JE LE REGARDE – Chapitre 11

Chapitre 11

Je le regarde parler, ses mains nerveuses courent sur le comptoir. L’officier de la douane, un homme empesé dans une chemise beige à manches courtes, moustache épaisse et parfaitement peignée, cheveux plaqués en arrière, regard perçant, écoute Jeff avec une froide réserve qu’il n’essaie pas de dissimuler.

Il semblerait que ma tenue légère, une petite robe au décolleté prononcé, ne soit pas appropriée. Après quelques tentatives infructueuses, Jeff renonce momentanément et cède la place à Sonia qui s’est imperceptiblement rapprochée du comptoir. Elle entame la conversation en arabe pendant que Jeff me murmure à l’oreille :
– tout ça n’a rien à voir avec toi, même si je te trouve très bandante dans cette petite robe ; c’est une histoire d’argent ; et puis je ne suis pas sur que nous soyons les bienvenue ici. Ajoute t’il plus pour lui même que pour moi.
Sonia parlemente un moment ; L’homme l’écoute calmement puis lui dit dans un français impeccable :
– Madame, avec tout le respect que je vous dois, ici vous n’êtes pas en mesure de parler avec moi. Laissez Monsieur s’en charger. Il désigne Jeff de la main pendant que Sonia le dévisage, ulcérée, une lueur meurtrière dans les yeux. Jeff s’interpose rapidement et pendant que je m’éloigne avec Sonia, dont les tremblements ne m’échappent pas, Jeff reprends une discussion âpre qu’il clôt en faisant discrètement glisser une grosse liasse de billets qui disparait rapidement derrière le comptoir.
Nos passeports tamponnés sont posés délicatement sur le marbre, effaçant toute trace de la transaction qui vient d’avoir lieu. Nous pouvons enfin quitter la douane. Les bagages récupérés, nous traversons l’aéroport pour émerger dans la touffeur de l’après midi et nous nous engouffrons dans un gros véhicule climatisé. Si avec ça nous n’attrapons pas un énorme rhume, c’est que nous sommes résistants ! Et justement je ne me sens pas vraiment bien. Depuis quelques jours déjà, je suis prise de soudains accès de fatigue et je crains que ce voyage ne m’épuise encore plus. Les évènements violents des dernières semaines, les bouleversements de notre vie amoureuse, les changements de situation professionnelle, m’ont épuisé. Heureusement Jeff va beaucoup travailler, s’absenter pour de longues réunions et je vais pouvoir me reposer. Je regarde le désert à perte de vue, bientôt remplacé par la ville la plus étonnante que j’ai jamais vue. Nous roulons le long d’une autoroute à seize voies qui trace une immense ligne droite entre des buildings qui rivalisent de hauteur et d’extravagance. Je mesure à cet instant que Dubaï est la ville de tous les contrastes et de toutes les démesures, et je ne regrette pas d’être venue. La vue est stupéfiante ; les immeubles les plus ahurissants se succèdent ; de véritables prouesses architecturales de verre et d’acier ; cela ressemble à une juxtaposition de miroirs géants ; Chaque immeuble reflétant son voisin. Les perspectives se confondent, s’entrecroisent et à force de garder la tête levée, j’ai le vertige tant ces alignements sont déroutants et fascinants. Sonia qui nous accompagne et qui a pris place à l’avant du véhicule, semble pour une fois, elle aussi, surprise et décontenancée ; au demeurant, elle est toujours en colère car elle vient d’apprendre de la bouche de notre chauffeur, qu’ici, elle n’a pas le droit de conduire. Elle a faillit faire un esclandre, mais son calme légendaire a pris le dessus et elle n’a finalement rien dit. Nous roulons un moment dans ces rues sans histoires, sans passé et sans véritable âmes car tout y est neuf ou en construction. Je ressens une sorte de sidération devant l’immensité et l’inutilité de ces folies démesurées. Le contraste entre la perfection des immeubles étincelants avec leurs parcs tirés aux cordeaux, succédant aux chantiers où s’activent grues et pelleteuses gigantesques, et la présence entêté du sable qui s’insinue dans chaque parcelle de terrain qu’il peut reconquérir, est saisissant.
Le vert vif des pelouses arrosées en permanence, laisse régulièrement la place au brun clair du sable qui ressort partout où l’homme n’arrive à le contenir.
Nous nous arrêtons enfin devant l’hôtel. Il est composé de deux tours vitrées noires qui dominent la ville ; comme tous les immeubles ici au demeurant. Chacune des deux tours est chapeautée d’un dôme métallique étrange et élégant. Le véhicule s’immobilise sous une immense toiture qui semble s’encastrer dans l’hôtel tant elle est grande ; j’en comprends la raison en sortant du véhicule ; la température y est plus clémente car cet auvent nous cache du soleil et permet à la brise d’y circuler, rafraichissant ainsi considérablement l’air. Aussi, passons-nous sans problème de l’esplanade au hall de l’hôtel, gigantesque espace à colonnades tout en marbre gris. Sonia va chercher nos clés et de loin, j’observe les manières affables des réceptionnistes. Je devine à leurs gestes ce qu’ils sont en train de faire et cela me fait plaisir. Nous prenons un ascenseur qui nous conduit au 110° étage, dans une luxueuse suite en duplex. La pièce principale est constituée d’un vaste salon richement décoré dans un style très contemporain, meublée de fauteuils et de canapés. Le marbre est omniprésent et luit partout, réfléchissant la moindre lumière. Malgré cela, l’ensemble est accueillant ; les tons chaleureux de beiges, brun et taupe se marient subtilement et l’on pourrait presque se croire dans notre maison, sur la côte d’azur. Un grand escalier d’acier et de verre monte à l’assaut de l’étage où se trouvent les chambres. Jeff en choisit une et laisse tomber sa veste sur le lit. La chambre est immense est de même facture que le séjour. Un lit king size qui parait incroyablement petit tant la pièce est grande, fait face à une baie vitrée qui couvre toute la surface. La vue est saisissante de cette hauteur. De microscopiques fourmis semblent s’agiter au bord d’une piscine en contrebas, pas plus grande qu’une assiette. Je suis collée à la vitre pour me repaitre de cette vue. La ville, foisonnante de tours et de building, cède la place à la mer à quelque distance. Jeff s’approche et se colle à moi pour regarder. Je l’embrasse et le remercie de m’avoir emmené dans cet endroit féerique.
– je savais que tu aimerais ! Je suis content que tu sois là ! Je veux te garder auprès de moi ; quand je te laisse seule tu fais des bêtises ! Ajoute t’il d’un ton enjoué.
Je le regarde étonnée de cette sortie inappropriée et je vois dans ses yeux cette étincelle de violence qui avait disparu après l’agression dont j’ai été victime.
Il ne plaisante pas. Il embrasse ma nuque en plaquant son bassin encore plus fort contre le mien, m’écrasant contre la baie vitrée ; il glisse une main sous mon corsage pour attraper un sein dans son fourreau de dentelle et le malaxer doucement, puis se saisissant de mon téton qui pointe à travers le tissu, le tourne entre ses doigts comme un bouton. Malgré moi je gémis. Mes seins sont devenus les antennes de mon plaisir. Il le tripote un moment faisant grimper mon excitation puis insinue une main entre mes jambes et soulevant ma robe, dénude mes fesses. La dentelle du string glisse rapidement, suivie par le vêtement que j’ai préféré déboutonné moi même – comme l’a dit Jeff il y a quelque temps dans des conditions plus dramatiques, nous détruisons beaucoup de vêtements – ma robe tombe et mon soutien gorge la rejoint sur le sol. Me voilà nue, perchée sur mes escarpins vertigineux – encore une autre exigence de Jeff – collée à une vitre qui me sépare du vide. Jeff prend le temps d’ôter les deux baguettes de bambou qui retiennent mes cheveux en une ébauche de chignon, et je les sens plonger dans mon dos, lourds et doux ; caresse sensuelle de leur balancement pendant que, dans le silence climatisé de la chambre, tintent en rebondissant, les baguettes qui chutent sur le marbre. Jeff écarte mes jambes ; j’entends sa braguette s’ouvrir puis je sens son sexe qui cherche son chemin. Il glisse sur mon anus qu’il dépasse et, s’introduisant plus profondément, pénètre dans mon vagin déjà lubrifié. Il pousse un soupir de plaisir, comme quand on rentre chez soi le soir. Il se maintien ainsi un moment sans bouger. Mes seins s’écrasent comme deux gros disques blancs sur la vitre et je me demande si l’on peut me voir des immeubles environnant. J’espère que non ! Les paumes plaquées sur le verre froid, je m’offre à cette douce et inéluctable pénétration. Jeff bouge lentement, et même si la position n’est pas idéale, il me fait l’amour tendrement. Il murmure des mots d’amour à mon oreille et je m’envole dans un orgasme réparateur. Mais Jeff n’a pas jouit et mes illusions de tranquillité et de trêves s’envolent elles aussi. Je viens de retrouver le Jeff insatiable et intransigeant. L’homme qui peut se montrer brutal et violent ; froid et indifférent. Il me retourne, et je me demande qu’elles vont être ses exigences. Mais il ne fait rien. Il se contente de m’embrasser voluptueusement en remontant sa braguette. Il s’apprête à partir. Mais je sais que je ne peux pas le laisser s’en aller comme ça ; une part de lui ne me le pardonnerait pas.
– tu t’en va ? Tu me laisses ? Alors que tu n’as même pas jouis !
– je voulais emporter un peu de toi avant mon rendez vous !
– moi aussi je veux un peu de toi ! lui dis-je en m’approchant de lui, perchée sur mes talons. Il me regarde et je vois qu’il hésite, je suis nue devant lui et je l’appelle. Je m’approche et me collant à lui, caresse son sexe à travers son pantalon. Il est toujours raide.
– tu ne peux pas partir dans cet état, tu vas te faire arrêter par la police des mœurs !
Il rit.
– d’accord Chloé, je ne résiste pas, mais j’ai peu de temps !
– ne t’inquiète pas, ça ira vite ! j’ouvre son pantalon, en extirpe l’engin frémissant et le branle un peu pour le mettre en train. Jeff dit :
– mon pantalon, Chloé, fais attention à mon pantalon ; je n’aurais pas le temps de me changer ! alors je le prends dans ma bouche et fait tourner son gland sous ma langue ; Il gémit. J’attrape se verge et coordonne le rythme de ma main et de ma bouche de telle sorte que l’orgasme monte très vite ; quelques cris annonciateur, puis il se répand en moi en poussant de longs gémissements de plaisir. Son sperme chaud me donne un peu la nausée mais je l’avale quand même. Je me redresse.
– voilà ! Tu peux y aller !
Il me sourit, referme son pantalon, puis m’embrasse à nouveau tendrement et tourne les talons. A peine a-t’il franchit la porte que je m’effondre sur le lit, épuisée. Je me tortille pour me glisser entre les draps frais et m’endors aussitôt. Je suis réveillé par les pas feutré de Sonia qui m’apporte un plateau sur lequel sont disposés une assiette recouverte d’un chauffe-plat en argent, un petit pain rond, une bouteille d’eau et une élégante salade de fruit. J’ai la surprise de découvrir, en soulevant le couvercle resplendissant, une blanquette de veau accompagnée d’une timbale de riz. Devant mon regard étonné, Sonia m’explique que l’hôtel dispose de plusieurs restaurants, chacun offrant une cuisine d’origine différente ; elle a commandé ce repas au restaurant français « la Farine », pour que je ne sois pas trop dépaysée. A peine enroulée dans le drap, je me jette sur la nourriture avec délectation. Je n’ai toujours pas repris un rythme alimentaire régulier malgré le travail, et mon poids, après avoir considérablement chuté dans les premiers temps, semblent se préparer à une nouvelle disette et stocke des réserves, car j’ai pris deux kilos. Sonia me regarde manger en silence, puis me demande si je souhaiterais visiter la ville.
