JE LA REGARDE – Chapitre 10

Chapitre 10

Je la regarde parler avec bonheur. Je regarde sa jolie bouche dont les lèvres sombres se relèvent aux extrémités de façon charmante. Elle s’étire comme une lune quand elle sourit, faisant ressortir ses dents d’une blancheur impressionnante.

Komang est une jeune femme mystérieuse et très attirante. Nous passons beaucoup de temps ensemble depuis presque un mois maintenant. Depuis que les locations ont commencé. Elle vient presque tous les jours. Elle est partout, elle s’occupe de tout. J’apprécie énormément sa présence. Elle arrive le matin, portant un sarong traditionnel dont la coupe parfaite et le tissu luxueux lui donne un air de princesse orientale. Elle toujours élégante et raffinée et elle exhale en permanence ce parfum de fleur qui lui va si bien. Elle m’apporte régulièrement à manger parce qu’elle sait que je n’arrive pas à me préparer un repas consistant. J’oublie en permanence de faire les courses. Alors elle fait un saut chez Madame Soda qui tient à sa disposition un panier prêt pour toute ma journée. Elle a du donner des consigne à mon amie cuisinière car je constate que les portions sont moins copieuse et les plats plus légers. J’y trouve beaucoup plus souvent des légumes à la vapeur et des fruits frais. Pourtant je m’entretiens. Je nage…je n’ai plus rien à débroussailler maintenant que la jungle est jugulée et que le jardin passera bientôt sous la haute autorité d’un styliste en plante.

La maison est presque terminée. Après mon retour de la clinique, le toit avait été monté. Sa douce pente inclinée vers l’extérieur protège aussi la véranda qui court tout autour de la maison. Les poutres rouges couvertes de tuiles en bambous ont ensuite été enduites d’un après blanc, qui leur donne une nuance d’un gris très clair. Les murs de briques ont été montés et l’effet recherché par Ben et Nyoman est saisissant. Les murs poinçonnés, d’un noir irrégulier, sont mis en valeur par l’enduit gris presque blanc des cloisons qui les entourent. Les baies vitrées qui forment la quasi-totalité des murs extérieurs, assurent une luminosité qu’atténue heureusement le toit qui déborde. Ces différentes teintes de gris me ravissent car elles absorbent la lumière du soleil et rendent les lieux frais et accueillant. Ben n’a pas lésiné sur la technologie. Toutes les surfaces vitrées sont munies de stores électriques, et je peux ainsi si je le désire, fermer ma maison à toute intrusion, même venant du jardin d’intérieur. Le beau frangipanier est en fleur et les pétales qui tombent sur la terre encore retournée, donne une idée de ce que sera le jardin quand il sera fini. Pour le moment, nous nous activons autour des équipements de toute sorte. La cuisine, fabriquée sur mesure, est un modèle de technologie et je me demande bien à quoi elle va servir. Ma salle de bain ressemble à un palace et ma chambre à celle d’un roi. Mais j’ai une tendresse particulière pour la bibliothèque. J’ai acheté un piano, un demi-queue en bois sombre qui fait pendant à mon bureau, un grand meuble très moderne conçu d’un seul tenant. Une courbe de bois stabilisée par son propre poids. C’est un artisan d’Ubud qui l’a réalisé sur mes indications imprécises. Je lui ai mimé la forme de la main, un plateau s’arrondissant et se retournant pour former un pied. Il a compris et a produit cet objet unique et magnifique, d’un brun velouté, taillé dans la masse d’un immense tronc. Il m’a aussi fabriqué un fauteuil du même bois, du même tronc devrais-je dire qui, bien que peu confortable, est indissociable du bureau. On dirait une feuille de bois épousant plus ou moins la forme de mon corps. Je me relève courbaturé mais heureux. La bibliothèque couvre un mur entier et grimpe jusqu’au plafond. A l’aide de l’échelle qui coulisse, silencieuse sur un rail discret, j’ai casé tout en haut les livres de cuisine et de mécanique achetés par mégarde pour séduire Marie. Je n’ai aucune nouvelle d’elle, et les rares fois où je suis allé à Denpasar ce dernier mois, j’ai pu constater que la librairie était toujours fermée. Je m’en veux de ce que je lui ai fait subir car la mémoire m’est revenue finalement. Je lui ai écris une longue lettre d’excuse que j’espère, elle lira un jour. Je ne voudrais pas qu’elle se sente responsable de ce qui nous est arrivé. J’en suis le seul coupable et je l’assume.
Quant à Chloé, je suis sans nouvelle d’elle. J’ai contacté mes avocats et je leur ai demandé de mener une enquête discrète sur Steve et sa famille. Ce type est désespérément parfait. Il est originaire de New Haven, dans le Connecticut où sa famille possède une somptueuse résidence qui remonte aux premiers colons. Le père, un banquier à la retraite, jouit d’une notoriété sans faille. La mère s’occupe des œuvres caritatives de sa paroisse. Ces gens m’ennuient déjà ! Quand à Steve et Chloé, après avoir séjourné quelques temps dans le Connecticut, ils ont filé à New York où ils habitent dans un grand appartement dans Manhattan avec vue sur Central Park. Que dire, je n’aurai pas pu faire mieux ! Et lui au moins il peut se prévaloir d’une famille irréprochable ! J’en viens presque à me dire que Chloé a eu raison, qu’elle a fait le bon choix. Puis je pense à mon fils, cet enfant que je ne connais pas et je lui en veux terriblement. Mes avocats me poussent à exiger un test de paternité pour revendiquer un droit sur l’enfant mais je ne veux pas un enfant de force. Je veux qu’elle me choisisse. Je veux qu’elle pense que je suis son père et que j’ai des droits. Ils m’ont fait parvenir des photos de lui. Il est magnifique ! Il me ressemble tellement que je me demande comment elle fait pour m’ignorer. J’ai comparé une photo de moi au même âge, on dirait que des frères jumeaux. Les mêmes boucles blondes indisciplinées, les mêmes yeux – les siens sont bleus comme ceux de sa mère – le même sourire charmeur.
Cet enfant est mon portrait craché et pourtant ce n’est pas moi. C’est un petit être autonome, une entité vivante issue de mes amours avec Chloé. La seule personne au monde avec laquelle j’aurai accepté d’avoir un enfant ! Cette ironie du sort ne m’échappe pas, elle aurait même tendance à me désespérer !

