JE LA REGARDE – Chapitre 6

Chapitre 6 

Je la regarde parler, elle est furieuse. Elle est venue jusqu’à mon bungalow et je pense qu’elle n’a pas décoléré durant tout le trajet.

Je la regarde et je ne reconnais pas cette femme, cette tigresse qui m’apostrophe violemment alors que pendant des années elle a assuré ma protection en silence. Sonia s’est affranchie. Elle s’est débarrassée de ce qui la reliait à moi et elle me parle maintenant comme à un intrus.

-Va-t’en ! Tu n’as rien à faire ici ! Tu vas encore la faire souffrir ! Cette fois ci je ne le permettrai pas ! Durant toutes ces années je t’ai laissé faire n’importe quoi. Je t’ai vu maltraiter tes amis, je t’ai regardé abuser de femmes naïves parce que tu étais riche, parce qu’elles étaient stupides. Et je n’ai rien dit parce que mon travail c’était de te protéger, de te protéger de ces femmes cupides, de te protéger de tes amis malsains, et de te protéger de toi-même. Mais aujourd’hui, c’est fini. Aujourd’hui je ne suis plus là pour toi, je suis là pour elle ! Je veille sur elle et je t’empêcherais de lui faire du mal. Je ne veux pas que tout ça recommence. Je t’ai vu la malmener. Je t’ai laissé la faire souffrir et ça ne se reproduira pas. J’y veillerai !

Je n’en reviens pas, Sonia ne s’est jamais adressée à moi de cette façon. Avant, elle n’aurait jamais osé me parler sur ce ton ni me dire des choses aussi terribles. Et je ne peux que reconnaître qu’elle a raison. Je me suis effectivement conduit comme un infâme salopard et j’en ai honte. Je sais ce que je lui dois. Je ne compte plus le nombre de fois où elle m’a ramené chez moi sain et sauf malgré mes excès, mes abus, et mon arrogance. Mais je sais aussi qu’elle était là, qu’elle a pris la défense de Chloé, et qu’elle a fini par m’interdire de l’approcher quand je l’ai violenté à Dubaï. Je savais que c’était la fin, je savais que Chloé m’échappait mais jamais je n’aurais imaginé que Sonia prendrait son parti. J’avais toujours vu Sonia comme une seconde mère, quelqu’un qui serait toujours présent à mes côtés, quoi que je fasse, quoi qu’il arrive. Mais elle en a décidé autrement. Elle a cessé de me protéger et elle a reporté son attention sur Chloé. Je ne sais pas comment cela est arrivé. Je voudrais lui demander mais elle est tellement furieuse, qu’elle me fait peur. J’ai toujours eu un peu peur de Sonia, c’était comme ça qu’elle avait du pouvoir sur moi. C’était comme ça qu’elle arrivait à me raisonner, à me faire partir quand je voulais rester, à me faire rentrer chez moi quand je voulais traîner dehors toute la nuit. C’était comme ça qu’elle arrivait à me protéger. J’ai passé dix-sept ans aux côtés de cette femme qui hurle sur moi toute sa rage et toute sa peur. Et je m’aperçois que je ne la connais pas. Je ne sais rien d’elle, je ne sais rien de sa vie, je ne me suis jamais préoccupé que de moi. Maintenant, elle est là devant moi et elle m’ordonne de faire quelque chose que je ne peux pas lui accorder. Alors je lui dis :

– je ne peux pas Sonia, je ne peux pas ! Je l’aime trop ! J’ai passé cinq années à la chercher et maintenant que je l’ai retrouvé, maintenant qu’elle accepte de me parler, je ne peux pas abandonner.

– Et pourtant tu dois. Tu dois la laisser vivre sa vie ! Tu ne sais rien, tu ne sais pas ce que tu vas détruire si tu continues à la voir. Je sais qu’elle t’aime encore mais je peux la protéger de toi. Il n’est plus possible qu’elle revienne en arrière. Les choses ont changé !

– Sonia calme-vous je vous en prie ! Je l’aime, et si elle m’aime aussi, c’est merveilleux ! Je ne vois pas où est le problème. Je ne compte pas la faire souffrir de nouveaux. J’ai changé, vous ne le voyez peut-être pas, mais j’ai changé. Si vous prenez le temps de parler avec moi, de voir ce que je suis en train de faire, ce que j’ai fait depuis votre départ, vous sauriez que je ne suis plus le même. Je ne lui ferai plus jamais de mal. Je ne veux que son bonheur et je ne comprends pas pourquoi ça vous fait si peur.

Je ne me suis même pas aperçu que je la vouvoie. Sonia, à qui j’avais toujours dit « tu » est devenue une inconnue à qui je dis  « vous » et m’en rendre compte, me permet de mesurer la distance qui s’est installée entre nous. Elle n’est plus la femme de mon adolescence, l’amie avec qui je faisais la course, la fidèle présence à qui je pouvais tout demander. Ceci dit, je ne comprends toujours pas sa rage, et je ne vois pas en quoi notre amour renaissant ferait courir un danger à Chloé. Mais elle continue, entêtée.

– Non ! Tu ne comprends rien ! Je ne te demande pas si tu veux ! Je te dis que tu ne peux pas! Il y a quelqu’un d’autre dans sa vie et elle est heureuse. Vas t’en et refais ta vie sans elle. Toutes les femmes sont à tes pieds, tu n’as que l’embarras du choix. Pourquoi t’acharnes-tu sur elle comme ça ?

Si je ne la redoutais pas autant, je la mettrais dehors en lui demandant de se mêler de ses affaires. Mais je connais la partie redoutable de Sonia et pour rien au monde je ne voudrais m’y frotter. Je sais qu’elle pourrait être féroce et dangereuse. J’ai pris assez de coups comme ça ces derniers jours et je ne tiens pas à me faire casser la gueule par mon ancien garde du corps. Si l’envie lui en prenait, elle me mettrait en miettes et il ne me suffirait pas d’une semaine pour m’en remettre. Alors je tente d’être conciliant :

– écoutez Sonia, il n’est pas nécessaire de crier comme ça. Je ne force pas Chloé à me voir. Elle est libre, elle fait ce qu’elle veut. Mais je ne l’empêcherai pas de venir parce que je suis heureux quand elle est là et que je la rends heureuse. Je sais qu’elle a quelqu’un d’autre dans sa vie, elle me l’a dit mais si cette personne la rendait aussi heureuse, elle aurait refusé de me voir. Je sais que vous ne m’avez pas cru quand je vous ai dit que c’était la femme de ma vie, parce que vous m’aviez trop vu papillonner avec des femmes qui attendaient autre chose de moi, mais je vous jure que je ne veux aucun mal à Chloé. C’est la femme de ma vie et je ne peux pas renoncer à elle. J’aimerais tant que vous le compreniez.

