UN BAISER OU LA MORT Chapitre 14

L’automne fila et l’hiver arriva, frais et pluvieux. Les journées étaient courtes et les soirées sombres et ventées mais nous avions parfois de belles journées de soleil. Elles tombaient rarement le week-end malheureusement et nous profitions de chacune d’elles pour aller nous promener et passer du temps à l’extérieur.

Puis arrivèrent les vacances d’hiver et les parents de Jacob annoncèrent qu’ils avaient loué un chalet dans une station des Alpes et que nous étions conviées, ma mère et moi, à passer les vacances avec eux.

À cette annonce, ma mère remercia chaleureusement Marina mais demanda à réfléchir car elle n’était pas sure de pouvoir se libérer, dit-elle. Peut-être Colette peut-elle venir avec nous si tu n’es pas libre Olga ? suggéra Marina. Les enfants feront leurs devoirs avant d’aller skier. 

Ma mère sourit sans répondre. Dès que nous fumes seules à la maison, elle dit :

– ces gens pensent qu’ils peuvent tout acheter…qu’est-ce qu’ils comptent t’offrir cette fois ci ? Une voiture ?

– maman…Marina…

– Marina quoi ? rétorqua-t-elle, et je sentis une colère froide dans sa voix. Marina n’a aucun droit sur toi. C’est moi qui décide ce qui est bon pour toi et je décide que tu seras mieux à la maison avec ta mère qu’avec de parfaits inconnus à la montagne. De toute façon tu ne sais pas skier !

– j’aurais pu apprendre…je répliquais d’une toute petite voix car je savais que sa décision était prise et qu’elle n’en changerait pas.

Quand j’annonçais la nouvelle à Jacob sans expliciter les raison, je lus une grande déception sur son visage. Il s’était probablement imaginé partageant ces vacances avec moi comme nous avions partagés les précédentes.

– nous nous parlerons au téléphone, lui dis-je pour temporiser. Et puis ce n’est que deux semaines…

– ça va être long sans toi…tu es sure que ta mère ne changera pas d’avis ?

– je ne pense pas. Quand elle est dans cet état d’esprit, il faut ajuste que j’attende que ça lui passe, plus j’argumente, plus elle se braque.

– ok, tu la connais mieux que nous mais ma mère va être très déçue.  Elle espérait vraiment que tu puisses venir, enfin ta mère aussi évidemment mais elle craint que tu t’ennuies ici durant les fêtes…

– non, ça va aller, j’ai l’habitude. Je n’ai pas fêté Noël depuis…longtemps et le jour de l’an…j’étais petite la dernière fois que nous avons été invités à une fête…Je vais réviser et j’attendrais tes appels.

– Je suis vraiment désolé pour toi Colette. Je peux rester si tu veux, ajouta-t-il dans un élan de générosité. Mais je ne voulais pas  le priver de ses vacances en famille.

– non, ne t’inquiète pas, ça va aller, amuse toi bien !

J’avais mis dans ma voix autant d’enthousiasme que je le pouvais et j’espérais qu’il y croirait.

Une fois la famille Anderson partie, ma mère se calma. Elle sortit dès le premier soir alors qu’elle travaillait encore et ne revint que très tard. Je regrettais que Jacob fut si loin mais j’en profitais pour travailler et prendre le plus d’avance possible dans le programme. J’attendais ses appels et au début ils furent fréquents. Puis au bout de quelques jours, il appela uniquement le soir. Je me dis qu’il profitait de la neige et de sa famille. Le soir de Noel arriva et ma mère se fendit d’un repas et d’un cadeau – le parfum « Nomade » de « Chloé » que je trouvais délicieux.

Un soir Jacob appela mais je le sentais impatient, comme s’il était pressé d’en finir avec cette conversation. Il me dit que le temps était splendide et que la neige était tombée à profusion. Puis il ajouta, l’air de rien :

– au fait, Alicia est là. Ses parents ont loué un chalet hallucinant un peu plus haut et ils organisent des fêtes délirantes tous les soirs.

– tu y es allé ? Je demandais hésitante car je n’étais pas sure de vouloir entendre la réponse.