Pour le moment je suis concentré sur Komang qui parle toujours. Quand elle vient, nous nous installons encore dans mon bungalow car mes meubles ne sont pas encore tous livrés. J’ai décidé de garder mon lit et demain, le déménagement définitif doit avoir lieu. Je suis impatient et inquiet à la fois. J’appréhende de me retrouver seul dans cette grande maison, moi qui avais bien apprivoisé l’espace de mon bungalow mais komang me presse car les réservations augmentent et mon bungalow est déjà loué.
Elle a embauché deux femmes de ménages qui viendront tous les jours assurer un service de nettoyage. Elle veut absolument que je les utilise dans la maison mais pour le moment je n’y tiens pas. Je n’ai plus envie d’avoir une présence permanente chez moi. J’ai des besoins de célibataire.
Ce matin Komang me montre le registre des réservations. Son cousin lui a crée un programme de gestion digne d’un grand hôtel. Je ne le comprends pas car je ne lis pas le balinais, mais je sais déchiffrer des graphiques, et les chiffres sont de mon ressort. Je ne pensais pas avoir autant de succès. Komang m’explique que tout est plein pour au moins six mois. Même la saison des pluies est réservée. Je lui dis en plaisantant que je devrais acheter le terrain mitoyen ou construire sur la mer, mais à son regard sérieux, je recule.
– non, komang, ça suffit ! Dix bungalows, ça fait déjà beaucoup de monde en permanence. Je n’ai pas envie de transformer cet endroit en village.
– Pourtant, François, ce serait très rentable, regarde les chiffres ! Si nous rajoutions dix bungalows supplémentaires, ils seraient loués dans la semaine !
– oui mais à quel prix Komang ? Comment assurer la qualité de service qui va faire notre succès si nous multiplions les bungalows ? Ce n’est pas un hôtel, c’est de la location. Les gens viennent pour profiter d’un lieu paradisiaque. S’ils sont des centaines, ça devient l’enfer !
Pendant que nous parlons, komang a saisit le balai et nettoie le sol de la salle. Je lui demande d’arrêter et elle me dit de faire venir une femme de ménage. Je renonce et je la regarde balayer, gracieuse, tout en continuant à discuter. Elle donne de l’élégance à tous ces gestes. Elle voit mon regard et un fin sourire vient éclairer son visage. Ses yeux en amande se plissent comme si elle riait d’une plaisanterie secrète. J’ai souvent l’impression qu’elle se moque de moi, l’occidental un peu balourd. Parfois quand elle me parle, ses mains toujours en mouvement frôlent mon corps et son contact me trouble. Elle est ravissante et déroutante. Elle semble obéir à une logique bien à elle et je la suis pas à pas, essayant de ne pas la perdre.
Depuis quelques temps, je me surprends à m’habiller en vitesse le matin. Je ne veux pas qu’elle me trouve négligé. Elle a déjà une piètre opinion de moi en ce qui concerne l’entretien du bungalow, sans parler de la nourriture qu’elle est obligée de m’apporter pour que je me nourrisse convenablement, je ne voudrais pas en plus qu’elle me trouve sale et débraillé.
Ce matin, elle est surexcitée. Le projet devient concret. Dans deux jours les premiers locataires arrivent et elle veut que tout soit parfait. Elle voudrait organiser une réception traditionnelle pour fêter la réouverture du site auquel elle a donné le joli nom « d’ Istana » qui veut dire Palais en balinais. La sonorité m’a plu alors j’ai accepté. Depuis, une grande pancarte peinte à la main et richement colorée, trône à l’entrée de la route que j’ai du faire goudronner malgré mes réticences. J’ai préservé l’arbre, envers et contre tous ! Malgré leurs protestations vigoureuses, j’ai tenu bon. Il fait parti du site. Je le vois comme un ami, un compagnon, un gardien qui connait mes départs et mes arrivées. Comme je me l’étais promis j’ai fait installer des spots qui l’illuminent dès la nuit tombée. Il n’est pas vraiment beau, ce n’est pas une essence précieuse mais c’est sa place et il doit y rester. Sur les conseils de Ben je l’ai fait ceinturer de pneus peints en blanc. C’est laid mais ça le protège et les automobilistes râleront moins quand ils s’y frotteront par mégarde.
Komang s’impatiente. Je renâcle à l’idée d’une cérémonie d’inauguration. A quoi bon ? Les gens vont arriver, ils vont s’émerveiller de la beauté des lieux, ils vont s’installer et ils seront tellement bien que je ne vois pas en quoi une cérémonie d’accueil leur ferait plaisir. Moi, je préférerais qu’on me laisse arriver tranquillement. Mais Komang s’entête. A Bali tout se fête et elle me trouve triste et grognon. Dans un geste affectueux auquel je ne prends pas garde, je l’attrape par la taille et colle ma tête sur son ventre pour qu’elle se taise un instant. Soudain je réalise ce que je viens de faire et la relâche prestement en lui présentant de excuses embarrassées. Elle me regarde droit dans les yeux et attrape ma tête qu’elle place à nouveau sur son ventre. Je reste immobile, sentant le délicieux mouvement de sa respiration contre ma joue. La chaleur de sa peau me trouble et son odeur m’enivre. Attention Jeff me dis-je, tu n’as pas le droit de toucher à cette fille. Je la repousse mais ses mains restent poser sur mes joues. Je ne veux pas. Je sais trop ce dont je suis capable. Je refuse de lui faire du mal et de me brouiller avec tous mes amis par la même occasion. Je n’ai plus qu’eux maintenant. Je ne peux pas prendre ce risque. Alors j’attrape les mains de Komang pour les détacher de mon visage et je lui dis :
– Bon alors, on la fait où cette cérémonie ?
Elle me sourit, de son sourire mystérieux puis elle se penche vers moi très lentement, me laissant le temps de contempler son visage parfait qui s’approche inexorablement et dépose un baiser sur mes lèvres. Juste un baiser, une caresse puis d’une pirouette, elle est de l’autre coté de la table et m’explique comment elle voit ces festivités. Je l’écoute mais je n’entends rien. Cette caresse suave m’a bouleversé. Je suis encore fragile, je le sens bien. Les événements d’Ubud m’ont affecté bien plus que je ne le pensais et même si j’ai retrouvé toute ma raison, je sens bien la faille encore présente quelque part dans ma tête. Je la regarde parler et je vois toute sa beauté, toute l’élégance et la grâce qui se dégage de ses gestes, des courbes de son corps. Soudain elle dit quelque chose qui pénètre mon cerveau :
– Tu sais François, je vois bien la façon dont tu me regarde. Je sais que tu as peur de ma famille mais je suis une femme libre. Je ne renie pas les traditions mais je refuse de vivre comme une enfant en attendant qu’on me marie à un homme que je ne connais pas. De toute façon j’ai largement passé l’âge d’être mariée. Je suis vieille.
