SUR LE FOND – Chapitre 1 – Sur la forme

 Chapitre 1

Sur la forme

 

– Sur le fond j’étais d’accord, c’était la forme qui me posait problème ! Je le lui ai de multiples fois : On peut parler ! On peut s’expliquer ! Tu peux me dire ce que tu me reproche ! Tu n’as  pas besoin de me frapper pour que je t’écoute !

Mais je prenais systématiquement une baffe, une grosse baffe. De celles qui vous brouillent la vue et font bourdonner les oreilles pendant plusieurs jours et je ne parle pas des traces de coups.

 Le corps endolori je me trainais au travail. Je prenais ma place derrière mon guichet, à l’accueil du supermarché, couverte de fond de teint pour cacher les ecchymoses et j’essayais de garder le sourire. Souvent ces jours-là, les clients étaient plutôt sympas. Ils râlaient moins que d’habitude, peut-être que les larmes qui roulaient périodiquement sur mes joues autant que mes yeux rouges et bouffis, freinaient leurs ardeurs agressives. Tout ça a pris fin le jour où je suis rentrée à la maison, un petit pavillon que nous louions depuis plusieurs années ; Un de ces pavillons qu’il faut personnaliser pour ne pas rentrer par erreur chez le voisin ; blanc avec des volets marrons, quelconque, anonyme dans la longue rue qui en comptait des dizaines, ceinturé de sa bande de gazon vert triste malgré mes efforts désespérés pour lui donner bonne mine. Je m’étais garée devant la maison, passant outre les consignes de mon mari qui préférait que je laisse mon vieux véhicule dans le parking des visiteurs. J’étais fatiguée, il faisait nuit depuis longtemps déjà.

Dans l’entrée, la lumière était allumée. Je l’ai appelé :

– Paul ?

Pas de réponse. J’ai eu peur. En général c’était mauvais signe.

– Paul, tu es là ?

Sa voiture était dans le garage, j’y avais jeté un œil en rentrantalors je savais que ma question était stupide. Mais, c’était plus fort que moi. Il fallait que je mette un peu de son dans le silence pesant de la maison. Dans le salon, où le canapé en cuir fauve était revêtu d’une housse plastique épaisse qui miroitaitdans la lumière diffuse – Paul était un maniaque de la propreté et du rangement – il n’y avait personne. Je me suis approchée de la cuisine, et je l’ai vu. Il était allongé sur le dos, les bras en croix, les yeux ouverts, fixes. Son regard était braqué sur moi comme s’il m’accusait. Mais ça n’était plus possible parce qu’il avait un grand couteau à viande planté dans le cœur. Il avait du être enfoncé très violement parce que je n’en voyais plus que le manche, que je connaissais bien,il appartenait à un service qu’on nous avait offert pour notre mariage. Le pull bordeaux de Paul semblait plus sombre tout autour et il était évident, même pour moi, que c’était du sang. Ensuite, j’ai vu la flaque qui s’était élargie sous son corps, comme si je ne pouvais prendre conscience de la scène que morceau par morceau. Mon cerveau n’était pas capable d’enregistrer plus d’un élément à la fois. Le corps, le couteau, la tâche sur le vêtement, la flaque qui salissait le lino blanc et noir. Je me suis fait la réflexion étrange et déplacée, quand on y réfléchi à froid, qu’il serait plus facile de faire disparaitre la trace de sang sur le polo car sa couleur n’était qu’un ton plus sombre. Je me suis accroupie près de Paul,prudemment. Je m’attendais encore à prendre une gifle. J’ai posé précautionneusement les mains sur son visage, ce visage que j’avais tant aimé au début de notre relation. Il était tiède, presque frais. Sans en comprendre la raison et sans aucune répugnance, moi qui déteste écraser un moustique ou tuer accidentellement une petite bête, j’ai attrapé le manche du couteau et en tirant de toutes mes forces, je l’ai extrait de son corps. C’était idiot mais je ne voulais pas qu’il le trouve sale. Je crois que je n’avais pas vraiment réalisé qu’il était mort. Alors je l’ai lavé jusqu’à ce que tout le sang s’écoule dans l’évier en inox, puis je l’ai essuyé et rangé à sa place, dans son étui de bois posé sur le plan de travail immaculé.

Ensuite, j’ai fait un rapide tour de la maison et j’ai éteint les lumières. Paul n’aimait pas que tout soit allumé. Il disait que je dépensais beaucoup d’argent pour rien. Puis j’ai pris mon sac et je suis sortie en refermant la porte à clé derrière moi.

Je n’ai pas pensé à appeler la police. J’avais l’impression de marcher dans le brouillard. J’ai eu un temps d’hésitation sur le pas de la porte. Je me suis attardée quelques minutes sur le perron. J’aurai pu craindre que les voisins me voient mais je n’avais rien à cacher, j’étais juste hébétée, sous le choc. Je n’arrivais à savoir ce que je ressentais. En fait, si je m’attardais, c’est que j’hésitais à prendre sa voiture. Paul a toujours eu de grosses voitures très chères et très confortables que je n’avais jamais le droit de conduire. C’est tout juste s’il me laissait monter à l’intérieur. Il fallait que je sois bien habillée et que je retire mes chaussures avant de monter. La mienne, je l’avais achetée avant notre mariage. Elle était vieille et renâclait àdémarrer le matin quand il faisait froid. Mais Paul n’avait jamais voulu que j’en change,il disait que je conduisais trop mal pour mériter une voiture neuve.

J’ai actionné le mécanise électrique de la porte et j’ai contemplé le capot noir et luisant dans la pénombre du garagepuis j’ai arrêté de me poser des questions. J’ai ouvert délicatement la portière pour qu’il ne m’entende pas. Je me suis glissée dans le siège baquet en cuir beige que j’ai réglé à ma taille –dans la position de Paul, je n’atteignais pas les pédales !J’ai verrouillé les portes, j’ai mis ma ceinture de sécurité, j’ai pris une grande respiration et j’ai appuyé sur le démarreur. Dès que le moteur s’est mis à ronronner, j’ai su que je ne pourrais pas revenir en arrière. Alors je suis sortie lentement du garage pour ne pas rayer la précieuse peinture brillante et lustrée et je me suis engagée dans l’avenue – quel nom prétentieux pour cette route en boucle qui rejoignait un rond-point desservant toutes les artères du lotissement. Le matin, c’était un concours de politesse ou d’incivilité. Ceux qui voulaient passer malgré la priorité à gauche et ceux qui laissaient tout le monde leur passer devant sans oser s’engager. A cette heure avancée de la soirée, il n’y avait personne. J’ai tourné autour du massif de buissons maigres et rabougris pour déboucher sur la route principale. J’avais le sentiment de flotter dans un cocon protecteur. La voiture était si confortable. Son siège épousait mon corps et j’avais la sensation que je pourrais rouler durant des heures sans m’arrêter. Je n’arrivais cependant pas à chasser une indicible angoisse liée à ce véhicule. Si Paul savait que je l’avais conduite, il me tuerait. Puis je me suis souvenue qu’il était étendu sur le sol de la cuisine et j’ai accéléré pour rejoindre la bretelle d’autoroute. Arrivé devant l’échangeur, j’ai eu un momentd’hésitation, j’ai eu peur. Je n’avais pas envie de me retrouver toute seule sur une route noire à perte de vue. Je préférais la sécurité des lampadaires et des villages endormis. Alors, j’ai rejoint la nationale et je ne l’ai plus quittée. Toutes les barres de la jauge d’essence étaient allumées. Ça m’a réconforté. Paul était prévoyant. Il préférait s’arrêter régulièrement à la station et remplir son réservoir le soir plutôt que de se trouver un matin à court d’essence. Tout le contraire de moi qui poussait mentalement ma voiture une fois par semaine en la suppliant de bien vouloir hoqueter jusqu’à la station la plus proche.