– non ! Le désert ! Je voudrais voir le désert, Sonia ! Cette ville est fascinante mais j’aurai d’autres occasions de la voir. Je voudrai du calme et de la sérénité. Pouvons-nous aller dans le désert ?
– je m’en occupe, dit-elle en sortant de la chambre.
Mon repas terminé, je me lève et trouve rapidement la salle de bain où je découvre des vêtements propres. Sonia pense à tout ! Après une douche réparatrice, j’enfile les sous-vêtements confortables qu’elle a choisi pour moi ; merci Sonia ! Un pantalon en lin beige serré aux chevilles et un tee-shirt à manche longue assorti ; Un long foulard bleu pâle est posé sur le fauteuil que je drape en écharpe sur mes épaules. Une veste qui me semble très chaude, accompagne l’ensemble, je la prends sans me poser de questions. Je descends l’escalier et Sonia m’annonce que tout est prêt. Puis s’approchant de moi, elle dénoue l’écharpe passée autour de mon cou et la pose sur ma tête pour m’en couvrir les cheveux. Elle m’explique qu’en ville je peux me déplacer les cheveux découverts si je suis accompagnée d’un homme, car je suis occidentale, mais dans le désert, cela ne sera pas possible. Elle enturbanne sa tête de la même manière. Nous descendons toutes deux dans le hall, vaste cathédrale de marbre et de verre, que nous traversons pour monter dans une spacieuse range rover blanche aux sièges en cuir, aussi confortable que des fauteuils de salon. Nous roulons un moment dans les rues démesurées de cette capitale surréaliste, puis enfin le désert apparait. La route devient plus accidentée. Elle défile, parfaitement droite, comme un long ruban noir, à perte de vue entre des dunes de plus en plus hautes. Nous avançons un long moment dans cet océan de sable pour finir par nous arrêter près d’une baraque blanche à toit de taule, dont les flancs sont presque ensevelis par le sable. Nous sortons du véhicule et Sonia extirpe du coffre un sac à dos dont elle enfile les brettelles. Elle me conseille de prendre ma veste et nous entrons dans la bâtisse. C’est une sorte de point de départ pour les ballades dans le désert. On peut y manger, y boire ou acheter des provisions. Des consignes de sécurités et d’hygiènes sont affichées aux murs qui conseillent aux touristes de ne pas partir sans guide, sans eau et sans nourriture, et de ne rien laisser trainer derrière eux. Sonia m’explique que la présence d’un guide est obligatoire car nous ne sommes pas accompagnées d’un homme. Elle part discuter avec un groupe d’hommes vêtus de djellabas claires, dont le sourire narquois disparait face à son arabe parfait. Elle en choisit un, plutôt âgé et ridé comme une vieille pomme qu’elle me présente. Il s’appelle Hassan, il vient du Maroc mais vit ici depuis des années et connait très bien la région. Il parle un peu français. Nous nous saluons, puis il nous conseille de partir au plus vite si nous voulons profiter de la promenade et voir le soleil se coucher.
Nous nous mettons en marche. Hassan ouvre la voie et Sonia ferme la marche. Contrairement à ce que je craignais, vu le nombre de véhicules garés dans le parking, nous ne rencontrons personne et enfin, après une longue marche durant laquelle nous contournons certaines dunes et en escaladons d’autres, nous nous arrêtons au sommet d’une immense dune. Je suis époustouflée par le paysage. Une mer de sable rouge sans fin s’étend à nos pieds. Le silence autour de nous est saisissant. Je me laisse tomber par terre ; les deux autres en font autant et nous contemplons ce spectacle magique : le vide, le silence, l’immensité, l’éternité, l’immuabilité ; tout est là ! Comme un retour au monde primitif, au commencement ; sans aucune vie humaine pour souiller, construire, détruire et polluer. La chaleur est intense mais nos vêtements nous protègent des rayonnements violent de cette après midi déjà bien entamée. Nous regardons longuement le soleil décliner lentement ; le sable devient rose ; le ciel se teinte enfin de bleu, abandonnant peu à peu son intense luminosité. Le soleil, comme un disque jaune, descend alors lentement derrière les dunes et les couleurs deviennent plus profondes ; puis comme si tout s’inversait, les teintes soutenues jusque là, virent au laiteux ; Enfin, le sable parait presque blanc, comme un ultime reflet de la lumière qui décline, et le ciel s’assombrit rapidement. Le guide se lève et nous conseille de partir rapidement sous peine de passer la nuit ici ou de nous perdre dans le noir. Je serai incapable de dire combien de temps nous sommes resté assis, mais le calme est si absolu que la notion de temps devient obsolète.
Tout s’est arrêté durant ce voyage au pays du sable. Je voudrai rester ici longtemps, si longtemps que tout ce qui m’entrave et me contraint se dissolve ; si longtemps que plus rien n’aurait de sens ailleurs que là, au sommet de cette dune, au milieu de ce désert de sable qui me semble plus accueillant et plus réconfortant que toutes les villes du monde. À contre cœur, je me relève cependant, et après avoir bu une longue rasade d’eau, nous nous remettons en route. Nous suivons pas à pas notre guide qui slalome entre les dunes. Le soleil dans notre dos décline rapidement et chaque fois que je me retourne il a encore diminué, ne laissant finalement qu’une fine ligne de lumière pure qui s’attarde un peu, comme retenue par les sables, avant de disparaitre, éteignant tout le désert avec elle. La lune en croissant éclaire peu, mais nous y voyons encore assez pour nous diriger résolument vers la baraque vivement éclairée que nous rejoignons à la nuit noire. Nous remontons en silence dans la range rover qui nous ramène, fourbues mais émerveillées, vers les lumières folles de la ville. Je suis prise d’un fort sentiment d’angoisse quand nous y pénétrons et que les tours nous encerclent. Les lumières de la ville, multicolores, grimpant à l’assaut des plus hauts immeubles, m’agressent. Elles recréent un jour artificiel et changeant, versatile ; Cette profusion de couleurs et de lumières violentes et omniprésentes, me fait plisser les yeux pour en atténuer l’impact. Chaque immeuble semble vouloir rivaliser avec son voisin en éclairage et en jets d’eau surréalistes. Tout est forme, lumière, mouvement. J’aimerai revenir à la pureté et à la simplicité du désert. Sentir à nouveau ce sable chaud couler entre mes doigts et s’effacer sous mes pas ; mais Jeff nous attend dans la suite, impatient et inquiet, comme nous le découvrons à notre arrivé. Il sermonne Sonia qui baisse la tête et ne répond pas, puis s’en prend vivement à moi, me reprochant cette stupide escapade risquée.
Mais je sais que ce qui le chagrine le plus, c’est que nous y soyons allé sans lui. Il congédie Sonia d’un geste de la main et elle se retire dans sa chambre, au rez-de-chaussée. Je lui demande comment s’est passé sa journée mais Jeff reste mutique. Finalement il dit :
– si tu voulais aller dans le désert, Chloé, j’aurai organisé une super journée ; je ne vais pas passer ma semaine à travailler tu sais, j’ai prévu de passer du temps avec toi !
– mais j’ai passé une excellente journée avec Sonia. Elle s’est très bien occupée de moi, et puis si je ne peux pas aller me promener pour découvrir le pays, que suis-je sensé faire ?
– je ne sais pas, moi, va à la piscine, sur le toit ! Il y a une piscine olympique absolument splendide ! Va faire du shopping, il y a cinq ou six galeries marchandes dans la ville, qui offrent tout le luxe dont tu pourrais rêver !
– mais ça ne me fais pas rêver, moi ! j’ai assez de vêtements pour une vie entière. Je m’habille pour te faire plaisir, mais si j’étais seule…rappelles toi la façon dont je m’habillais quand tu m’as connu : un jean, un tee-shirt faisaient mon bonheur !
– justement, Chloé, il était temps que ça change ! son ton dédaigneux me met en colère :
– mais de qui es tu tombé amoureux, Jeff ? De celle que j’étais ou de celle que tu m’as fait devenir ? Et sur ce, je monte à l’étage et claque la porte. Jeff reste un moment seul puis je l’entends grimper les escaliers et je me prépare à une nouvelle joute qu’il finira par gagner, parce qu’il ne s’arrêtera que quand j’aurai capitulé. La porte s’ouvre, il est déconfit. Il ne s’attendait pas à ce que je touche si juste.
– j’en ai assez de te demander pardon, Chloé ; au bout du compte, tu as toujours raison et je perds mon temps à essayer de discuter avec toi !
– je ne comprends pas ce qui te fait dire ça ?
– tu me rends coupable de tout ! Tu retournes tout contre moi. Je t’offre des vêtements et tu me reproches de vouloir te changer ! Je t’emmène en voyage et tu ne supportes pas que je m’inquiète pour toi quand tu disparais toute la journée !
– je sais Jeff, je te suis reconnaissante de tout ce que tu fais pour moi, je te dis juste que je ne peux me contenter de me laisser habiller comme une poupée et t’attendre toute la journée sans rien faire !
– je ne te demande pas de ne rien faire ! Je veux juste que tu sois prudente et que tu ne t’aventure pas dans des lieux dangereux si je ne suis pas avec toi !
– je ne vois pas en quoi ta présence rendrait les lieux moins dangereux !
– je ne dis pas ça ; mais je veux savoir où tu es et ce que tu fais ; c’est important pour moi !
– laisse tomber Jeff, je crois que cette discussion est stérile, nous ferions mieux d’en rester là !
– ça veut dire quoi exactement, en rester là ? il martèle ces mots avec rage.
– ça veut dire, cessons de nous disputer et passons une bonne soirée.
Un long silence, puis il dit :
– je t’y emmènerai dans le désert, promis, dans deux jours nous irons même y dormir si tu veux, tu verras c’est magique. Je louerai une tente de conte de fée, tu sais, comme dans les milles et une nuit, je sais qu’on peut en avoir !
J’aimerai lui dire que je sais déjà à quel point le désert est magique, et surtout que je ne veux absolument pas de son décors de cinéma, mais je ne dis rien de peur de relancer la polémique. Je m’approche de lui, prend son visage entre mes mains et l’embrasse. Il s’apaise au contact de ma bouche et répond à mes baisers avec amour, même s’il ne peut s’empêcher de glisser instantanément ses mains sous mon tee-shirt sale pour caresser ma poitrine. Je le laisse faire et m’abandonne à ses douces caresses en gémissant. J’ai l’impression d’être revenue dans le désert, d’être de nouveau en contact avec l’essentiel : mon amour pour lui. Il me bascule tendrement sur le lit et sans cesser de m’embrasser, fait passer mon tee-shirt pardessus ma tête, révélant le soutien gorge se sport que Sonia m’a apporté le matin :
– qu’est-ce que c’est que ce truc ? dit-il en tirant un peu sur l’élastique qui claque sur ma peau.
– c’est confortable pour marcher, c’est agréable, on dirait une seconde peau et en même temps ça soutien bien ma poitrine. Je n’avais pas l’intention de montre mes seins dans le désert !
– encore heureux, tu l’aurais fait fuir !
– Jeff, si on reprenait…
– d’accord, mais vire ce truc !
– je te préviens, la culotte est pareille ;
– vire la aussi !
– je pue, je suis sale !
– ça, j’aime !
– dégoutant !
– cochonne !
Il me laisse me dégager des sous vêtements en lurex beige pale, et se met en demeure de m’embrasser partout, en particulier sous les bras, où il hume avec bonheur l’odeur de ma transpiration mêlée à mon déodorant, puis mon sexe aussi.
– j’aime ton odeur Chloé, tu ne pue pas, tu sens toi, j’aime ça ! Ça m’excite de savoir que tu ne t’es pas lavée de la journée ; Ta petite chatte qui a eut chaud me mets l’eau à la bouche, regarde je bande comme un dingue !