– Foutaise ! Tout ça, ce sont des foutaises ! Tu n’as jamais aimé que toi-même. Tu n’es pas capable de t’intéresser à quelqu’un d’autre que toi. Je t’ai vu détruire les gens. Je n’ai aucune confiance en toi ! Et je ne t’aime pas ! Je ne t’aime plus ! Tu étais un adolescent attachant, malheureux et j’ai fait de mon mieux pour t’aider. Mais tu détruisais tout, au fur et à mesure. J’ai passé des années à réparer derrière toi tout ce que tu avais cassé. Tu te mens à toi-même ! Tu penses que c’est la femme de ta vie ? Alors laisse la tranquille et vas t’en. C’est la plus grande preuve d’amour que tu pourras jamais lui donner

Elle a fini ; elle s’apprête à partir mais je ne peux pas la laisser s’en aller sur ces paroles :

– Sonia non ! Je vous ai toujours obéi mais là ce n’est pas possible ! Je n’abandonnerai pas Chloé. Je ne renoncerai jamais à elle. Je ne peux pas !Je comprends que vous teniez à elle au point de penser qu’elle a besoin d’être protégée de moi mais vous avez tort ! Et puis vous n’avez pas le droit ! Vous n’avez pas le droit de la protéger comme une enfant. Et vous n’avez pas le droit de m’interdire de la voir. Je ne suis plus sous votre responsabilité. Vous n’avez plus aucun droit sur moi et vous n’avez aucun droit sur Chloé. Laissez-nous vivre notre vie et nous verrons bien où elle nous mène !

Sur ces mots je fais demi-tour et m’apprête à rentrer dans le bungalow quand elle m’assène un violent coup à la base de la nuque du tranchant de la main. Je m’effondre, terrassé par une douleur qui me paralyse de la tête aux pieds.

– Ne me tourne plus jamais le dos ! Ça n’est qu’un avant-goût de ce que je peux te faire ! Tu ne peux pas jouer avec moi et tu ne peux plus jouer avec elle ! Je te l’ai dit, je ne te laisserai pas faire. Ça, c’était pour tout le mal que tu lui as fait avant. Et ça n’est pas très cher payé ! Tu en mériterais des dizaines. Maintenant je te le répète une dernière fois : vas t’en parce que la prochaine fois que nous nous rencontrerons, je ne serais pas aussi gentille !

Et elle s’en va, me laissant hoqueter tout seul sur le magnifique parquet du bungalow qui brille, satiné comme la peau douce et ambrée de Chloé. Il me faut un moment pour me remettre de ce coup violent. Et me voilà de nouveau effondré. J’ai réussi à briser les résistances de Chloé, nous avons repris peu à peu une relation amoureuse qui recommence plutôt bien, et soudain, cette furie se met entre nous. Et ça, je vois mal comment je vais pouvoir l’empêcher. Je me traîne jusqu’à mon lit où je reste allongé longtemps et au fur et à mesure, mes pensées s’assombrissent. Une multitude de questions me traverse l’esprit : comment Sonia a-t-elle été au courant de ma présence ? Est-ce Chloé qui lui en a parlé ? Et pourquoi l’aurait-elle fait ? Elle est suffisamment indépendante pour ne pas rendre de comptes à qui que ce soit. Pourquoi Sonia a si peur ? Quel danger puis-je bien représenter pour qu’elle débarque chez moi et me menace de la sorte ? Tout s’embrouille dans mon esprit, et encore une fois, je n’ai pas de réponse. J’aimerais appeler Chloé pour lui en parler mais je n’ose le faire. Quelque chose me retient. Je ne suis pas sûr que Sonia lui ait parlé de sa visite ou compte le faire et je ne voudrais pas que quelque chose vienne s’interposer entre elle et moi. Alors, je décide de garder le silence. Si elle revient me voir, je l’accueillerais comme si Sonia n’était jamais venue. Pourtant je ne vois qu’une seule explication : Chloé a dû lui dire que j’étais ici et qu’on s’était retrouvé, parce que depuis notre dernière rencontre, cette nuit mémorable où, perclus de douleur, je lui ai fait l’amour, nous ne nous sommes pas revus. Elle n’est pas revenue et j’ai été tellement absorbé par les plans et une multitude de listes que nous avons fait avec Nyoman en prévision des achats à venir, que je n’ai pas eu le temps d’aller la voir. J’aimerais tirer tout ça au clair mais aujourd’hui est un jour important : j’attends Nyoman avec lequel je dois me rendre à Denpasar pour commander tous les matériaux nécessaires à la réhabilitation des neufs autres bungalows. Je suis encore affalé dans mon lit, livré aux affres de mes réflexions sans réponse, quand j’entends les grincements caractéristiques de la fourgonnette de Nyoman. J’enfile mes chaussures, prends mon portefeuille et fermant soigneusement les volets derrière moi, le rejoins à l’arrière du bungalow. Même s’il remarque mon air soucieux, il n’en dit rien. Il est tôt, et nous avons toute la journée pour commander et faire livrer les matériaux. Mon bungalow n’est pas tout à fait terminé, bien que la mezzanine trône, ses poutres vernissés s’étirant en un plafond bas et bienvenu, mais je compte bien sur cette journée pour acheter les meubles qui manquent. Je compte acheter un grand lit que nous aurons du mal à monter sur la mezzanine mais qui aura largement la place d’y être installé, une ou deux commodes, des tables de nuit et des lampes me seront aussi nécessaires pour en faire une chambre convenable. Ainsi libéré de ce meuble encombrant, l’espace du bas me permettra de créer un vrai salon. Il me manque donc un canapé, des fauteuils et une table basse. J’ai réussi à convaincre Nyoman de me construire une bibliothèque et celle-ci s’élève maintenant jusqu’au plafond, à la droite de la porte fenêtre. Nyoman m’a même fabriqué une échelle coulissante montée sur des rails qui me permettra d’atteindre les livres posés tout en haut. Elle est pratiquement vide pour le moment, mais je compte bien la remplir au fur et à mesure de mes virées en ville. J’ai découvert une librairie française qui regorge de vieux livres et je compte bien la dévaliser à chacun de mes passages. La femme qui la tient, légèrement baba cool, est charmante. C’est une grande blonde bien charpentée, un visage légèrement osseux orné d’un nez proéminent. Mais elle parle d’une voix douce et son érudition lui donne un charme suranné. Ses grands yeux cernés de khôl noir, me font penser à une biche, et l’idée m’a traversé l’esprit, une fois ou deux, devenir la taquiner. Mais je venais juste de retrouver Chloé et j’ai vite enfoui ses fantasmes au fond de mon esprit. Je ne sais pas pourquoi je repense à elle pendant que Nyoman nous secoue comme deux vieux sacs dans sa fourgonnette qui cahote sur cette route pleine de trous. Peut-être est-ce la fureur de Sonia qui m’a donné envie de m’évader et mon esprit vagabond à vogué jusqu’à cette bouquiniste. Je n’arrive pas à l’imaginer nue. Elle doit être légèrement plus âgée que moi, une petite quarantaine, et son corps, bien que mince, semble avoir vécu. Je me raconte des histoires pour ne pas penser à Sonia et c’est avec soulagement que je vois se profiler le haut bâtiment de la scierie.