J’aiprisla direction du sud. Si le ciel n’avait pas été aussi bas et aussi nuageux, j’aurai peut-être pu apercevoir la lune quelque part  mais il pleuvait, comme tous les jours de cette semaine. J’avais envie de soleil, de chaleur et de calme.

J’ai roulé durant six heures sans ralentir, enchainant les carrefours à priorité à gauche, les feux nocturnes à des croisementsdéserts, contournant plusieurs villes endormies. J’ai fini par m’arrêter sur une aire de repos, en pleine cambrousse. Un auvent, une machine à café et des toilette à la turque. Malgré l’heure tardive et la bruine encore présente, les fumeurs se massaient sous le toit protecteur. J’ai rabattu ma capuche pour me protéger de la pluie et je me suis rendue aux toilettes mal éclairées dont la lourde porte en bois se fermait par un verrou à glissière. Le genre de truc qui reste coincé une fois sur deux. La pluie n’avait pas arrangé l’état de saleté des lieux et j’ai urinait le plus rapidement possible pour ne pas rester trop longtemps exposée aux odeurs épouvantables que le manque d’air confinait dans cette cabine rudimentaire. Ensuite je me suis débarbouillée et j’ai lavée longuement mes mains sous une eau glacée. Puis je me suis faufilée parmi le groupe attroupé dans la lumière et j’ai pris un café au distributeur de boisson que je suis allé boire dans la voiture, au chaud, loin des fumeurs. Je regardais une femmeappuyée contre un des poteaux de l’auvent, elle somnolait en tirant sur sa cigarette. Par moment ses yeux se fermaient malgré elle et elle vacillait un instant, un sursaut, puis elle gigotait pour tenter de se réveiller et ellese redressait. Si elle avait était assise à ma place, je pense qu’elle se serait endormie immédiatement. Moi, au fond de mon siège enveloppant, je n’arrivais pas à me sentir en sécurité malgré la robustesse de l’habitacle. J’avais l’impression que Paul allait frapper au carreau d’un instant à l’autre et je voulais être prête s’il débarquait. J’ai bu mon café à petites gorgées rapides, me brulant les doigts sur le gobelet en plastique trop fin pour contenir la chaleur. J’avais du mal à l’avaler tant il était chaud et rapidement, je n’ai plus sentis que la brulure du liquide sur ma langue et dans ma gorge. J’aurais dû manger, j’avais faim, j’avais le ventre vide depuis le matin, mais je ne voulais pas trop m’attarder, et puis le distributeur ne proposait que des bonbons et des glaces. Au demeurant, l’idée de manger me semblait incongrue, déplacée. Je revoyais le sang sur sa poitrine, le sang qui poissait sur le sol, qui recouvrait mes mains quand j’avais retiré le couteau, qui résistait à l’eau parce qu’il avait déjà un peu séché. J’avais dû le récurer à la paille de fer pour le détacher de la garde métallique.

Je suis repartie après avoir jeté mon gobelet dans une poubelle et j’ai roulé à nouveau sans m’arrêter jusqu’à ce que je voie une lueur éclairer l’horizon. Un mince filet lumineux a commencé à grandir, et bien avant qu’il apparaisse, j’ai su que j’allais revoir le soleil. Dès qu’il est sorti de terre, émergeant derrière les collines sombres, je me suis arrêtée sur le parking d’une supérette,à la sortie d’une petite bourgade et j’ai respiré profondément l’air frais et limpide du matin. J’ai baillé longuement, sentant enfin la fatigue envahir mon corps. J’ai secoué mes membres engourdis par ces longues heures de conduite. J’ai étiré mes bras et mon cou pour chasser les contractures tenaces de mes cervicales et de mes épaules raidies par la tension nerveuse. En face, il y avait un petit bistrot qui ouvrait. J’aicommandé un café et un croissant caoutchouteux que je suis allé manger à l’extérieur, assise sur une table en bois, en regardant le soleil se lever malgré la fraicheur de l’air. Les moineaux à mes pieds picoraient sans relâche toutes les miettes qui tombaient. Quelques-uns, moins farouches, se perchaient même sur la table pour profiter des plus gros morceaux. J’aurais presque pu les toucher si je l’avais voulu mais je me suis contentée de les laisser évoluer autour de moi sans m’en soucier. De l’autre côté de la route, la plaine agricole s’étendait, rosissant dans la lumière du matin. Une brume pâle se cramponnait encore aux sommets des arbres et rampait au sol, prête à disparaitre dès que le soleil apparaitrait. Dans mon dos, les collines commençaient à prendre forme. Je distinguais déjà le contour pointu des cyprès, et la végétation dense passait peu à peu du noir au vert sombre. L’air était pur, si frais, si prometteur. J’avais le sentiment qu’il me lavait de toute la tension accumulée.

C’est à cet instant précis que j’ai su que je devais changer de vie. Pas quand j’ai trouvé le corps de Paul allongé, ni quand je suis monté dans sa voiture mais là, à ce moment, attablée devant un café chaud que je savourais en regardant la campagne prendre vie, j’ai su que tout ce que j’avais fait avant cetinstant précis, n’avais plus de raison d’être. J’étais jeune et j’avais une vie devant moi, une opportunité à laquelle j’avais cessé de rêver depuis si longtemps. Depuis la première gifle. Et cette première gifle, Paul me l’avait donné avant même que nous échangions notre premier baiser.

C’était un soir tard, en boite. J’y allais souvent avec mes copines. Nos samedis soir, nous les passions à danser sur les pistes des clubs locaux. Dans la musique planante et les fumigènes qui masquaient difficilement les odeurs de transpiration mais réussissaient à cacher la tristesse desmeubles affaissés et de la décoration vieillissante, nous épuisions nos corps jusqu’aux petites heures de l’aube. Ensuite, titubant sur mes talons trop haut et mes pieds douloureux, les jambes raidis par les longues heures de danse, je rentrais chez mes parents où je me glissais dans mon lit. Je dormais tout le dimanche, insensible au bruit de mes frères et sœurs qui tambourinaient parfois à la porte. Mes parents avaient depuis longtemps renoncé à m’obliger à me lever pour manger avec eux le midi. Je n’émergeai qu’en fin d’après-midi pour rejoindre la marmaille devant la télé. Le lundi, je retournais au lycée, vaseuse mais fébrile à la perspective du samedi suivant. Je ne savais pas ce que j’attendais jusqu’à ce que je rencontre Paul. Je l’ai bousculé sur la piste et il s’est retourné brutalement. Quand il m’a vu dans mon petit tee-shirt moulant au décolleté maigre, mon mini short qui cachait à peine mes fesses et mes talons si haut que je manquais tomber à chaque pas, il a souri et il m’a dit :

– fait attention !

– a quoi ? J’ai répondu, effrontée,

– tu pourrais tomber !

– tu me rattraperais…

– ça c’est sûr, mais ça ferais quand mêmemal …

Puis il s’est retourné vers la blonde qui se frottait contre lui pour attirer son attention et je me suis sentie stupide. Les mecs et moi, c’était compliqué. Plus ils étaient beaux et plus je les fuyais. Jusque-là je m’étais contentée de sortir avec ceux qui étaient en manque, ceux qui n’avaient pas d’expérience. Ils étaient beaucoup moins effrayants, moins intéressant aussi. Il faisait l’amour à la va vite, trop content qu’une fille se laisse faire. J’étais cette fille, celle des coups vite fait, celle qu’on quitte sans oser se retourner, un peu honteux d’être parti si vite, d’avoir dérapé, d’avoir peiné à enfiler une capote glissante.

