UN BAISER OU LA MORT Chapitre 7

Je passais le dimanche à travailler et à somnoler en regardant des séries sur Netflix. J’avais commencé à regarder « Peaky Blinders » et je savourais la beauté ambiguë de Cillian Murphy et ses accès de violence avec une envie presque coupable, jusqu’au moment de passer à table.

Ma mère, devant ma tête renfrognée, renonça à poser des questions et je l’en remerciais silencieusement. Je n’avais pas envie d’en parler. Je voulais oublier cette soirée, oublier Jacob, oublier Emily

Le lundi, je pris le bus à ma place habituelle. Jacob monta suivi de près par Alicia qui semblait tout de même lui en vouloir un peu car elle s’assit juste devant lui mais finit le trajet à moitié renversée sur son siège, lui offrant une vue imparable sur son décolleté. Je l’entendis demander :

– Alors, elle est partie ta petite copine ? Tu es triste ? Tu sais que je peux te réconforter…

Le type de réconfort qu’elle proposait était si évident pour tous qu’il y eut quelques gloussements dans le bus. Toutefois ce jour-là le sujet principal de toutes les conversations était cette mystérieuse Emily arrivée des États-Unis et repartie aussi vite. Jacob aurait pu mentir, inventer une histoire, ils l’auraient tous cru. Mais il n’en fit rien, Il garda le silence et baissa la tête, les écouteurs vissés dans ses oreilles. Ils durent tous se contenter de son mutisme et les commérages reprirent de plus belle. Maintenant elle lui avait brisé le cœur en l’abandonnant à la fin de la soirée. Tous ces gens regardaient trop la télé…

Je fus heureuse d’enchainer deux heures de math et deux heures de science. J’avais besoin d’ordre et de rigueur. Jacob gardait ses distances et prenaient des notes. À la pause-déjeuner, il se laissa à nouveau entrainer par Alicia à qui on pouvait reconnaitre une persévérance acharnée.

Mon repas à peine avalé, je filais dans une petite cours où nous n’avions pas le droit d’aller. Je l’avais découverte par hasard et comme je m’asseyais dans un coin pour lire ou pour étudier, personne ne m’en avait délogé jusqu’à présent. J’étais en train de relire ma leçon d’histoire géo quand je vis Jacob arriver. Je me relevais immédiatement. Si nous devions nous disputer encore, je préférais reprendre un peu de hauteur. Il avait l’air déterminé. Il fonça sur moi et je m’attendais à ce qu’il m’engueule ou me fasse des reproches, aussi qu’elle ne fut pas ma surprise quand il me colla contre le mur, attrapant les pans de ma veste en jean et m’embrassa avec la même avidité que durant la soirée d’Alicia. J’étais perdue. Que pouvais-je faire ? Être raisonnable et le repousser en lui disant que mon cœur ne supporterait plus de tel yoyo très longtemps, et que j’étais très fâchée contre lui (pour quelle raison déjà ?) ou m’abandonner à sa chaleur et à sa fougue et juste apprécier ? Je ne pris aucune décision. Mon esprit était bloqué, incapable de réfléchir. Je l’embrassais en retour et quand la sonnerie annonça la reprise des cours, nous ne nous étions toujours pas séparés et n’avions échangé aucun mot.

En se retournant pour aller en classe il dit :

– viens, on va être en retard…

(C’est tout ? on va être en retard ? et pas un mot sur ce qui vient de se passer – Mais bien sur je ne dis rien de tout ça). Je récupérais mon livre et le suivi. Au détour d’un couloir, je le perdis tant il marchait vite et je percutais Alicia qui envoya valser mon livre par terre.

– fais attention à ce que tu fais Cosette, me dit-elle. Elle allait poursuivre quand Jacob arriva, ramassa mon livre et me tendit la main pour m’aider à me relever.

– tiens, dit-il en me donnant mon bouquin d’histoire. Il me jeta un regard plein de colère, comme si je n’étais pas capable de tenir sur mes pieds et qu’il fallait en permanence prendre soin de moi puis son visage redevint impassible.

