A LA LUMIERE FROIDE DE LA TERRE – Quatrième Partie – Chapitre 1

QUATRIEME PARTIE

La bataille des Gardes

Chapitre 1

248° jour de la saison de printemps de l’an 1

Serarpi refusait d’aller dormir. Elle somnolait de courts instants devant son écran puis elle sursautait et reprenait sa surveillance acharnée.

Martial l’avait suppliée de lui laisser sa place mais elle semblait incapable de s’absenter plus de deux minutes. Alors, nous l’abreuvions de café et nous la laissions récupérer quand son menton tombait sur sa poitrine. Nos craintes étaient devenues réalités. Comme l’avait prédit Alex, les hommes étaient apparus les uns après les autres, bandes éparses de plus en plus denses, jusqu’à former une concentration d’environ cinq cents hommes dans les pourtours de la ville. Nous ne comprenions pas d’où ils arrivaient car nous n’en avions pas recensé autant durant notre surveillance. Ils dormaient à même le sol ce qui nous laissa à penser que les baraquements devaient être occupés. Il sembla évident, au bout de quelques temps, que des chefs les commandaient. Puis un seul chef rassembla les troupes. Nous ne  pouvions savoir comment il avait prit le pouvoir mais nous devinâmes, à la servilité dont ils faisaient tous preuve à son égard, qu’il avait été désigné par celui ou ceux qui les avaient réunis. Les minuscules silhouettes de la meute humaine s’écartaient sur son passage comme une bande de fourmi évite un obstacle mais le troupeau se reformait instantanément derrière lui comme une armée au garde-à-vous.

Serarpi n’était pas restée inactive pendant que nous les observions arriver puis disparaitre de longs moments après avoir longé le tas d’ordure. Elle avait réussi à localiser les satellites du gouvernement, ce qui l’avait conduit à pester un long moment contre son étourderie et son inattention. Il y en avait plus d’une centaine qui tournaient au dessus de nous et couvraient tous le territoire ainsi que l’océan. Pour se faire pardonner, comme elle nous le dit elle-même, elle passa par le vaisseau présidentiel, sur lequel elle avait la main, et réussit astucieusement à faire griller les satellites un à un, de telle sorte qu’ils semblaient tous être tombés en panne les uns après les autres. C’était judicieux et efficace. Devenus inutilisables et irréparables en l’état – il aurait fallut affréter une navette pour les récupérer individuellement, les réparer et les replacer en orbite – elle les rendit ainsi aveugles à un moment crucial. Nous constatâmes d’ailleurs une agitation évidente en ce jour où les satellites se désactivaient à intervalles réguliers et nous en éprouvâmes une grande satisfaction. Savaient-ils que nous les observions ? Nous n’en avions aucune certitude mais nous devions le supposer. Sinon, pourquoi aurait-il caché leur base dans des sous-sols ? A cela Alex avait une réponse très simple : le gouvernement avait toujours caché toutes ses activités et même s’ils ne savaient pas que nous possédions un satellite, ils n’aimaient pas que leurs activités apparaissent au grand jour.

Serarpi avait ensuite positionné le canon laser du vaisseau présidentiel au dessus du village et l’avait laissé en veille. Une manette posée devant des écrans où apparaissaient le village et ses alentours, paisibles et presque endormis, attendait que l’on s’en serve en dernière extrémité. La solution était radicale car le laser venait de l’espace et sa précision n’était pas garantie. Nous risquions de détruire une partie des maisons et de leurs habitants en nous défendant. Son faisceau pouvait exploser en touchant le sol, provoquant de gros cratères et détruisant tout ce qui se trouvait dans le périmètre de l’impact – nous l’avions testé quelques temps plus tôt, loin dans les terres. Il pouvait aussi brûler tout ce qu’il balayait. Nous gardions encore dans nos cœurs la cicatrice du beau bouquet d’arbres que nous avions réduit en cendre par mégarde avec tous les animaux qui l’habitaient.

Le canon que nous avions caché sur la piste d’atterrissage, avait été déplacé et amené au centre du village. Un tas de caisses de roquettes à moyenne portée attendaient à ses côtés. Les navettes et les pistes avaient été recouvertes de filets opaques, afin de disparaitre totalement à la vue d’éventuels arrivants. Nous ne voulions pas que les navettes puissent être utilisées contre nous mais nous ne pouvions les mettre à l’abri dans l’enceinte du village. Martial en avait cependant fait décoller une qu’il avait amenée dans la clairière en usant de toute sa dextérité de pilote émérite. Il préférait garder une navette accessible en cas de nécessité.