Je ne peux m’empêcher de rire quand elle dit ça même si je comprends ce qu’elle veut dire.
– ah, bon, et quel âge as-tu ?
– j’ai vingt deux ans ! À mon âge, ma mère avait déjà trois enfants ! Tu vois, je suis une vielle fille comme on dit dans ton pays, et je suis libre de faire ce que je veux. Aucun balinais traditionnel ne voudra plus de moi, ajoute t’elle d’un ton de défi.
– une vielle fille, vraiment ? Tu es une adorable jeune fille et il serait bien fou le balinais qui refuserait de t’épouser.
– je ne veux pas épouser un balinais, même les hommes de mon âge veulent des femmes dociles et je ne le suis pas, je ne le serais jamais !
On dirait une enfant qui tape du pied. Elle est si jolie quand la colère envahit ses yeux et que ses fins sourcils se recourbent dans un froncement d’indignation.
– Komang, cette discutions est absurde, je ne te demande pas d’épouser un balinais, je te demande comment tu compte organiser cette fichue cérémonie !
– tu vois, même toi tu ne me prends pas au sérieux, ce n’est pas une fichue cérémonie. C’est important, les traditions sont importantes !
– tu viens de dire toi même que tu ne voulais pas respecter une des traditions les plus importantes de ta culture, il faudrait savoir !
– tu m’agace !
Elle referme l’ordinateur posé devant moi dans un claquement sec, ramasse les papiers qui recouvrent la table et sort dans un reniflement délicieux.
Je la regarde s’éloigner, marchant à pas rapides sur l’allée pavée que nous avons construite pour relier les bungalows au parking. Sans un regard en arrière, elle remonte sur le petit vélomoteur qui lui sert à circuler dans l’île et disparait dans une joyeuse pétarade. Je lui ai acheté un casque rouge vif pour la protéger car les routes sont très dangereuses pour les deux roues. J’espère que cette petite dispute servira au moins à lui faire oublier ses projets de cérémonie.
Je passe le reste de la journée à emballer tout ce qui reste encore dans le bungalow. Demain, mon lit sera descendu de la mezzanine et sera porté à dos d’homme jusqu’à son nouveau lieu de résidence. Il trônera au milieu de ma chambre, telle une imposante sculpture. Je prends mon temps, je ne suis pas pressé de quitter le bungalow. Je flâne dans la pièce, attrapant les derniers objets et vêtements qui trainent. Demain, tout sera vide. Il sera nettoyé et les meubles manquant – mon lit principalement – seront remplacés par des neufs qui attendent déjà dans le bungalow adjacent.
Je passe la soirée chez Madame Soda, à déguster du vin blanc local, frais et légèrement piquant, pour accompagner mon repas en solitaire.
Madame Soda s’est doté d’un petit engin à trois roues que conduira un de ses neveux, pour livrer les plats à la résidence. J’ai encore du mal à l’appeler « Résidence ». À « Istana » ça sonne mieux ! Komang a eu raison, c’est un joli nom, simple à retenir.
Je rentre me coucher, savourant ma dernière nuit sur la mezzanine. Etrange cette nostalgie qui m’envahit soudain. Je n’ai pourtant rien vécu de très réjouissant dans ce bungalow. J’ai essuyé une tempête, je me suis fait rouer de coup à même le sol, j’y ai baisé Ariel – je peux difficilement voir cela autrement – Chloé a refusé d’y faire l’amour avec moi, J’y ai baisé Marie – là aussi, le constat est affligeant. Et pourtant, je regrette les nuits où je m’endormais en contemplant le ciel bien qu’harcelé par des insectes énervés par la chaleur.
Mais c’est aussi là que j’ai espéré reconquérir Chloé, que j’ai rêvé de ce site qui maintenant va ouvrir, que j’ai conçu ma maison, pas à pas. Fort étonnamment, la pensé même de retourner en France ou ailleurs en occident, ne m’attire pas du tout. Je n’étais venu que pour un court séjour et je n’envisage pas une seconde de vivre ailleurs maintenant. Sauf si Chloé me le demandait. Je m’endors sur cette constatation et je suis réveillé dès l’aube par un Nyoman joyeux, prêt à en découdre avec la masse imposante de mon lit.
Toute la journée, le rythme est infernal. Les premiers locataires arrivent demain et tout le monde s’active pour que tout soit parfait. Komang repasse dix fois dans chaque bungalow, redressant un coussin, déplaçant un vase, essuyant une énième fois les meubles immaculés. Mon lit a transité laborieusement d’une maison à l’autre même si nous avons craint de casser la mezzanine en le descendant. Il repose maintenant au centre de ma chambre où malgré sa taille imposante il parait plus petit. La pièce est immense est presque vide. Les splendides portes sculptées qui ferment mon dressing ont été cérusées de gris et agrémentent la pièce de façon saisissante. Komang a posé au sol une jarre rouge vernissée, seule note de couleur de la chambre. J’aime cette blancheur. J’ai l’impression de me refaire une virginité quand je m’y tiens. Je suis sur que je vais bien y dormir. Malgré les réticences de Nyoman, je compte laisser les volets ouverts pour contempler l’océan de nuit comme de jour. Je n’arrive pas à envisager de fermer les stores et de masquer cette vue splendide sont je bénéficie quand je suis allongé. Aujourd’hui je suis en transhumance. Je n’arrive pas à rester dans ma maison et je suis chassé du bungalow dès que je fais mine d’y entrer par une Komang qui ressemble à une tornade. J’ai du mal cependant à ne pas grimper les escaliers de la véranda et à ne pas m’affaler dans le canapé du salon. Je m’installe un moment sur un transat mais là aussi je la dérange. Elle n’arrive pas à terminer l’installation du mobilier sous ma surveillance constante. J’ai beau lui démontrer que je ne la surveille pas puisque je contemple l’océan, elle me renvoie chez moi en me conseillant de m’installer dans les superbes transats en bambous qui ornent ma véranda. Elle ne comprend pas ma nostalgie :
– ta maison est dix fois mieux que ce bungalow ! Pourquoi traines tu encore ici ? Tu n’as rien à faire dans ta belle maison ?
Elle me congédie d’un geste de la main que je trouve particulièrement désobligeant. Je repars en songeant à la question qu’elle vient de me poser. Elle est fondamentale. En effet : je n’ai rien à faire ni ici ni ailleurs ! Les travaux prennent fins. Le site est nettoyé. La fondation, dont je me tiens informé, tourne sans moi – même si certains souhaitent ardemment mon retour pour les raisons qui m’ont fait m’en éloigner. Etre un simple faire valoir ne me satisfaisait déjà pas il y quelques mois. Après mon expérience balinaise, je ne pourrais plus m’y plier. Je viens de me découvrir officiellement sans projet ni activité.