La matinée se passe de commandes en commandes, de grossistes en quincaillerie, et après un arrêt chez M. Wayan, qui nous invite à manger dans une petite échoppe située près de sa boutique, nous repartons vers le nord de la ville, en quête de meubles. Nyoman me conduit chez un grossiste, un cousin à lui, encore un ! Dans ce pays, tout le monde semble avoir un lien de parenté. Tout le monde semble se connaître. Je les envie d’être aussi entourés. Je les envie d’avoir tant de famille proche ou lointaine, moi qui suis tout seul. Les balinais sont des gens fatalistes et heureux. Tous les événements donnent lieu à des fêtes, même les enterrements. Il n’y a pas un jour où la ville ne compte une procession, un rituel, une place remplie de danseurs et de danseuses en costume traditionnel, ou encore des pièces de théâtre ou hommes et femmes, travestis et maquillés outrancièrement, joue en-boucle des petites scènes où des divinités, mi-homme, mi-animal, interviennent dans la vie humaine. La ville n’est qu’un foisonnement de couleurs, de temples parés de dorures et de sculptures ouvragées, entrecoupée de boutiques et d’habitations entassées les unes sur les autres dans une pagaille générale qui semble satisfaire tout le monde. Les touristes mitraillent à tour de bras, armés d’appareils photo et de caméras, et les habitants de la ville se prêtent au jeu en souriant.

L’entrepôt dans lequel nous entrons est un des plus grands que j’ai vus à Bali. Les meubles sont rangés par section et je n’ai que l’embarras du choix. Dès l’entrée, je suis assailli par des parfums d’encens qui brouille un instant ma perception. Il fait assez sombre et il me faut un temps pour acclimater ma vue et commencer à regarder les meubles. J’erre longuement entre les nombreux modèles de lit et finit par arrêté mon choix sur une magnifique folie en bois couleur miel, comme une immense vague. La tête de lit se creusant vers le haut pendant qu’à l’opposé, une courbe inversé vient mourir sur le sol. Deux petites tables de nuit assortie, je voudrais installer une commode pour pouvoir ranger quelques affaires sur la mezzanine. Le vendeur me conduit vers le fond de l’entrepôt et me montre un modèle dont la teinte correspond à celle de mon lit. Elle est jolie mais petite. Je m’en arrangerais. Il me faut maintenant choisir un canapé, et là encore, ils sont si nombreux que j’ai du mal à arrêter mon choix. Finalement j’opte pour un canapé en cuir crème dont le touché et si doux et si délicat qu’on dirait presque de la peau. Il est simple, grand et splendide. Deux immenses fauteuils viendront le compléter et une table basse formée de quatre cubes en treilles de tek presque noir, fera l’affaire. J’ai décidé de garder mon armoire et ma grande commode, car nous avons vécu la tempête ensemble et comme moi, elles y ont résisté. Nyoman donne mon adresse au vendeur pendant que je lui tends une énorme liasse de billets. J’ai décidé de ne plus discuter les prix même si Nyoman râle car cela va à l’encontre de ses coutumes. Je me fiche pas mal de me faire escroquer, j’ai beaucoup trop d’argent pour moi tout seul. Nyoman a un peu résisté la première fois que je l’ai payé, devant la quantité ahurissante de billets que je lui donnais. Mais sans lui et son travail acharné, rien de tout ça n’aurait vu le jour. Je le lui dois bien, et je lui dois même beaucoup plus que ça. Il m’a dit un jour que quand il aurait fini de travailler pour moi, il pourrait s’arrêter de travailler le reste de sa vie. Ça m’a amusé parce que je ne l’imagine pas un seconde inactif. Il y a réfléchi et a convenu que j’avais raison.

Mes meubles seront livrés dans la semaine, les matériaux aussi, nous pouvons rentrer. Je demande à Nyoman de s’arrêter chez Madame Soda et lui paie un repas du soir anticipé. Madame Soda et moi sommes devenus amis. Nous n’avons toujours pas réussi à nous comprendre mais nous nous racontons, chacun dans notre langue, tout un tas d’histoire auxquelles nous ne comprenons rien et cela semble l’amuser autant que moi. Je lui parle de Chloé, de mes bungalows, je lui parle de ma vie en France, de la Fondation, et elle rit. Puis elle déverse un flot de parole dont seule la gaieté et l’harmonie me sont compréhensibles. Je ne sais absolument pas de quoi elle parle, mais j’aime le son de sa voix, j’aime cette langue gutturale et chantante. Peut-être qu’elle me traite d’imbécile, et elle aurait probablement raison, mais ça m’est bien égal. Ces repas sont toujours succulents et je constate que son échoppe est devenue plus luxueuse et qu’une deuxième table a rejoint la mienne. Si c’est grâce à ma contribution, j’en suis heureux. Je lui laisse chaque jour un énorme pourboire avec le sentiment de faire une bonne action. Nyoman me regardent horrifié, déposer une liasse de billets pour payer notre repas. Je vois bien qu’il désapprouve mais j’aime bien Madame Soda, et j’aime son sourire quand elle prend délicatement l’argent pour le glisser dans la poche de sa robe.

