UN BAISER OU LA MORT Chapitre 10

La nuit était fraiche. J’avais enfilé un léger blouson sur la robe que m’a mère m’avait obligée à porter mais j’avais tenu bon pour les baskets. Je refusais de me percher à nouveau sur des talons de douze centimètres pour ressembler à une autre.

Ce soir, j’étais moi-même parce que c’était comme cela que je me sentais le mieux et par chance, c’était ce que Jacob appréciait chez moi. La robe avait était un long combat contre ma mère qui tenait absolument à m’affubler d’une dentelle noire ringarde et « chic » c’était son expression. Finalement, après des regards assassins, elle avait accepté que j’achète une robe noire à manche longue, le haut à l’encolure évasée était en panne de velours, il dévoilait la naissance de mes épaules et ma gorge. La jupe en satin épais s’ouvrait en corolle et m’arrivait à mi-cuisse. J’avais accepté avec réticence le collier en or que ma mère avait accroché d’autorité autour de mon cou. Le médaillon en or, une petite rose ouverte avait appartenu à sa grand-mère. J’avais brossé mes cheveux mais avait refusé de les attacher. Ils flottaient dans mon dos et j’aimais la sensation de leur caresse sur mes épaules.

Quand nous arrivâmes devant la porte des Anderson, Nils qui devait guetter l’arrivée des invités, nous ouvrit la porte à la volée et nous invita à entrer, prenant son rôle de portier très au sérieux. Il tint à prendre nos blousons et gilets qu’il alla accrocher à des cintres.

La grande salle était magnifique. Marina avait encore fait des merveilles. Des dizaines de ballons flottaient en grappe dans toute la pièce, la table était splendide avec son buffet déjà garni, ses verres en cristal qui scintillaient et éclairaient les murs de mille reflets colorés.

Jacob avait dû nous entendre car il descendit les escaliers rapidement. Il portait un pantalon de costume noir dont la coupe était parfaite et une chemise blanche d’une grande simplicité qui mettait en valeur son bronzage encore très prononcé en cette fin de mois d’octobre. Il nous sourit, visiblement heureux de nous voir arriver mais nous n’eûmes pas le temps de nous parler car des invités ne cessaient de sonner à la porte. Marina avait encore une fois convié tout le voisinage et tous arrivèrent assez rapidement après nous. Les deniers mais non les moins spectaculaires, furent les parents d’Alicia qui rivalisaient d’élégance. Son père portait un costume blanc très ajusté qui aurait paru vulgaire sur n’importe qui d’autre mais qui mettait étrangement en valeur sa peau mate et ses cheveux noirs. Sa mère était vêtue d’une robe longue en lamé si décolletée que je me demandais comment elle tenait sur son corps parfait. Alicia, malgré ses talons et sa mini-jupe presque indécente semblait encore une fois terne et inconsistante à leur côté. Elle jeta un regard noir à l’assemblé et alla s’assoir ostensiblement dans un canapé, son téléphone greffé à la main, surfant sur des réseaux sociaux dont elle était experte. Elle prit quelques selfies qu’elle s’empressa de poster avec des commentaires que j’imaginais désagréables. Cela ne me touchait pas car je refusais de m’abandonner à cette manie des ados d’aujourd’hui qui ne pouvait s’empêcher de poster leur vie sur Instagram ou Snapchat. Moi je préférais que ma vie reste secrète et moins j’apparaissais sur des réseaux sociaux, mieux je me portais. J’avais d’ailleurs constaté que Jacob avait lui aussi cessé de consulter son téléphone en permanence, préférant de loin passer du temps avec moi ou dans sa piscine.

