à moi.

– je suis arrivée à monter mais je ne suis pas sure de parvenir à descendre en un seul morceau, je répliquais en riant. Mais je dois reconnaitre que Jacob est un excellent professeur.

– je ne me fais aucun souci pour toi, répliqua-t-elle, tu vas y arriver. Mais d’abord il faut manger. La montagne ça donne faim n’est-ce pas ?

Et en effet, je réalisais pendant qu’elle le disait que mon estomac grondait terriblement.

Nous fûmes rapidement servit et je dégustais avec plaisir une excellente tartiflette qui me laissa un peu alanguie à la fin du repas. Mais Jacob ne me laissa aucun répit.

– viens, c’est maintenant qu’il faut redescendre. Bientôt il va faire froid. Tu feras la sieste à la maison, ajouta-t-il sans me regarder.

Je me laissais guider jusqu’au bord de la piste où les skieurs s’élançaient avec des cris de joie et soudain je vis le bas de la station tout en bas dans la vallée et je commençais à avoir peur.

– je ne vais jamais y arriver Jacob, je…c’est trop loin…ça descend trop !

– fais-moi confiance, ça va aller, elle a l’air difficile mais si tu me suis, tu verras que c’est une piste simple. Allez viens, si tu réfléchis trop, tu n’y arriveras plus. Suis-moi ! ajouta-t-il avec une telle autorité que j’obtempérais.

Au début, j’eus le sentiment que la pente m’avalait puis je me rappelais les conseils de Jacob et je freinais afin de ne pas prendre top de vitesse. Jacob qui me suivait, m’encourageait en me donnant des consignes

– freine…penche toi sur le côté…accompagne le mouvement…ne regarde pas en bas…I love you…on est déjà au milieu…tu peux me répondre si tu veux…

– arrête !  Je m’écriais, tu m’embrouilles…

Il éclata de rire mais resta silencieux jusqu’à ce que je parvienne, un peu laborieusement sur la fin, jusqu’au bas de la piste. Alors il me saisit dans ses bras et il se mit à crier :

– Tu l’as fait ! Tu y es arrivée ! C’est fantastique !

Je me mis à rire avec lui car j’étais fière de moi. Je venais de descendre ma première piste de ski. Mon style était loin d’être au point mais j’avais compris les rudiments et même si j’avais mal partout et que j’étais persuadée que j’aurais des courbatures épouvantables le lendemain, j’étais heureuse.

Nous arrivâmes au chalet pour le goûter et je fus applaudie par l’assemblée après que Jacob eut raconté ma descente sans aucune chute.

Qu’il était bon d’être accepté par ces gens, d’appartenir à leur monde ! Jacob s’assis à mes côtés et m’attira contre lui. Je résistais un peu car nous ne nous étions jamais affichés en public puis je me laissais aller car je l’aimais et je ne voulais pas gâcher une seule minute du temps que nous passions ensemble. Personne ne sembla remarquer notre baiser rapide et la main de Jacob posée sur mon épaule. Si ma mère avait été là, j’aurais dû m’expliquer pendant des heures. Mais avec les Anderson, la vie était simple.

Le soir, après le repas, Marina me demanda de la suivre dans sa chambre. J’eus un instant de crainte mais quand je vis le regard confiant de Jacob, je sus que rien de mal n’allait m’arriver. La chambre des Anderson était gigantesque et bénéficiait d’une terrasse couverte qui dominait la vallée. Marina m’invita à m’assoir sur le coffre placé en bout de lit et disparu un instant dans ce qui devait être son dressing. Elle en ressortit avec la robe bleu nuit qu’elle avait choisi pour moi le soir du bal costumé.

– Tiens, dit-elle, ta mère me l’avait ramenée après la soirée mais elle est à toi. J’ai pensé que tu en aurais besoin demain soir. J’ai aussi pris les chaussures, au cas où…mais tu n’es pas obligée, ajoute-t-elle devant mon air effarée.

– merci Marina je murmurais, sentant des larmes emplir mes yeux, tu n’aurais pas dû, c’est tellement gentil.

Elle passa un bras autour de mes épaules et me serrant un instant contre elle, elle répondit :

– tu mérites d’être la plus belle, tu es déjà la plus intelligente, reprit-elle en riant et je ne pus m’empêcher de rire avec elle.

– oui mais ça je n’y peux rien…je lui répondis en essuyant mes larmes.

– Raison de plus pour que je m’occupe du reste…Jacob a de la chance de t’avoir rencontré, tu es vraiment quelqu’un de bien. Et demain tu seras splendide dans cette robe. Allez file ! Je ne veux pas te retenir plus longtemps.