Paul était beau, séduisant, irrésistible. Inaccessible. Il dégageait quelque chose de magnétique. Une fois qu’on l’avait vu on ne pouvait plus s’empêcher de le regarder. Comme un animal de race, un animal sauvage. J’ai recommencé à danser avec ma copine jenny puis nous avons rejoint notre table où nous attendais des vodkas qui nous arrachaient la gorge et nous retournaient l’estomac. Et là, l’impensable s’est produit. Il s’est approché de moi et il m’a tendu la main pour que je vienne danser avec lui. J’ai cru qu’il me faisait une blague. Les types comme lui ne s’intéresse pas aux filles comme moi  mais c’était bien moi qu’il voulait. Jenny a dû me donner un coup de coude pour que je bouge tellement j’étais tétanisée. Je me suis levée en m’appuyant sur sa main et je l’ai suivi à petits pas incertains jusqu’au milieu de la piste. Quand il a passé ses bras autour de ma taille et que j’ai senti son corps se coller au mien, j’ai eu l’impression que j’allais tourner de l’œil. Il était chaud et son odeur poivrée a envahi mes narines. Je sentais sa peau à travers la chemisette fine. Malgré la hauteur de mes talons, ma tête se posait sans peine au creux de son épaule, tout près son cou. J’ai fermé les yeux et je l’ai respiré. J’ai aimé. Et puis je lui ai marché sur le pied. Il a levé la tête, m’a écarté de lui, et avant que je comprenne ce qui se passait, il m’a giflé, pas une grosse baffe à vous retourner la tête,juste une gifle qui a claqué sans laisser réellement de trace, et puis après il a dit :

– fait attentionet sa voix était douce, caressante et sensuelle.

Ensuite il a posé sa bouche sur la mienne et j’ai tout oublié. Ces lèvres chaudes m’ont transportées si loin que nous n’étions plus qu’un, soudé par ce baiser fiévreux et passionné. Il avait posé les mains sur mes fesses pour me soulever légèrement et me porter jusqu’à sa bouche et mes pieds ne touchaient presque plus le sol. Je flottais, immergée dans cette étreinte brulante où je gouttais la chair de ses lèvres comme on suce un fruit délicieux. Nous nous sommes embrassé si longtemps que plusieurs chansons ont défilées. J’étais collée à lui, je ne voulais plus lâcher sa bouche et sa langue qui m’envahissait et mettait le feu partout. Je n’avais jamais ressenti une telle attirance pour un homme. Ma peau brulait, ma tête tournait, mon ventre se consumait d’envie. J’aurais pu faire l’amour sur la piste de danse tellement j’étais excitée. Puis, comme si tout cela n’avait été qu’un rêve, il m’a lâché. J’ai glissé jusqu’au sol le long de son corps musclé et il est retourné s’occuper de la blonde qui ne nous avait pas lâchés du regard. Elle devait avoir vingt-cinq ans. Il était temps qu’elle se case, et à cet instant précis, elle me haïssait du plus profond de son être. Je suis retournée à ma table, fébrile et tremblante, la tête à l’envers et j’ai attendu que jenny arrête d’allumer les mecs pour pouvoir rentrer. Je voulais me glisser dans mon lit et revivre ce moment indéfiniment.

J’étais totalement à bout de nerf le samedi suivant quand nous sommes entrées dans le club. J’avais supplié jenny pour que nous y allions tôt. Je ne voulais pas le rater. Total, nous étions pratiquement seules et jenny faisait la gueule.

J’ai attendu longtemps, sans bouger, le regard fixé sur le rideau de l’entrée. Je croyais qu’il ne viendrait plus et je commençais à désespérer quand il est arrivé.Il était seul. Son regard a fait le tour de la salle,il m’a trouvé. Il a fait un signe du menton et comme un automate, je me suis levée et je l’ai rejoint. Nous avons dansé à nouveau, collé l’un à l’autre et j’ai laissé ses mains s’aventurer sur mes fesses autant qu’il voulait. J’étais en transe. Mes jambes flottaient, portées par ses bras puissants et mon ventre subissait un vol de petits papillons. Quand il m’a entrainé vers les toilettes, je l’ai suivie, reconnaissante. Il m’a poussé dans un box et il a fermé la porte. Debout face à face, dans l’espace exigu, nos jambes essayant d’éviter les toilettes sales à cette heure avancée, je l’ai laissé prendre possession de mon corps. C’était si bon. Il a glissé ses mains sous mon tee-shirt et il a eu un petit rire quand il a découvert mon soutien-gorge à peine rempli.

– ils sont tout petits tes nibards !

– arrête !

– non, j’aime, ça change, au moins ceux-là, ils sont vrai.

Et il y a collé sa bouche et les a léchés. Putain que c’était bon ! Sa langue qui courait sur mes tétons me faisait presque jouir. Quand il a mis sa main entre mes jambes, j’ai senti mon sexe se contracter. Je n’osais pas le regarder. J’avais peur que tout s’arrête et qu’il me laisse comme ça, mouillé et en manque. Puis j’ai entendu le bruit de l’emballage de la capote alors que sa bouche suçait toujours ma poitrine. J’ai ouvert les yeux et j’ai vu l’engin :un sexe énorme, une bite de concours.Il a fait glisser le latex d’une main, en vrai professionnel et il a souri devant mon air ébahi :

– attend que je te la mette, tu vas voir, c’est le pied garanti !

J’en étais sure mais je ne le lui ai pas dit. J’attendais juste que ce truc entre en moi avant que je me décompose de désir. Il a fait glisser mon short et mon string, dégageant une jambe. Il n’a même pas bataillé pour les faire glisser le long de mes chaussures compensées. Il a négocié ça comme un pro et je me suis retrouvée le cul à l’air et la chatte en folie. Il a soulevé ma jambe pour que je prenne appui sur les toilettes. J’étais trop petite pour lui et il a du presque me porter pour me pénétrer. Quand j’ai sentie sa queue qui cherchait sa place dans ma fente, glissant le long de mon clitoris pour enfin entrer en moi, j’ai cru que j’allais partir. C’était magique. J’étais empalée sur son engin démesuré et je le sentais si fort qu’il ne lui a fallut que quelques coups de reins, ses mains tenant ferment mon cul, pour me faire jouir. J’ai commencé à crier et il a mordu ma bouche pour me faire taire, accentuant l’orgasme qui me secouait. Puis il a jouit lui aussi, en quelques poussées violentes, les yeux clos, les paupières agitées, la bouche ouverte comme un petit O, grognant vite et fort, et j’ai continué à sentir la brulure irradiante de l’orgasme jusqu’à ce qu’il arrête de bouger et prenne un instant appui sur moi. J’ai senti son grand corps écraser le mien contre la mince cloison de bois et j’ai aimé cette présence incontournable.

Il a relevé la tête et ses yeux étaient un peu vitreux. Il m’a regardé et il a dit :

– putain, c’que t’es bonne ! On dirait pas avec tes petits nibards de fillette, mais tu m’as fait prendre un pied d’enfer !

– moi aussi, c’était bon, j’ai dit dans un souffle.

Il m’a dévisagé un moment, comme s’il me voyait pour la première fois. Il s’est attardé sur mon visage, il a survolé mes seins qui pointaient à la limite  du tee-shirt relevé,et son regard s’est posé sur mes poils d’où émergeait sa bite plastifiée.

– et ça, tu aimes ?Il a dit en me mordant un sein.

Ça faisait mal mais ça m’a excité.

– oui j’aime.