Nyoman me dépose à mon bungalow et repart. Il n’y a plus rien à faire l’intérieur. Nous devons attendre que les meubles les matériaux arrivent.

Le site est maintenant vide, la dernière famille est partie. Malgré les nombreuses demandes, j’ai refusé toutes les propositions de location. J’ai demandé à Nyoman et son à cousin de construire une lourde barrière provisoire juste avant le parking. Ainsi, aucun véhicule ne peut venir se garer et la route étroite et tortueuse ne permet pas de s’arrêter. J’ai caressé un temps l’idée de faire couper l’arbre qui se dresse dans le virage au milieu de la route, mais j’y ai renoncé. Il fait partie intégrante de ce lieu, il y a sa place, et si un imbécile rentre dedans, c’est son problème. Quand nous aurons câblé tous les bungalows pour y amener l’électricité, j’ai décidé d’y installer une lumière pour qu’ils soient éclairés la nuit. C’est la que seul concession que je ferai. Pour le moment, mon bungalow semble vide, même si mon lit trône toujours au milieu. D’ici quelques jours, des lampes, des tapis et des tableaux viendront parer le sol et décorer les murs. Je me suis installé sur la véranda pour lire, confortablement calé par des coussins quand Chloé arrive. Je lui souris, heureux de lavoir, mais elle ne répond pas à mon sourire. Je pense que nous allons parler de Sonia. Je l’invite à rentrer à l’intérieur mais elle refuse. Je lui propose de s’asseoir sur le transat à côté de moi, elle refuse encore :

– Que se passe-t-il Chloé ? Tu as l’air contrariée.

– Sonia est venue, n’est-ce pas ? Elle est venue te voir ?

– Oui, elle est venue, dis-je posément, elle est restée quelque minute et elle est repartie.

 J’ai décidé d’être prudent parce que je sens bien que le terrain est miné.

– De quoi t’a-t’elle parlé ?

– De choses et d’autres, elle ne semblait pas très heureuse de me revoir.

– c’est le moins qu’on puisse dire ! Je ne l’avais jamais vu se mettre dans une colère pareille. Je suis désolée. Je ne sais pas pourquoi je lui ai parlé de toi. J’avais besoin d’en parler à quelqu’un et il n’y avait qu’elle. Et maintenant est en colère contre moi aussi. Elle dit que je fais n’importe quoi. Elle dit que je devrais me méfier de toi, que tu ne me feras que du mal.

– Et toi Chloé, que dis-tu ?

Elle reste un moment songeuse, elle n’arrive pas à me regarder en face et cela m’inquiète. Elle prend son élan et répond :

– je pense qu’elle a raison. Je pense que tout ça n’est pas raisonnable que c’est de la folie, que nous devrions arrêter.

– Chloé, tu ne vas pas te laisser influencer par quelqu’un d’autre ? Tu ne vas pas laisser Sonia décider de ta vie ?

– Et pourtant Jeff, c’est bien ce que je suis en train de faire avec toi ! Depuis que tu es arrivé je t’ai laissé m’influencer, je t’ai laissé décider pour moi à nouveau !

– Mais c’est faux Chloé, je n’ai rien décidé pour toi. Tu ne fais que ce que tu as voulu. Certes, au début je t’ais un peu harcelée et je m’en excuse. Mais ensuite, il s’est passé quelque chose, quelque chose que je ne t’ai pas racontée, et je n’ai plus eu envie de te forcer !

– Et bien c’est pareil pour moi ! Il s’est passé quelque chose que je ne t’ai pas raconté et maintenant je dois m’en aller.

– Chloé, je t’en supplie, tu ne peux pas faire ça ! Tu ne peux pas m’abandonner maintenant !

– Si justement, c’est maintenant que je dois le faire, avant que je ne puisse plus revenir en arrière. Maintenant je peux encore, parce que je t’aime mais je peux vivre sans toi. Bientôt je ne pourrais plus !

Et sur ce, elle s’en va me laissant bouche bée. Voilà, Sonia a frappé là où je ne l’attendais pas et je ne vois aucune manière de réparer ça. Je trouve tout de même le courage de courir après Chloé et la rattrape au moment où elle va s’en aller. Je me jette devant sa voiture et la supplie de m’écouter mais elle refuse et se met à pleurer. Elle ne veut même pas ouvrir sa vitre. Je fais le tour du véhicule et risquant le tout pour le tout, attrape la poignée de la portière passager. Elle est déverrouillée. Je me glisse à l’intérieur de la voiture, faisant sursauter Chloé et je la prends dans mes bras. Elle sanglote un long moment et je ne sais comment la réconforter, alors je lui murmure à l’oreille que je l’aime, que je l’aimerai toujours, comme une litanie. Elle finit par se calmer et se dégageant de mon étreinte me fait face :

– je ne peux plus continuer comme ça, Jeff. Je dois y mettre un terme. Sonia a raison. Au début tout ira bien et puis tu voudras reprendre le contrôle et je voudrai t’échapper et tout recommencera. Tu deviendras violent, jaloux et possessif. Tu voudras que je quitte mon travail parce que tu as de l’argent à revendre et tu te ficheras que j’ai besoin de lui pour exister.

– je ne ferai plus jamais ça, Chloé, je te le jure ! Je t’aime trop pour vouloir te changer. La première fois que je t’ai vue, j’ai été frappé par ta beauté et ta détermination. Tu été dehors, dans le jardin et tu lavais les dalles au jet d’eau pendant que je parlais… 

– mais qu’est-ce que tu racontes, la première fois que tu m’as vu, c’était au club, tu ne te souviens plus ? 

La plus grande confusion s’installe dans ma tête, j’ai failli lui révéler un de mes plus inavouables secrets, et vu comme la situation est tendue entre nous, ça n’est pas le moment de gaffer.