(AHHHH !!!!! cria ma voix intérieure, ce type se fout de moi. Il passe presque une heure à m’embrasser sans me laisser respirer et maintenant il me traite comme…comme je ne sais quoi !).

– merci, je murmurais par automatisme.

J’étais encore plus perdue. Que voulait-il de moi à la fin ? Allait-il continuer à m’ignorer en public et à m’embrasser dès que nous serions seuls ? (Est-ce que c’était si mal que ça ? bien sûr que c’est mal Colette, on ne traite pas quelqu’un qu’on apprécie de cette manière !).

Alicia le regarda fixement, levant un sourcil parfaitement dessiné mais ne dit rien. Elle semblait perplexe à son sujet elle aussi. Je filais en classe et m’installais à ma table. Jacob s’assit à côté de moi sans un mot. Jamais la classe n’avait été aussi silencieuse, comme si tout le monde attendait qu’il se passe quelque chose. Mais quoi ? Que pouvait-il ou que devait-il se passer d’extraordinaire ? Jacob était venue à la soirée avec sa petite amie, il continuait à se refuser à Alicia sans pour autant la repousser, il fréquentait ses amis pendant les interclasses…rien n’avait vraiment changé. Pourtant quelque chose était en train de se passer et je n’arrivais pas à savoir quoi.

Alors que nous prenions des notes en même temps que le prof d’histoire-géo récitait une leçon apprise il y a fort longtemps, comme un acteur déclame un rôle qu’il connait par cœur, je sentis la jambe de Jacob se coller à la mienne. Je restais un moment interdite. Allais-je devoir le supporter en classe aussi ? Mais la chaleur et le sentiment de confort qui m’envahirent dans le même temps me firent renoncer à une quelconque réaction. Je restais immobile, oubliant presque de prendre des notes pendant un moment, profitant de cette sensation très nouvelle pour moi. Il y avait comme une intimité secrète, une connexion. J’avais l’impression que nos corps se parlaient à travers ce simple contact. Je lui jetais un coup d’œil mais il était absorbé par ses notes et ne releva pas la tête de son cahier. Quand sa main se posa sur ma cuisse, des papillons s’envolèrent dans mon ventre. J’étais tétanisée, qu’était-il en train de faire ? Je ne pouvais le laisser ainsi m’utiliser en cachette. Je n’étais pas un objet qu’il pouvait prendre et jeter ! Je gigotais sur ma chaise et en me raclant la gorge et je reculais ma chaise pour prendre de la distance. Sa main repris sa place sur le bureau et nos jambes furent séparées, j’en gardais toutefois la sensation d’une chaleur électrique.

À la fin du cours, je fonçais dans le couloir pour m’éloigner de lui autant que d’Alicia mais je ne pouvais le fuir très longtemps, nous étions ensemble à chaque cours. Nous n’avions que cinq minutes pour changer de salle mais je décidais de me réfugier un instant dans les toilettes des filles, espérant y retrouver mes esprits. Je ne comprenais pas à quoi jouait Jacob. Il semblait rechercher mon contact et en même temps il affichait un désintérêt total pour moi. Ma jambe continuait à fourmiller comme s’il y avait laissé une empreinte indélébile et je m’aperçus que je ne souhaitais qu’une chose…qu’il recommence. (Colette, aurais-tu perdue l’esprit ? Ce garçon se sert de toi ! Ressaisit toi ou tu souffriras quand il aura fini de jouer avec toi !).

Quand la sonnerie retentit, j’étais toujours planquée dans les toilettes et je me rendis compte que pour la première fois de ma vie, je n’avais pas envie d’aller en cours. Je ne pouvais pas disparaitre sans raison valable alors, une fois que tous les bruits se furent éteints dans les couloirs je me rendis à l’infirmerie ou je me refugiais sur un lit de camp et avalait une tisane insipide que me donna l’infirmière à l’annonce de mes maux de ventre imaginaires.