Marina arriva resplendissante dans sa robe de soirée d’une rare élégance et après avoir salué tout le monde, elle nous convia, Jacob et moi à prendre place l’un à côté de l’autre puisque c’était notre anniversaire. Techniquement, je n’aurai seize ans que dans quelques heures, puisque j’étais née à 23h32 (facile à retenir…). Jacob avait vu le jour à 14h, il avait donc déjà 18 ans. Nous prîmes place autour de la grande table parée d’une nappe blanche magnifique et le repas commença. Marina et Hans rivalisaient de gentillesse et d’attention et le repas fut détendu et délicieux. Quand arrivèrent les desserts, je faillis tomber de ma chaise. Marina avait commandé deux somptueux gâteaux, l’un nappé d’un coulis de chocolat noir luisant, décoré de framboises fraiches. Il était époustouflant. Le second, tout blanc, regorgeait de fleurs en sucre, de décorations dans des tons de roses et de tourbillons de crème blanche. Il était tout aussi splendide. Marina rayonnait de voir nos yeux ébahis et nos mines réjouies.

– j’ai pensé qu’un seul gâteau ne permettrait pas de fêter dignement vos deux anniversaires, dit-elle. Je sais que Jacob adore le chocolat, et pour toi, dit-elle en me regardant, je me suis dit que celui-là t’allait parfaitement. Qu’en dites-vous ?

– je…je ne sais pas quoi dire Marina, ils sont splendides et ils ont l’air délicieux. Merci, Merci beaucoup, je bredouillais.

J’avais les larmes aux yeux tant j’étais touché par tant de gentillesse. Jacob qui avait sentis mon trouble se racla la gorge et ajouta :

– merci maman, encore une fois, tu t’es surpassée. Ces gâteaux sont parfaits.

Dans le même temps il attrapa ma main sous la table et la serra fort, y insufflant tout ce qu’il ne pouvait pas dire.

Je me tournais légèrement vers lui et lui souris. Il me regarda un instant, un bref instant mais ce que je lus dans son regard m’électrisa. Il reporta ensuite, sans lâcher ma main, son regard sur les gâteaux et sur son père qui allumait des bougies sur chacun d’eux. 16 pour le mien, 18 pour le sien. Quand ils rayonnèrent de leurs petites flammes, la lumière s’éteignit et un « happy birthday » fut chanté avec conviction par tous les convives, tous ? Sauf une bien entendu mais cela m’était bien égal maintenant. Puis nous dûmes souffler les bougies sous les applaudissements et les sifflets. Ensuite Hans coupa les deux gâteaux d’une main experte en autant de part qu’il y avait de convive. Nous fûmes rapidement servis. Les gâteaux étaient aussi bons qu’ils étaient beaux. Je me sentais comblée. Le repas avait été délicieux, les gâteaux étaient parfaits, bref, un anniversaire comme je n’en avais jamais eu. Joyeux, agréable, détendu. Ma mère qui avait bu quelques coupes de champagne, souriait toute seule. Elle semblait détendue et heureuse et je lui souris et elle me rendit mon sourire puis leva sa coupe et trinqua en mon honneur. Tous les convives l’imitèrent pendant que Marina arrivait, les bras chargés de cadeaux qu’elle déposa devant nous.

Jacob commença à ouvrir ses paquets. Il eut droits à plusieurs tee-shirts et polos de marque, son père lui avait offert une très belle montre, il avait aussi des CD, quelques livres (dont un que j’avais choisi pour lui« l’arbre aux haricots » de Barbara Kingsolver), une fine chaine en argent avec une pièce trouée en pendentif (J’avais acheté la chaine après avoir trouvé la pièce trouée chez un brocanteur. Je l’avais nettoyée et elle brillait maintenant comme neuve. Elle n’avait pas beaucoup de valeur mais l’ensemble était beau). Jacob me lança un regard interrogatif et quand je hochais la tête, il sourit et attacha le collier autour de son cou. La pièce disparut dans sa chemise exactement comme je l’avais imaginé. Il restait une petite boite devant lui qu’il tourna un moment avant de finalement se décider à l’ouvrir et quand il en sortir un porte-clé télécommande auquel pendait une unique clé, il se leva et franchissant les quelques mètres qui les séparaient, il souleva sa mère dans ses bras puissant en la couvrant de baisers.

thank mom, it’s so crazy ! A car ? really ? thank you !thank you dad ! ajouta-t-il en souriant à son père. Finalement il reposa sa mère et je les vis tous deux essuyer leurs yeux humides.