– tu as raison…Peu importe, ce que j’essaie de te dire, c’est qu’à l’époque, quand je t’ai connu, j’exerçais un métier très stressant qui me bouffait une bonne partie de  mon temps et qui me vidait la tête. Si tu ajoutes à ça, un père impitoyable qui ne laissait rien passer et qui guettait la moindre erreur pour me tomber dessus, tu avoueras qu’il y avait de quoi être tendu et énervé. Mais tout ça est loin. Mon père est mort et j’ai arrêté de travailler. Maintenant je retape des bungalows sur la plage à Bali. Pourrais-tu m’accorder un peu de crédit s’il te plait, Chloé ? 

Elle a souri fugitivement, mais j’ai eu le temps d’apercevoir son sourire malicieux et j’en ai le cœur réchauffé.

– je te l’accorde Jeff, tu as profondément modifié ta vie, mais tu n’es pas fiable. Pendant que je m’interroge pour savoir si je peux te donner une deuxième chance, tu baise cette petite australienne stupide ! 

J’avoue, j’en reste sans voix. Comment sait-elle cela ?

– Comment sais-tu ça ? Je ne peux m’empêcher de lui demander.

– je te l’ai déjà dit Jeff, ici, tout se sait ! Tu as continué à coucher avec elle ? 

– non, pas après la première fois où nous avons fait l’amour ensemble. C’était fini. 

– c’est pour ça qu’ils t’ont cassé la gueule ? Ça m’intrigue cette histoire ! 

– non, ça n’avait rien à voir avec elle ! 

Je mens mais je m’en fous. Je ne veux pas la perdre pour cette malheureuse baise avec Ariel.

– alors qu’est-ce qui s’est passé Jeff ? Tu as dit que tu l’avais mérité.

– j’étais sous le choc Chloé, je crois que je parlais plutôt de manière générale, pour tout ce que j’ai fait de mal dans ma vie. Pour toi… 

Je ne veux pas m’enfoncer plus, alors je préfère me taire.

– tu ne baise plus l’australienne, tu t’es fait cassé la gueule par des inconnus, tu as changé radicalement de vie…j’aimerai te croire mai j’ai du mal ! 

– alors, crois au moins une seule chose, Chloé, parce que celle-là, elle n’a jamais changé durant toute ces années : je t’aime, je t’aimerai toujours, que tu sois là ou pas, que tu me gardes ou que tu te débarrasse de moi. Je ne cesserai jamais de t’aimer ! Je ne suis pas quelqu’un de simple. Je suis un homme torturé et malheureux, j’ai vécu des expériences traumatisantes, mais je suis là maintenant, et je te garantis que seul ton bonheur m’importe.

– à condition que tu en fasses partie… 

– …je te mentirai si je te disais le contraire ! Mais c’est un piège, Chloé, que suis-je sensé répondre ? Que je serai heureux si tu aimes un autre que moi ? Tu sais très bien que ce n’est pas le cas mais je ne t’en empêcherai pas ! Je voulais savoir si nous avions une chance de nous retrouver et je pense que c’est le cas mais je n’ai aucun moyen de faire pression sur toi, je ne peux que te dire que je t’aime comme un fou.

J’ai attrapé son visage entre mes mains et je l’embrasse fougueusement pour lui prouver mon amour. Elle résiste un peu mais fini par céder à la douceur et à la passion de mon baiser. Je l’attire vers moi et elle se retrouve collée à mon torse dans une position très inconfortable mais elle se laisse faire et accentue la pression de sa bouche sur la mienne. Pendant un instant je me dis que nous n’avons jamais fait l’amour dans une voiture mais je m’en veux aussitôt de penser à ça. Chloé m’embrasse toujours et je laisse courir mes mains sur son corps qui frissonne à mon contact. Elle porte un Tee-shirt moulant que je fais remonter lentement le long de son torse pour finir par dévoiler son soutien-gorge. Je lui caresse le dos et elle geint doucement en m’embrassant si fort que j’ai l’impression qu’elle va rentrer dans ma bouche. Sa salive coule dans ma gorge et j’aime ça. Je glisse mes doigts dans les balconnets et tirant dessus, dégage sa poitrine que je caresse lentement pendant qu’elle gémit plus fort. Puis soudain, elle fait glisser son corps vers moi et m’enjambe pour se retrouver assise sur mes genoux. Je remonte le tee-shirt encore plus haut, libérant ses bras et le lui laisse en écharpe puisqu’elle ne semble pas vouloir arrêter ce baiser fiévreux. Ses seins dressés se tendent vers moi et j’aimerai les lécher mais dès que je fais mine de lâcher sa bouche elle grogne et sa langue s’enroule violement autour de la mienne. J’attrape donc ses mamelons déjà durs entre mes doigts, lui arrachant un cri de plaisir, et je les pinces doucement. Sa voiture a beau être grande, le siège baquet n’est pas très adapté. Lâchant un sein malgré ses soupirs, je cherche la manette qui me permet de faire descendre le dossier. Je tombe brutalement en arrière et Chloé, toujours arrimé à moi, me suis. C’est déjà mieux. Sa main fébrile cherche ma braguette qu’elle descend pour en dégager mon sexe puis elle s’échine un moment pour faire glisser sa culotte et je l’aide du mieux que je peux. Quand elle y parvient enfin, elle vient se poser sur ma queue en érection et s’empale violement dessus en poussant un cri puissant. Elle est frénétique, elle s’agite dans tous les sens et elle bouge tant qu’elle a du mal à me maintenir en elle. Je l’attrape par les hanches pour tenter de la freiner mais elle grogne en se rejetant fortement sur moi. Je ne sais pas si elle fait l’amour avec moi ou si elle se bat mais sa violence décuple au fur et à mesure que son plaisir monte. Elle mord ma lèvre encore amochée et celle-ci se met à saigner. Chloé ne s’arrête pas un instant, elle continue ses mouvements saccadés et s’abreuve de mon sang qui coule. Elle commence à crier sans que je l’aie senti partir. Elle jouit aussi violement qu’elle s’empale sur moi, me tordant la bite et anéantissant mes capacités à la rejoindre. Je la laisse faire, je la laisse se soulager. Elle hurle et se cogne la tête contre le plafond du véhicule sans y prêter la moindre attention, puis au bout d’un long moment de cette agitation, elle se laisse tomber sur moi, épuisée et j’espère repue. Je n’ai pas jouis mais je m’en fous, si elle a pris son pied. Elle gémit doucement dans mon cou et peine à retrouver sa respiration. Ses seins frottent contre mon torse et ma bite bat toujours dans son vagin. Elle redresse la tête et me regardant enfin dans les yeux, elle dit :

– viens !