À la fin des cours, je sortis de la torpeur qui m’avait momentanément envahie et je filais dans le bus en espérant ne rencontrer personne. Heureusement, un évènement était survenu dans la cours pendant mon absence et tous les élèves ne parlaient que de ça. Un ou plusieurs élèves avaient décroché un extincteur et avait répandue sa poudre mousseuse sous le préau le tapissant d’un blanc crémeux. Je passais donc totalement inaperçue.

Pas aux yeux de Jacob cependant qui me chercha puis, ayant croisé mon regard, me dévisagea d’un air étrange. Il fallait que je fasse quelque chose. Je réfléchis durant tout le trajet. Je comptais l’interpeller à la sortie du bus pour l’affronter à l’extérieur en terrain neutre (et éviter ainsi qu’il ne recommence à m’embrasser car je n’aurais su le repousser)  mais Alicia lui prit le bras d’autorité et je les laissais partir devant. Je ne pouvais pas m’expliquer avec lui en sa présence. Je rentrais chez donc moi, me connectais à l’E.N.T. pour regarder les devoirs donnés l’après-midi et me dépêchais de me débarrasser de la longue liste du jour. Ensuite je me laissais tomber sur mon lit et regroupais mes forces. Il fallait que je lui parle rapidement avant que ma détermination et ma colère ne retombent.

Sans réfléchir plus longtemps car je risquais de renoncer, je descendis les escaliers et fonçais chez Jacob. J’ouvris la porte de sa maison à la volée et j’allais me diriger vers sa chambre quand j’entendis le bruit caractéristique de son crawl rapide et régulier. Je ne croisais personne dans la salle principale ce qui m’arrangeait car je ne souhaitais pas fournir d’explications sur les raisons de ma présence. Je m’arrêtais au bord de la piscine. Jacob nageait sans pratiquement reprendre son souffle. Son corps ressemblait à une torpille lancée à pleine vitesse, ses bras puissants repoussant l’eau avec force. Je dû l’appeler à plusieurs reprises avant qu’il ne m’entende. Quand il s’arrêta finalement de nager, il enleva ses lunettes qui laissèrent une étrange marque rouge autour de ses yeux. Il semblait étonné de me trouver là. Son regard était troublé, presque anxieux. Il se dirigea vers les escaliers de la piscine qu’il monta lentement, laissant l’eau ruisseler le long de son corps. J’avais l’impression d’être dans une publicité. Son corps musclé et hâlé aurait parfaitement pu être utilisé pour une pub de parfum et son visage de surfer était insolent de beauté avec ses cheveux mouillés tombant sur son front et masquant en partie ses yeux splendides. Ce type était presque irréel ! Il attrapa une serviette et se dirigea vers moi mais je ne voulais pas qu’il s’approche trop car ma détermination risquait de flancher s’il me touchait, ou pire, s’il m’embrassait. Je ne pourrais le repousser tant son attraction était forte. Alors je levais les mains pour le stopper et m’écriais :

– il faut que tu m’expliques à quoi tu joues, Jacob ! Tu ne peux pas continuer à faire ça !

Je m’interrompis, décontenancée car Il avait baissé la tête tout en enroulant sa serviette autour de sa taille. Il affichait un air coupable que je ne lui avais jamais vu. Je repris plus mollement :

– tu ne peux pas m’embrasser quand l’envie t’en prend et ensuite faire comme si tu ne me connaissais pas ! Je ne suis pas…

– je suis désolé, m’interrompit-il. Je suis vraiment désolé. Je n’aurais jamais dû te traiter comme ça…je voulais…j’ai essayé…

quoi ? quoi ? Dis-moi ! Répliquais-je exaspérée.

– viens, me dit-il, il faut que je me change.

– non, je ne viens pas avec toi dans ta chambre pour que tu me saute dessus et…

Son regard me stoppa net. Il y avait tant de tristesse dans ses yeux que j’arrêtais immédiatement de l’engueuler. Je n’y comprenais rien.