Il descend son pantalon et me fait toucher son sexe moite et raide. Lui aussi a eu chaud mais je ne lui dit rien.
– écarte les jambes, je veux te lécher !
– non ! Laisse-moi prendre une douche en vitesse ! S’il te plait ?
– non, j’aime ça, Chloé, je t’assure, ton odeur m’excite terriblement ! et il continue sa descente vers ma fente dans laquelle il introduit son nez pour la renifler :
– hum, un petit fennec !
– Jeff, c’est répugnant !
– non, ça pue mais c’est bon, j’adore ça ! Goutte ma bite, tu vas voir, c’est bon quand ça a du goût !
Il vient se positionne au dessus de moi pour que je puisse sentir son sexe qui goutte sur moi en longs filaments. Je prends son gland dans ma bouche ; il a un gout acre et fort, mais passé la première impression, cette forte odeur musquée a raison de mes résistances et je me mets à le lécher sur toute la longueur.
– tu vois, c’est bon, n’est-ce pas ?
– oui, c’est bon, continue ! ne m’oublie pas !
– ne t’inquiète pas, je n’avais pas l’intention de t’abandonner comme ça ! et il enfouit sa langue dans ma vulve qu’il lèche de haut en bas avec des petits grognements de plaisir. Il lape les petites lèvres et découvrant le clitoris encapuchonné, le titille jusqu’à ce qu’il réagisse. Je gémis sous sa langue qui me lave et tente de maintenir son gland dans ma bouche mais son sexe est trop long, et je n’y parviens qu’au prix d’une contorsion douloureuse pour mes cervicales.
Finalement, j’y renonce et le coinçant entre mes seins, le branle lentement pendant que de sa langue experte, il fait monter mon plaisir très haut avant de le laisser se répandre en moi, en même temps qu’il éjacule sur mon ventre.
– j’aime ton odeur, mon amour, j’aime tout de toi ! dit-il en s’allongeant sur moi après s’être retourné. Il m’embrasse et nous mêlons nos odeurs de sexe, fortes et relevées. Il a collé son ventre sur le mien et nos mouvements provoquent des bruits aqueux de sperme qui se répand entre nous. Je me souviens alors que la première nuit ; Jeff avait fait échouer toutes mes tentatives pour aller me laver ou me rafraichir. Il avait préféré que nous fassions l’amour, couverts de nos sécrétions, transpirant, mêlant nos effluves. Il m’embrasse à nouveau longuement en murmurant mon prénom doucement :
– Chloé, ma fleur, dit-il, mon amour ! Puis il me pénètre sans ouvrir les yeux. Il entre et sort, son visage enfoui dans mes seins ; il va et vient, régulier, cadencé. Il continu sans perdre le rythme, sans faiblir, sans faillir, jusqu’à ce qu’emportée par un torrent de plaisir, je décroche et me convulse sous lui ; alors il accélère et me rejoint à grand coup de reins, comme s’il finissait une course. Il geint bruyamment puis s’étale sur moi. Nous restons ainsi longtemps enfin il se redresse.
– j’ai vraiment eu une journée difficile ; ces types sont durs en affaire ! Séduis les, ma fleur ; montre leur à quel point je suis le plus fort de tous les gorilles de la forêt !
Des fois, Jeff se perd dans un monde où je ne l’atteins pas. Puis il ajoute :
– je vais prendre une douche, tu devrais en faire autant ; nous avons un important repas dans une heure. Fais-toi belle, splendide même ! Ici les hommes d’affaires jugent leurs adversaires à la beauté de leurs femmes ! Grâce à toi, je vais être le plus redoutable d’entre eux !
Je sais que c’est un compliment mais je ne le trouve pas très flatteur. Je le laisse se lever et se laver pendant que je prends une longue douche ; puis j’enfile une sublime robe bustier noire en dentelle rebrodée de perles noires, dont le jupon très court laisse presque voir mon entre-jambe, pour s’évaser ensuite dans des cascades de mousselines de soie qui dégringolent, formant une jupe longue et gonflée à l’arrière. Le travail de plissé devant est particulièrement minutieux et élégant et la robe allonge mes jambes en les dévoilant presque en totalité. Ainsi apprêtée, chaussée d’escarpins qui rajoutent douze bons centimètres à ma taille déjà conséquente, parée d’une rivière de diamant, de boucle d’oreilles assorties et d’une incroyable bague très travaillées, ornée d’un des plus gros diamants que j’ai jamais vu – Jeff a fait apporter ces bijoux à l’hôtel en provenance d’une boutique de luxe – je descends précautionneusement l’escalier. Il m’attend en bas, vêtu d’un costume clair et d’une cravate assorti ; il est sublime. Nous nous contemplons un moment dans le grand miroir du hall avant de sortir de la suite. Nous sommes splendides et magnifiquement assortis, chacun fait ressortir l’autre ; moi en noir, lui en beige sable ; sa sobriété et la coupe stricte et légèrement cintrée de son costume mettent en valeur l’exubérance de ma robe et de mes bijoux, ainsi que la volupté de ma peau claire et découverte. Mon décolleté plongeant et généreux met en évidence la perfection de sa chemise blanche et la finesse de sa cravate beige. Un assortiment de paradoxes ; nous sommes complémentaires.
Nous prenons l’ascenseur et nous arrivons dans le hall de l’hôtel, plutôt fréquenté malgré sa taille impressionnante. Les gens s’arrêtent sur notre passage, se retournent ; quel est donc ce couple magnifique semblent-ils se dire ? Sans doute des vedettes de cinéma ; mais nos noms leur échappe. Peu importe ! Au moment de pénétrer dans le restaurant – un immense lieu clos par des cloisons gigantesques qui créent des espaces intimes et privés comme des labyrinthes – Jeff prend ma main et me conduit vers un groupe d’hommes, tous quadragénaires au minimum, qui patiente au bar en sirotant des boissons alcoolisées. A notre arrivé ils s’interrompent. Les conversation cessent ; même les serveurs ont un temps d’arrêt, puis la vie reprend autour de nous et l’on nous conduit avec déférence à une grande table ronde garnie de fauteuil bas, fort peu adaptée à la longueur de mes jambes que je ne sais comment ranger; je finis par renoncer et, m’asseyant sur le coté, les laisse délibérément dans le passage, à la vue de tous, non comme un fardeau dont je ne saurais que faire, mais comme un atout que je dévoile. Ces messieurs n’en ont pas perdu une miette et durant tous le repas, ceux qui le peuvent, risque un œil indélicat le plus haut possible. Je lis dans leur regard la question qui tournicote et ne trouvera malheureusement aucune réponse ce soir : porte t’elle une culotte ou bien est-elle nue au sommet de ses jambes croisées ? Peu importe, le fantasme est plus important que la réalité. Par moment, je décroise et recroise mes jambes lentement, telle une Sharon Stone moderne, mais je maitrise parfaitement le geste et rien n’apparait. Ils repartiront tout à l’heure avec cette question lancinante, et certaines épouses auront l’immense joie ou pas, de se voir honorer par un mari inexplicablement excité. D’autres feront appel au service d’escort girl, comme on en trouve dans tous les grands hôtels digne de ce nom, et passeront sur elles leur libido de quinquagénaires rajeunit par l’imagination.
Le repas, une succession de plats japonais, me laisse sur ma faim. La conversation fort animée, concerne des cotations boursières et des échanges financiers auxquels je ne comprends rien. Par moment, une plaisanterie leur arrache des rires lourds. Le vin coule à flot ; A la fin du repas, le saké est servi dans de ravissants gobelets en porcelaine quasi transparente, mais son gout fort et douceâtre à la fois me déplait. Quand enfin nous nous séparons, Jeff me félicite et me remercie. Il me dit que j’ai tenu mon rôle à la perfection et que je leur ai montré qui avait la plus grosse paire.
– de seins ? Lui dis-je d’un ton innocent.
Mais il ne rit pas et commence à me coller contre la paroi de l’ascenseur dont la vitesse est impressionnante. La vitre est froide dans mon dos. Jeff ne perd pas de temps, il descend mon bustier pour révéler mes seins qui s’échappent, libérés du contraignant étui renforcé de discrètes armatures.
– j’ai rêvé de faire ça toute la soirée ; je l’aurai bien fait devant cette bande de vieux salaces, mais ils t’auraient sauté dessus ; tu es si excitante, Chloé !
Puis il remonte ma courte jupe et relève le jupon dans mon dos ; mes fesses prennent elles aussi contact avec la vitre fraiche. Jeff contemple le spectacle. Je devine dans le reflet de la vitre, que les lumières de la ville défilent derrière moi à la vitesse de l’ascenseur qui monte à l’assaut du ciel, mais Jeff n’a d’yeux que pour le petit triangle de poil qui recouvre à peine le début de ma vulve. Je n’ai pas mis de culotte et je suis aussi excitée que lui d’avoir passé la soirée à croiser et à décroiser mes jambes, frottant ma vulve avec mes cuisses. J’appuie sur le bouton d’arrêt de l’ascenseur ce qui déclenche une sonnerie stridente. Nous avons peu de temps, mais Jeff est déjà à l’œuvre ; La hauteur des escarpins lui facilite la tache ; Il n’a qu’à relever une de mes jambes, qui s’enroule autour de ses hanches, puis il m’attrape par les fesses et me pénètre rapidement.
Il glisse en moi comme dans une mécanique bien huilée ; Je l’attendais ! Le lieu si inattendu, l’altitude, la fraicheur de la vitre dans mon dos, son membre qui se cambre, me font partir très vite et je jouis dès les premiers coups de reins, comme un soulagement après une longue attente ; Jeff doit avoir beaucoup fantasmé lui aussi, car il éjacule en même temps et geint de plaisir en tétant un mamelon tendu qui s’offre comme une gourmandise. Puis, aussi rapidement que nous nous sommes accouplés, nous nous réajustons et enclenchons l’ascenseur. Dès l’étage suivant, il s’arrête et s’ouvre devant un membre de la sécurité inquisiteur.
– nous contemplions la vue et mon épouse s’est malencontreusement appuyée sur le bouton ; ensuite nous ne savions plus comment faire repartir l’ascenseur ! dit Jeff plein d’aplomb, mais sa chemise défaite et ses cheveux en bataille disent tout autre chose. Le vigile nous observe ; Je relève les bras au dessus de ma tête pour rajuster mon chignon en bataille, manquant faire ressortir mes seins de mon corsage. L’homme me dévore des yeux puis regarde Jeff plus amène et il dit :
– toutes mes excuses ! Monsieur, Madame, je vous souhaite une excellente soirée ! et il laisse Jeff appuyer sur le bouton. L’ascenseur repart et Jeff rit :
– tu aurais pu aller en prison pour ça ! Tu lui montrais un sein et tu croupissais dans une cellule pour de longs mois.
– comme ça ? Lui dis-je en faisant glisser mes doigts dans mon décolleté, dénudant ma poitrine à nouveau. Jeff s’approche et me masse tendrement la poitrine.