Komang gère les réservations, Madame Soda s’occupe des repas, les femmes de ménages vont maintenir les bungalows propres, ma maison est achevée. Me voilà totalement désœuvré.
Exception faite de mon séjour en Inde, je ne suis jamais resté inactif. Je peux paresser quelques jours mais rester sans aucune activité déterminée me semble impossible. J’ai l’impression de me noyer dans un vide abyssal. Il faut que je trouve quelque chose à faire.
Je passe la journée à mon bureau à scruter les différentes places boursières mais les graphiques et les colonnes de chiffres me donnent rapidement mal à la tête. Je n’y arrive plus, cela ne m’intéresse plus !
Je procède alors par élimination. Je ne veux pas devenir Directeur d’un complexe hôtelier. Komang fait ça mieux que moi et l’idée même me rappelle cruellement Chloé et cet abruti de Steve. Je le revoie, déférent, souriant aux clients sans les connaître. Je ne suis pas ce genre d’homme. Il faut que je me trouve une activité mais je ne sais rien faire ! Et puis soudain je réalise que je ne vais plus voir Nyoman et les ouvriers quotidiennement et Ben aussi ! Et cette pensée m’anéantie. Leur présence a rempli mes journées même quand je ne faisais rien, ils étaient là. J’allais leur parler, je visitais le chantier, je donnais un coup de main quand je pouvais. Même sans grande efficacité, j’avais une raison d’être. Komang m’a renvoyé à ma futilité, à mon inutilité. Il y a encore quelques semaines, quelques jours, j’aurai accueilli cette découverte dans la rage et j’aurai trouvé un défoulement sexuel pour la calmer. Aujourd’hui je n’en ai plus envie. Mes récentes expériences à Ubud m’ont fait réfléchir à mon incapacité à me maitriser quand la tension ou la pression devenaient trop fortes. La découverte de ma paternité m’a affecté encore plus. J’y pense tout les jours. Je regarde la photo de François qui trône maintenant dans un cadre en argent sur mon bureau et je me demande ce qu’il fait à cet instant précis. Je me demande s’il sait que j’existe. Je lui parle, je me raconte à lui, à son image et son sourire m’encourage. J’essai d’imaginer les questions qu’il me poserait de sa petite voix d’enfant. Je ressens la chaleur de sa main dans la mienne, ses petits doigts délicats protégés par ma paume et mon cœur saigne de ne pouvoir le voir, de ne pouvoir partager tout cet amour que je sens en moi.
Parce que j’en suis tombé amoureux. J’aime cet enfant comme si j’avais été là dès le premier instant. Comme si j’avais assisté sa mère dans sa grossesse et dans sa mise au monde. Des bouffées de haines m’envahissent parfois à son encontre. Elle n’avait pas le droit de me faire ça ! Dans le même temps, je sais qu’elle a eut raison. Je n’aurai pas été un bon père à ce moment là. Je vivais trop dans l’urgence et la peur de ce que mon père avait mis en branle et que je tentais d’endiguer. Même cela je le suppose. Finalement rien ne prouve que j’aurais été si mauvais que cela. L’idée de Chloé enceinte de mon enfant, de son corps qui se rempli jour après jour d’un petit être que nous aurions fabriqué ensemble, d’un mélange de nous, de notre amour. Comment a-t’elle pu me priver de cela ? Je l’aurai probablement aimé tout autant que j’aimais et aime toujours Chloé malgré cette récente découverte.
Le soleil se couche sur le sable immaculé de ma plage privée et la solitude me saisit comme un étau qui m’écrase le cœur. Je m’éjecte de la maison comme une fusée folle et rejoint les bungalows où les préparatifs touchent à leurs termes. Komang veille sur les ouvriers qui ratissent la plage pour qu’elle soit magnifique demain, faisant disparaitre toutes traces de pas. Nyoman et Ben sont là, assis sur la véranda de mon ancienne demeure et devise calmement. Je m’assieds à leur coté et ils se mettent à parler en anglais pour que je puisse participer à leur échange. Nyoman me dit qu’il est étonné et heureux que mon projet soit sur le point de se concrétiser. Il n’y croyait guère mais n’a pas tenté de m’en dissuader tant ma détermination était grande. Ben avoue son admiration face à une telle réussite. Je les remercie en leur rappelant que leur participation est pour beaucoup dans la réussite du projet, et que seul le contentement des locataires permettra de vérifier si l’idée était bonne.
Je reste longtemps avec eux jusqu’à ce que la nuit soit totalement tombée et que chacun se décide à retourner vers sa famille. Alors il ne reste plus que moi, attaqué de toute part par les moustiques affamés. Komang revient du fond de la plage et me trouve assis tout seul dans le noir. Je crois que je lui fais peur car elle sursaute.
– François, qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne rentres pas chez toi ?
– si, je vais y aller. Je parlais avec Nyoman et Ben. Ils viennent de partir et je profitais du calme, le dernier avant l’arrivée de la horde de locataire.
– ça va bien se passer tu verras. Et puis personne ne viendra t’embêter chez toi, tu as fait ce qu’il fallait.
J’ai fait installer un petit portail de séparation caché dans la végétation. Son système d’ouverture à reconnaissance palmaire le rend simple à utiliser. La majorité de mes amis peuvent l’ouvrir d’un simple contact de la main sur la plaque inclinée cachée dans les feuilles. J’ai complété l’installation d’une grille qui pénètre dans l’eau pour éviter que des baigneurs longent la plage jusqu’à ma maison. Le paysagiste qui doit bientôt intervenir dans le jardin, a pour mission de la faire disparaitre dans la végétation, comme si les broussailles s’enfonçait dans l’eau.
Comme je ne bouge pas, komang s’assied près de moi en silence. Nous restons là un long moment puis finalement je lui dis :
– tu veux venir manger avec moi ?
– d’accord.
– tu veux qu’on aille chez Madame Soda ? Ça l’amuse quand je l’appelle comme ça.
– tu ne veux pas plutôt qu’on essaie ta nouvelle cuisine ? Je suis sure qu’on peut préparer quelque chose à manger. Quel dommage une si belle cuisine qui ne sert à rien !