Nous étions prêts au combat, comme on peut l’être quand cela représente ce que l’on redoute le plus.

Pendant ce temps les villageois se préparaient tous les jours un peu plus. Des stands de tir avaient été mis en place par les anciens gardes et tous venaient s’entrainer, même moi qui était plutôt mauvaise malgré tous les efforts d’Amozzo – Nuncio ayant renoncé. Je ratais immanquablement la cible, à son grand désespoir, et même les encouragements d’Alex ne parvenaient pas à me faire transpercer le papier accroché à quelques mètres de moi. Pourtant je m’appliquais. Je coinçais l’arme contre mon épaule quand c’était un fusil, je la serrais dans mes deux mains quand il s’agissait d’un pistolet. Je trouvais mon équilibre, visais la cible laborieusement – mes mains tremblaient tout le temps – et ratais encore une fois. Ils avaient finis par se résigner et me disaient que je leur serais totalement inutile pendant la bataille et que je serais priée d’aller me mettre à l’abri. Je détestais cette condescendance. Je n’étais pas une faible femme, j’étais une mauvaise tireuse parce que je n’aimais pas les armes ! Un matin où je me réveillais tôt, je me rendis sur le stand de tir, désert pour à cette heure. J’armais mon pistolet et le pointais en direction de la cible sans y prêter grande attention, de toute façon ma balle allait encore se perdre dans le tertre de terre, comme toutes les autres. Je tirais et crus avoir raté mais quand je m’approchais, je m’aperçus incrédule qu’un trou parfait, en plein milieu de la cible, ornait la feuille intacte. Je l’arrachais de son support et couru en hurlant réveiller Alex qui refusa de me croire. J’avais été si mauvaise que même lui qui m’aimait et me le prouvait tous les jours par des attentions si touchantes, refusa de me croire :

– tu l’as troué avec un bâton pointu…

– je te jure, j’ai tiré sans me concentrer et paf, en plein dans le mille !

Je sautais dans la chambre comme une folle mais malgré mes suppliques, je vis qu’il restait sceptique. Il me proposa de recommencer devant lui mais je savais que c’était perdu d’avance. Je ne rééditerai pas cet exploit si leur surveillance dédaigneuse continuait à s’exercer. Nous n’eûmes pas le temps de continuer à nous disputer car Nuncio arriva en criant :

–      ça y est, ils bougent ! Venez vite !

Nous courûmes à l’atelier ou un petit groupe était déjà réuni, tendu, fixant les écrans avec des airs abasourdis.

En effet, les hommes s’étaient rassemblés en colonne et avançaient par rangés de quatre ou cinq. Ils traversèrent Materia, vidée de ses habitants, et sortirent de la ville dans une colonne désorganisée mais nourrie. A quelques centaines de mètres de la ville, sur la route, nous les perdîmes de vue car le satellite continuait sa trajectoire et Serarpi n’avait pu le reprogrammé à temps. Quand il revint sur Materia, nous trouvâmes les habitants en train de sortir peu à peu des baraquements. Quelques minutes s’écoulèrent durant lesquelles nous attendîmes sans savoir ce qui allait se passer puis Martial, qui surveillait la grotte de la plage cria :

– regardez, en voilà quelques-uns !

En effet, une dizaine d’hommes sortaient de la grotte et stationnèrent sur la plage le long de la falaise. Ils ne semblaient pas vouloir aller trop près de l’eau et je savais pourquoi.

– est-ce que les baveaux sortent dans la journée ? demandais-je à Alex.

– pas à ma connaissance, je ne les y ai vu que la nuit.

– c’est dommage, ils leur auraient fait rebrousser chemin…

– ils ne vont pas rester là longtemps, ils vont monter sur la falaise pour se mettre à l’abri ; en tout cas c’est ce que je ferai à leur place, précisa-t-il.