Et elle m’entraine hors du véhicule, les fesses à l’air et le tee-shirt autour du cou. Je la suis et je ne comprends plus rien. Elle court jusqu’à la plage où elle se laisse tomber dans le sable.

– baise moi, je t’en supplie, baise moi ! 

Alors je me déshabille, nous sommes seuls ici et personne ne peut nous voir, je suis chez moi ! Je me positionne entre ses jambes et tente d’attraper un tétons avec ma bouche, mais elle me saisit par les hanches et exerce une pression si forte que je la pénètre sans pouvoir résister. Une fois à l’intérieur, j’aimerai prendre mon temps, mais elle est reprise de la même frénésie et pousse sur mes fesses pour que je la baise plus vite et plus fort. Cette fois-ci, j’ai un peu plus de contrôle et j’arrive à donner un rythme plus cohérent à notre corps à corps mais encore une fois, elle part immédiatement, elle jouit pratiquement tout de suite et ses cris sont si stridents, si déchirants que j’éjacule en grognant, sans plaisir. J’ai l’impression qu’elle souffre mais je ne comprends pas pourquoi. J’essaie de l’arrêter mais elle continue à exercer une pression sur mes fesses, m’obligeant à bouger alors que ma bite ramollie. Elle grogne :

– non, pas maintenant, j’en veux encore, Jeff, encore ! 

Elle pleure et gémis en même temps. Je suis devenu tout mou et je ne lui suis plus d’aucune utilité. Alors elle m’éjecte et attrapant mon visage, elle positionne ma bouche devant son sexe. Elle est ruisselante de sperme, de sable et de sécrétions mélangées mais ça ne m’a jamais arrêté. Si c’est ce qu’elle veut ! Je m’engouffre dans sa chatte, et pendant que j’introduis un doigt dans son vagin, je lui bouffe le clitoris. Elle se remet à crier aussitôt et il me faut un long moment pour calmer son orgasme furieux. J’ai l’impression qu’elle est devenue moi, à l’époque où je ne pouvais plus me passer de son corps et où je la baisais partout, tout le temps et dans n’importe qu’elle position. Elle crie, et ses cris résonnent dans les bungalows vides. Quand elle s’arrête enfin, elle est exténuée. J’espère qu’elle va s’arrêter et que l’on va pouvoir recommencer à parler mais elle me retourne sur le dos et enfourne ma bite pleine de sable. Je proteste mais elle s’en fout. Elle me suce et recrache le sable au fur et à mesure. C’est répugnant et ça m’excite atrocement. Elle suce, elle crache. Au bout d’un moment, elle m’a débarrassé de tout le sable et elle concentre toute son attention sur ma queue qui bat si fort qu’elle la perd par moment. Elle l’englouti plus profondément encore et l’attrapant d’une main, la branle pendant que sa bouche aspire si fort que j’ai l’impression de sentir le sang affluer vers mon gland. L’orgasme monte en moi comme un volcan qui explose dans sa bouche en milliers de gouttelettes de sperme que j’éjecte dans un bruit épouvantable. C’est un orgasme terrible, si bon et si violent à la fois. Il n’y a pas d’amour dans cet acte sexuel brutal. Je repense à Ariel et à la manière dont je l’ai enculée et je me dis qu’il y a toujours un châtiment. Pourtant, je ne devrais pas me plaindre, Chloé m’a fait jouir, comme une folle, mais elle m’a fait jouir. Je suis allongé dans le sable, fatigué et malheureux. Je ne comprends pas ce qui nous arrive et j’en veux à Sonia d’avoir pollué notre relation. Chloé est allongée sur moi et elle semble apaisée.

– ça va Chloé ? 

– non, je veux que tu me baise encore, j’en ai besoin, Jeff !

– je ne peux plus Chloé, je n’y arriverai pas.

– mais si, tu peux ! Viens, allons trouver un endroit plus confortable.

Et elle m’entraine derrière elle, en se débarrassant de son tee-shirt. Elle est nue et elle court sur la plage à la recherche d’un endroit pour baiser. Elle entre dans le premier bungalow et m’appelle :

– viens Jeff, il y a un matelas ici, viens ! 

Je la rejoins. Elle est déjà allongée sur un lit dont le matelas nu est couvert de taches.

– tu ne veux pas que nous allions chez moi ? On y sera mieux qu’ici.

– non, pas chez toi, je ne peux pas ! Viens Jeff, baise moi encore une fois, je t’en supplie !

Je m’allonge à côté d’elle mais je ne bande plus, je n’y arrive pas. Elle regarde mon engin mou et inutile puis me regarde dans les yeux :

– je parie que tu peux encore y arriver, regarde-moi et dis-moi si tu peux résister à ça ! 

Elle attrape ses seins et en tirant un jusqu’à sa bouche, aspire un téton qu’elle lèche ostensiblement.

– regarde Jeff !