Imaginer Komang dans ma maison en pleine nuit, me trouble légèrement mais j’ai tellement besoin de compagnie, et la sienne est si agréable et si simple, que j’accepte. Nous quittons le perron et empruntant l’allée pavée, nous retournons chez moi. La maison a un détecteur intégré qui allume les lumières dès que la nuit tombe. Elle resplendit, baignée d’un doux éclairage qui met en valeur la décoration d’intérieur autant que la splendide véranda et son mobilier luxueux. Les baies vitrées ouvertes ont attirées des centaines d’insectes. J’allume les lampes anti-insectes que Ben a fait placer partout dans la maison et sur la véranda, et rapidement les grésillements des animaux qui s’électrocutent se multiplient. La pièce devient plus calme. Je referme les baies vitrées et branche la climatisation pour nous maintenir au frais et à l’abri. Komang disparaît dans la cuisine et j’entends le tintement réconfortant des ustensiles de cuisine. Je la rejoins et assis à la splendide table à l’épais plateau de bois massif, je la regarde préparer le repas. Au bout de quelques minutes de silence affairé, elle dit :
– tu mets la table François ?
Alors je me lève, docile et heureux d’être utile et dispose les couverts sur de jolis sets de table colorés que l’épouse de Ben m’a offert pour inaugurer ma maison. Je me suis d’ailleurs promis d’organiser un grand repas pour réunir tout mes amis : Nyoman et sa famille (restreinte), Ben accompagnée de son épouse et de ses enfants, les ouvriers et leurs épouses, s’ils veulent les amener, Monsieur Wayan, madame Soda. Tous ces gens qui ont œuvré et œuvrent encore pour que mon idée folle voit le jour. J’en fais part à Komang qui, tout excitée, projette l’organisation et compose déjà le menu. Quand elle nous sert et que nous nous asseyons enfin à table, face à face, je tempère son ardeur :
– komang, je sais que tu es une organisatrice hors pair, mais il s’agit d’un repas entre amis, pas d’une réception !
– peu importe François ! Dans mon pays on doit toujours recevoir les gens comme s’ils étaient des rois. Si tu veux je m’en charge !
– je voyais plutôt quelque chose de simple, entre nous. C’est juste que nous serons nombreux, c’est tout.
– justement, tu ne peux pas recevoir les gens comme ça, il faut y réfléchir, ça s’organise un repas pour autant de personne !
– on en reparlera d’accord ?
– d’accord, accepte-t-elle mollement. Nous mangeons un temps en silence, puis soudainement je lui dis :
– tu sais komang, il faut que je t’avoue quelque chose. J’ai peur de ce qui va se passer après. Depuis des mois je suis occupé par ce projet mais maintenant que c’est fini, je n’ai plus rien à faire. J’ai peur de me retrouver désœuvré. Tu t’occupes de tout si bien que tu n’as absolument pas besoin de moi. Je pourrais même te confier la gestion du compte en banque !
– ne dis pas ça François, tu es quelqu’un de formidable. Je ne peux rien faire sans toi. C’est parce que tu étais là tout le temps que j’ai trouvé le courage et l’énergie de faire tout ce que j’ai fait !
– d’abord je n’en crois rien et de toute façon maintenant, tu n’as plus besoin de moi. Tu es parfaite dans ton rôle de Directrice.
– Directrice ? S’exclame-t-elle surprise.
– oui, je viens de te nommer Directrice d’Istana.
– tu peux faire ça ?
-« pourquoi pas ? Je suis le propriétaire après tout ! Je fais ce que je veux ! Donc Madame la directrice, vous n’avez plus besoin de moi maintenant.
Elle est si heureuse que pendant un moment je partage sa joie et je contemple son visage dont le sourire est resplendissant. Je suis heureux pour elle. Cette jeune femme mérite ce qui lui arrive. Elle est compétente et motivée. Son intelligence et sa débrouillardise sont des atouts incomparables pour la résidence et pour moi. Mais ma joie retombe vite. Komang s’en aperçoit et me dit :
– Nous y réfléchirons ensemble si tu veux, je suis sure qu’on peut trouver tout un tas de chose à faire à Bali. Des choses que tu pourras faire. Tu as de l’argent et tu as plein d’idées. Il ne reste plus qu’à chercher. Ne t’inquiète pas, je ne te laisserai pas t’ennuyer ! Et puis tu ne seras jamais seul, je serai toujours là tu peux compter sur moi !
– c’est gentil Komang, vraiment. Ça me touche beaucoup que tu dises ça.
– Je le pense sincèrement François mais ce soir on doit faire la fête ! Il n’est pas question d’être triste ! Si tu mettais de la musique ?
– je ne suis pas sure que ma musique te plaise. J’écoute surtout de la musique classique.
– beurk, laisse-moi faire ! dit-elle et elle sort de sa poche un petit lecteur mp3 qu’elle branche sur la chaine High-tech incluse dans un meuble du salon attenant. Rapidement des rythmes martelés et une mélodie électronique retentissent dans toute la pièce, faisant vibrer les vitres. Komang se trémousse et me tend le bras pour que je la rejoigne mais je décline l’invitation. Là j’atteins mes limites. Danser n’est pas mon fort et ces musiques modernes auraient plutôt tendance à me plonger en état de sidération. Komang s’agite, les bras et les jambes secoués de mouvements frénétiques et cadencés. L’ensemble est harmonieux malgré l’assourdissant vacarme de la musique. Puis, un silence, enfin et une mélodie plus douce se fait entendre. Elle tend une main vers moi, ses yeux de chat plantés dans les mien, et je ne trouve plus de raisons valables de refuser. Je la rejoins au milieu du salon et elle attrape mes bras qu’elle passe autour de sa taille. Son corps presque collé au mien, elle me donne un rythme que je suis de mon mieux. Elle a chaud et son odeur de fleur forte emplie mon nez. Je voudrais l’enfouir dans son cou pour la respirer mais je me retiens. Je bouge, gauche, en essayant de rester concentré sur la danse et non sur la chaleur de son corps qui se propage partout en moi. Elle s’approche encore plus et plaquée contre moi, danse souplement. Mes mains perçoivent la douceur de sa peau sous le tissu de son chemisier et je leur interdit de descendre au dessous de sa taille.
Komang se pend à mon cou, pose sa tête sur ma poitrine, presque à la hauteur de mon épaule. Elle ralenti le rythme et je la sens s’alanguir. Alors je la repousse et je lui dis :
– Il est temps que tu rentres chez toi, demain tu dois être là tôt. Tu as du travail…
– encore un peu s’il te plait. Je n’ai pas dansé depuis longtemps, ça me fait du bien de danser avec toi.
– non komang, je ne peux pas.