– oui, comme ça ! dit-il en se collant à moi, et je sens sa verge raidir à travers le pantalon. Il malaxe mes seins et les tètes jusqu’au dernier moment, me laissant tout juste le temps de remonter mon bustier quand les portes s’ouvrent. Le hall de l’étage est vide et nous empruntons lentement le long couloir en nous embrassant goulument, manquant tomber plusieurs fois, empêtrés dans les jupons longs de la robe en dentelle. Dès le seuil de la suite, il se jette sur moi, mais je l’oblige à monter à l’étage – la chambre de Sonia est proche de l’entrée et je n’ai plus envie de la provoquer – où je le déshabille. Je me débarrasse de ma robe, me mets à genou et l’attire à moi jusqu’a ce que sa verge soit à la hauteur de ma bouche dans laquelle je l’enfourne le plus profondément possible. Jeff soupire de plaisir ; je commence à le pomper goulument. Cela faisait longtemps que je n’avais pas éprouvé autant de plaisir à le sucer simplement, sans contrainte ni obligation. Juste sa bite immense, parfaite, et ma bouche qui suce et lèche, puis ma main qui accompagne, et Jeff qui gémis de plus en plus fort. Dans ses moments là, j’aime qu’il éjacule dans ma bouche ; j’aime le gout de son sperme et j’aime l’avaler en le regardant dans les yeux parce que ça l’excite. Et c’est ce que je fais. Il tient ma tête de ses mains pour me freiner ou me faire accélérer, et je me plie à son rythme, mes lèvres formant un écrin pour sa verge brulante et il jouit si fort que le sperme part directement au fond de ma gorge en longues giclées, comme s’il s’était retenu des jours entiers. Il coule dans ma gorge avant même que j’ai pu réagir et je manque m’étouffer. Alors j’avale en continuant à pomper son gland qui envoie toujours de la semence chaude dans ma bouche ; enfin il se calme et m’attrapant par les épaules, m’invite à me relever. Corps contre corps, peau contre peau, nous nous caressons, nous nous sentons, nous nous palpons, lentement, comme si toute la nuit était à nous, toute la ville aussi. Puis Jeff m’invite à le suivre sur le canapé de la chambre où il se laisse tomber. Son sexe raide m’attend déjà et je m’assieds dessus dans un soupir. Ça aussi nous ne l’avions plus fait depuis longtemps ; simplement, face à face. Pas de lutte, pas de joutes, pas de pouvoir, juste de l’amour et du partage, le plaisir d’être ensemble. Il m’aide à aller et venir sur sa verge et nous mettons longtemps à jouir : nos corps sont fatigués mais nos âmes sont en paix et nous accueillons l’orgasme avec bonheur et simplicité. C’est un plaisir simple et généreux qui nous lave et nous épuise. Nous nous trainons ensuite jusqu’à notre lit, où nous nous endormons immédiatement.
Le lendemain, je me réveille seule ; Jeff est déjà parti. Enfilant un déshabillé posé sur une chaise, je descends dans la cuisine attenante au salon et trouve Sonia en train de préparer un petit déjeuner copieux : thé, toast, confiture, fruits frais ; un vrai bonheur. Je lui dis que je vais probablement aller me baigner dans la piscine de l’hôtel et elle hoche la tête. Elle semble dubitative mais ne dit rien. Je n’ai pas envie de me disputer à nouveau avec Jeff, alors une fois mon petit déjeuner fini, je monte dans la chambre, prends une douche et farfouille à la recherche de mon maillot. Je ne trouve rien et fini par appeler Sonia à la rescousse. Elle sort sans hésitation un maillot une pièce noire très travaillé que Jeff a choisit pour moi, une serviette, un grand chapeau de paille noire, des lunettes de soleil, de la crème protectrice et un grand panier dans lequel elle range le tout soigneusement. Je la regarde faire avec un bonheur indicible. Personne ne s’est jamais occupé de moi avec un tel dévouement, une telle gentillesse. Je la remercie et enfilant mon maillot, je glisse par dessus une petite robe qui me couvre à peine, mais me permets de sortir dans les couloirs et de prendre l’ascenseur jusqu’au dernier étage où je découvre une piscine gigantesque, bien plus grande qu’une piscine olympique, dont les courbes douces offrent de nombreuses petites baies ; certaines bénéficient de l’ombre des palmiers qui les bordent, d’autres sont en plein soleil pour les acharnés du bronzage dont je ne suis pas. Il n’y a que peu de monde car il est relativement tôt, mais le soleil est déjà chaud. Je fais le tour de la piscine pour aller contempler la vue. En bas, les immeubles se tassent dans des rectangles bien délimités par des rues à huit ou dix voies qui ressemblent à des petits liserets gris. Certains terrains sont encore en travaux et le sable y règne encore. D’autres, d’un vert luxuriant, semblent destiner à accueillir des jardins ; de cette hauteur, il est difficile de distinguer les détails ; on se croirait presque en avion. Mais le plus spectaculaire est le fait qu’au-delà de la dernière route, le désert apparait. Il est là, partout autour ; par endroit il rejoint la mer ; il règne en maitre sur ce pays qui défie les lois de la nature en prétendant à une végétation verdoyante à coup d’eau importée à grand frais. La ville ressemble à une île gigantesque et délirante, perdue dans un océan de sable. S’il n’y avait la mer pour apporter un contraste rafraichissant, cela deviendrait totalement oppressant. Je me détourne car l’envie est grande de retourner dans le désert ; je me laisse glisser paresseusement dans l’eau tiède, après avoir posé mes affaires sur un confortable transat à l’ombre d’un palmier. Je fais quelques longueurs de bassin puis m’amuse un moment à en suivre les bords qui serpentent. Enfin, lassée, je fini par sortir de l’eau et m’allonge sur le transat moelleux, abrité pour le moment par le palmier dont l’ombre tournante ne me protégera bientôt plus. Entre temps, la piscine s’est remplie et les bords sont occupés par une faune occidentale qui jacasse. Je constate qu’il y a une majorité de femmes, attendant probablement patiemment comme moi un mari qui travaille. Cela m’agace au plus haut point et ayant épuisé mon quotas de patience, je redescends dans la suite. Sonia est assise sur un canapé ; elle lit tranquillement. Elle me regarde entrer mais ne dit rien. J’hésite un moment ; Nous pourrions retourner dans le désert mais Jeff se fâcherait et je n’en ai pas envie. La soirée de la veille a été plutôt agréable et je souhaite que cette bonne entente dure le plus longtemps possible.
– si nous allions visiter le souk ? dis-je à Sonia.
Elle se lève et décrochant le téléphone pour commander un véhicule, me donne son approbation tacite.
Je monte me doucher et me changer. J’opte, comme la veille, pour des vêtements neutres et simples, agréables à porter. Dès que je suis prête, nous rejoignons le véhicule qui nous amène au bord de la vielle ville. Nous devons continuer à pied car la voiture ne peut pénétrer à l’intérieur des ruelles étroites et encombrées. Le guide nous conduit jusqu’à un marché couvert où nous découvrons avec stupéfaction que la majorité des échoppes sont des bijouteries. Ici on vend de l’or sous toutes ses formes. Au poids, travaillé, jaune, rose, blanc…des bijoux exubérants, ornés de pierres précieuses ou factices, côtoient des chainettes simples et élégantes ; des bagues s’entassent, pratiquement en vrac, dans des petits paniers. Des présentoirs à collier croulent sous le poids de bijoux tapageurs ; L’or est partout comme s’il s’agissait de fruits ou de tapis ! Nous errons un moment dans ces boutiques voyantes mais d’une propreté stupéfiante dans lesquelles la radio diffuse en permanence une musique entêtante. Ici, personne ne crie, personne ne s’agite. Des hommes portant djellabas et keffieh, marchent tranquillement dans les allées. Pourtant j’ai le vertige, je veux sortir, je veux de l’air ! Sonia m’attrape par la main et me faisant traverser la foule presque en courant, me conduit à l’extérieur. Le soleil est brulant et nous trouvons refuge sous un petit toit qui abrite des tables. Elle me pousse sur un banc sur lequel je prends place. J’ai le sentiment d’être à bout de force. Sonia nous commande une assiette de taboulé aux citrons et au persil. Manger me calme un peu, mais je n’arrive pas à chasser ce sentiment d’oppression qui m’envahit progressivement depuis notre arrivée à Dubaï. Le thé à la menthe, servi brulant et très sucré, achève de calmer mon estomac mal en point.
– vous vous sentez mieux ? Vous êtes encore un peu pâle. Voulez vous que nous fassions le tour de la ville en voiture ? Je n’ai aucune volonté, aucune envie, alors j’accepte docilement. Nous reprenons la voiture garée à proximité et nous éloignant de la vielle ville, nous empruntons des artères de plus en plus grandes.
A un moment Sonia me fait un signe de la main ; je me m’approche de la vitre et je vois au loin, se dressant au milieu d’une immense route à huit voies, comme un écueil entre la ville et la mer, la structure couleur terre du gigantesque hôtel Atlantis. On dirait un mirage. Il est surmonté de tours, festonné comme un château de sable et ouvert en son centre en une voute mauresque. Son style oriental n’en masque pas la démesure. Quand nous passons près de lui, en le longeant, on dirait du biscuit. Il est si haut et si long qu’il semble ériger une muraille de protection. A ses pieds, des bassins gigantesques crachent des geysers d’eau.
L’eau est présente partout dans la ville; bassins, piscines et fontaines gigantesques rivalisent de grandeurs et d’opulence. Devant un hôtel, les jets d’eau atteignent plus de deux cent mètres de hauts. Quand nous sortons du véhicule pour contempler le ballet qu’ils composent, se croisant, grimpant à des hauteurs impressionnantes comme pour atteindre le ciel, retombant en cascade, le bruit est si assourdissant qu’on dirait que nous avons mis la tête sous une cascade folle. Nous nous replions à l’intérieur de la voiture et le chauffeur nous conduit devant l’intournable « burj khalifa », l’hôtel le plus haut du monde nous attend, avec ses volutes enroulées sur elles mêmes qui montent en ellipse à l’assaut du ciel, tel un haricot géant d’acier et de verre qui tournerait sur lui-même pour conforter son ascension. Il faut reconnaitre qu’il est spectaculaire. Il nous faut sortir de la voiture pour tenter d’en apercevoir le sommet qui culmine si haut que sa pointe se fond dans le ciel lumineux. Le chauffeur nous explique qu’on ne peut véritablement l’admirer que de loin et cette idée trotte dans ma tête comme une échappatoire à cette ville vaste mais oppressante.
Nous nous rendons ensuite devant la mosquée de Dubaï, superbe bâtiment en pierres blanches, festonné, orné de quatre tours identiques et d’un minaret sur son toit plat. Ce bâtiment authentique, un des rares, est magnifique, et nous nous apprêtons à y pénétrer quand on nous en interdit l’accès. Pas de femme aujourd’hui et malgré les protestations du guide et de Sonia, rien n’y fait ! Le chauffeur nous conduit alors à l’extérieur de la ville en longeant la cote, et pour la première fois, je vois la mer de près. Elle est magnifique ; Turquoise, rehaussée de sable fin presque blanc. De là où nous sommes, nous contemplons, fascinés, la voile onirique de l’hôtel « burj al arab », construit sur une ile rapportée et accessible uniquement par un pont. Il nous faut payer pour le franchir et nous rendre dans les salons de l’hôtel où nous dégustons des pâtisseries en buvant du thé. Une immense piscine le sépare de la mer. On peut la traverser en bateau pour se rendre à la plage tant elle est grande ! Le bâtiment est beau quelque soit l’endroit où l’on se trouve et la décoration intérieure dépasse tous les fastes que j’ai pu admirer dans cette ville, pourtant peu encline à la sobriété. Marbres colorés, dorures étincelantes, lumières en cascade, tout concoure à faire de cet endroit un lieu hors du commun. Le luxe n’en cache cependant pas l’aspect oppressant. Une vaste réception étincelante de lumières électriques se tient sur une plateforme encerclée de colonnades de marbre. Le sol est pavé de dalles rouges, vertes, noires et or. L’immense comptoir rond de marbre noir brille de mille feux. J’ai envie de fuir immédiatement et je repense au calme et à la luminosité du comptoir derrière lequel je me tiens depuis déjà quelques semaines avec une grande nostalgie. Nous ressortons de l’hôtel que nous quittons sans regret, pour terminer notre visite par la mosquée iranienne, sublimement parée de mosaïques vertes et bleues qui brillent sous le soleil de la fin de journée. Malheureusement là non plus l’entrée nous est impossible car le bâtiment religieux est fermé. Le chauffeur nous propose de retourner visiter l’hôtel Atlantis qui possède un des plus grands aquariums du monde. Il nous explique que certaines chambres sont formées de petits tunnels au fond de l’aquarium et que l’on peut s’endormir en regardant nager au dessus de soi, poissons, requins et raies Manta. Mais je suis lassée de tous ces bâtiments extravagants et je n’aspire qu’à me retrouver dans mon lit. Nous rentrons à l’hôtel et je suis si fatiguée que Sonia doit m’escorter jusqu’à ma chambre où je m’allonge et m’endors aussitôt.