– viens, s’il te plait, reprit-il. Je te promets que je ne t’embrasserais plus…si tu ne le veux pas.

Alors je le suivis dans l’escalier. Ses pieds mouillés laissaient des empreintes sur les marches et son dos musclé ondulait pendant qu’il marchait. Je m’interdis de regarder plus bas.

Il ouvrit la porte de sa chambre et me fit signe d’entrer. En passant près de lui, son parfum entra malgré moi dans mes narines et mon cœur bondit. Je commençais à bien connaitre cette odeur et elle me faisait immanquablement chavirer. Il entra dans sa salle de bain et revint cinq minutes plus tard, vêtu d’un short de survêtement gris et d’un tee-shirt blanc. Il avait coiffé ses cheveux mouillés en arrière mais des mèches rebelles retombaient déjà sur son front perlant de gouttes d’eau. Il était tellement beau.

Il s’approcha de moi et je me raidis. Je ne voulais pas qu’il m’embrasse car je risquais d’oublier ma colère. Il s’en aperçu et stoppa net en me jetant un regard blessé.

– ok, il faut que je t’explique…mais c’est pas facile…parce que tu es si…enfin, je…

JACOB ! Je m’écriais, au bord de la crise de nerf.

sorry, it’s so difficult ! AnywayColette, reprit-il après avoir inspiré profondément, je veux rentrer aux États Unis…

Je faillis tomber à la renverse. Impossible d’imaginer un univers sans Jacob maintenant qu’il était arrivé dans ma vie.

– Je ne suis pas heureux ici. Je voudrais repartir dans mon pays, reprit-il, inconscient du gouffre qu’il venait d’ouvrir sous mes pieds. Mais mes parents ne sont pas d’accord. Il leva les yeux vers moi mais j’étais tellement abasourdie par cette révélation que je ne dis rien. Alors il continua :

– là-bas, je faisais partie de l’équipe de natation et nous avions été sélectionnés pour les championnats nationaux…Je ne peux pas nager en France parce que je ne suis pas français. Je ne peux faire aucune compétition et…c’est pour ça que je veux repartir, pour continuer à nager, pour gagner des compétitions, et peut-être, aller aux jeux olympiques…tu comprends ?

Je restais silencieuse un long moment, essayant de rassembler mes idées puis je dis lentement :

– donc tu veux partir, ok, ça je comprends. Tu vas retrouver ton pays, ton équipe de natation et la fameuse Emily…

– non, Emily n’existe pas ! Enfin, si elle existe…Emily c’est toi…dit-il en me montrant du doigt.

– Mais si tu sais depuis le début que tu ne veux pas rester, qu’est-ce que tu fais avec moi ? Je finis par dire, ayant enfin retrouvé la raison de cette conversation.

– je…au début, c’était…je t’ai toujours trouvé…Bafouilla-t-il. Il ferma les yeux un instant puis les plantant dans les miens et reprit :

– tu es différente des autres filles, des Alicia. Ces filles-là, je les connais et elles ne m’intéressent pas. Toi, tu es intelligente, tu es douée, et tu es drôle même si tu ne t’en rends pas toujours compte. Tu es courageuse aussi…

– moi, courageuse ? Tu veux rire ! J’ai peur de tout !

– mais non Colette, tu n’as pas peur. Tu sais très bien te défendre. Je te vois en classe, je vois comment tu te bats chaque jour. Tu ne baisses pas les bras, tu es comme moi, tu aimes les défis et tu n’as pas peur des difficultés. Tu n’as que quinze ans, tu t’en rends compte ? Tu affrontes Alicia et tous les gens qui pensent que tu ne devrais pas être là, tu les affrontes tous les jours. J’ai beaucoup d’admiration pour ça…pour toi, ajouta-t-il à voix basse comme si cela lui faisait mal de l’admettre. Et c’est bien ça le problème…

– quoi ? Moi ? Je suis un problème pour toi ?