– pourquoi, parce que je suis balinaise ?
– oui. Non ! Parce que tu es extrêmement séduisante et que ce n’est pas possible. Je suis trop vieux pour toi et puis je suis ton patron.
J’essais de la repousser sans brutalité, mais elle refuse.
– tu te trompes sur moi, François ; je ne suis pas celle que tu t’imagine. J’ai déjà eu des aventures, tu sais et avec des occidentaux !
– je n’ai rien contre ça, mais moi, je ne peux pas. Je connais toute ta famille. Tu es comme une nièce pour moi, comme une petite sœur !
– je ne te crois pas.
– je t’assure !
– d’accord, alors explique-moi ça, dit-elle en posant la main sur ma braguette rebondie.
– ça c’est mécanique, je n’y peux rien ! Mais ça ne change rien. Je ne peux moralement pas!
– mon œil ! Tu as la trouille !
– s’il te plait komang, arrête ; je ne veux pas. C’est plus clair comme ça, je ne veux pas avoir une relation avec toi parce que c’est trop compliqué et puis je ne suis pas un homme bien. Je ne suis pas bien pour toi.
-«ça, ce n’est pas à toi d’en décider !
– Komang s’il te plait, n’insiste pas !
– D’accord François, mais tu ne sais pas ce que tu perds.
– j’en suis persuadé, mais crois moi, c’est mieux comme ça. Tu veux que je te raccompagne jusqu’au parking ?
Elle semble hésiter.
– ça t’embêterai que je dorme ici. Je serai sur place demain. Je suis loin d’avoir terminé. Il faut vérifier que les véhicules sont réservés …enfin, il y a un million de choses à faire. Je vais perdre du temps à faire le trajet et puis tu as plein de chambre vide.
– oui mais il n’y a qu’un lit et c’est le mien.
– ce n’est pas grave, laisse moi dormir sur le canapé, ça sera très bien.
Tout en parlant, elle a actionné la fermeture des stores qui glissent silencieusement dans leurs rails et occultent la véranda éclairée. Je n’aime pas qu’elle me force la main mais elle répond sans le savoir à l’angoisse qui me tenaillait à la perspective de rester seul dans cette grande maison dont les bruits ne me sont pas familiers. Alors je capitule.
– d’accord mais nous ferions mieux de nous coucher rapidement. Comme tu l’as dit toi-même, la journée de demain va commencer tôt et sera longue, en particulier pour toi.
– oh ne crois pas que tu vas pouvoir rester caché toute la journée. J’ai tout prévu. Tu auras pleins de choses à faire demain crois moi !
Puis, comme la première fois, elle s’approche, vive comme un chat, et pose un baiser sur mes lèvres qui me laisse un gout sucré et une envie terrible de recommencer. Je file dans ma chambre d’où je reviens avec des draps, un oreiller et des affaires de toilettes. Komang me remercie et nous nous souhaitons bonne nuit sur le seuil de la porte. Je file ensuite dans ma chambre où je rouvre le store pour contempler l’océan. Une douche rapide, j’enfile un caleçon par précaution et je me glisse dans les draps frais et lisses. J’éteins la lumière et j’attends que ma vue s’acclimate à l’obscurité. Peu à peu, échappant à la nuit, la lumière de la lune éclaire la chambre d’une lueur blanche qui donne un aspect fantomatique à la pièce presque vide. Dehors les arbres semblent gris dans la lumière forte de la pleine lune. Les palmiers balancent nonchalamment leurs palmes dans la brise douce. J’aimerai sentir sa caresse sur mon visage mais je n’ai pas envie de subir les grésillements des insectes cramés. Il faut encore installer les moustiquaires et les voilages de protection. L’océan oscille entre noir et blanc. Des petites vaguelettes blanches avancent, régulières, et vont mourir sur le sable les unes après les autres aussitôt remplacées par l’eau noire qui les entoure. Je reste longtemps songeur, contemplant le mouvement perpétuel de l’océan et je commence à somnoler quand la porte s’ouvre presque silencieusement. Komang a serré un drap autour de son corps gracile et avance lentement vers mon lit. Ses yeux de chat me fixent, sérieux et graves. Elle reste un temps immobile, comme en suspend puis sans me quitter des yeux, elle laisse glisser le drap, révélant son corps sombre et nu. Elle est splendide ! Je reste sans voix devant toute la beauté qu’elle m’offre. Ses deux petits seins recourbés vers le haut sont surmonté de tétons bruns et pointus dont la simple vision m’affole. J’aimerai poser ma tête sur son ventre et m’endormir au rythme de sa respiration. J’aimerai me noyer dans la senteur de son sexe mais je ne peux pas, il ne faut pas ! Il n’y aucune lueur de victoire dans ses yeux, juste un calme réfléchis qui m’effraie car je ne vais pas pouvoir lui résister, je le sais. Elle se pose à genou sur le bord du lit puis se glisse sous le drap à mes côté et se blottie contre moi. Son corps chaud m’électrise et j’ouvre mon bras pour l’accueillir. Elle pose sa tête au creux de mon épaule et je me dis que si nous en restons là, tout ira bien. Elle reste silencieuse un moment puis de sa voix douce et posée elle dit :
– n’ai pas peur François, je sais ce que je fais ! Je ne suis plus vierge et ma famille n’est pas obligée d’être au courant.