Jeff me réveille tendrement ; il fait nuit ; il me propose d’aller manger au restaurant. Je n’ai pas faim et je préférerai dormir mais j’accepte de m’habiller pour me rendre sur un bateau restaurant qui navigue sur les eaux calmes d’un des nombreux canaux artificiels. Le bateau, une immense jonque parée de voiles beiges et brunes, navigue lentement, sillonnant, au rythme d’un imperceptible moteur, entre les berges artificielles qui longe les immeubles de verre. Heureusement, les canaux sont très larges, ce qui rend la proximité des buildings moins oppressante. Le repas est agréable mais un sentiment de malaise ne me quitte pas. Je raconte studieusement ma journée à Jeff qui se dit satisfait du programme et m’informe qu’il a pratiquement finalisé son travail ici et que nous pourrons faire du tourisme dans deux jours. Devant mon peu d’enthousiasme, il fronce les sourcils mais ne dit rien. Je lui demande si cela réglera définitivement les problèmes que nous avons rencontré avant de partir, mais il élude la question et se cantonne à me parler sans réel intérêt des hommes avec lesquels il est en affaire. A la fin du repas, après un thé à la menthe servi brulant dans des petits verres, la jonque nous dépose sur un débarcadère. Il est tôt, plus tôt que prévu, et nous attendons le véhicule un moment, contemplant la vue étonnante qui s’offre à nous. La ville brille de couleurs éclatantes, chaque immeuble rivalise d’éclairage et de faisceaux géants qui trouent le ciel de puissants lasers. Un bruit de moteur nous fait nous retourner, mais ce n’est pas notre 4×4 qui s’approche à vive allure. Un Humer noir, taillé pour la guerre, s’approche vite, très vite, bien trop vite ; il fonce vers nous de toute la puissance de ses moteurs hurlants, quand il est percuté de plein fouet par la grosse berline qui nous conduit habituellement. Le choc est violent et dévie la trajectoire du humer qui fonce vers le canal sans pouvoir s’arrêter. Il y plonge sans y disparaitre, car ici tout est factice. La profondeur des canaux ne doit pas dépasser un mètre et les passagers du véhicule s’extraient rapidement par les vitres et tentent de se sauver à la nage. Des voitures de polices arrivent presque immédiatement et pendant que les policiers s’affairent à rapatrier les assaillants, Sonia sort discrètement du 4×4 dont l’avant est détruit. Elle nous fait signe de la rejoindre, et malgré la hauteur de mes talons et l’étroitesse de ma jupe longue, je cours à perdre haleine tant l’enchainement de ses événements étaient effrayant. Un autre véhicule nous récupère peu après et nous rentrons à l’hôtel sans nous être manifesté auprès des autorités. Quand nous nous couchons, nous faisons l’amour un peu mollement, mais pour une fois Jeff ne s’en offusque pas et accepte de me laisser dormir. Le lendemain, il est déjà prêt à partir quand je me réveille. Il m’embrasse amoureusement et me demande comment je vais occuper ma journée. Encore une fois, on dirait que l’incident de la veille n’a pas eu lieu, ou qu’il ne nous concernait pas. Je renonce à entamer une énième conversation à ce sujet et répond prudemment.
– je vais trainasser en t’attendant, je pense.
– on se voit ce soir, mon amour, dit-il en s’en allant.
Je me prélasse un moment au lit ; je n’ai envie de rien ; je suis lassée et effrayée de ces brusques revirements de situations auxquels personne ne se donne la peine de me fournir d’explications plausibles. Finalement, je me décide à descendre rejoindre Sonia qui m’attend dans la cuisine. Je déjeune en silence, puis je la regarde et lui demande si elle peut m’expliquer ce qui s’est réellement passé la veille.
– je préférerai que vous en parliez avec Jeff.
– mais il refuse de me dire quoi que ce soit ; il se passe trop de choses ces derniers temps ; je ne peux pas croire que l’accident d’hier n’est aucun rapport avec le cambriolage et l’agression dont j’ai été victime !
– Ecoutez Chloé ; je vais vous donner un conseil : ne posez plus de question ! Je vous le garanti, vous n’avez pas envie de connaitre les réponses et je ne vous les fournirai pas moi-même. Elle s’apprête à se retirer alors je lui demande :
– verriez-vous un inconvénient à ce que nous retournions dans le désert ?
Elle sourit.
-«la voiture sera prête dans dix minutes, allez vous changer.
Je monte dans la chambre et trouve sur le lit les mêmes vêtements confortables ; cette fois ci ils sont kaki ; Sonia commence à bien me connaitre. Je prends une douche et enfile tout ce qu’elle a posé à mon attention, puis la rejoint dans le salon.
Comme la fois précédente, elle a préparé un grand sac à dos qui contient tout un tas de choses utiles, je n’en doute pas. Nous nous rendons jusqu’à la voiture pour y retrouver Hassan qui est venu nous chercher ; Il emprunte la route qui sort de la ville, et comme la première fois, je me sens soulagée dès que dès que nous quittons la ville et que mon regard peut enfin courir sur l’horizon de sable rouge. Sonia, assise à coté du conducteur, semble nerveuse. Son regard balaie régulièrement le rétroviseur. Je me retourne. Un gros 4×4 sale et cabossé roule derrière nous.
– que se passe-t-il Sonia ? Ce véhicule nous suit ?
– non, je ne crois pas ; je vérifie simplement ;
– vous êtes sure ?
– je ne suis sure que d’une chose : ils n’ont pas intérêt à se frotter à moi aujourd’hui !
– pourquoi aujourd’hui ?
– parce que je suis agacée d’avoir à les tenir à distances !
– agacée ? Elle ne répond pas et reste mutique un long moment, l’œil rivé au rétroviseur qu’elle a tourné vers elle pour mieux scruter la route. Soudain je la vois se détendre ; Je me retourne ; Il n’y a plus aucun véhicule derrière nous, et seule la poussière qui s’élève d’une route perpendiculaire, indique la direction qu’à pris le véhicule disparu. En même temps qu’un grand sentiment de soulagement, je suis assaillie par une multitude de questions que je renonce à poser car je sais que je n’obtiendrai aucune réponse.
Nous continuons notre trajet plus sereinement et faisons escale au même baraquement où nous garons la voiture. Puis, en file indienne, comme la fois précédente, nous reprenons notre marche, comme si nous ne l’avions jamais interrompue. Le vent a modelé de nouvelles rides dans le sable et à l’infini, de douces vagues immobiles, comme léchées par une mer immatérielles, se dessinent. Nous avançons plus loin, dépassant la première dune puis une deuxième et enfin nous nous arrêtons au sommet d’une troisième. Elle est gigantesque et court sur des kilomètres, comme une épine dorsale qui soutiendrait l’ossature du désert. Sonia sort des paquets emballés. Elle a même prévu à manger et nous nous régalons de délicieux petits sandwiches au thon ! Suivis de fruits frais et d’eau en abondance. Nous restons longtemps assis. Hassan patiente tranquilement, il doit avoir l’habitude des touristes capricieux ; Sonia semble elle aussi fascinée par le lieu. Moi, je suis aussi émerveillée que la première fois par la beauté et l’immensité du désert. J’écoute attentive les bruits permanents mais discrets du sable qui s’écroule et dégouline le long des dunes et des insectes qui s’agitent sous le soleil ; un serpent beige passe en contrebas ; Il a du nous entendre bien que nous ne bougions plus depuis un moment ; pourtant il ondule sur le sable, à quelques mètres de nous, laissant la trace de son corps, bien plus discrète et élégante que celles de nos pas. Je suis émue que nous ne l’effrayions pas ; l’idée que notre présence soit naturelle, me réconforte. Il disparait dernière une petite dune, et pendant un instant, le désert parait vide ; puis mon attention est attiré par un autre mouvement d’insecte et l’univers se rempli à nouveau. Nous n’avons pas bougé depuis un moment ; le soleil est au zénith quand nous entendons arriver une joyeuse troupe qui marche fort et parle fort. C’est un groupe de touristes allemand qui a choisit de longer la dune par son sommet, provoquant des effondrements de sable à chaque pas. Ils rient et s’apostrophent bruyamment. Ils s’arrêtent un moment en nous voyant, étonné du spectacle que nous offrons, assis tous les trois sagement dans le sable, puis repartent après que nos guides respectifs aient échangés quelques mots en arabe. Je me sens totalement dépaysée et cette rencontre bruyante, même si elle a un temps troublé notre tranquillité, à contribué à accentuer cette sensation. Je regarde Sonia, dont la main a glissé vers l’intérieur de sa veste et qui ne l’en ressort qu’après un long silence. A ce moment, et pour la première fois depuis le cambriolage, je comprends que je suis en sécurité avec elle. Je m’allonge dans le sable, après avoir fabriqué un oreiller avec du sable que j’ai recouvert de ma veste. Mon chapeau presque sur les yeux limite mon champ de vision mais me protège du soleil encore haut. Sonia s’installe plus confortablement elle aussi ; Hassan reste impassible. Je m’endors sans m’en rendre compte. Quand je me réveille, j’ouvre les yeux sur un ciel rose foncé. Le soleil se couche. J’aperçois Sonia, au pied de la dune ; elle se promène, profitant du spectacle magnifique. Elle a l’air détendue et ne semble pas s’inquiéter de l’heure. Hassan n’est plus là ce qui m’angoisse vaguement. Je me lève et Sonia me voyant, me fait signe de descendre. Cela me prend du temps, car du coté où nous sommes, le flanc est abrupt. Je suis obligée de descendre prudemment en faisant de longs détours.
– où est Hassan ?
-«Il est allé chercher des couvertures et de la nourriture. Il ne devrait plus tarder.
– mais nous devrions rentrer, Jeff ne va pas aimez ça !
– vous voulez rentrer ?
Je réfléchis un moment à la question puis je réponds :
-«non, en fait j’adorerais dormir dans le désert ; je crains juste que Jeff ne le prenne très mal !
– on verra ça le moment venu, dit calmement Sonia ; tiens, voilà Hasan qui revient.
Et elle part à sa rencontre pour le délester du paquetage qu’il porte. Pendant qu’ils se consultent, je remonte au somment de la dune pour regarder le soleil disparaitre et le ciel s’assombrir, puis quand la nuit s’est définitivement installée, je les rejoins au bord de la grande toile qu’ils ont étalé pour former un campement rudimentaire. Ils ont ramassé des branches et des herbes, je me demande bien où, et ont fait un feu sur lequel chauffe une bouilloire en fer blanc et un plat métallique avec un couvercle. Des couvertures sont étendues sur le sol et Sonia me tend un gros pull qu’elle a sorti du sac à dos. Elle aussi a enfilé un lainage. Elle m’explique que la température va tomber assez vite, et que le sable encore chaud de la journée, va bientôt devenir glacial. Je la remercie et remarque que le froid s’est déjà installé. Le feu est un vrai bonheur et c’est quasiment collé à lui, que nous mangeons tous les trois le ragout de viande qu’Hassan a apporté, accompagné de thé à la menthe brulant. Sonia agrémente le repas de pâtisseries qu’elle sort de son grand sac. Je lui demande si elle a déjà envisagé de se faire appeler Marie Poppins et elle rit doucement. Après le repas, nous parlons un moment, presque à voix basse, pour ne pas troubler la sérénité des lieux.