Effectivement, au fur et à mesure que les hommes arrivaient, ils se dirigeaient vers le sommet, empruntant le sentier que j’avais descendu avec gazelle quelques mois auparavant. Quand le flot cessa, ils étaient tous là. Cinq cents hommes armés, regroupés sur le plateau, semblant attendre des ordres. Puis un homme que nous n’avions pas vu auparavant, sortit de la grotte. Il portait une tenue étrange. Une combinaison vert vif avec un liseré noir sur toute la longueur des manches et des jambes. Il était chaussé de hautes bottes dont les bouts métalliques brillaient au soleil. Alex s’écria :

– lui, je le connais, c’est le chef des gardes ! C’est un fou sadique et violent. Il aime faire souffrir les hommes et se délecte de leurs hurlements. Je l’ai vu de nombreuses fois torturer des prisonniers avant de les tuer sans aucune raison.

Il semblait si effrayé que je me collais à lui pour le réconforter :

– nous ne le laisserons pas arriver jusqu’ici, nous l’empêcherons, même s’il faut le tuer devant le portail ! lui dis-je en lui prenant le bras.

– bon, je crois qu’il faut prévenir tout le monde…cette fois ci, nous avons la certitude, c’est bien ici qu’ils viennent, dit Martial sobrement.

– je peux tous les griller sur la falaise avec le laser, proposa Serarpi, dites le moi, ça prendra deux minutes !

– calmez-vous ! Nous ne pouvons pas les tuer comme ça ! Ils n’ont encore rien fait ! Qui nous dit qu’ils viennent ici pour nous attaquer ?

Je criais par dessus le tumulte et l’agitation qui gagnait toutes les personnes présentes.

– moi, je le dis, répondit Alex.

– je vais prévenir les villageois, ajoutais-je sans répondre à Alex. Surveillez-les, s’ils avancent vers ici nous essaierons de parlementer avec eux. Ils ne savent pas que nous sommes armés, nous n’avons rien à craindre. Et je filais avant que quiconque ne proteste mais j’attendis tout de même Joshua crier :

– mais Zellana, ils sont cinq cent et nous somme à peine  une soixantaine!

– je reviens…lançais-je sans stopper ma course.

Je sonnais la cloche et tout le monde arriva. Les visages étaient graves et le silence se fit immédiatement.

– Une troupe d’hommes vient d’arriver à proximité du village. Nous ne connaissons pas encore leurs intentions. Je vais donc vous demander de vous en tenir au plan. Les personnes qui ne sont pas en état de se battre vont immédiatement avec Julianne se mettre à l’abri et ne rouvriront les portes que quand nous donnerons le signal.

Je fis un petit signe du menton à Julianne avec qui j’avais eu une longue conversation quelques jours auparavant. Si les choses tournaient mal pour nous, elle ferait sortir tout le monde par une des issues situées à l’extérieur du village. à priori, une de celles qui donnaient dans la forêt, et elle cacherait les femmes et les bébés. Plusieurs navettes avaient été garnies de nourritures non périssables et leur serviraient de base de ravitaillement. Ensuite, elles aviseraient. Nous ne serions probablement plus là pour les aider si elles devaient en arriver à cette extrémité.

– je dois vous laisser, je compte sur vous pour que tout se passe dans le calme. Chaque fois que nous pourrons, quelqu’un viendra vous donner des nouvelles. Installez vous et éviter de perdre le contrôle, vous énerver ne vous servira à rien et vous fera courir le risque d’être repérés.

Je les laissais là, un peu hagards encore, mais prêts à mettre en œuvre les tâches qui leur incombaient et je remontais vers l’atelier de Martial. En passant, je regardais le monumental portail sur lequel deux hommes montaient la garde, protégés par l’épaisseur du bois dur de Matria. A travers de petites ouvertures, ils pouvaient voir le chemin d’accès, les pistes d’atterrissages actuellement masquées par les camouflages, la forêt à leur droite et le chemin côtier à leur gauche. C’est par là que les hommes arriveraient.

Dans le local informatique, la tension était à son comble. Tout le monde retenait son souffle.

– quel dommage qu’on n’ait pas le son, murmura Martial, j’aimerai savoir ce qu’il leur dit.