L simple fait qu’elle le précise me fait craindre le pire. Si Nyoman ou Wayan l’apprennent, je risque de me retrouver mis au banc de la société balinaise. Suis-je prêt à assumer ça pour une partie de jambe en l’air ? Mais je n’ai pas le temps de réfléchir. Sa bouche est déjà sur la mienne et sa langue au parfum de menthe fraiche s’insinue entre mes lèvres. Elle les lèche soigneusement comme le joli chat qu’elle est. Je me laisse faire, conscient des affres d’angoisse dans laquelle me plonge cette situation. Ses doux baisers se promènent sur mon visage, couvrent mon front puis mes yeux et mon nez. Ils descendent ensuite sur mon menton, dans mon cou, sur ma poitrine où ils s’attardent sur mes tétons qui réagissent à la caresses en se durcissant. Depuis Chloé, plus personne ne m’avait fait un tel effet. Le contact de ses lèvres est si intense, si brulant, que je halète déjà, anticipant les plaisirs à venir et l’excitation grimpe si vite que je sens mon sexe expulser des petits jets de liquide. Komang descend le long de mon ventre qui se creuse, elle s’attarde autour de mon nombril qu’elle lèche patiemment. Sa main se pose sur ma cuisse et je sens un sein pointu se poser sur ma hanche. Malgré moi, ma main se tend et attrape son visage que je fais remonter jusqu’au mien. Je veux l’embrasser d’abord. Je veux partager ce contact avec elle. Elle s’y prête avec plaisir et nous nous embrassons longuement, emmêlant nos langues qui se découvrent avec passion. Je ne veux pas bouger, je n’ose pas. Je ne veux rien brusquer, rien provoquer. Komang doit le comprendre car elle reprend ses doux baisers qui redescendent inexorablement vers mon sexe qui frémit de l’attendre. Ma main posée sur le lit, saisit presque malgré elle un sein qui passe. Il est doux et rond, petit et pointu. Ma bite se tend si fort que j’ai mal. Je voudrais la libérer du caleçon qui la plaque contre l’élastique et la martyrise mais je renonce et caresse tendrement cette poitrine si menue et si douce qui reste un moment dans ma main. Puis la bouche est sur mon gland et à travers le tissu, je sens son souffle chaud. Ses lèvres me caressent, juste à la base du gland qui palpite et s’agite, impatient de sortir. D’une main délicate elle le libère pour l’emprisonner instantanément dans sa bouche. Sa langue tourne autour et son contact m’excite tant que je ne peux retenir un cri de plaisir et je jouis sans pouvoir me retenir en long spasmes brulant qui libèrent toute la tension qui m’étreignait le ventre. Je la sens avaler le sperme au fur et à mesure qu’il sort et mon plaisir s’en trouve renforcé. Enfin dans un grand soupir, mon corps de détend et la fatigue me gagne. Komang remonte le long de mon corps et se blottie à nouveau contre moi. Je me dis qu’on va peut être en rester là, ce qui serait un moindre mal mais à peine installée, elle prend ma main et la pose sur son sein. Je me tourne vers elle et renonçant au drap qui nous couvre, je la contemple dans la blancheur de la nuit. Sa peau foncée m’émeut. Je regarde ses seins presque adolescents et j’en touche délicatement un téton qui se dresse sous ma main. Ils sont longs, si longs. Ma bouche en cueille un et s’en rempli avec ferveur. Sa peau à un gout de fleur blanche. Je suis sure que si je léchais les pétales du frangipanier ils auraient le même gout que Komang. Je m’attarde longuement sur sa poitrine, incapable de prendre d’initiative. Alors elle me bascule sur le dos et s’assied sur mes cuisses puis elle se penche vers moi pour que je tête ses mamelons juvéniles. Je passe de l’un à l’autre pendant que mes mains les malaxent tendrement. En cet instant je ressens un très fort élan d’amour. Un amour que je n’avais plus ressenti depuis si longtemps. Un sentiment pur et sincère, presque dépouillé d’attirance sexuelle. Je voudrais la tenir dans mes bras tout la nuit et l’embrasser. Dormir avec elle me suffirait mais elle ne l’entend pas ainsi et bientôt, elle me tend un préservatif puis m’aide à me débarrasser de mon caleçon qui s’accroche à mes jambes et rend la tâche difficile. Quand enfin je suis nu, elle prend le temps de me détailler longuement comme je l’ai fait avec elle, et j’aime son regard. Il est indiscret et bienveillant à la fois. Quand elle a finit son inspection, elle me regarde enfiler le latex sur ma queue dressée puis elle s’assied à nouveau sur moi et laisse lentement pénétrer mon membre en elle. Son vagin est étroit et musclé et j’en ressens immédiatement la pression. Elle a juste poussé un petit soupir quand il s’est enfoncé profondément. Maintenant elle est assise dessus et s’y maintient sans bouger. Elle a fermés les yeux et je la vois se balancer lentement pendant que son sexe se contracte régulièrement autour de ma verge. La sensation est si forte que je ne crois pas pouvoir tenir longtemps mais elle suit le rythme de mes gémissements, accélérant ou interrompant les contractions et elle me tient ainsi en haleine. Elle est toujours quasi immobile et seule sa respiration qui s’accélère et ses seins qui se dressent, attestent qu’elle y prend du plaisir. Enfin d’un lent, très lent mouvement du bassin, elle s’étire sur ma queue pour s’y reposer en douceur. Elle réitère le mouvement plusieurs fois et ses soupirs deviennent plus forts et plus soutenu puis dans une puissante contraction musculaire et un dernier va et vient sur mon sexe en feu, elle laisse échapper un souffle rauque et je jouis avec elle. Tout cela n’a duré que quelques minutes et cette rencontre était si délicate, si subtile, que je pourrais presque croire qu’elle n’a pas eu lieu si elle n’était pas encore posée sur mon ventre et si mon sexe ensaché de latex, à peine ramolli, n’attestaient pas que nous venons de faire l’amour.
Cela ne ressemble en rien aux échanges brutaux et explosifs que j’ai eus dernièrement. C’est délicat et doux, comme komang. Elle me relâche et viens s’allonger à coté de moi. Je suis empli d’une joie enfantine. Je suis étrangement heureux. Je n’arrive pas à démêler toutes les sensations qui s’agitent en moi mais la principale reste cette joie sereine que j’éprouve et cet immense élan d’amour que je ressens pour elle. Alors je la serre fort dans mes bras en l’embrassant tendrement. Nous restons très longtemps ainsi enlacé, collé l’un à l’autre, nos bouches communiquant leur plaisir de s’être trouvées. Komang laisse glisser une main délicate le long de mon ventre et me débarrasse du préservatif gluant. Elle en attrape un autre, sans que je comprenne d’où elle les sort. Elle a du les laisser tomber sur le lit en même temps que le drap. Au demeurant ça m’est égal tant qu’elle en a ! Elle le déroule prestement sur ma queue qui durcit aussitôt mais je veux encore l’embrasser, alors je lui enserre les bras et nos baisers reprennent. Finalement elle enroule une jambe autour de ma hanche et m’attire sur elle. Elle a fait ça si vite et si bien que je suis allongé sur son corps sans avoir compris comment elle s’y était prise. Ses jambes écartées m’appellent et je plonge en elle sans réfléchir, avec un bonheur ineffable. Sa chaleur manque me faire jouir immédiatement mais je me retiens en me concentrant sur des pensées désagréables. Ce n’est pas difficile, j’en ai à la pelle. Je bouge lentement. Son petit corps brun et tendu est déroutant et fragile à la fois. Elle est si délicate que j’ai l’impression que je pourrais lui faire mal si je n’y prenais garde. Son souffle s’accélère, parfois traversé d’un petit gémissement et je sens un orgasme magnifique monter en moi. Je le laisse m’envahir en priant pour que son plaisir soit aussi parfait que le mien. Nous jouissons presque en silence. Je veux entendre son souffle rauque presque imperceptiblement ponctué de cris aigus. Je ne veux rien perdre de son plaisir alors, j’éjacule dans un souffle profond. Je retombe sur son corps en prenant garde de ne pas l’écraser et je la serre tendrement dans mes bras la tenant collées contre moi. Nous haletons un moment ensemble et nos yeux ne se quittent pas malgré la pénombre de la chambre. Je n’ai pas été aussi heureux et aussi satisfait depuis si longtemps que je n’arrive même plus à me souvenir d’un tel moment de sérénité. Nous basculons sur le coté et nous nous serrons l’un contre l’autre. Là, nous venons vraiment de faire l’amour ! J’en suis toujours aussi heureux mais la honte s’y mêle aussi. Comment ai-je pu abuser d’elle de cette façon ? Me dis-je soudain, toute sérénité envolée soudainement. Quand je lui fais part de ses sentiments contradictoires, elle a un petit rire puis elle dit :
– crois-tu que tu avais le choix ? Penses-tu que tu aurais pu me résister indéfiniment ?