Marina se racla la gorge pour reprendre ses esprits puis elle se retourna vers moi et dit :

– et toi Colette, ouvres donc tes cadeaux.

C’était le moment que je redoutais par-dessus tout. Même les brimades d’Alicia me paraissaient plus supportables que d’ouvrir mes cadeaux devant tout le monde mais la famille Anderson ne l’entendais pas de cette oreille et même si je savais que Jacob compatissait car je lui avais dit mon horreur pour ce genre de moment,  je dus m’exécuter.

J’eux moi aussi plusieurs vêtements couteux, des tee-shirts à manches longues surtout et un petit top très décolleté et sans manche pour lequel je remerciais la mère d’Alicia tout en sachant que je ne le porterais jamais même s’il avait dû couter une véritable fortune. Jacob m’avait lui aussi offert un collier – décidément. Une fine chaine en or et un pendentif en tourmaline rose pâle serti d’or. Il était splendide. Il l’attacha délicatement autour de mon cou et je lui souris. C’était un cadeau magnifique, à coté ma pièce trouée ressemblait à un gadget. Ma mère m’avait prosaïquement offert un pull avec une écharpe et des gants assortis même si les hivers dans le sud étaient bien plus chaud que ceux auxquels nous étions habitués. Marina pour sa part déposa devant moi un petit coffret intrigant. Quand je l’ouvris sous les regards des tous les convives, je découvris une « cadeau-box » pour vingt leçons de conduite accompagnée. J’allais apprendre à conduire ! Je vis ma mère se rembrunir mais devant mon air exalté elle n’eut pas le cœur de gâcher mon plaisir.

– Et si nous passions au salon pour boire le café ? dit Marina pour détourner l’attention. Nils, tu prépares le café s’il te plait, dit-elle à son plus jeune fils qui fila vers la cuisine sans protester.

– on va aller l’aider, s’écria Jacob en attrapant ma main d’autorité. Nous suivîmes Nils dans le couloir mais au lieu de nous rendre directement dans la cuisine, Jacob m’entraina dans le garde-manger attenant. Il me plaqua contre la porte et m’enlaçant pour me tenir si serrée contre lui que j’en eus le souffle coupé, il m’embrassa avec passion. Quand il me laissa enfin reprendre mon souffle je murmurais :

– merci pour le collier, il est magnifique !

– le tiens aussi, je l’adore, dit-il en sortant la pièce de sa chemise. Mis à part la voiture, c’est mon plus beau cadeau.

– tu plaisante, il n’a aucune valeur, c’est une pièce que j’ai trouvé chez un brocanteur !

– justement, tu as cherché une idée originale pour moi et ça me touche. Je t’assure, je l’adore, je ne l’enlèverai jamais.

J’allais protester mais il ne m’en laissa pas le temps. Il colla à nouveau sa bouche sur la mienne et nous nous oubliâmes dans ce fabuleux baiser.

– il me tarde que nous puissions être seuls tous les deux, dit-il finalement en me regardant droit dans les yeux pendant qu’une de ses mains se perdait dans mes cheveux détachés. Tout mon corps frissonna de plaisir à ce contact et je répondis :

– moi aussi…quand tout le monde sera parti…je pourrais venir dans ta chambre si tu veux…je dis ça d’une toute petite voix hésitante, j’espérais presque qu’il proteste mais il acquiesça :

 – oui, tout à l’heure c’est bien. J’ai tant envie…d’être avec toi…

Puis il recommença à m’embrasser et j’oubliais tout. Ce n’est que quand nous entendîmes Marina appeler Jacob que nous revînmes sur terre. Il mit un doigt sur ma bouche pour me faire signe de ne pas faire de bruit puis il ouvrit la porte du garde-manger et sortit en disant, je suis là maman, qu’est-ce que tu veux ?

– tu n’étais pas sensé aider ton frère ? demanda-t-elle.

– si, je m’en occupe…

J’entendis les talons de Marina s’éloigner et je sortis à mon tour. Jacob et Nils étaient en train de rassembler des soucoupes et des tasses dans un grand plateau pendant que la machine à café crachotait de petits jets de café dans un grand broc en verre. J’ajoutais le sucre et des petites cuillères puis je retournais m’assoir dans le salon. Les convives étaient confortablement installés et certains sirotaient des digestifs dans de petits verres. Ma mère dégustait un alcool blanc à toute petite gorgée avec un plaisir évident.