En effet, le l’homme en vert haranguait visiblement ses troupes et tous semblaient l’écouter avec attention. Personne ne bougeait dans les rangs. L’homme ne bougeait pas beaucoup mais il les dominaient tous. Ses gestes étaient contrôlés mais il était évident, dans sa posture et dans les rictus que nous voyions apparaitre sur le visage de ses hommes, qu’il mobilisait ses troupes pour le combat. Puis il y eut un temps de flottement durant lequel tous vérifièrent leurs armes, arrangèrent leurs équipements. Ensuite, il leva le bras, le dirigea vers nous et les hommes se mirent en marche. D’abord en désordre, le bataillon adopta un pas rapide qui se transforma en une course régulière et soutenue dès que la colonne fut formée. On aurait dit des automates programmés pour une destination déterminée. Ils courraient par rangée de quatre, dans un alignement parfait que nous ne leur avions jamais vu. Ils étaient terrifiants.

– ça y est. Ils seront là dans une heure maximum. Qu’est-ce qu’on fait ?

– on va leur parler…dis-je d’un ton calme qui ne reflétait pas mon état intérieur. J’étais aussi terrifiée que tous les villageois mais je me devais de garder la tête froide.

– Zellana, tu es folle ! s’écria Joshua.

– non, on va leur parler, personne n’attaquera avant que nous ne connaissions leurs intentions.

– tu sais très bien quelles sont leurs intentions, Alex te l’a dit ! répliqua Martial.

– je sais, mais nous sommes des gens civilisés et nous ne tirerons pas sur des hommes qui ne nous ont rien fait !

– Zellana, dit Joshua, on ne va pas attendre qu’ils soient à notre porte pour réagir !

– si, c’est ce que l’on va faire ! On va parlementer. Je refuse que nous nous transformions en barbare ! Nous ne tirerons que s’ils nous attaquent. Vous entendez ? Personne ne fera feu avant que leurs intentions soient évidentes !

Ma voix prenait de l’assurance au fur et à mesure que je parlais et tous acquiescèrent finalement.

– d’accord, dit Martial en se levant. Tu as raison Zellana, même si je suis persuadé comme Joshua qu’ils viennent ici pour nous détruire, je te soutiendrai. Il faut leur laisser une chance.

– c’est noble, mais c’est stupide, dit Alex dans mon dos.

– peut-être, mais je préfère que nous faisions preuve d’humanité.

– on va tous se faire massacrer, gronda Joshua.

– Calmez-vous ! Nous disposons d’une heure, peut-être plus pour prendre nos postes. Chacun sait ce qu’il a à faire. Nous ne sommes peut-être pas très nombreux, mais nous sommes bien mieux armés qu’eux, vous le savez. Nous possédons des armes lourdes qu’ils n’ont pas et, en dernière extrémité, nous utiliserons le laser en comptant sur la précision de Serarpi qui nous a prouvé qu’elle était très douée. Mafalda et Solion sont à leur poste dans l’hôpital et accueillerons tous les blessés, s’il y en a. Maintenant, que tout le monde se calme ! Nous avons mieux à faire que de nous disputer ! m’écriais-je au dessus du tumulte.

Je sentis la tension s’apaiser peu à peu et Alex posa les mains sur mes épaules en signe de soutien.

– Ils sont déjà au premier relais, annonça Martial qui s’était réinstallé devant son poste.

Nous avions borné le chemin pour avoir des repères. Cinq relais virtuels avaient étaient installés à égale distance et marquaient la route entre le sommet de la falaise et la porte du village. Au cinquième relais, quelques centaines de mètre les sépareraient de nous. Il me fallait plus de deux heures pour faire ce trajet à cheval sans pousser gazelle au-delà d’un galop régulier, mais les hommes semblaient avoir adopté un train d’enfer. Tel des mécaniques sans âmes, ils courraient en formation serrée. L’homme en combinaison verte courrait à leur coté. Lui aussi avançait à grandes foulées rapides sans faillir ni faiblir. Si le but était de nous impressionner, c’était réussi !

Nuncio et Amozzo partirent peu après pour grimper dans les tourelles qui jalonnaient la clôture. Il y en avait six que nous avions caparaçonnées d’une forte épaisseur de métal récupéré sur les navettes. Elles disposaient de mitraillettes lourdes et de munition à profusion. Des grenades et un lance-roquette attendaient dans chacune d’elle. Légèrement en retrait, des postes de tir avaient été installés. Munis d’écran de contrôle, les hommes qui s’y trouvaient pouvaient ainsi voir l’extérieur du village sans être exposés. Nous avions aussi installés quelques pièges dans les rues du village et devant la grande porte dont nous espérions ne pas avoir à faire usage. Nous souhaitions par-dessus tout qu’aucun homme ne pénètre dans l’enceinte.