J’entendais ma voix rauque et je ne me reconnaissais pas. Il a mordu mon téton, fort, et j’ai été parcourue d’un spasme de désir qui a contracté mon vagin. Il a recommencé à durcir en moi et j’ai espéré qu’il se remette à bouger, mais il est sorti d’un coup. Il a retiré le préservatif et l’a jeté dans les toilettes. Il a tiré la chasse et la cuvette s’est remplie d’eau, refusant de se vider. Le préservatif tournait dans l’eau sale et je le regardais, hypnotisée. Ma jambe reposait toujours sur le rebord et je le l’ai pas vu tout de suite se pencher vers moi. C’est quand sa bouche s’est collé à ma chatte que j’ai compris ce qu’il faisait. J’ai senti sa langue lécher mon sexe et j’ai espéré qu’il était assez propre pour lui. Il a fouillé un moment puis il a trouvé mon clitoris et il l’a sucé violement. C’était la première fois qu’un type me faisait ça et c’était fabuleux. J’avais déjà eu droit à des branlettes maladroites, mais jamais avec la langue. Putain que c’était bon ! Je me suis remise à crier et il m’a pincé le ventre mais je ne pouvais pas réfréner tout ce plaisir qui m’envahissait, alors j’ai continué à jouir, même quand il m’a mordu le sexe. Ensuite tout s’est enchainé très vite. Il s’est relevé, la queue dressée, il a mis un nouveau préservatif, il m’a retourné et m’a enfilé par derrière. En levrette. Ça non plus, on ne me l’avait jamais fait. Et j’ai recommencé à jouir pendant qu’il me baisait. Il a poussé longtemps dans mon dos. Je sentais son ventre sur mes fesses et ses jambes poilues qui se collaient parfois au miennes quand il se calait pour se remettre dans l’axe. Son bras enserrait mes seins et les écrasait douloureusement. Et pendant tout ce temps, j’ai crié de plaisir. Je ne sais pas combien de temps il m’a limée, mais je ne me suis pas arrêtée. C’était l’orgasme le plus long de ma vie. Finalement il a éjaculé en grognant, enfouissant sa tête dans mes cheveux, près de mon cou.

Je ne voulais pas qu’il me lâche, mais comment lui dire ? Si je bougeais, il allait sortir et il s’en irait probablement en me laissant là. Je serai un coup de plus sur sa liste que j’imaginais déjà longue. Mais il semblait en avoir fini et je le sentais ramollir même si sa bouche courrait toujours dans mon cou. Alors je me suis retournée, l’éjectant malgré moi et je me suis collée à lui :

– je peux te dire quelque chose sans que tu te moques de moi ?

– dis toujours !

– t’es le premier qui me fait jouir.

Il a ri alors j’ai repris :

– je te jure que c’est vrai,j’avaisjamais joui avec un mec avant.

Il a pris le temps de me regarder comme s’il sondait mon âme puis il a répondu, moqueur :

– tu es plutôt du genre goudou alors ?

– non, j’aime les hommes mais aucun ne m’avais fait jouir avant toi. Toute seule j’y arrive, mais c’est pas pareil, j’ai murmuré à son oreille.

Il a eu un sourire satisfait et il m’a embrassé. Un baiser d’amoureux, long et profond et j’ai soupiré de bonheur. Je sentais son sexe mou contre ma hanche et j’aurai bien voulu qu’on remette ça mais je n’ai pas osé lui demander. Finalement, il a arrêté de m’embrasser et il a remonté son pantalon qui trainait autour de ses chevilles. J’ai eu le temps de regarder sa bite. Elle me plaisait. Je l’ai contemplée le plus longtemps possible parce que je craignais de ne plus la revoir. Elle était large et grosse. Sa peau pale et plissée formait comme un col roulé tout au long de sa verge, comme s’il avait trop de peau pour la longueur de sa queue. Mais je savais que dès qu’il bandait, cette peau n’était plus inutile. Elle se dépliait et enrobait l’engin le plus impressionnant que j’ai jamais vu.

– elle te plait, hein ?

– elle est grosse !

– j’en connais pas beaucoup qui y résiste…

– pourquoi tu me dis ça, tu crois que je suis jalouse ?

– tu es jalouse?

– non …je sais pas, et puis c’est pas important parce que tu comptes pas faire ta vie avec moi de toute façon.

– et pourquoi pas ?

Mais je n’ai pas trouvé ça drôle parce que j’étais vraiment raide dingue de lui, sauf que je venais juste de le comprendre et je ne voulais pas le lui dire.

– allez, arrête de dire n’importe quoi. Qu’est-ce que tu pourrais bien trouver à une fille comme moi, j’ai dit en ramassant mon short et ma culotte qui trainaient par terre sur le carrelage sale. En me relevant, j’ai frôlé sa queue qu’il n’avait toujours pas rangée dans son slip. Elle était chaude et douce et je n’ai pas pu m’empêcher de la frôler de mes lèvres. Une caresse, un instant. La peau s’est étirée sous mes yeux et j’ai eu envie de continuer mais je n’ai pas osé. Je me suis redressé et j’ai vu son regard. Il fixait le mien et j’y ai lu un désir un peu fou. Il a saisi ma tête et l’a forcée à descendre.Ça n’était pas nécessaire, il lui aurait suffi de demander, mais j’aimais qu’il me force un peu, je me sentais femme, tellement femme. C’est idiot, mais j’avais l’impression d’être une déesse. Une de ses splendides créatures de films pornos qui ont des seins énormes et des corps parfaits. Les hommes ont tant de désir pour elle qu’ils leur font l’amour toute la journée. J’ai posé ma bouche sur son gland qui émergeait déjà de la peau pale et un peu molle autour, et je l’ai aspiré dans ma bouche. Ca je l’avais fait souvent. Les mecsaiment qu’on les suce. Ça leur donne le sentiment d’être fort et puissant, de dominer. Mais elle était si grosse que j’avais l’impression que ma mâchoire allait s’ouvrir en deux. Il a accentué la pression en donnant un coup de rein et je l’ai retrouvé au fond de ma gorge. Je pouvais à peine la sucer. Je me suis contentée de la laisser aller et venir dans ma bouche en évitant qu’il l’enfonce trop profond. J’aurai du trouver çadésagréable, être révoltée qu’il me force comme ça, mais ça m’a excité encore plus. J’ai essayé de le lécher comme je pouvais et il a fini par jouir en me démontant la mâchoire à coup de rein. J’ai senti le sperme chaud et acide envahir ma gorge et j’ai cru que j’allais vomir mais il a dit d’une vois péremptoire :

– avale !

Alors j’ai avalé en deux gorgées répugnantes et j’ai senti le liquide épais couler au fond de ma gorge. J’avais l’impression d’en être tapissée. J’aurais voulu boire quelque chose, me rincer la bouche, mais ça n’était pas possible. Ensuite, il m’a caressé la tête et il a dit :

– c’est bien, t’es une bonne petite. Tu baises bien, tu suce bien, tu me plais !

Est-ce que c’était un compliment ? Je l’ai pris comme tel et je me suis redressée, mais quand j’ai voulu l’embrasser, il m’a repoussé brutalement et il a dit :

– Ça va pas non ? t’as la bouche pleine de sperme !

– ça va, c’est le tien.

– c’est dégelasse quand même. Je bouffe pas de ça !

Il a fermé sa braguette et il est sorti, laissant la porte ouverte. Tout le monde m’a vu le cul à l’air mais je m’en foutais. Je venais de le perdre parce que je voulais un dernier baiser. J’ai retiré le battant et mis le verrou puis je me suis rhabillé comme j’ai pu. Mon string avait trempé dans quelque chose de sale alors je l’ai glissé dans ma poche et j’ai enfilé mon short. J’avais le sexe irrité par la baise et la couture épaisse de l’entre jambe m’a fait mal. Je suis sortie en me tortillant sous les regards narquois des hommes et méprisant des femmes.

Je l’ai cherché dans la salle. Il était au bar, accoudé devant une boisson. Il regardait fixement les bouteilles alignées derrière le barman. Les spots colorés qui tournaient sans interruption dans la salle faisaient miroiter les liquides d’unemyriade de couleurs. On aurait dit un kaléidoscope dont les formes changent dès qu’on le tourne. J’aurai peut-être du aller le retrouver mais je n’en ai pas eu le courage. J’ai rejoint jenny qui m’a regardé arriver sans rien dire et j’ai vidé mon verre de vodka tiède. C’était fort et ça m’a un peu nettoyé. Finalement, elle a dit :

– t’étais où ?

– aux toilettes.

– toute seule ?

– non, avec le type, là, j’ai dit en le lui montrant du doigt.

– et alors ?

– alors, on a fait l’amour.