– oui, ils nous ont invités. Alicia est sympa en ce moment. Je suis sûr que ça ne va pas durer mais elle se comporte bien pour le moment.

Je sentis mon corps se contracter mais je retins les mises en garde qui me venait à l’esprit. Je savais à quel point Alicia pouvait parfaitement manipuler les gens.

– tu ne peux toujours pas venir ? me demanda-t-il avec dans la voix comme un reproche.

– je ne sais pas. Ma mère n’est pas souvent là le soir, peut-être que si je ne suis pas là, elle pourra…faire ce qu’elle veut. Je lui en reparle demain.

Nous nous quittâmes là-dessus et je l’imaginais, dansant avec Alicia sur des musiques lentes et langoureuses. Je chassais cette image rapidement et m’absorbais dans mon livre de maths pour ne pas penser au corps de Jacob collé contre celui d’Alicia.

Je dormis mal. La Saint Sylvestre approchait et ma mère semblait absente. Le lendemain je me levais tôt et je préparais mon petit-déjeuner pendant que ma mère buvait son café, un sourire aux lèvres et l’air rêveur.

– tu devrais inviter ton ami à la maison, je dis.

Elle se figea.

– de quoi tu parles ? s’écria-t-elle sur la défensive.

Cet homme qui t’a raccompagné un soir et qui a une voix très agréable, c’est avec lui que tu sors non ?

– ça ne te regarde par, dit-elle mais son ton s’était radouci.

– si tu veux, tu peux l’inviter ici et…je peux aller à la neige pour que vous…enfin…pour que tu l’invites à diner…

– Elle me regarda longuement et je sentais qu’elle réfléchissait à toute vitesse puis elle répondit :

– ils te manquent tant que ça ?

– qui, Jacob ?

– toute la famille Anderson…

– non, mais ça me ferais plaisir d’apprendre à skier. Je peux y être en trois heures en prenant un bus…

– écoute Colette…et puis après tout, ajouta-t-elle après un si long silence que je pensais qu’elle n’allait plus parler, si tu as envie d’y aller vas-y, mais ne compte pas sur moi pour t’amener à la gare routière, je travaille…

– merci maman ! Je m’écriais en bondissant de joie.

Elle n’ajouta rien et je finis mon repas à la hâte car j’avais un bus à dix heures du matin.

J’envoyais un texto à Jacob pour lui dire que j’arrivais mais il devait encore dormir car il ne répondit pas. Je jetais des vêtements dans un grand sac, ma trousse de toilette, mes boots, ma doudoune et je filais prendre un bus qui m’amènerait à la gare routière à temps. J’arrivais même en avance et en attendant que mon bus – un de ces gros bus de voyage équipés de télés et de toilettes- n’arrive, je tentais d’appeler Jacob. Mon appel bascula immédiatement sur la messagerie. Je pris place et rangeais mon sac au-dessus de ma tête, mon bagage était léger. Puis j’enfonçais mes écouteurs dans les oreilles et les musiques de Billie Eilish m’envahirent. Au bout d’une heure, je tentais de joindre Jacob à nouveau – messagerie. Je laissais donc un message où je lui annonçais mon arrivée dans deux heures. Le temps passait lentement, j’avais l’impression que le bus avançait à reculons. Je tentais encore de joindre Jacob plusieurs fois puis je laissais tomber. Finalement, alors que le bus sillonnait une route enneigée à travers une forêt de sapins gigantesques, ne parvenant toujours pas à joindre Jacob, je me résolus à envoyer un texto à Marina où je lui annonçais que je serais à la gare routière dans une demi-heure et lui demandais de me donner l’adresse du chalet pour que je les rejoigne. Elle me répondit rapidement qu’elle en informait Jacob qui serait ravi de venir me chercher.  J’allais ranger mon téléphone quand, venant du téléphone de Jacob, m’arriva une notification. J’ouvris le message, heureuse qu’il se manifeste enfin et je découvris avec stupéfaction une photo de Jacob et d’Alicia, enlacés, en train de s’embrasser. Pourquoi m’envoyait-il cette photo ? S’il ne voulait pas que je vienne, il lui suffisait de me le dire ! S’il avait succombait aux charmes vénéneux d’Alicia, il n’avait pas besoin de m’envoyer une photo pour me faire souffrir…je bouillais de rage quand le bus se rangea le long du quai couvert. Je sortis du bus en trombe, bien décidé à monter dans celui qui repartait. Je m’apprêtais à acheter un billet quand Jacob arriva en courant. Je le fusillais du regard et l’ignorais, tenant mon sac contre moi comme s’il pouvait me protéger. J’avais relevé ma capuche sur ma tête pour me protéger du froid et j’enfonçais ma tête à l’intérieur de mes épaules. Jacob tenta de prendre ma main mais elle resta obstinément crispée sur la poignée de mon sac. Alors il se planta devant moi et me força à le regarder en tenant mon menton serré entre ses doigts.