– J’ai essayé de ne pas m’intéresser à toi, j’ai essayé d’être avec Alicia parce que c’était plus facile. Je sais gérer ce genre de fille…mais tu es dans ma tête en permanence, avoua-t-il finalement comme si cela lui déchirait le cœur. Chaque fois que je fais quelque chose, je pense à toi, à ce que tu en penserais à ce que tu dirais et ça me rend dingue. Je ne peux pas me permettre ça. Si j’y accorde de l’importance, je ne partirai jamais.

Je me laissais tomber sur le fauteuil de son bureau, abasourdie. Que pouvais-je répondre à ça ? L’idée même qu’un garçon comme lui s’intéresse à moi plutôt qu’aux filles populaires était déconcertante. Mais que je sois devenue une obsession pour lui au point qu’il hésite à concrétiser ses projets…je ne savais plus ce que je devais penser, ce que je pouvais penser, ce que je voulais non plus. J’avais perdu toutes mes certitudes.

– Jacob, je dis tout de même au bout d’un moment alors qu’il était toujours debout devant moi, si grand que je devais me tordre le cou pour le regarder, je ne sais pas quoi te dire, je m’attendais à tout sauf à ça. Tu sais, je n’ai pas beaucoup d’expérience avec les garçons, ils ne se sont jamais beaucoup intéressé à moi jusqu’à présent. La différence d’âge leur a toujours fait peur je crois. J’aimerai te dire que je veux que tu restes, parce que je crois que je le veux, mais je ne peux pas. Tu dois partir, tu dois retourner dans ton pays, retrouver ton équipe et tes amis. J’aimerai tellement pouvoir faire la même chose. Rentrer chez moi, retrouver mon ancien lycée…toi tu peux, alors n’hésite pas ! Dis-je d’une seule traite de peur de changer d’avis.

– c’est ce que tu veux, que je m’en aille ? dit-il en attrapant mon menton du bout des doigts. Il était si près que je sentais son parfum et je dus fermer les yeux un instant avant de répondre.

– Non, c’est ce que toi tu veux et je pense que tu as raison. Je n’ai pas mon mot à dire Jacob. C’est ta vie. Et puis on ne se connait que depuis quelques semaines à peine. C’est pas comme si on sortait ensemble depuis des années.

Je me mis instantanément à rougir car je réalisais que je venais de lui dire que nous sortions ensemble ce qui n’était absolument pas le cas ! Nous nous étions embrassé à deux reprises et c’est tout.

Il eut un rire un peu triste puis il s’accroupit devant moi ce qui amena son visage pratiquement à la hauteur du mien. Il posa ses mains sur mes cuisses et il dit :

– Ah Colette, comment je vais faire maintenant ?

Puis il m’embrassa si tendrement que je le laissais faire. Mon cerveau conscient se déconnecta et je laissais libre cours aux sensations délicieuses qui m’envahissaient. Au bout d’un moment, il m’attrapa par la taille et me relevant de ses bras puissants, m’amena vers le lit où il me fit basculer. Son corps pesait sur le mien et ses mains tenaient mon visage avec force. Ses baisers devinrent plus pressants et quand ses mains se détachèrent de mes joues pour descendre vers ma taille, je me crispais si intensément qu’il stoppa net. Il se détacha de moi juste assez pour me regarder et il murmura :

– excuse-moi, c’est pas ce que tu crois. Je…

– je ne peux pas…je ne peux pas…c’est trop difficile. J’essayais de me dégager en m’agitant mais il me retint encore un instant en disant :

– attend, ne t’en vas pas. Je veux qu’on parle. Ça m’est égal si on ne s’embrasse plus, je ne le ferais plus si tu ne le veux pas, mais ne pars pas Colette, j’ai besoin d’être avec toi encore un moment…

– pourquoi ? Dis-je avec une agressivité que je ne contrôlais pas.