Spontanément, je déposais un baiser sur sa joue puis je m’enfuie. C’était la première fois que j’embrassais un adulte depuis très longtemps.

Je regagnais ma chambre et rangeais la robe dans l’immense penderie vide quand Jacob toqua à la porte et entra.

– tu vas bien ? me dit-il en voyant mes yeux rougis.

– oui, ta mère est adorable, elle a pensé à emmener ma robe…mais comment savait-elle que j’allais venir ? Même moi je n’en savais rien.

– Elle l’espérait…comme moi…

Puis il n’ajouta rien et il me prit dans ses bras. Serrée contre lui, en sécurité dans ses bras, je me sentais tellement bien que j’avais l’impression que mon cœur allait exploser.

– je ne sais pas si je peux supporter tant d’amour…dis-je sans réfléchir.

– mais si tu peux, c’est juste une question d’habitude, répondit-il sans me lâcher. Tu n’as qu’à laisser les choses se faire et profiter…

– c’est un peu trop pour moi, tu sais, répliquais-je en le regardant dans les yeux. Parfois j’ai l’impression que je vais exploser ou que je vais faire quelque chose de terrible et vous décevoir tellement que vous ne pourrez plus…m’aimer.

– je ne te laisserais pas tout détruire si c’est ça que tu crains, dit Jacob avec véhémence. Je te connais maintenant, je vois bien comment tu fonctionnes, rappelle-toi que j’ai lu «l’art de la guerre », ajouta-t-il en riant, je suis prêt au combat maintenant.

– mais l’amour ce n’est pas une guerre…

– LA…quoi ?

– l’amour !

– tu veux dire que tu m’aimes ?

Je ne pus m’empêcher de rire devant ce stratagème grossier.

– oui, je te l’ai déjà dit…

– non, tu l’as murmuré…et heureusement que j’ai une bonne oreille…

JE T’AIME, Jacob Anderson…c’est mieux comme ça ?

– oui si c’est sincère…

– ça l’est, crois-moi, je répondis en me blottissant contre lui.

La nuit fut courte et j’appréciais de me réveiller à ses côté le lendemain matin mais je devais prendre garde à ne pas y prendre gout car nous ne pourrions partager notre lit trop souvent.

Nous passâmes la matinée à descendre des pistes faciles et l’après-midi à flemmarder au chalet, affalés dans les grands canapés du salon. Un peu de calme avant la tempête.

En fin d’après-midi, chacun regagna sa chambre pour se préparer. Je lavais soigneusement mes cheveux et Marina me fit un brushing impeccable puis m’attacha les cheveux en un chignon sophistiqué.

– C’est l’avantage d’avoir de beaux cheveux long, me dit-elle, des épingles plein la bouche, on peut en faire ce que l’on veut.

Elle me laissa me maquiller à sa coiffeuse car j’étais partie si vite que je n’avais amené que le strict minimum. Je posais un peu de blush pailleté sur mes paupières et un peu de rose sur mes pommettes, du mascara noir pour allonger mes cils et une touche de gloss pour faire briller mes lèvres.

– tu es splendide, me dit Marina, allez, vas mettre ta robe maintenant et fais attention à tes cheveux ! Prends les chaussures, s’écria-t-elle alors que je franchissais la porte.

Je me changeais rapidement et je descendis dans le salon sous l’œil admiratif des invités déjà prêts.

your gorgeous ! dit une amie de Marina.

fantastic ! répliqua son époux.

Jacob me lança un regard approbateur en me rejoignant. Il portait cette fois ci un sublime costume noir, qu’il avait assorti d’une chemise du même noir. Seul les revers de sa veste doublée de soie, brillaient de même que la fine cravate serrée autour de son cou. Il était à tomber. Il se posa sur le rebord du canapé à mes côté et nous attendîmes que Marina et Hans soient prêts eux aussi. Quand ils apparurent au sommet de l’escalier, Hans donnant le bras à son épouse, ils étaient étourdissants. Hans était grand comme son fils et portait un smoking parfaitement taillé. Il avait coiffé ses cheveux en arrière ce qui lui donnait un air altier, Quant à Marina, il était difficile de la décrire. On aurait dit Audrey Hepburn dans « diamants sur canapé ». Elle portait une robe longue noire moulante, une tour de cou constitué de deux rangs d’énormes perles grises et avait déposé sur ses épaules une étole de fourrure blanche. Un chignon haut et strict complétait l’ensemble. Ils descendirent l’escalier dans un silence ébahi. Conscients de l’effet qu’ils produisaient, Marina et Hans sourirent aux invités puis Hans s’écria, rompant enfin le charme qui nous avait tous envouté :

let’s go guys ?

A ces mots, tout le monde  se leva et se pressa vers la sortie dans une joyeuse cohue.

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