– écoute, dit-il avec autorité. Alicia m’avait volé mon téléphone. Elle est venue me le rendre juste après que ma mère m’ait dit que tu arrivais. Quand je l’ai allumé, j’ai vu tous tes messages et j’ai vu la          photo qu’elle t’a envoyée. C’est un fake Colette, je n’ai jamais embrassé Alicia. Regarde-moi ! Je te jure que ce n’est pas ce que tu crois. Tu penses que j’aurais céder à cette fille ? C’est ce que tu penses de moi ?

– je ne pense rien, je crois ce que je vois, je grinçais entre mes dents.

– et bien tes yeux te trompent, dit-il avec aplomb. Regarde-moi sur cette photo, regarde mes bras, ils pendent le long de mon corps et tu ne vois pas mon visage parce que la photo a volontaire été prise pour que tu reconnaisses Alicia, Si tu avais vu mon visage,  tu pu voir que je n’étais pas d’accord ! Regarde ! C’est elle qui m’embrasse, pas moi, ajouta-t-il en me lâchant et en me collant le téléphone sous le nez.

– quelle différence ? M’écriais en pensant aux lèvres pulpeuses d’Alicia se collant à celle de Jacob avec un frisson de haine.

– mais ça fait toute la différence, your honnor, répliqua Jacob en souriant, elle m’a embrassé par surprise et le temps que je la repousse, la photo était prise. Ensuite, elle te l’a envoyé et regarde le résultat. Elle savait que tu ne voudrais plus me parler après ça ! Toute cette histoire est stupide ! Ne la laisse pas nous séparer Colette, s’il te plait !

Je le regardais pour la première fois et je vis qu’il hésitait entre tristesse et amusement. Puis je regardais la photo et je constatais que Jacob avait les bras ballant et que son corps semblait finalement moins proche de celui d’Alicia que je ne l’avais vu de prime abord.

– c’est vrai ? C’est faux ?

Il éclata de rire, soulagé :

– oui c’est faux. Ça s’appelle de la manipulation et ça fonctionne plutôt bien quand je vois ta tête.

Je lui donnais une bourrade dans le bras et je le laissais m’embrasser tendrement. Quand nous réprimes notre souffle, il dit :

– tu m’as manqué, tu ne peux pas savoir à quel point je suis content que tu sois là. On va pouvoir fêter le réveillon ensemble et ça c’est génial !

J’acceptais finalement de le suivre jusqu’à la voiture et Jacob me conduisis prudemment jusqu’au Chalet à flanc de montagne. La neige devait bien atteindre un mètre cinquante le long des routes. On aurait dit qu’on roulait dans un tunnel blanc. Ces paysages étaient étourdissants de beauté avec leurs sapins immenses, sombres et serrés. Au fur et à mesure que nous montions, Le soleil se couchait et la neige devenait rose sur les flancs sud et bleu sombre à l’opposé. À l’intérieur du chalet je découvrir une vue à couper le souffle. Les grandes baies vitrées s’ouvraient sur les cimes enneigées et la forêt. En contrebas le village commençait à s’illuminer de mille guirlandes colorées.

