SUR LE FOND – Chapitre 16 – Comment étouffer le doute avec un couvercle

Chapitre 16

Comment étouffer le doute avec un couvercle

Elle s’est levée, radieuse, enfin heureuse, comme si toute ces heures passées à égrener le cours de sa vie ne l’avais pas épuisées un seul instant.

Je ne l’imaginais pas du tout comme ça et je n’imaginais pas non plus qu’elle ait vécu tant de malheur. C’est ça qui a fait pencher la balance, ça et le fait qu’elle attende un enfant. Je m’en doutais. Je connais cet air déterminé de mère louve qui défendra son petit coûte que coûte. Je voulais juste en être sûr.

J’ai regardé attentivement Thomas et j’ai repensé à Paul Fauré. Je pense qu’elle a fait le bon choix. Il a l’air très amoureux et ils vont bien ensemble. J’aimerai en parler à Jenny mais je ne sais pas si je vais l’embêter avec ça.

Virginie Fauré…Sappa…Ferrand…Virj…

Putain ! Je viens de trouver le morceau de puzzle qui me manquait mais…c’est abyssal !

Je fonce à mon bureau et après quelques recherches fébriles, je retrouve la bande de la caméra de surveillance. Je visionne tout, seconde par seconde, au ralenti par moment et c’est là, devant moi. C’est évident ! La démarche, le mouvement de la tête, cette façon de remettre sa queue de cheval en arrière. Je reste longtemps en arrêt devant le petit visage recouvert par l’écharpe. Les yeux ! Ce sont ses yeux ! Elle n’a pas pu s’empêcher de lever la tête vers la caméra, c’est fugace, une fraction de seconde mais je l’ai trouvé, je l’ai repéré. Si quelqu’un pouvait le faire, c’était bien moi qui la connait si parfaitement ; merde !

J’attrape mon blouson et je saute dans la voiture. Cinq minutes après je suis à la maison.

– Jenny ?

– oui mon amour, dit la voix de mon épouse qui se repose dans notre chambre. Je suis là.

Merde !

– Jenny, tu ne devineras jamais avec qui je viens de passer les dix dernières heures.

– non, dis-moi mon amour.

Je rentre dans la chambre et je m’assieds au bord du lit.

– qui c’était, Samuel ?

– Virginie Fauré, tu te rappelles de cette affaire ?

Elle se tourne vers moi, son regard ne ment pas.

– oui, je me souviens de Virginie Fauré.

– je ne t’ai jamais demandé, vous aviez le même âge, vous étiez du même quartier, tu la connaissais ?

– c’est vrai, tu ne m’as jamais rien demandé. Elle soupire un peu et se redresse, s’adossant aux oreillers. En fait, on était dans la même école, dans la même classe.

– pourquoi tu ne m’as rien dit ?

– qu’est-ce que ça aurait changé, Samuel ?

– je ne sais pas. Tu aurais pu me donner des détails sur elle, sur le genre de fille qu’elle était, si tu la connaissais vraiment bien…

Elle me regarde, grave, sérieuse. Son petit menton se fronce un peu. Elle fait ça quand elle réfléchit et moi je sens un grand vide dans mon ventre, une sensation de chute. Il y a un gouffre devant moi. Je peux avancer le pied, je peux le faire mais je vais tomber loin, si loin. Est-ce vraiment nécessaire ?

Je la regarde intensément, puis, sans que je puisse les en empêcher, mes deux mains se posent sur son ventre déjà bien arrondi. Je sens les petits pieds du bébé qui tape contre la peau tendue, peut-être que ce sont ses poings ? Et le message est clair. « Arrête papa ! ». Alors je dis :

– en fait, ça n’a aucune importance. Tu sais, je suis heureux pour elle. Elle attend un enfant elle aussi et elle part vivre aux États Unis.

Je vois les larmes emplir les yeux de Jenny, je les vois rouler sur ses joues et je ne peux me retenir de la prendre dans mes bras et de la serre très fort contre moi. Nous sommes là tous les deux, nous nous aimons, notre fille dort dans la chambre rose, à côté de la nôtre, notre fils va bientôt naitre.

Quelle importance…

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