Tout le monde partit peu à peu rejoindre le poste qui lui avait été attribué sous la direction stratégique de Nuncio et d’Amozzo. Alex aussi avait finalement reçu une affectation dans un des postes de tir proche de l’entrée.

Je demeurais avec Serarpi et nous regardâmes les hommes avancer inexorablement vers nous.

– c’est bien ce que tu veux faire Zellana, je suis d’accord avec toi, même si je dégommerais bien ces sales types avec mon laser, dit Serarpi d’un air féroce.

– tu penses que j’ai tort de ne pas vouloir attaquer ? lui demandais-je, hésitante, maintenant que la salle s’était vidée.

– non, c’est une bonne chose que quelqu’un conserve la volonté de croire dans le bien, et cette personne c’est toi, ça a toujours été toi. Tu préfères voir le bon coté des gens ! Et tu as raison, sinon nous finirions tous comme eux, conclut-elle en les désignant, colonne soudée, avançant sans ralentir vers son objectif.

– j’ai peur, je ne sais même pas ce que je vais leur dire…

– tu trouveras, je te fais confiance, tu trouves toujours les mots qu’il faut. Tiens, regarde, ils ont passé le deuxième relais et ils n’ont pas ralentis. Je n’ai jamais vu des gens courir comme ça !

– ça doit être lié à la différence de pesanteur.

– probablement. Sur terre, ils n’auraient pas pu courir aussi vite et aussi longtemps,  à moins d’être des machines…dit-elle soudain suspicieuse.

– non, je ne crois pas que ce soit le cas, regarde les, ils sont tous différents. Leur taille, leur morphologie, leur âge. Ce sont malheureusement bien des humains.

– tu préférerais te battre contre des machines ?

– non, mais si c’était le cas, j’aurai au moins la possibilité de garder espoir dans l’humanité. Ces hommes qui vont nous attaquer ne nous connaissent même pas ! Ils viennent tuer leurs compatriotes parce qu’on le en a donné l’ordre. Nous pourrions cohabiter dans cet immense territoire mais nous allons nous entretuer sans raison.

– il doit bien y en avoir une, mais elle nous échappe parce que nous ne raisonnons pas comme ceux qui nous gouvernent, me rétorqua Serarpi pragmatique.

– je peux te garantir que si nous réchappons à cette attaque, ils ne nous gouverneront plus jamais ! C’est nous qui les gouvernerons !

J’avais dit ça avec une détermination qui me surpris moi même et qui fit se redresser Serarpi.

– bon, je vais aller prendre mon poste, j’en ai assez d’attendre et de les regarder courir. D’ici quelques minutes, je pourrais les voir sur le chemin côtier.

– j’ai confiance en toi, me dit Serarpi en pressant ma main quand je m’en allais. Ce geste me toucha profondément car elle n’était pas vraiment tendre ni sentimentale. Il me rendit très triste aussi car je réalisais, en marchant vers les grandes portes, tout ce que je risquais de perdre. Martial et Serarpi étaient devenus des parents de substitution pour moi, cela s’était fait naturellement. Quand j’avais besoin de parler, c’est vers eux que je me tournais. Nous avions échafaudé tant de plans dans leur atelier jusqu’à des heures forts avancées de la nuit. Ils m’acceptaient telle que j’étais. Ils ne m’avaient pas jugée quand j’avais quitté Joshua, quand j’avais emménagé chez Nuncio et surtout pas quand j’avais ramené Alex.

Je me retournais pour contempler le village qui descendait en pente douce vers la mer bleu et calme. J’aperçu quelques mouvements dans le lointain, les baveaux devaient naviguer près des côtes. Les maisons étaient belles, agrémentées de leurs jardins fleuris dont les couleurs éclataient, de leurs tables d’extérieur en bois robuste, de leur transats confortables aux coussins moelleux. Le village était paisible sous le soleil chaud de cette matinée. Je l’aimais profondément. J’en avais conçu chaque maison en respectant les souhaits de leur propriétaire. Les cultures étaient florissantes. Nous étions heureux, nous vivions paisiblement comme nous l’avions toujours rêvé sur terre. Et maintenant, sans que nous en comprenions la raison, nous risquions de perdre tout cela.

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