Sa bouche aspire encore et encore et elle commence à gémir, et malgré moi je commence à durcir à nouveau. Je ne voudrai pas céder parce que je sais qu’elle ne va pas bien et que je ne lui rends pas service en jouant son jeu, mais c’est plus fort que moi. Tenant toujours un sein qu’elle tète, elle descend l’autre main jusqu’à sa fente mouillée et y introduit un doigt qu’elle remonte aussitôt sur son clitoris. Elle commence à se caresser et ses gémissements reprennent, plus aigus et plus désespérés. Elle se branle un moment devant moi en gémissant de plus en plus fort et je décide de la laisser se débrouiller. Par moment elle marmonne mon prénom et me demande de venir mais je ne bouge pas et puis finalement, d’un doigt brutal et agité elle se fait jouir en poussant des cris aigus qui ressemble plus à de la souffrance qu’à du plaisir. Je la prends dans mes bras et je la berce comme une enfant pendant qu’elle se détend enfin. Des larmes coulent sur ses joues et elle se blotti contre moi. Ma bite s’est ratatinée et semble ne plus vouloir fonctionner. Chloé sanglote encore un moment et je la serre fort dans mes bras jusqu’à ce que la fatigue nous gagne tous les deux. Nous nous endormons à la lumière du soleil couchant, dans ce bungalow vide, sur ce matelas répugnant. J’ai le sentiment triste et désabusé que ce lieu ressemble à notre relation. Comment avons-nous basculé à nouveau dans cette débâcle ? Il semblerait que nous soyons voués à une relation chaotique qui ne nous laisse aucun répit. Je me réveille en sursaut dans la nuit noire, Chloé dort en boule à côté de moi. Son sommeil est agité, elle geint et marmonne sans que je puisse comprendre ce qu’elle dit. Je voudrais me lever et retourner dans la chaleur et le confort de mon bungalow mais je ne veux pas la laisser seule. Je la regarde dormir, ses yeux roulent sous ses paupières closes, sa bouche s’agite, nerveuse. Je me dégage lentement de ses jambes qui enserrent les miennes et me lève en faisant le moins de bruit possible. À pas de loup, pour ne pas faire grincer le vieux plancher, je sors du bungalow, cours jusque chez moi pour récupérer deux oreillers et une couverture. Au passage, j’attrape quelques bananes qui traînent sur la table. Je suis mort de faim. J’en englouti deux en rejoignant Chloé. Quand j’entre dans le bungalow, elle est réveillée et semble effrayée.

– Je suis là, Chloé ! J’ai ramené une couverture parce-que tu avais froid, et regarde, j’ai pris des bananes, tu devras en manger une, ça fait du bien.

Elle prend la banane que je lui tends, en enlève la peau rapidement et la mange aussi vite. Elle est encore agitée et fébrile et je ne sais plus ce que je dois faire pour la calmer. Je glisse un oreiller sous sa tête et pose la couverture sur elle en lui disant :

– voilà, ce sera mieux comme ça !

– Non, rien de tout ça ne peut marcher !

– Je ne comprends pas de quoi tu parles, je veux juste que tu es chaud et que tu sois bien installée.

– Je ne peux pas être bien comme ça, ça ne peut pas marcher ! Il faut que tu fasses quelque chose pour moi Jeff !

– Dis-moi Chloé, je ferai tout ce que tu veux.

– il faut que tu me baises encore !

– Non, je ne veux pas. Pas comme ça ! Pas comme tout à l’heure ! Nous avons tout le temps de faire l’amour, nous ne sommes pas obligés de nous épuiser. Reste avec moi cette nuit  et nous ferons l’amour demain, en regardant le soleil se lever, tu verras ce seras magnifique.

-Non, je ne peux pas rester ! Je veux partir. Je t’en supplie baise moi encore une dernière fois !

Elle se dresse devant moi, et sa peau éclairée par la lune semble scintiller dans la pénombre. On dirait une vision surnaturelle, comme ces extraterrestres sublimes que l’on voit dans les films. Elle pose ses mains sur mon torse et m’attire vers elle, me faisant tomber sur le matelas. Puis sans me lâcher du regard, elle laisse glisser sa bouche de ma poitrine à mon sexe qui gonfle légèrement malgré moi. Elle le prend et le lèche doucement jusqu’à ce qu’il se tende et durcisse. Je laisse échapper un gémissement et je vois passer dans ses yeux une lueur de triomphe. Elle s’assure de ma raideur et de mon excitation en me branlant quelques minutes puis, comme si elle passait soudain à autre chose, elle m’abandonne et se positionne à quatre pattes devant moi :

– viens, Jeff, viens, prends-moi ! Encule-moi ! Ça fait si longtemps !

Je voudrais refuser, mais l’appel est trop fort. Le cul de Chloé est une source de plaisir inépuisable auquel je ne peux résister. Je regarde sa rondelle brune qui ressort sur la peau claire entre ses fesses, puis, je m’installe derrière elle et à petits coups de langue, je travaille un peu son anus pour l’attendrir. Elle grogne et s’impatiente. Alors, j’introduis ma queue dans son vagin pour la lubrifier. Ensuite, avec précaution, je présente mon gland devant son orifice qui m’attend. Je la pénètre doucement et retrouve avec bonheur cette douceur incomparable, cette sensation si forte d’être pris en étau dans le velours de son cul, serré et tendre à la fois. Je commence à bouger lentement pour profiter pleinement de ce plaisir qui envahit tout mon corps mais Chloé s’impatiente et me presse d’accélérer. Elle se rejette violemment en arrière à plusieurs reprises et ses fesses s’écrasent contre mon bassin. Je m’accroche sa taille et je la chevauche avec force et rapidité tout en essayant de contrôler la montée de son plaisir et du mien. Je voudrais que ce moment dure une éternité. Je voudrais toujours ressentir ce bonheur d’être en elle, en sécurité, entièrement traversé par la jouissance que je sens arriver peu à peu, partant de mon sexe et se ramifiant jusqu’à les moindres de mes extrémités. Chloé commence à crier et je ne sais comment la freiner. Je ne suis pas prêt. Je voudrais que ça dure encore. Je repense à ce roman de John Irving ou un frère et une sœur, entretenant une relation incestueuse, font l’amour jusqu’à l’épuisement et au dégoût pour ne plus jamais avoir à recommencer et je me demande si ce n’est pas ce que Chloé est en train de faire. S’épuiser et se dégoûter de moi. À cette pensée, je ramollis malgré la pression de son anus et Chloé grogne. Elle vient battre plus fort contre mes hanches, s’agitant sur ma bite molle qui ne peut lui résister longtemps. Je reprends de la vigueur et décide de jouer le jeu. Elle veut que je la baise, je vais le faire ! Alors, sans état d’âme, la chassant de mes pensées, je me concentre sur ma queue, sur les sensations que me procure son cul brûlant et je la ramone violemment. Le plaisir vient presque instantanément et je dois faire le vide dans mon esprit pour ne pas jouir aussitôt. Je l’écoute. Elle est partie d’un grave profond et monte peu à peu dans des aigus hystériques. Alors, la sentant prête, j’accélère encore et accentuant les mouvements, je fais jaillir en moi un orgasme volcanique qui brûle chaque parcelle de ma peau et électrise chaque cellule de mon corps. Chloé hurle longtemps et ses cris résonnent dans la nuit et se perdent dans la végétation environnante, pendant que son corps se tord, traversé par des spasmes violents qui manquent de m’éjecter. Quand enfin elle se calme, elle glisse lentement, désarticulée, affalée sur le matelas. Ma queue est toujours en elle et comme je crains qu’elle ne s’en aille, je m’allonge sur elle, autant pour la retenir que pour la réchauffer. Malgré l’orgasme, sa peau et glacée. Je tire la couverture sur nous et nous restons un moment ainsi, sans bouger, sans parler. Mais mon sexe se ratatine et je ne peux l’empêcher de glisser hors d’elle. Quand il s’en échappe, elle gémit un peu, comme si elle venait de perdre une partie d’elle-même. Elle tente de bouger et je la libère suffisamment pour lui permettre de se retourner. Mais je laisse mes jambes sur les siennes pour rester en contact. La couverture a glissée, révélant sa poitrine. J’y pose ma tête et la regarde se soulever au rythme de sa respiration. J’admire la perfection de sa rondeur et la délicatesse de ses mamelons tendres qui au contact de mon souffle se mettent à durcir. Je suis partagé entre désir et désespoir. Mais je ne peux résister à ses seins et ma bouche s’égare jusqu’à son téton. Je le tète comme un enfant affamé et Chloé geint. Elle attrape sa poitrine à pleines mains et la malaxe sans ménagement. De ses doigts agiles elle en saisit les extrémités qu’elle presse et tord brutalement. Elle recommença gémir et son bassin s’agite. Je vois ses cuisses se frotter l’une contre l’autre, à nouveau excitées. Mais ne s’arrêtera-t-elle plus jamais ? Je puise dans le peu d’énergie qui me reste et je m’installe entre ses jambes. Pour gagner du temps je la regarde encore un moment maltraiter sa poitrine et tenter d’attraper mon sexe entre ses jambes en se tortillant puis je la pénètre à nouveau et je la lime avec méthode, la regardant martyriser ses tétons comme je n’oserais jamais le faire. Je m’applique et elle réagit vite. Ses gémissements s’intensifient et se transforment en petits cris aigus au fur et à mesure que je l’astique. Elle finit par jouir presque silencieusement, la tête rejetée en arrière, la bouche grande ouverte, son corps s’agitant dans tous les sens. Je suis sûr qu’elle a mal ! Ses mains s’agrippent au matelas, à mes cheveux, à tout ce qu’elle trouve, et elle griffe et laboure tout ce que ses doigts rencontrent. Puis elle se laisse finalement aller et je vois des larmes couler à nouveau de ses yeux. Alors je m’allonge à côté d’elle et lui dit :