J’ai pris un ton assuré comme si je faisais ça tout le temps, comme si je ne venais pas de me faire baiser pour la première fois comme une vulgaire salope dans des chiottes sales et puants par un type qui m’avait fourré sa queue dans la bouche et qui avait refusé de m’embrasser.On croyait encore toute les deux à l’homme idéal, au prince charmant, alors j’ai joué le jeu.

– putain, tu t’es fait le mec du bar ? Le grand là, beau comme un dieu ?

– ouais, lui…

– ma salope ! Et c’était comment ?

Je n’avais pas envie de répondre à sa question, c’était trop personnel et puis je savais que jenny n’avait jamais pris son pied avec personne, même toutes seule. Elle trouvait ça sale et elle tenait les mecs loin d’elle. Quand elle ne pouvait pas les éviter, elle se laissait faire comme une morte et attendait qu’ils aient fini pour se rhabiller. Je ne pouvais pas lui dire que je venais de planer dans un océan de plaisir qu’elle ne pourrait jamais imaginer. Il n’y avait pas  de mot pour décrire ce que je venais de vivre. Cet orgasme qui n’en finissait plus, cette queue stupéfiante, sa langue qui s’introduisait dans la partie la plus intime de mon sexe,ce sentiment d’être tellement vivante et aimée,vibrant en harmonie avec le corps d’un autre pour la première fois. Cette profusion de sensations si puissantes que mon corps en redemandait, l’orgueil que je ressentais de l’avoir fait jouir trois fois ; trois fois, putain ! C’était pas rien ! Et une fois dans ma bouche, avec ma langue et mes mains qui s’activaient autour comme des folles. Alors j’ai dit :

– pas mal, comme d’hab quoi.

J’ai vu que ça lui allait comme réponse. Elle a rigolé et elle a ajouté :

–  tu comptes le revoir ?

– je crois pas non, en tout cas, il ne m’a rien dit.

– putain, regarde pas, il arrive, elle a murmuré en baissant la tête.

Mais je n’ai pas pu lui obéir. J’ai levé les yeux et il était là, au-dessus de moi, si grand, si présent, si magnifique. Sa chemise ouverte un peu bas laissait apparaitre les poils noirs de son torse. J’ai eu envie de les toucher, d’enfouir à nouveau ma tête dans son cou. Il a dit, en se penchant à mon oreille :

– on remet ça ?

– oui…

– tu es libre demain ?

– demain ? Non, je vais au lycée.

– t’es obligée ?

– oui, enfin, je sais pas, je peux peut-être me libérer en fin d’après-midi, mais pas longtemps parce qu’après je dois rentrer et m’occuper de…

Il ne m’a pas laissé terminer, il s’en foutait. Il a dit :

– je t’attends demain vers deux heures. Viens, on aura du temps pour causer tous les deux. Il a eu un sourire entendu et il m’a glissé une carte dans la main, puis il est parti. J’ai regardé la carte et j’ai lu :

Paul Fauré, 18, rue des martyrs. Ça aurait dû me mettre en garde mais j’étais si heureuse qu’il veuille me revoir que j’ai glissé la carte dans ma poche, à coté de mon string sale et j’ai plané un moment en écoutant la musique. Jenny s’est levée et elle est partie danser. Je suis restée là, le corps léger. Je repensais à son sexe qui allait et venait en moi et j’en voulais encore. Je savais que j’irai le rejoindre le lendemain, que je sécherais les cours pour le retrouver  parce que cet appel-là, celui du sexe, je venais de le découvrir, est impossible à ignorer

Maintenant que le soleil est apparu, la brume se dissout subrepticement, comme si elle voulait se cacher dans la terre qui lui déroule une couche accueillante. Là où les maïs sont assez hauts, elle s’accroche encore, mais elle ne pourra pas résister longtemps à la brulure du soleil. Les collines s’offrent aux rayons qui les embellissent, comme si elles revivaient après une triste nuit. Les cyprès se dressent fièrement et je distingue maintenant le contour et les toitures de maisons qui se cachaient dans le noir. Tout est beau autour de moi, la nature sauvage, les champs verdoyants, mêmes les toits de tuiles roses ressemblent à un décor de cinéma. Chez moi les toits sont en tuiles mécaniques rouges sombre, ou brunes, quand ce n’est pas noires. Les murs sont uniformément blancs et triste sous la grisaille quasi permanente. Ici, les pierres apparaissent, rosissant dans le soleil levant. Je voudrais franchir la ravine qui me sépare de la colline la plus proche et trouver refuge dans la petite maison devant moi. Ses volets verts pales fermés suggèrent que ses occupants dorment encore, et je les imagine, confortablement calé dans leur lit moelleux, au chaud sous une couette rebondie, dormant sereinement, ou faisant l’amour pour se dire bonjour. Je dois m’arracher à la contemplation de ce paysage de rêve. J’ai encore de la route à faire. Durant les longues heures de la nuit où je n’ai vu défiler, pour tout horizon, que les longs rubans blancs des marquages au solet les alignements réguliers des lampadaires, j’ai eu le temps de réfléchir et je me suis dit que je voulais voir la mer. J’étais allée voir la mer du nord avec Paul, quelques années auparavant, mais il avait plu tout le temps et nous avions passé plus de temps au lit que dehors.

J’ai repris le volant, calant mon corps endolori dans le siège baquet et j’ai recommencé à rouler.

A quel moment toute ma vie avait-elle dérapée ? Cette question trottait dans ma tête et je me refusais à y apporter la réponse que pourtant je connaissais depuis longtemps. Je retardais le moment de m’avouer la vérité parce que j’avais encore le choix à ce moment-là. J’avais encore la possibilité de suivre le tracé de ma vie telle que je l’avais planifiée et rien ne serait arrivé. Mais j’avais fait le mauvais choix, je n’étais pas allé en cours. Au lieu de cela, à deux heures, je sonnais à sa porte. Un escalier métallique raide, peint en rouge sang et en haut, une vaste pièce dont le plafond, soutenu par des poutrelles métalliques, devait bien atteindre les six mètres. Un sol de béton clair avec des tapis partout. A gauche, un cube à demi fermé qui abritait la salle de bain et la cuisine. A droite, une immense rangée de vitres dépolies qui laissait entrer la lumière du jour mais masquait la vue sur l’extérieur. Elle couvrait tout un pan de mur et montait jusqu’au toit. Au milieu, tel le paradis, un lit immense et bas, recouvert de couvertures à rayurescolorées. Paul m’a accueilli en m’embrassant et m’a proposé un café. Je me suis perchée sur un haut tabouret placé devant un long comptoir de brasserie en zinc. C’était splendide.

– il est génial, ton appart !

– ouais c’est super, mais c’est pas à moi. C’est à un copain qui me l’a prêté pendant qu’il travaille. Il revient dans six mois, alors j’en profite.

J’étais un peu désappointée. J’aurais tant aimé que ce splendide appartement soit à lui, il allait bien dedans. C’était classe d’avoir un amoureux dans un endroit pareil. Pendant que je me rassasiais de la beauté des lieux, moi qui vivais en BATECO, Paul me déshabillait déjà du regard. J’avais fait des efforts et j’avais acheté un soutien-gorge et un slip en dentelle à la lingerie du supermarché. Ce n’était pas luxueux, mais ça m’allait bien. J’avais trouvé un soutien-gorge un peu rembourré qui me donnait des formes et j’en étais fière. Je pointais mes petits seins en avant pour qu’il les remarque et son regard qui s’accrochait dessus me donnait la chair de poule. J’avais déjà envie de ses mains sur mon corps. Il a continué à siroter son café en me détaillant et je me sentais nue et belle. J’aurai voulu me déshabiller pour qu’il puisse me regarder tant qu’il le voulait mais j’étais trop pudique pour faire ça. Il y avait trop de lumière aussi. Je préférais la pénombre pour dévêtir mon corps petit et un peu osseux. Finalement il a rompu le silence qui commençait à confiner au malaise et il a dit :

– tu as aimé l’autre fois ?