Hassan nous explique, dans un français rudimentaire car il l’a perdu au fil du temps, qu’il est arrivé dans ce pays pas mal d’années auparavant ; quand tout était à construire. Bien qu’ayant une famille dans son pays, Il a travaillé à l’édification de la ville durant des années et a très bien gagné sa vie car les Emirats Arabes ne possédant que peu de main d’œuvre qualifiée, importent beaucoup de savoir faire. Ainsi, de nombreux hommes du Maghreb ont émigré pour travailler et vivre à Dubaï. Maintenant qu’il est âgé, il ne peut concevoir de vivre ailleurs ; il ne se voit pas retrouver une femme qu’il a à peine connu et des enfants si grands qu’il ne les reconnaitrait pas. Il a choisi de retourner à ce qu’il aime : le désert. Celui-ci le fait vivre grâce à son emploi de guide et le ramène à ses racines, à ses ancêtres Touareg.
Gagnés par la fatigue, nous nous allongeons sur les couvertures et Sonia, toujours elle, sort deux sacs de couchage incroyablement fin mais extrêmement chauds. Elle m’informe qu’ils font parties d’un programme expérimental et qu’ils sont testés actuellement dans l’Himalaya avant commercialisation. Je m’étonne qu’elle puisse être en possession de tels prototypes mais elle m’explique qu’ils vont être commercialisés par une entreprise qui appartient à Jeff. Ils sont en effet ultra légers mais très résistants, comme un très fin duvet pris entre deux toiles de soie ; l’intérieur est confortable et il fait vite chaud, très chaud même, et je suis rapidement contrainte d’enlever mon pantalon et mon pull. Allongée sur le dos, je contemple l’infinité du ciel qui s’offre à nous. Je ne connais rien aux étoiles et ne peux donc savamment les nommer à voix haute, mais leur proximité m’émeus plus que tout ce que j’ai vu dans ce pays depuis mon arrivée. J’ai l’impression qu’en tendant la main, je pourrais les attraper et les repositionner à ma guise pour créer de nouveaux dessins dans le ciel. Je suis de mon doigt tendu les myriades d’étoiles à la recherche de motifs, mais leur nombre et la sérénité du lieu ont raison de moi et je m’endors d’un sommeil calme et régénérant. Je suis réveillée au petit matin. Le ciel commence à s’éclairer mais le soleil est encore loin. Sonia dort encore pas très loin de moi et Hassan ranime le feu moribond. Le sable, qui semble presque blanc dans cette étrange lumière, brille de rosée. Mon duvet aussi est constellé de microscopiques gouttes d’eau et les insectes s’affairent avant la disparition de l’humidité et l’arrivée de la chaleur. Je m’étire et remets mon pull car l’air est vif et frais. Puis ayant enfilé pudiquement mon pantalon à l’intérieur de mon sac de couchage, je me lève et part regarder le soleil se lever au sommet de la dune. Il apparait dans mon dos comme un diamant blanc et grimpe vite à l’assaut du désert. Le disque éblouissant fini par apparaitre en totalité, mais j’ai eu le temps de contempler toutes ses couleurs sur le sable et dans le ciel qui a viré du blanc opalin au bleu vif. Quand je redescends, Sonia est réveillée et Hassan a fait chauffer de l’eau pour le thé. Il nous reste encore des pâtisseries que nous dégustons avec délectation en réchauffant nos mains sur nos gobelets. Nous attendons que le soleil soit haut dans le ciel en rangeant notre campement. Il n’est pas question d’abandonner un emballage ou une bouteille vide dans cette immensité immaculée ! Puis nous nous remettons en route, et après trois bonnes heures de marche, rejoignons la civilisation qui ne nous a pas particulièrement manquée. Il ne doit pas être loin de midi et je propose à Sonia de manger au baraquement. Nous nous attablons toutes les deux – Hassan est parti rejoindre les autres guides – et l’on nous sert un délicieux couscous préparé probablement dans une petite cuisine à l’arrière. Il est excellent. Nous ne parlons que très peu, mais ce n’est pas un problème. Je me sens bien avec Sonia, et cela semble réciproque. Je ne sais pas exactement comment la considérer : ce n’est pas une amie et ce n’est pas non plus mon garde du corps. Une entente tacite semble avoir été conclue car notre relation est simple. Elle devine visiblement mes pensées car elle me sourit, ce dont elle est plutôt avare habituellement, puis se replonge dans son repas. Après avoir réglé nous remontons en voiture. J’aurai bien aimé trouver encore autre chose à faire pour repousser notre retour à Dubaï, mais je suis à cours d’idée. Nous rentrons donc en ville, la tête pleine de sable, au propre comme au figuré et les immeubles m’oppressent encore plus. De loin, la ville semble totalement désordonnée. Les immeubles, si parfaits de près, forment des motifs brisés, tordus et mal assortis, à cette distance. La flèche du « bur al arab » émerge de ce fatras ; on dirait que l’immeuble est monté aussi haut pour échapper à cette cacophonie visuelle. De près, leurs arrêtes de verre coupantes, leurs flèches acérées, leur tailles disproportionnées, sont désagréables est douloureuses à mes yeux. Quand nous arrivons à l’hôtel, nous disons au revoir à Hassan à qui Sonia donne une grosse liasse de billets ; puis nous montons, fourbues malgré tout, rejoindre notre chambre. Jeff est là, tournant comme un lion en cage, dans le salon. A notre entrée, il se rue vers nous, et ayant constaté que nous n’avions rien, commence à hurler en nous traitant d’irresponsable et en demandant pourquoi nous ne l’avons pas appelé. Il est tellement énervé qu’il n’est pas possible de lui répondre, alors je m’assieds sur le canapé pendant que Sonia disparait dans sa chambre. Je le laisse déverser toute sa rage, toute sa colère et toute sa frustration ; finalement il se calme et me dit qu’il a du diner seul avec son groupe d’homme d’affaire et que la soirée n’a pas été excellente. Il compte sur moi ce soir pour briller de mille feux et lui permettre de conclure enfin cet accord qu’il est venu signer. Je lui promets d’être la plus belle et lui demande la permission d’aller me préparer. Il acquiesce et je monte à l’étage ou je me déleste de mes vêtements sales dans la panière, puis je vais dans la salle de bain et fais couler un bain. Pendant que j’attends que la baignoire se remplisse je m’examine dans la glace. Je trouve mon corps lourd et fatigué. J’ai l’impression de ne plus être la jeune femme pétillante et joyeuse d’il y a…cinq mois ! Cela ne fait que cinq mois que je connais Jeff et j’ai l’impression que la villa et Monsieur date d’une éternité ! J’ai l’impression que le temps où je faisais le ménage pour ensuite me rendre au club faire ma soirée, remonte à des années. Comment a-t-il réussit à me transformer si vite ? Pourquoi l’ai-je laissé faire ? Je connais la réponse : parce que je l’aime et parce qu’avant lui, aucun homme ne m’avait donné autant d’amour. Aucun homme n’a souhaité vivre avec moi comme il l’a voulu dès le premier jour ! Dès l’instant où il est rentré dans ma vie, je lui ai donné les clés et il les a utilisées à sa convenance. J’ai quitté la villa à cause d’un de ses caprices, J’ai quitté le club et mes connaissances à cause d’un autre ! Nous avons quitté l’Eden Roc pour des raisons similaires ! Nous avons perdu Martin – non là, je suis en grande partie responsable. Notre vie sexuelle n’a somme toute laissé que ruine derrière elle !
Et qu’en est-il de moi ? J’en suis là de mes réflexions quand Jeff entre dans ma salle de bain. Il sort de la douche, sa serviette autour de la taille qu’il ôte dès qu’il me voit. L’eau cascade dans la baignoire presque pleine et la mousse monte comme des blancs en neige. Jeff m’attire à lui et m’embrasse fougueusement. Je lui réponds plus mollement. J’aimerai avoir un peu plus de temps, un peu d’intimité. Ses baisers deviennent pressant, insistants, et ses mains s’agrippent déjà à mes seins qu’il malaxe énergiquement. J’ai mal, et je n’ai pas envie de faire l’amour ; pas maintenant et pas comme ça. Je le repousse doucement et lui demande de me laisser prendre mon bain, mais pour toute réponse, il enfonce sa langue dans ma bouche et introduit une main entre mes cuisses. Je suis partagée ente l’envie de le repousser et celle de le laisser faire. Je jauge ma capacité à faire l’amour et me dit qu’une fois sera possible, mais que je n’irai pas plus loin, pas aujourd’hui. Alors je me livre à lui sans résistance. Il le sent et en profite pour me retourner, me faisant prendre appui sur la baignoire avec les mains, la tête penchée en avant, les jambes écartées ; il me pénètre sans forcer. Il est le maitre et je suis l’esclave ; pas besoin de me brutaliser puisque je lui obéis. Je le laisse aller et venir nonchalamment pendant que mes cheveux dénoués trempent dans l’eau et se couvrent de mousse qu’ils baladent de droite à gauche, au grès des coups de rein qui me secouent. Je vois le reflet de Jeff dans le miroir ; il a les yeux fermés, ses deux mains tenant fermement mes hanches ; on dirait qu’il chevauche un cheval docile. Je ne me cabre pas, ne rue pas, ne résiste pas ; je m’offre et il prend. Il va, à petit pas vers son plaisir, sa queue allant et venant en moi, sans se soucier de mon agacement, de mon mécontentement. Je suis à lui ; à lui seul : je lui appartiens ; c’est finalement ce que je comprends de toute cette mise en scène. Jeff veut une femme docile ; et je ne le suis pas ! Je résiste et ça l’insupporte ! Il va me mater si je n’y prends garde et bientôt il aura annihilé toute capacité de rébellion en moi ! Dans le même temps, le plaisir physique commence à se faire sentir et le paradoxe ne m’échappe pas. Jeff m’aura par le sexe ! Toutes mes résistances cèdent face à son membre qui me caresse, me lutine et m’empale. Je voudrais refuser la jouissance qui commence à monter, mais je ne le peux pas ; c’est trop bon, trop irrésistible !
Mon corps, gavé de lui, est accro ! Sa verge en érection représente une tentation à laquelle je n’ai pas trouvé de parade. Sa façon de me faire l’amour est elle aussi insupportablement bonne. Il me connait, il m’a connu si vite ; il sait ce que j’aime, comment faire monter très vite le plaisir, le maintenir longtemps sans le laisser partir ou redescendre, et enfin, me libérer, m’affranchir de l’apesanteur, du réel, du monde qui nous entoure, pour me laisser m’envoler ailleurs, dans un ailleurs où il n’y a que lui et la plénitude. Il me possède et il en jouit. Il effectue des petits mouvements de rotation avec son bassin qui rendent la pénétration aléatoire ; je ne sais jamais où son sexe va taper, où il va frotter plus fort, et cette attente exaspérante me procure un plaisir anticipé proche de l’orgasme. Je l’attends, j’attends chacun de ses coups de rein, je l’espère et il est là, au fond, loin, sans cesse ; il papillonne dans mon vagin comme un insecte obstiné et l’orgasme vient, fort, puissant, rugissant, et l’eau qui coule toujours ne parvient pas à masquer mes cris déchirants de plaisir alors Jeff me rejoint et nous emmêlons nos voix jusqu’à l’épuisement. Cependant, dès qu’il m’a libéré de son emprise, je me laisse glisser dans la baignoire dont l’eau chaude accueillante me réconforte. Mais Jeff n’est pas d’accord. Il n’en a pas fini ; je lui demande de me laisser un peu souffler parce que je suis fatiguée et promets, sans y croire, que nous reprendrons après mon bain. J’espère qu’en faisant durer celui-ci suffisamment longtemps, il sera trop tard. Je m’alanguie donc dans l’immense baignoire dont le coussin cale confortablement ma tête, me permettant de somnoler. Mais je dois m’extirper de l’eau car Jeff crie qu’il m’attend et qu’il en a assez. Je sors, dégoulinante, et enfile un peignoir. Je le rejoins dans la chambre. Il est allongé nu sur le lit et son visage affiche une exaspération évidente.