– qu’est-ce que tu bois ? Lui demandais-je

– un délicieux alcool de myrrhe…tu es contente de tes cadeaux, ajouta-t-elle rêveuse.

Oui, merci pour les vêtements…et j’adore aussi les leçons de conduite…

– je m’en doutais…bah, après tout, si c’est Jacob qui te fais conduire…parce que c’est bien lui avec qui tu vas conduire j’imagine…

– je ne sais pas maman, on en a pas parlé, je ne m’attendais pas du tout à ce cadeau, je t’assure…

– on en reparlera, répliqua ma mère un peu trop froidement à mon goût. J’imaginais que les problèmes n’allaient pas tarder à arriver.

Quand les deux garçons revinrent avec le plateau il s’affairèrent à servir tout le monde. Pendant un moment le silence régna, la soirée avait était agréable pour tous, le repas délicieux, les cadeaux surprenants et la soirée touchait gentiment à sa fin.

Peu à peu, les invités prirent congés et finalement les parents d’Alicia se levèrent et virent féliciter Marina pour le repas et l’accueil chaleureux, et Jacob et moi pour nos anniversaires respectifs. La mère d’Alicia se tourna vers moi et dit d’un ton très aimable :

– Colette, je ne me serais jamais douté que tu n’avais que 16 ans, je suis impressionnée. Il parait que tes résultats scolaires sont excellents ? Je te félicite. Alicia devrait prendre exemple sur toi, n’est-ce pas ma chérie dit-elle à celle-ci qui se tenait en retrait. Tu devrais faire tes devoirs avec Colette, elle aurait probablement beaucoup de choses à t’apprendre.

– plus que tu ne crois, répliqua froidement celle-ci en se dirigeant vers la porte d’un pas déterminé sans dire au revoir à personne.

– Nous allons être obligé de la mettre en pension, dit son père en soupirant, elle est insupportable. Encore Merci pour la soirée, ajouta-t-il en franchissant le seuil.

Ma mère les suivait :

– tu viens Colette ?

– j’arrive maman, j’aide Marina à débarrasser et je rentre…

Je partis immédiatement avant qu’elle ne puisse répliquer et m’affairais un moment avec les garçons dans la grande salle, débarrassant et nettoyant. Quand Marina eut enfin fermé la porte sur le dernier invité elle dit, comme pour elle-même :

– elle est effectivement très mal élevée mais je ne suis pas sure que la pension y changera grand-chose. Quel dommage, c’est plutôt une jolie fille et je suis sure qu’elle n’est pas idiote…qu’en pensez-vous les enfants ?

– tu me demandes à moi ce que je pense de cette pimbêche ? répondit Jacob sans relevé la tête.

 – Et toi Colette ?

– euh, elle n’est pas très sympa avec moi depuis que je suis arrivé mais je pense qu’elle a un bon fond…

– c’est toi qui dis ça ? S’exclama instantanément Jacob, elle te martyrise depuis des mois ! C’est ça la vérité Colette et tu es bien trop gentille pour le dire !

– moi je la trouve plutôt canon dit Nils en riant et Jacob lui jeta un torchon à la figure pour le faire taire. Cette remarque désamorça cependant l’ambiance qui devenait tendu et nous éclatâmes tous de rire.

Quand tout fut rangé et nettoyé je n’avais plus de raison valable de rester alors je pris mon blouson et dit à toute la famille assemblée dans la salle :

– merci pour cette fabuleuse soirée et merci pour les cadeaux. J’espère que j’aurais le temps de prendre mes leçons de conduite…

Jacob me raccompagna jusqu’à la porte et alors qu’il la refermait sur moi il murmura :

– à tout à l’heure, je t’attends, je laisserai la porte ouverte…

– …hum….

Je filais en me disant que j’avais pris un engagement dans un moment hors du temps et que je n’étais pas sure de vouloir le tenir.

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