– oh oui, c’était bien.

– tu aimerais qu’on fasse encore l’amour ?

– oui…J’avais honte de l’avouer mais tout mon corps n’aspirait plus qu’à se retrouver sous le sien, écrasé et soumis. Pourtant, j’avais conscience que tout allait un peu vite. On aurait dû parler un peu plus, faire connaissance. Il ne connaissait même pas mon nom. Il ne me l’avait pas demandé et je n’avais pas osé le lui dire.

Il a contourné le comptoir et s’est approché de moi presque à me toucher. Il m’a respiré en commençant par mes cheveux que j’avais soigneusement lavés avec un shampoing à l’abricot pour qu’ils sentent le fruit.

– j’aime ton odeur, il a dit. Tu sens bon, on dirait un bonbon.

Il a posé les mains sur mes cuisses nues. Elles étaient brulantes. J’ai senti leur radiation remonter jusqu’à ma vulve et je n’ai pu retenir un soupir de plaisir anticipé. Il m’a regardé. Je l’intriguais. Je le voyais mais je ne comprenais pas pourquoi. Il est remonté jusqu’à la limite de ma mini jupe et il a glissé les mains dessous sans hésiter. J’ai gigoté un peu sur le skaï rembourré du tabouret et elle est remontée, s’enroulant sur mon ventre sans difficulté. La petite culotte en dentelle a semblé l’intéresser un instant puis il en a attrapé les deux cotés et il a tiré dessus. Dans un déchirement bref et sonore le tissus a lâché et je me suis retrouvé le sexe nu. J’étais partagé entre la colère de le voir détruire ma seule jolie culotte et l’excitation qu’avait provoqué ce geste brutal et irréversible. Il a tiré sur le tissu qui a fini par céder quand je me suis légèrement levé pour le laisser glisser entre mes jambes. Puis il s’est intéressé au tee-shirt. Un joli col en V, rose pale, avec des petits strass collés qui formaient un motif étoilé. J’ai anticipé son mouvement et je l’ai fait glisser par-dessus ma tête pour qu’il ne le déchire pas. Dans le même mouvement j’ai dégrafé mon soutien-gorge et je me suis retrouvé nue, perchée sur mes talons, assise sur le haut tabouret du bar, en pleine lumière. Exactement ce que je voulais éviter. Et pourtant j’étais si excitée que j’avais peur de laisser une flaque sur le skaï rouge.

– tu sais que tu es super bandante. On dirait pas à te voir comme ça mais t’es drôlement jolie en fait. J’aime tes petits seins pointus, on dirait qu’ils attendent que je les mange. Regarde l’effet que tu me fais, il a dit en prenant ma main et en la posant sur sa braguette tendue qui contenait comme elle le pouvait sa queue déjà dure. Je l’ai imaginée, toute pliée, coincée par la raideur du jean et j’ai eu envie de la libérer pour qu’elle n’ait pas mal  mais je n’ai pas osé. Il a rit :

– tu es timide.

– je n’ai pas vraiment l’habitude de faire ça, j’ai dit en regardant le bout de mes chaussures. Je me sentais si vulnérable et si excité à la fois. J’attendais qu’il fasse quelque chose ou qu’il m’indique ce qu’il attendait de moi, mais il n’a rien dit. Il a reculé de quelques mètres et il a sorti son téléphone. J’ai cru qu’il allait passer un coup de fil mais il m’a prise en photo avant que j’ai eu le temps de croiser mes bras sur ma poitrine. Je devais avoir un regard de  lapin fou parce qu’il m’a dit :

– détends-toi, tu es vraiment jolie. Regarde-moi  et enlève tes bras, tes seins sont si mignons.

J’ai détesté ce mot ; mignon ! moi je voulais qu’ils soient sexy, bandants, pas mignons. J’avais l’impression qu’ils se ratatinaient sous l’objectif de son Smartphone. Quelques déclics encore, puis il a dit :

– écarte un peu les jambes, je veux voir ta chatte.

– non, je peux pas faire ça !

– mais si tu peux, vas y montre-moi ta chatte, je veux la prendre en photo, elle est belle, je l’ai déjà vu, souviens toi.

– mais là c’est pas pareil…j’ai gémis.

– allez, fais pas ta prude, t’as aimé que je te bouffe la chatte, montre la moi !

J’ai écarté les jambes, à peine, juste pour que mes poils apparaissent un peu tant j’étais repliée sur moi-même.

– plus !

– Non,je peux pas, je me sens mal. Je veux m’en aller !

J’ai fait mine de descendre du tabouret  et il a été là, tout près, comme un chat qui bondit. J’ai sursauté quand ses mains se sont posées sur mes genoux et les ont écartés brutalement.

– là, tu vois que tu peux. Bouge plus, je fais encore une photo et après je te baise.

Je me suis figée tant la promesse était tentante. Je l’ai regardé dans les yeux, ou plutôt dans l’objectif, et j’ai écarté les jambes au maximum, comme si je voulais faire un grand écart sur le tabouret. Je sentais ma vulve qui s’ouvrait et le désir devenait intenable. Alors j’ai fermé les yeux et j’ai attendu. Quelques froissement, un frôlement du sein qui a manqué me faire tomber et puis sa langue qui parcourait ma chatte et qui suçait violement mon clitoris brulant. Et, comme la fois précédente, j’ai joui presque immédiatement. J’ai crié si fort que j’avais mal aux oreilles mais je ne pouvais pas taire cette brulure si violente qui parcourait mon corps. Mes seins me faisaient mal tellement ils attendaient une caresse, alors je les ai attrapé et je les ai fait rouler entre mes doigts pour les soulager. Le plaisir a augmenté encore jusqu’à ce que je perde l’équilibre. Paul m’a rattrapé et m’a réinstallé sur le tabouret. Puis il s’est reculé et il a repris des photos. Je ne résistais plus, j’étais échevelée et pantelante, mon sexe aux poils écartés et collés par la salive devait se révéler sans aucune pudeur mais je m’en foutais. Je planais. C’était mieux qu’un joint ou que tous les verres d’alcool que j’avais pu ingurgiter pour me donner du courage. Ensuite il m’a attrapé par la taille comme une poupée, et il m’a porté sous son bras jusqu’au lit ou il m’a laissé tomber sans ménagement. J’ai rebondi un peu sur le matelas moelleux.

Il a écarté mes jambes, positionné ma tête et mes bras comme il le souhaitait et a repris son mitraillage. Il relevait une jambe, posait ma main sur mon sexe ou sur mon sein, ouvrait ma bouche avec ses doigts. Pour la dernière photo, il a sorti sa queue de son jean et me l’a fourrée dans la bouche. Il a shooté plusieurs fois puis il a jeté son portable sur le matelas et il a dit :

– suce-moi maintenant.

Et je l’ai sucé avec enthousiasme. J’aurais préféré quelque chose de plus romantique mais je ne pouvais nier que j’aurais fait n’importe quoi pour qu’il continue à s’intéresser à moi. Il a éjaculé et j’ai dû avaler encore une fois son sperme chaud. Je n’aimais pas ce gout, c’était répugnant, et en même temps, je rêvais qu’il me baise jusqu’à la garde. Je l’ai regardé et ça devait se lire dans mes yeux parce qu’il s’est rapidement déshabillé et il a enfilé un préservatif :

– devant ou derrière ?

– devant, j’ai répondu en coassant tellement je l’attendais et il est entré.