– mais qu’est-ce que tu faisais enfin ? On va manquer de temps ! Dépêche-toi, Chloé, il faut qu’on baise !
Je pourrais résister mais je n’en fais rien encore une fois, et je le laisse arracher ma ceinture et jeter le peignoir au loin. Puis il m’attire sur le lit et entreprend de malaxer mon anus. Encore une fois je m’interroge : est-ce que je peux faire l’amour comme ça ? Et encore une fois, sa maitrise de mon corps et de mon plaisir ont raison de moi. Je m’abandonne à lui, le laissant distendre mon cul pour s’y introduire. C’est douloureux et pourtant c’est bon. Sa bite dure et sèche, frotte fort à l’intérieur de mes muqueuses irritées mais réactives, je dois cependant attendre qu’il éjacule un peu pour atteindre un minimum de confort. Mais même la douleur est plaisir ; et je le laisse encore une fois aller et venir en moi, me sodomiser, m’enculer, peu importe, jusqu’a ce qu’une deuxièmement fois le plaisir m’emporte. Il est plus violent et plus fort, mais la rage s’y mêle enfin. J’en ai assez ! Et l’orgasme à peine terminé, je l’expulse et me recroqueville sur le lit. Alors Jeff dit :
– ma Chloé, mon amour, ce n’était pas bon ? Je peux te faire jouir autrement si tu veux ? Et il entreprend d’écarter mes jambes avec probablement l’intention d’y fourrer sa langue, mais il n’en fait rien car je lui décroche un violent coup de genou dans la mâchoire qui le sonne et le fait tomber du lit. Je me lève précipitamment et attrapant mon peignoir au passage que j’enfile à la va vite, dévale les escaliers et m’engouffre dans la chambre de Sonia. Elle se lève à mon entrée. Elle lisait, assise dans un fauteuil ; elle vient vers moi quand Jeff fais irruption, nu, le sexe momentanément au repos et se tenant la mâchoire :
– mais tu es dingue, tu aurais pu me blesser ! Qu’est-ce qui t’as pris de faire un truc pareil ?
– je suis fatiguée Jeff, et tu ne m’écoute pas quand je te dis non ! Je n’ai pas fais exprès ! Pardonne-moi mon amour ! Je ne voulais pas te faire mal ; c’était un geste incontrôlé ; je voulais juste que tu me laisse du temps pour récupérer !
– un geste incontrôlé ? Tu m’as filé un coup de genou dans la mâchoire, Chloé ! Tu entends ça So, elle m’éclate la figure et puis elle vient pleure chez toi qu’elle ne l’a pas fait exprès !
Mais Sonia ne réagit pas. Elle s’est juste décalée d’un pas, s’interposant entre nous, sans avoir l’air de bouger. Jeff reprend :
– remonte immédiatement dans la chambre, nous n’avons pas fini !
– non, je ne veux plus Jeff, je suis fatiguée ! Je te demande encore une fois pardon, je ne voulais pas te faire mal ; je suis vraiment désolée ! et je me mets à pleurer. Mes larmes coulent le long de mes joues et la fatigue me gagne si vite que je pourrais m’endormir là, si j’avais un appui quelconque, mais Jeff n’a pas fini :
– d’accord Chloé, pardonne moi de m’être mis en colère comme ça, je ne crierai plus sur toi ; viens remontons nous préparer !
Il me tend la main. Il a un sourire doux sur le visage, le sourire que j’aime chez lui, ce sourire tendre et plein d’amour qui me bouleverse. Je contourne prudemment Sonia et m’approche de lui, réticente, mais il m’encourage du regard et du geste. Il prend ma main délicatement et me tire doucement pour que je le suive. Je le regarde attentivement, il sourit toujours, je vois de l’amour dans ses yeux, alors je remonte avec lui gravement, en lui tenant la main. Nous entrons dans la chambre et j’entends la porte claquer : je me retourne ; son regard est fou et il me gifle si fort que je tombe par terre ; puis il se jette sur moi et me pénètre brutalement en grognant comme un animal enragé. Il baise et crie :
– tu vas jouir ! Tu vas jouir ! Jouit ! Chloé ! Jouit ! Et il me gifle à nouveau. J’ai mal je voudrais qu’il arrête et je sens mes larmes couler de nouveau.
– arrête de chialer, je peux tenir toute la nuit s’il le faut, tu vas jouir !
Alors je me concentre et cherche au plus profond de moi, mais il n’y a rien, il n’y a plus rien ! Il a tout brisé, tout détruit. Je n’ai plus le moindre désir, et sans que je l’ais senti arriver, je me mets à vomir sur la moquette dans de longs spasmes de bile acide, écœurante et brulante. Il s’arrête, sidéré et comme s’il sortait d’un long cauchemar, il me regarde enfin.
– qu’est-ce qui t’arrive, Chloé ? Qu’est-ce que tu as ?
Mais je n’ai pas le temps de répondre ; Sonia entre dans la chambre, l’attrape et le pose sur le lit ; on dirait qu’elle porte une poupée de chiffon ; il ne pèse rien dans ses grands bras puissants ; il la regarde faire sans répliquer ; Elle vient vers moi, me prend dans ses bras et m’emmène en disant à Jeff, sans vraiment le regarder, toujours de sa voix douce et calme :
– ça suffit pour aujourd’hui, elle est fatiguée ; il faut qu’elle dorme ; et elle m’emporte dans sa chambre où elle m’installe dans son lit. Elle remonte la couette sur mon corps encore un peu convulsé par la nausée, puis sort et ferme la porte derrière elle. Je l’entends tirer un fauteuil près de la porte et au grincement de celui-ci, je comprends qu’elle monte la garde. Je sombre immédiatement dans un profond sommeil. Il me semble que je pourrai dormir une éternité tant je suis fatiguée. Un long sommeil lourd et sans rêve s’empare de moi et j’en sors presque aussi fatiguée que si je n’avais pas dormi. Quand je me réveille la journée est presque terminée et je ne comprends plus rien. Je sors prudemment du lit puis de la chambre, en enfilant un pull posé sur un fauteuil. J’entends du bruit à l’étage mais j’ai peur de monter et de rencontrer Jeff.
Je reste longtemps immobile dans l’immense salon dont la froideur m’agresse. Je suis seule et cette décoration impersonnelle rend mon isolement encore plus évident. La ville, en contre bas, semble grouiller de vie, mais je n’en fais pas partie. Je suis exclue de ce monde qui vit, qui s’agite. Je suis seule et ce constat m’abat encore plus. Jamais je ne me suis senti aussi mal, aussi anéantie. Je me suis toujours protégée des autres en préservant mon intimité, mon indépendance ; mais maintenant, tout cela a disparu ; ma carapace a volée en éclat et plus rien ne me protège de cette douleur ancienne qui revient aujourd’hui, réveillée par la violence et la folie de Jeff. J’entends quelqu’un descendre l’escalier et je me réfugie prudemment dans la chambre de Sonia. C’est elle qui descend finalement et vient vers moi. Elle me demande si je vais bien et je lui demande l’heure. Elle m’explique qu’il est presque cinq heure et que j’ai dormi vingt quatre heures.
– et Jeff ? dis-je doucement.
– il est sorti ; je préparais les bagages, nous rentrons ce soir.
– nous rentrons tous ensemble ? Sonia me regarde, interloquée puis répond :
– vous voudriez rester ?
– oh, non ! Jamais de la vie ! Je déteste cet endroit !
– vous voudriez aller ailleurs ?
– je ne sais pas où aller Sonia. Ma vie est avec Jeff…pour le moment…
– bien, alors pour le moment, nous rentrons.
Elle part préparer ses propres affaires après m’avoir indiqué qu’elle a laissé des vêtements pour moi dans la salle de bain et que je n’ai qu’à fermer la porte à clef si je ne veux pas être dérangée.
Je monte, m’enferme à clef, prend une douche rapide et me sèche. Je dois m’assoir tant la fatigue me gagne vite. Je trouve finalement l’énergie de m’habiller et, abandonnant tout le désordre derrière moi, redescend pour la trouver au pied de l’escalier.
– l’avion nous attend, on peut y aller quand vous voulez.
– mais où est Jeff ?
– Il nous attend là bas, à l’aéroport, il règle les formalités de douane.
– ce n’est pas vous qui faites ça d’habitude ?
– les habitudes peuvent changer. répond elle sans donner d’explication.
Nous quittons l’hôtel dans l’inévitable voiture noire qui nous conduit hors de la ville que j’évite de regarder en m’enfonçant profondément dans mon siège. Nous retrouvons Jeff à l’aéroport. Il m’embrasse tendrement, comme si rien ne s’était passé, m’annonce qu’il a finalement signé son contrat et me demande si je me sens mieux. Je lui réponds que je suis encore très fatiguée mais que j’irai probablement mieux d’ici quelques jours. Nous nous installons dans l’avion, assis côte à côte, mais il semblerait que nous ayons épuisé notre capacité à nous parler. Je n’ai aucune envie de partager avec lui ce que j’ai vécu dans le désert, et pour la première fois depuis que je le connais, je ne n’éprouve plus de sentiments pour lui. C’est un étranger qui se tient à coté de moi, sirotant une coupe de champagne glacée.
Le vol se déroule sans problèmes particulier et je somnole presque tout du long. Jeff me réveille pour l’atterrissage en me caressant doucement le bras. Je n’arrive plus à savoir ce qu’il pense ; sa duperie, ce sourire enjôleur qui cachait sa haine et sa violence, ont eu raison de la confiance que je lui portais ; aussi, c’est avec méfiance que je le regarde se lever après l’atterrissage, me tendre mon manteau et m’inviter à descendre les escaliers. Je ne serai pas surprise que, d’une grande bourrade dans le dos, il m’envoie rouler en bas ; mais il n’en fait rien et me donne même la main. La voiture est là et Sonia monte au volant, visiblement très satisfaite de retrouver des droits perdus durant le voyage. Elle nous conduit avec rapidité et dextérité jusqu’à la maison où je demande à Jeff le droit d’aller dormir.
– encore ! me dit-il tu vas si mal que ça, ma belle ?
– ne t’inquiète pas, j’irai mieux demain, après une bonne nuit de sommeil. Et puis je reprends le travail et j’aimerai vraiment être en forme ; comme tu peux le voir, ce soir, je suis vraiment fatiguée.
– d’accord, ne t’en fais pas ; je vais travailler tard, je dormirai dans mon bureau ; repose toi bien mon amour, dit-il en m’embrassant tendrement.
Puis il me tourne le dos et s’engage résolument dans le couloir ; il disparait de ma vue. Je regarde Sonia d’un air interrogatif, mais elle hausse les épaules et me souhaite une bonne nuit. Puis elle ajoute :
– allez vous mettre en pyjama, je vous amène un plateau repas ;
– non, c’est gentil Sonia, mais je n’ai pas faim.
– faites moi confiance, manger un peu vous fera du bien ; je ne vous apporterai que des choses légère ; à tout à l’heure.