– C’est fini, n’est-ce pas Chloé ? C’est la fin ? 

– Oui Jeff, c’est fini. Je ne peux plus vivre comme ça.

– Tu es sûr que c’est ce que tu veux ? 

– Non, mais c’est ce que je dois faire ! 

– Mais rien ne t’y oblige ? N’est-ce pas Chloé ? 

– Si, il le faut.

– Pourquoi ? Pourquoi ? J’ai besoin que tu me dises pourquoi ! 

– Ça n’a plus aucune importance Jeff. C’est comme ça, c’est tout. C’est fini.

Elle se blottit contre moi et nous nous enlaçons tendrement un long moment puis je la sens peu à peu m’échapper et je ne fais pas un geste pour la retenir. Elle est nue et ne semble pas s’en soucier. Elle semble si préoccupée que tout le reste n’a plus d’importance. Elle s’apprête à partir, mais se retourne et dit :

– ne vient plus jamais à l’hôtel. Ne cherche plus à me voir. Vis ta vie, oublie-moi. Je te souhaite d’être heureux. Adieu Jeff.

Et elle n’est plus là. J’entends à peine le bruit de ses pas sur le sable et peu de temps après, le son de sa voiture qui démarre et écrase mon cœur comme si elle l’avait pressé entre ses mains.

Je tire la couverture sur moi et je pleure longuement avant de sombrer dans un sommeil comateux. Quand je me réveille, le soleil est haut dans le ciel. Mon sexe est douloureux, ma tête me lance et ma poitrine est vide. Je m’enroule dans la couverture parce que je ne sais plus où sont mes vêtements et je retourne à mon bungalow craignant d’y trouver Nyoman. Mais j’ai oublié qu’aujourd’hui il ne venait pas car les matériaux ne seront livrés que dans quelques jours. Que vais-je bien pouvoir faire de ces journées inoccupées ? Comment vais-je réussir à occuper ce vide qui semble s’étaler à l’infini devant moi comme une route qui ne mènerait nulle part ? Mon esprit est vide lui aussi, cotonneux, brouillé par toutes les informations brutales et contradictoires que Chloé a laissées en partant. Je ne sais de quel chantage Sonia a usé sur elle mais il doit être fort puisqu’elle a cédé. Je passe le reste de la journée, désœuvré, écoutant en boucle le requiem de Mozart qui ne parvient pas à m’apaiser. Je tourne en rond, range, nettoie, organise la bibliothèque avec les quelques livres qui s’y trouvent. Je mange à peine, trouvant tout insipide et me couche finalement très tôt pour une nouvelle nuit de sommeil agité.

Plusieurs jours se passent ainsi. Je fais de longues promenades sur la plage, je retourne à l’anse secrète que j’inspecte méticuleusement, essayant d’imaginer la future maison et de trouver pour elle le meilleur emplacement. Et sans cesse, cette phrase tourne dans ma tête : à quoi ça sert ? À quoi ça sert tout ça, puisqu’elle n’est plus la !

Mais je ne veux plus arrêter de vivre, je ne veux plus tenter de me noyer, je n’ose même plus m’approcher de l’océan. Chloé est partie avec mon cœur et ma vie et je dois trouver un moyen de réparer tout ça. Construire ma maison est la chose la plus immédiate que j’ai trouvée. Mais je sais que cela ne suffira pas. Je sais que je vais devoir repartir à zéro. Je vais devoir passer à autre chose. Je vais devoir essayer d’en aimer une autre. Parce que, pour la première fois, j’ai compris que je l’avais perdu à tout jamais.

Rendez-vous sur Hellocoton !

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

Proudly powered by WordPress | Theme: Baskerville 2 by Anders Noren.

Up ↑