Après, j’ai tout oublié. Ma vie de merde, mes parents, jenny, le lycée, ma carrière de secrétaire médicale, tout. Je lui appartenais, c’était évident. Mon corps était fait pour lui. Il en faisait ce qu’il voulait et j’aimais tout. J’ai senti son gland si loin en moi, il était si gros, si tendu, que sa simple présence m’a fait partir. Juste imaginer son sexe en moi, le sentir se dilater, sentir sa queue qui occupait tout l’espace de mon vagin, comme si elle avait était moulé pour moi et j’ai jouis à nouveau. J’ai vu que ça l’excitait parce qu’il a éjaculé longuement en poussant des cris graves et sonores qui résonnaient dans l’espace vide de la pièce. Il poussait encore pour extraire jusqu’à la dernière goutte et j’ai aimé ça aussi. Il ne s’arrêtait que quand c’était vraiment la fin, pas juste un coup et je ressors, non. Il me baisait jusqu’à l’épuisement de nos corps. Et nous avons recommencé si souvent cette après-midi là, et les suivantes, que j’ai vite perdu le compte tant il m’a fait jouir. J’avais l’impression d’être en manque dès qu’il ressortait. Je lui ai donné tout ce qu’il voulait : ma chatte, mon cul, ma bouche. Il a tout pris et tout était bon. La première fois qu’il m’a enculé, il a était délicat. Il est entré doucement et ça faisait vraiment mal parce que mon cul qui n’avait jamais connu ça, n’étais pas préparé à accueillir un engin pareil et puis, à un moment, la souffrance s’est transformé en un fulgurant plaisir qui m’a coupé le souffle, comme s’il baisait mon âme ou quelque chose dans ce genre-là. C’était incroyable. Je me suis emplie d’un plaisir si puissant que j’ai hurlé de bonheur avant de manquer m’évanouir. Je l’avais entendu raconter par des copines qui mentaient en disant qu’elle l’avait fait, et pourtant c’était vrai. C’était un plaisir absolu, sans interférence. Une sensation plus forte que tout ce que j’avais connu ou imaginé jusque-là. Un plaisir entier, totalement physique. Ma tête n’y avait plus de place. Seules comptaient les sensations puissantes de sa queue qui m’incendiait. Il pouvait bien me tordre les seins ou les laisser à l’abandon, je m’en foutais, tant qu’il me ramonait le cul avec son engin démesuré. A la fin de l’après-midi, la nuit était tombée depuis longtemps à travers les vitres grises, nous étions allongés côte à côte, moi sur le ventre, lui sur le dos et il a dit :

– au fait, je sais même pas comment tu t’appelles.

– Virginie, je m’appelle Virginie Sappa.

– Virginie…tiens, tu ressembles pas à une Virginie, j’aurais plutôt dit Sabrina ou…ouais, quand je pensais à toi, je t’appelais Sabrina.

– j’aime bien Sabrina.

– au fait, quel âge tu as ?

– seize ans

– t’as seize ans ?Mais t’es qu’une gosse !

– oui, et toi quel âge tu as ?

– quel âge tu me donne ?

– je sais pas moi…une trentaine.

Il m’a mis une claque sur le cul qui a retenti et m’a brulé en me laissant une marque rouge vif.

– tu déconnes ! J’ai pas l’air d’avoir trente ans !

– je sais pas, j’en sais rien, t’es pas obligé de me frapper !

– si, quand tu dis une connerie, j’ai pas le choix.Putain, t’es dure, j’ai à peine vingt-cinq. Tu me tue là, trente ans !

– j’ensavais rien…

J’avais mal et malgré moi je me suis mise à pleurer. Pas vraiment à cause de la douleur mais c’était humiliant et puis j’étais épuisée et un peu déboussolée. Je venais de passer l’après-midi entière à faire l’amour avec un type que je connaissais à peine et c’était la meilleure journée de toute ma vie ! Personne ne m’avait jamais donné autant de plaisir. Ça n’était pas vraiment compliqué il faut dire, mais personne ne s’était occupé de moi comme ça. Parce que baiser avec des mecs, ça n’avait jamais été compliqué, ils ne demandaient pas mieux. Mais aucun n’avait pris le temps de me faire jouir comme il l’avait fait. Et je voyais que ça lui faisait plaisir de le faire. Il aimait m’entendre crier. J’avais remarqué qu’il attendait que je commence à jouir avant de se lâcher.

– tu pleures ?

– non, c’est rien, fais pas attention, je suis fatigué. Il faut que je rentre chez moi maintenant.

Il m’a attiré vers lui et il a dit en attrapant mon visage entre ses grandes mains :

– t’es vraiment une drôle de petite bonne femme toi, tu sais. Je pourrais bien avoir du mal à me passer de toi !

Il a dit ça comme s’il le découvrait en le disant.

Je me suis redressée et j’ai déposé un baiser sur ses lèvres  et il me l’a rendu. Un baiser d’amoureux, pas un baiser d’avant la baise, non. Un baiser pour dire je t’aime, où on ferme les yeux et où on se fond dans l’autre. C’est ça qu’il a fait.

On a recommencé presque tous les jours et je ne suis plus retourné au lycée, ni en boite. J’étais trop fatiguée le soir. Parfois il partait quelques jours. Souvent il n’était disponible que le matin tôt, ou en fin d’après-midi mais il voulait me voir chaque fois qu’il avait du temps. Et on baisait sans relâche, dès qu’on se retrouvait. C’est pour ça que j’ai dit oui à tout, c’est pour ça que je suis restée, parce qu’il me faisait tellement de bien que quand il devenait méchant, je n’arrivais pas vraiment à lui en vouloir. Sur le moment si, mais dès qu’il sortait sa bite de son pantalon, j’oubliais tout.

Et puis un jour il a dit :

– tu devrais t’installer ici, tu sais, tu pourrais m’attendre, faire le ménage, ranger un peu et préparer à manger pour quand je rentre.

– eh !Je suis pas ta boniche, je me suis écriée.

Il m’a giflé, une vrai beige cette fois. Une qui laisse des traces et qui fait mal. Instantanément je me suis mise à pleurer. Je voulais m’en aller mais j’étais nue. De toute façon, j’étais toujours nue. Il me déshabillait dès que j’arrivais et il ne me laissait pas reprendre mes vêtements avant la dernière minute. J’en avais pris l’habitude et je commençais à m’en foutre complètement. Mais je n’aimais être nue quand il restait habillé. Je me sentais petite et fragile. Lui, il adorait ça. Et là, cette baffe qui me retournait la tête !Après il s’est jeté  sur moi et il m’a léché la poitrine jusqu’à ce que je capitule, que j’oublie et que je m’offre à lui encore une fois.

Son sexe qui me pilonne, qui entre et sort et qui me fait crier de désir,de plaisir. Ces orgasmes qui n’en finissent plus tellement c’est bon, tout est bon. Je veux tout, alors j’accepte de vivre là, mais mes parents ne veulent pas que je quitte la maison. Il y va, il les rencontre. Il leur fait forte impression. Je le vois dans le regard de ma mère qui se pâme et dans celui de mon père qui l’appelle Monsieur. Et il dit :

– je veux épouser votre fille, je l’aime, on s’aime tous lesdeux, hein Virginie ?

Et moi je ne réponds rien parce que je ne suis plus en état de parler. Il veut se marier avec moi, je vais devenir sa femme, son épouse. La seule qu’il aimera pour toujours et à jamais. Mon père dit :

– et tes études Virginie ?

Alors je mens :

– je continuerais papa, ne t’inquiète pas, je continuerais à aller au lycée.

Et Paul renchérit :

– bien sûr Monsieur Sappa, il n’est pas question que Virginie arrête d’aller à l’école, c’est juste que je ne peux pas envisager de vivre séparé d’elle, je l’aime tant.

Mon père accepte et ma mère prépare un grand mariage pendant qu’on attend la dérogation du juge. Parce qu’il faut une dérogation pour se marier à seize ans, presque dix-sept.