-parce que je me sens bien quand tu es là. Parce que ta présence m’apaise, je ne sais pas pourquoi mais c’est le seul moment où je me sens en paix. Le reste du temps je ne pense qu’à m’en aller…

Alors je pris un peu de distance mais je restais allongée près de lui malgré tout. Le lit était grand et nous pouvions être proche l’un de l’autre sans pour autant que nos corps se touchent.

– je suis là, je dis.

– merci. Tu sais, tout est si difficile depuis que je suis ici. J’ai l’impression de me battre tout le temps. Au lycée, avec mes parents, avec mon frère. Il n’y a que deux moments où je me sente bien, c’est quand je nage et quand je suis avec toi.

– c’est pour ça que tu m’as embrassé cette après-midi ?

Il soupira et pivota sur le dos, passant un bras derrière sa tête :

– j’avais l’impression d’étouffer. Je devenais fou. Je dois suivre les cours en français, supporter les avances d’Alicia…je suis loin de tout ce que j’aime. Je sais que tu comprends ça parce que tu vis quelque chose d’un peu pareil finalement. Quand tu es là, je me sens plus calme. Alors, quand je t’ai vu disparaitre ce midi, je t’ai suivi. J’avais peur que…je ne sais pas de quoi j’avais peur en fait. J’avais besoin de te voir, de te toucher, de vérifier que je ressentais bien…cette sensation en ta présence…je ne peux pas l’expliquer. C’est quelque chose que j’ai ressenti presque tout de suite. Tu es la première fille que je ne dois pas tenir à distance. La première qui ne veut pas sortir avec moi pour s’afficher avec ses amies. Je déteste ça ! Je déteste cette sensation de n’être qu’un faire-valoir. Ces filles ne s’intéresse pas vraiment à moi, elles ne savent rien de moi elles veulent juste me mettre sur leur liste parce que je fais partie de l’équipe de natation. Chez moi c’est beaucoup plus important qu’ici. Les gens populaires obtiennent les meilleures écoles, les meilleures formations. Ils font partis des meilleurs clubs et si tu sais bien évoluer dans tout ça, tu assures ton avenir. C’est extrêmement important pour nous. Ici, on est beaucoup plus libre. Peu importe avec qui on est, les profs s’en fichent. Ce n’est pas pour ça que tu auras une mauvaise note ou une mauvaise appréciation. Dès que j’ai compris ça je me suis libéré de l’obligation de sortir avec Alicia ou Dounia ou Chloé. Dès que j’ai compris ça, j’ai su que je pourrais être avec toi si je le voulais…et si tu le voulais bien sûr, ajouta-t-il en se tournant à nouveau vers moi et en posant une main sur mon bras que j’avais replié pour glisser une main sous ma joue.

– ce que tu es en train de me dire, c’est qu’ici tu peux te permettre de fréquenter une fille que dans ton pays on traiterait comme une paria et que tu ne regarderais même pas ? Je répliquais en regardant sa main comme si elle  n’avait pas sa place sur mon bras.

Il la retira vivement et s’apprêtait à protester quand il dû comprendre mon raisonnement. Il soupira et reprit après un moment :

– oui, c’est ce que j’ai dit mais…en fait, ça n’a rien à voir avec ça…ce que j’essaie de dire c’est que je ressens quelque chose pour toi…et que je ne sais pas comment c’est arrivé…

pauvre Jacob, je répliquais en haussant le ton. Ne t’inquiète pas, je vais te débarrasser de ce problème. Moi, je ne ressens rien pour toi. Alors rentre dans ton pays et oublie moi.

Je me levais d’un bond et m’enfuis en courant.

(C’est bien Colette, tu as eu raison, comme ça il ne te fera pas souffrir. Et puis de toute manière, combien de temps aurait duré cette petite aventure ? Une semaine ou deux avant qu’il s’aperçoive de qui tu es vraiment ! Va te réfugier dans ta chambre et oublie le !).

Ce que je fis, obéissant pour une fois à la voix qui me taraudait régulièrement depuis que nous étions parties.

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