Marina m’accueillit comme une princesse. Elle me conduisit jusqu’à ma chambre tout en me faisant visiter le chalet qui était constitué d’authentiques rondins de bois impressionnants.

– voici ta chambre. Celle de Jacob et à côté, Nils est en face et nous nous sommes au bout du couloir. Il y a aussi quelques amis qui arrivent des États Unis, tu verras, ils sont adorables. Bon je te laisse, installe toi et rejoins nous quand tu seras prête, on goute dans une heure.

Je me laissais tomber sur l’immense lit couvert d’un des gros et moelleux. J’entendis toquer à la porte et Jacob entra en refermant la porte derrière lui.

– je viens voir si tu es bien installée et si tu n’as besoin de rien ? Il souriait en se laissant tomber à mes côté, disparaissant momentanément dans l’édredon gigantesque.

– ça va, je répondis.

– vraiment, besoin de rien ? reprit-il insistant.

– si, de toi…je lui dis en l’embrassant.

– tu m’as manqué, répliqua-il en répondant à mes baisers, vraiment manqué…et pas que pour ça, ajouta-t-il en glissant sa main dans mon tee-shirt pour caresser mon dos, ta présence, nos discussions…tout…

Puis nous ne dîmes plus rien pendant un long moment, trop occupé à nous retrouver. Finalement, lovée dans les bras de Jacob, je lui dis :

– toi aussi tu m’as manqué. J’ai vraiment cru que tu m’avais oublié…

Il resta silencieux un long moment et je crus qu’il s’était endormi. Finalement il tourna son visage vers moi et il dit en m’embrassant :

– je t’aime Colette…

J’éclatais de rire tant cette déclaration était inattendue. Je savais qu’il m’appréciait, qu’il aimait passer du temps avec moi et que nous partagions quelque chose de spécial mais…

– je suis sérieux, reprit-il, je t’aime. Je crois que je suis tombé amoureux de toi dès le premier jour. C’est étrange quand on y réfléchit. Je t’ai vu quelques secondes à peine, j’étais très énervé ce jour-là et pourtant ton visage est resté gravé dans ma tête durant toute la nuit. Je me suis réveillée avec ton image et depuis…il a fallu du temps pour t’approcher sans te faire fuir…alors tu peux rire si tu veux mais je sais ce que je dis.

Je restais sans voix. Je n’avais jamais imaginée que nous étions devenus si sérieux. Je n’avais jamais imaginé que Jacob ressente des sentiments aussi forts pour moi, ni que personne ne pourrait jamais en ressentir d’ailleurs… (C’est un rêve et tu vas te réveiller et découvrir que tout ça était le fruit de ton imagination, tenta la voix, mais je ne l’écoutais pas. J’avais le droit d’être heureuse !).

Je me blottis contre lui puis entendant Nils courir dans le couloir, je dis en changeant volontairement de sujet :

– ta mère m’a dit qu’elle nous attendait pour le gouter…

– tu as raison, il faut que nous y allions, elle fait un chocolat chaud fabuleux et il y a toujours des brioches et pleins de trucs délicieux, répondit-il en sautant du lit. Je le regardais se rhabiller. Il était si beau…

– moi aussi je t’aime, je murmurais dans un souffle.

Je pensais qu’il ne m’avait pas entendu mais il me regarda et me sourit avec tant de tendresse dans les yeux que je sus que ma voix avait porté jusqu’à lui.

Je me levais et enfilais mes vêtements à la hâte mais je pris cependant le temps de brosser mes cheveux dans la magnifique salle de bain attenante à ma chambre. Ce chalet était vraiment luxueux.

Quand nous arrivâmes dans la pièce principale, plusieurs personnes étaient déjà assises dans de confortables canapés en cuir. Marina nous tendis des tasses fumantes et des assiettes de viennoiseries succulentes et je m’abandonnais au bonheur de cette famille. C’était tellement nouveau pour moi d’appartenir à une famille unie et heureuse. Hans caressait parfois la main de Marina en parlant et j’étais sure qu’il ne s’en rendait même pas compte. C’était naturel pour eux d’être tendre et affectueux.

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