Puis le grand jour arrive. Je suis excitée comme une puce. Ma mère m’a affublée d’une robe meringue en satinette blanche et dentelles bon marché. Les manches ballons, serrées au-dessus des coudes, se dégonflent par moment et il faut faire entrer de l’air dedans pour leur redonner du volume, mais je me sens grande. Je porte des talons dissimulés sous ma longue jupe et le bustier amplifie astucieusement ma poitrine. Paul vient me voir dans ma chambre de jeune fille, même si je la partage avec ma grande sœur, et il me baise en la retroussant délicatement, ses yeux vissés dans les miens, plein d’amour, ou de désir… Il me confisque ma culotte avant de partir, parce qu’il aime savoir que je suis nue sous ma robe. Je sens le sperme couler le long de ma jambe pendant que le curé nous marie et je me tortille un peu pour qu’il coule dans ma chaussure et pas par terre, sur le sol de vieilles pierres sombres. À midi, la mairie. Un officier municipal qui bégaie, nous rappelle la loi et nous déclare uni par les liens du mariage, et Paul m’embrasse en passant une bague en or à mon doigt. Elle est fine et discrète, elle me plait bien. Pour lui, il a choisi une bague plutôt voyante et très chère, en titane et or, avec des petites vis incrustées à intervalle régulier. Elle est belle. Je suis fière d’être à son bras. Il est rayonnant dans son costume croisé noir, sa chemise blanche impeccable et sa cravate fine. Le soir, nous faisons la fête dans une salle que mes parents ont louée. Il y a plein de copains de Paul que je ne connais pas et que je ne reverrais jamais pour la plus part. Mais pour l’heure, je suis heureuse. Paul a beaucoup bu et il devient querelleur. Alors, en s’y mettant à plusieurs, on l’entraine à l’étage où on nous a loué une chambre pour notre nuit de noce. J’aurai préféré rentrer au pavillon tout neuf que nous venons d’installer pour notre nouvelle vie de couple – notre vie d’amoureux pour toujours, unis par les liens du mariage – mais j’ai cédé pour ne pas contrarier ma mère qui doit encore avoir le secret espoir que je vais perdre ma virginité ce soir. Nous l’installons dans cette chambre quelconque, sur le lit en faux bois foncé avec une couverture rouge qui râpe, une moquette usée et une salle de bain carrelé en orange. Pas très glorieux mais je suis si heureuse que je m’en fous. Paul commence à ronfler et je me dis que j’ai le temps deprendre une douche, j’en ai rêvé toute la soirée. Alors je me glisse dans la salle de bain, je dégrafe ma robe qui me serre et me coule sous la douche avec un plaisir inimaginable. J’ai mal aux pieds d’avoir trotté toute la journée dans mes chaussures de bal. Puis j’entends Paul qui m’appelle, il beugle :

– Sabrina ! Sabrina, ou t’es, putain !

Alors je sorsde la salle de bain avec ma serviette autour du corps, encore mouillé de la douche et il me dit :

– tu faisais quoi ?

J’entends la hargne dans sa voix et j’ai peur. Un soupçon de peur, un début, comme un avertissement.

– je prenais une douche, je me sentais sale.

– non, tu baisais avec Jean-François. J’ai vu comme il te regardait toute la soirée. C’est ça que tu faisais, salope, tu me trompais le soir de notre mariage !

Je suffoque de révolte et de peur :

– non, j’étais sous la douche, t’as pas entendu l’eau qui coulait, regarde je suis encoretoute mouillée !Je lui dis en m’approchant de lui pour qu’il voit les gouttes qui ruissèlent sur ma peau.

– toute mouillée, tu l’es tout le temps ! T’es qu’unputain de sac à foutre de toute façon. C’est sûr qu’il a dû te trouver toute mouillée !

– Mais je te jure Paul, je ne sais même pas de qui tu parles…

C’est ça le problème avec les hommes violents. Quand ils ont envie de vous frapper, tous les arguments sont bons et quoi que vous disiez, ils le retournentcontre vous et vous vous retrouverentrain de vous justifier de trucstotalement aberrants.

Il m’attrape, me renverse sur le lit, tire la serviette violement et commence à me frapper en gueulant :

– salope !

Il donne des coups de poings réguliers et précis. Il affectionne particulièrement le visage, les seins et le ventre, mais ça je l’apprendrais au fil du temps. Au bout de quelques coups, mon visage dégouline de sang et j’ai tellement mal à la poitrine que je hurle de douleur, mais il me bâillonne et m’ordonne de me taire. Puis il frappe encore au creux de l’estomac et je manque m’étouffer tant la douleur est forte et me coupe le souffle. Je tousse en essayant de me protéger du mieux que je peux. Je me roule en boule mais il est plus fort que moi. Il me tire par les bras et par les cheveux pour m’obliger à dénuder mon ventre et il cogne encore. Enfin, quand je n’ai plus de cris, plus de larmes, plus de suppliques, que mon corps est indolore tant il a frappé, que mon visage tuméfié est couvert de sang, il s’endort. Simplement. Il tombe à côté de moi et se met à ronfler. Je n’ose pas bouger pendant un long moment, mais j’ai trop mal. Je me traine jusqu’à la salle de bain et j’appelle ma mère. Au début, elle ne me croit pas puis elle accepte de venir me chercher. Je n’ai pas de vêtement, juste ma robe de mariée qui traine sur le sol et que j’ai tachée de sang. Je l’enfile comme je peux, en fait, je glisse mes jambes à l’intérieur et j’enfile les manches sans trop tirer dessus. Elle me couvre à peine le dos mais je ça m’est égal. Je me traine le long du mur pour pouvoir tenir debout. Quand ma mère me voit, elle m’aide à entrer dans la voiture où je m’allonge sur la banquette arrière et elle fonceaux urgences. Je voudrais dormir, d’un long sommeil sans rêve, me dissoudre dans l’oubli de ce corps qui ne m’appartient plus tant il a été transfiguré par la violence et la douleur. Ce corps qui a été possédé par les poings de Paul, qui a été dépouillé de son humanité. La douleur est partout, constante, incontournable. Je ne peux pas bouger et je ne le désire plus. Je veux sombrer dans le néant.

Arrivée à l’hôpital, dans un dérapage digne des films d’action, ma mère sort en hurlant à l’aide. Des blouses bleues tristes accourent. Des pieds chaussés de crocs colorés et de sabots blancs qui claquent sur le sol de lino clair. On m’installe sur un brancard et on me prend en charge. Je suis déshabillée à nouveau et on pose une blouse sur moi, puis des radios. On m’ausculte et une fliquette, plutôt gentille, vient me poser des questions.

– je suis tombée dans l’escalier, je répète obstinément toute la nuit à toutes les personnes qui me pose la question.

Je refuse d’admettre la vérité. Paul avait bu, il ne doit même pas s’en souvenir  et ça ne se reproduira plus jamais.

Ma mère m’oblige à rentre à la maison où je passe une semaine au lit sans trouver le sommeil tant mon corps me fait mal. Paul veut me voir mais mes parents refusent. Ils ont raison et je devrais les écouter mais dès que je suis en état, je me lève et profite de leur absence pour retourner à l’appartement retrouver mon mari, la seule personne qui me comprenne.

Quand Paul me voit, il m’accueille comme si je rentrais d’un long voyage et il me fait l’amour si bien et si longtemps, que je me dis que tout ça est derrière nous. Comment un homme qui me donne autant de plaisir pourrait me vouloir du mal ?

 

– c’est pour ça que vous l’avez tué ? Parce vous en avez eu assez qu’il vous frappe ?

Je regarde ce policier, assis en face de moi, derrière cette table grise, recouverte de paperasse. Il ne comprend rien.

– je n’ai pas tué Paul ! Je n’ai jamais voulu qu’il meure. Vous ne comprenez rien, je l’aimais ! J’étais accro à lui. Je ne pouvais pas me passer de lui.

Mais un flic ça ne comprend rien. Quand ça a une idée dans la tête, ça n’en démord pas. J’ai beau lui dire depuis des heures que je n’ai pas tué Paul, il ne me croit pas. Et même si j’ai du mal à me souvenir de tous les détails à cause du temps qui s’est écoulé, je sais que je ne l’ai pas tué. Il va bien falloir qu’il me croie.

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