Je monte dans ma chambre, prends une douche rapide et enfile un pyjama moelleux. Sonia a raison, je me sens déjà mieux ; les dentelles et autres frous-frous attendront des jours meilleurs ! Elle arrive au moment où je me glisse dans mon lit et pose devant moi un plateau où fume un bouillon très clair mais odorant ; un petit pain et une tranche de jambon sont posés sur une assiette accompagnés d’un yaourt de brebis nature et d’un élégant sucrier. Un grand verre d’eau complète le plateau. Je le regarde et je m’aperçois que je meurs de faim. Je bois le bouillon comme assoiffée, dévore le pain et le jambon, et enfin rassasiée, termine mon yaourt. Sonia, qui s’est assise au bord du lit et n’a pas bougée, reprend le plateau avec un sourire et me souhaite bonne nuit. Elle ajoute en quittant la chambre :
– je ne pense pas que vous soyez dérangée cette nuit, dormez vite ! et elle ferme la porte derrière elle. Comment a-t-elle pu convaincre Jeff de me laisser souffler ? De quels arguments a-t-elle usés pour le contraindre ? Je ne le saurai probablement jamais ; cela appartient à leur histoire commune et dans l’immédiat, cela m’indiffère. J’aspire au calme et ne veut en aucun cas être à nouveau violentée par un Jeff fou de rage, alors je ferme la porte de la chambre à clé. Je m’endors instantanément et peste conte le réveil quand il se met à sonner. Je le jetterai volontiers contre le mur pour dormir toute la journée et retrouver ce rêve merveilleux dans lequel je retournais vivre dans le désert, m’imprégnant de chaque instant, de sa vie multiple et sereine, de ses couchers de soleil somptueux, de ses insectes affairés…mais je me souviens qu’aujourd’hui je retourne à l’hôtel, et à cette pensée je saute du lit et suis immédiatement prise d’un vertige. Je m’appuie contre la porte de la salle de bain et reprends mes esprits en soufflant lentement, les yeux fermés. Il faut que je me ménage. Je vais aller travailler mais si je me sens encore aussi mal, il faudra probablement que je consulte un docteur. Je n’ai pas mis les pieds dans un cabinet médical depuis des années, faute de temps et parce que je ne suis jamais malade. Mais on dirait que Jeff a affaiblit mes défenses, et pour la première fois depuis des années, je me sens mal. Je réussi à me laver et à m’habiller, et dois user de beaucoup de maquillage pour avoir bonne mine. Cependant, des cernes noirs apparaissent malgré mes efforts, sous la couche de poudre que j’ai appliquée. Je descends dans la cuisine et trouve Sonia et Jeff en train de boire un café. Sonia m’a préparé du thé et des toasts grillés que j’avale avec plaisir, suivi d’un grand verre de jus d’orange frais. Je m’apprête à partir quand elle me rejoint dans le hall. Elle me regarde et dit :
– ce n’est pas encore la grande forme, vous ne devriez peut-être pas aller travailler.
– mais si Sonia, ça va aller ! Il faut juste que je prenne un peu l’air !
– d’accord, laissez-moi arranger un peu ça, tout de même ; elle sort de sa poche un anti cerne qu’elle applique soigneusement sous mes yeux en tapotant délicatement du bout des doigts. Tant d’attention me touchent tellement que j’en ai les larmes aux yeux. Sonia s’en aperçoit :
– allez, ça ira comme ça ! dit-elle en me caressant délicatement la joue, passez une bonne journée et ménagez-vous, puis elle referme la porte derrière moi.
Je monte dans ma jolie voiture, réparée en notre absence, et retrouve instantanément le plaisir de conduire et d’être seule. Arrivée à l’hôtel, je prends mes fonctions après être allée saluer Monsieur Dumont qui semble content de me revoir. Je ne sais quel arrangement a été passé avec la famille Vaucanson, mais il m’a laissé partir quelques jours sans rien demander, ni protester contre cette absence injustifiée. Je me traine un peu derrière mon comptoir mais je garde le sourire et reste affable avec les clients. Je repense à la réception délirante de marbre et de couleur du « Burj al arab » et l’élégance raffinée et sobre des lieux me fait chaud au cœur. Je suis pourtant soulagée quand la journée se termine et rentre à la maison avec plaisir. La perspective d’un bain chaud, d’un repas et d’une bonne nuit de sommeil me font accélérer, mais je réalise soudain que pendant un instant, je suis revenu au temps du studio, quand je vivais seule et sans contrainte, maitresse de mon organisation, et le poids de cette découverte m’assomme. Je vais devoir affronter Jeff et batailler avec lui pour qu’il accepte de me laisser en paix. Je n’ai même pas envie de le voir et cette sensation qui se renouvelle me fait pleurer. Je me gare devant la maison, en larme, et reste un long moment appuyer au volant à sangloter sans pouvoir m’arrêter. Je sursaute quand quelqu’un tape à la vitre. C’est Jeff. Je le regarde, les yeux dégoulinant de mascara que j’essuie de mon mieux avec le dos de ma main, étalant encore un peu le noir sur mes tempes. Il me sourit et me fais signe de déverrouiller la portière. Il me tend la main et m’attrapant presque sous les bras, me serre contre lui tendrement.
– c’est fini, Chloé, c’est fini ; je sais que tu es fatiguée et malheureuse ; je sais que c’est de ma faute ! Je ne vais pas te demander une nouvelle fois de me pardonner ; je ne sais pas si tu le peux encore ; probablement pas ; mais je t’aime et je ne veux pas te perdre ! Je ne veux pas te rendre malheureuse non plus ! Je ne sais plus quoi faire, Chloé ! Je suis tout aussi désespéré que toi parce que, parfois, je perds le contrôle et…J’ai vraiment déconné ; je n’aurai jamais du te frapper, jamais du crier sur toi comme je l’ai fait ! Je n’arrive pas à oublier cet instant où j’ai franchit la limite et je suis rongé par la culpabilité ! Mais la perspective de te perdre m’anéanti ; je ne peux pas envisager de vivre sans toi, mon amour, tu m’es trop précieuse ; tu as bouleversé ma vie et mes certitudes, mes projets aussi ! Et je t’aime d’autant plus pour cela ; tu m’as donné un avenir là où je n’avais que de l’immédiat ! Je veux te mériter et je vais te prouver que tu as raison de me faire confiance, de croire en moi et de m’aimer encore !
Je l’écoute en silence, serrée contre lui et son odeur me touche ; je ne peux m’empêcher de glisser mon visage dans son cou pour le sentir comme au premier jour et Jeff s’en aperçoit.
Je resterai bien ainsi éternellement, loin des problèmes, des conflits, mais mes jambes fatiguées flanchent un peu et Jeff doit me soutenir pour que je ne tombe pas. Il m’attrape, et glissant son bras sous mes jambes, me soulève et m’emporte à l’intérieur de la maison. Il monte jusqu’à la chambre où il me pose sur le lit. Je lui dis que ça va aller, mais il tient à m’aider à me mettre au lit. Il m’apporte mon pyjama et j’ai presque honte de me déshabiller devant lui. Je cache pudiquement mes seins avec mon tee-shirt quand j’enlève mon soutien-gorge et ce geste n’échappe pas à Jeff, qui semble agité de sentiments contradictoires ; tristesse et colère passe alternativement dans ses yeux ; mais il finit par s’assoir auprès de moi et me dit d’une voix douce :
– ne t’inquiète pas Chloé, je ne te ferai plus jamais mal ; je ne veux pas que tu es peur de moi ou que tu me rejettes ; je suis si malheureux ! Des larmes coulent sur ses joues et je les espère sincères. Il sanglote bruyamment et je ne peux m’empêcher de le prendre dans mes bras en lui embrassant les cheveux.
– je t’aime, Jeff ; je suis juste un peu sonnée par ce qui s’est passé. J’ai besoin d’un peu de temps ; mais ça va aller, j’en suis sure ; si tu me laisse du temps…
Mais, mes lèvres s’égarent et je les retrouve collées à sa bouche affamée. Je ne me contrôle plus ; Mon corps épuisé un instant auparavant, s’enflamme d’amour et de désir, et tout en l’embrassant passionnément, je retire mes vêtements si vite que j’en suis encore à m’en étonner quand Jeff, lui aussi nu, s’allonge sur moi de tout son poids. Le sentir ainsi, sa peau contre la mienne, son sexe dur prêt à l’amour, mes seins écrasés par sa poitrine puissante, attise encore mon envie de lui et j’écarte les jambes sans aucune retenue et l’appelle. Il me regarde droit dans les yeux et son sexe s’enfonce profondément en moi, me submergeant d’une vague de bonheur et de plaisir mêlés. Il me lime lentement, soigneusement, méthodiquement, sans aucun temps mort, et fait monter en moi un orgasme si fort que j’ai l’impression d’imploser, de me liquéfier pendant qu’il crie avec moi en éjaculant longuement. Je retombe sur le matelas, pantelante et épuisée et l’enlace fougueusement pour lui témoigner mon amour, mais Jeff interprète mal ce geste, et croyant que je veux recommencer, mobilise ses force.
– non, Jeff, arrête, je suis fatiguée ! Mais le désir l’a reprit et il recommence ses mouvements ; je suis si fatiguée que je ne réagis pas, ce qui l’agace ; il accélère et accentue la pression, venant buter de toute ses forces à l’intérieur de mon vagin ; je comprends qu’il ne s’arrêtera pas tant que je n’aurai pas jouis à nouveau ; hésitante au début, je commence à gémir au rythme de ses va et viens, simulant de mon mieux mes orgasmes habituels. J’amorce une montée qui passe du gémissement aux cris et se termine dans une apothéose de bruit. Jeff a jouit et s’arrête enfin. Il me regarde un moment, puis m’embrasse tendrement :
– tu vois finalement, ça valait la peine de recommencer ! me dit-il.
– oui, mais maintenant il faut que je dorme.
– tu ne veux pas manger un peu avant ? Il est tôt, tu sais ?
– non je veux dormir. J’ai mangé un peu, avant de partir de l’hôtel, bonne nuit mon amour.
– parle pour toi marmotte, dit Jeff en rigolant, j’ai encore toute une fin d’après-midi de boulot devant moi !
Il se lève, se rhabille et s’en va en me souhaitant encore une fois bonne nuit. Il a l’air rassuré et heureux. Moi, je suis encore plus triste. C’est la première fois que je simule un orgasme avec Jeff et de mauvais souvenirs me reviennent en mémoire ; des souvenirs que j’espérais disparu avec l’arrivée de Jeff dans ma vie. Des souvenirs de relations sexuelles imposées, où seuls mes gémissements experts me permettaient d’en finir au plus vite. Des souvenirs humiliants d’argent jeté dédaigneusement sur le lit ; de portes qui claquent, de gifles aussi parfois, de coups. Une vie d’adolescente perdue dans un corps de femme qui se vend pour gagner sa vie, pour survivre loin des siens. Cette famille que j’ai quitté pour fuir la haine, le conflit latent entre mes parents qui ne se sont jamais aimé et ne m’ont jamais aimée non plus ; fuir une mère acariâtre et malheureuse qui m’en voulait d’être si belle ; fuir un père qui frappait de temps en temps, quand il avait trop bu, et me jetais des regards égrillards ; fuir des petits copains envahissants qui n’en voulait qu’à mon cul, si rond, si ferme, si appétissant ! Voilà ce que Jeff a ravivé sans le savoir. Voilà la femme qui pleure maintenant dans son lit, qui se sent utilisée à nouveau comme un objet sexuel. Non, ressaisis-toi ! Me dis-je. Jeff ne t’as pas utilisée ; tu lui as sauté dessus et il t’a répondu, puis il a mal interprété ton geste et tu as préféré faire semblant que de le repousser pour ne pas déclencher une nouvelle dispute ; voilà ce qui s’est passé ! Mais je sais, au fond de moi, que l’homme qui m’a fait l’amour n’est plus celui que j’ai aimé au premier temps, et que notre histoire va bientôt se terminer, probablement dans la violence. Je m’endors sur cette pensée peu rassurante et passe une très mauvaise nuit. Le lendemain, je ne me sens guère mieux mais me rend à l’hôtel. Cela fait maintenant un mois que j’y travaille et j’y ai trouvé un rythme qui me satisfait. Monsieur Dumont parle déjà d’évolution de carrière rapide et j’en suis heureuse. J’ai toujours été appréciée dans les emplois que j’ai occupé, mais j’ai toujours du les quitter pour des raisons personnelles. Cette fois ci, j’aimerai me poser un peu et j’espère que ce bel enthousiasme du début ne sera pas douché par une nouvelle péripétie de ma vie. Et pourtant…

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