– komang, tu es si jeune, si innocente ! J’ai vraiment le sentiment de m’être servi de toi.
– François, cesse de me voir comme une enfant. J’ai bien plus d’expérience que tu ne le pense. Tu sais, j’ai fréquenté beaucoup d’occidentaux. Depuis que je suis adolescente, je travaille avec des touristes et ils n’ont pas tous tes scrupules et ta délicatesse !
Je n’ai rien à dire à cela. Elle s’est révélée effectivement bien plus experte que je ne le pensais. Mais pour moi elle reste Komang, la jeune femme enthousiaste et entêtée qui m’a aidé à finaliser mon projet et surtout, la nièce de Monsieur Wayan !
– il faut dormir maintenant, je dis à son oreille pour ne pas troubler le silence de la nuit.
– je peux rester avec toi ? dit-elle en se blottissant contre moi.
Alors je tire le drap sur nos corps fatigués et nous nous endormons aussitôt. Au matin, je suis réveillé par le soleil levant qui a indiscrètement pénétré dans la chambre et éclaire mon lit de toute sa puissante. Komang dort toujours, presque dénudée. A une autre époque je lui aurais fait l’amour pour la réveiller. Aujourd’hui, je la contemple, si belle, si délicate, son torse se bombant doucement à chaque respiration et je me lève furtivement pour le pas la réveiller et pour fuir ce lit dans laquelle les tentations sont trop fortes.
Je me rends dans la cuisine et regarde les stores remonter lentement, découvrant l’esplanade sur laquelle trônera la piscine, la pente douce du jardin à venir qui rejoint le sable blanc si fin, et enfin l’océan, turquoise et limpide. Une vision de paradis. Une vie de paradis entouré de mes amis et dormant dans mon lit, probablement la plus belle jeune femme de Bali.
Comment me suis-je encore retrouvé dans ce merdier ? Je ne peux en aucun cas afficher cette relation à moins qu’elle soit si sérieuse que je sois prêt à l’épouser. Le suis-je ? Je n’en sais rien ! J’ai énormément de tendresse pour elle, de l’amour peut-être. Je ne démêle pas encore les sentiments confus qui m’habitent à son sujet.
Faire l’amour avec elle a été un des grands moments de ces dernières semaines. Je n’avais jamais fait l’amour avec tant de douceur et de plénitude à la fois. Avec Chloé, la passion avait emporté toute retenue et nous avions fusionné dès le premier contact. Depuis, personne n’avait réussi à franchir la barrière de mes émotions si ce n’est pour en révéler les pires. Mais komang m’a cueilli à un moment où j’étais vulnérable et désarmé et j’ai aimé ça ! J’ai aimé ne pas avoir le contrôle, lui laisser le choix, la laisser faire. Mais je ne peux pas continuer. Il faut que je prenne sur moi et que j’y mette un terme ! Je regarde le café couler de la cafetière ultramoderne que Ben a fait venir des Etats Unis quand elle arrive pieds nus, vêtue d’un tee-shirt trop grand qu’elle a du trouver dans mon dressing. Elle s’approche de moi et pose un baiser sur mes lèvres puis elle s’assied à table et attend patiemment que je lui apporte un café. J’ai posé du pain en sachet sur la table dans lequel elle pioche avec appétit. Assis face à elle, je bois à petites gorgées, réfléchissant à ce que je vais lui dire, quand elle me devance :
– je sais à quoi tu penses, et je sais déjà ce que tu vas me dire. Ne t’en donne même pas la peine, c’est non ! Il est hors de question que je te laisse faire n’importe quoi parce que tu as peur de mon oncle ou de mon cousin. Je suis libre, je fais ce que je veux !
– toi peut-être, mais pas moi !
– pourquoi ? Tu as peur d’eux ?
– je n’ai pas peur d’eux mais je n’aimerai pas perdre mes amis.
– ça n’arrivera pas. Je t’aime beaucoup François. Tu ferais certainement un bon mari mais on en est pas là, ma mère ne le permettrait pas. Ils n’ont donc pas besoin de le savoir. Maintenant je dois m’habiller et filer d’ici en vitesse pour finir les préparatifs de la cérémonie. Je vais m’installer sur la véranda du le premier bungalow près du parking. Tu m’y trouveras jusqu’à ce que les premiers locataires arrivent. D’ailleurs, sauf s’ils changent le programme, une bonne partie va arriver par le même bus et je dois vérifier que leurs voitures seront bien sur le parking. Nous avons six bungalows qui se remplissent aujourd’hui. Trois couples et trois familles avec des enfants pas trop petits ! Tu verras, ça va être génial de les regarder arriver ! Ils ne vont pas en croire leurs yeux ! Tu regretterais de manquer ça ! Je viendrai te chercher dès qu’ils approcheront. Il faudra que tu mettes une chemise et une cravate.
– non, pas de cravate ! Hors de question de m’habiller en guignol par cette chaleur et puis de toute façon, je n’en ai pas emmené à Bali.
– c’est faux, je viens de les voir dans ton tiroir à cravate ! Tu oublies un peu vite que j’ai aussi participé à la décoration de cette maison. Tu me sous-estimes François, ça me fais de la peine !
E t sur cette phrase, dite dans un sourire, elle disparait dans la chambre dont elle ressort un quart d’heure plus tard, lavée et habillée de vêtements qu’elle ne portait pas la veille.
– c’était au cas où…dit-elle en ouvrant la porte fenêtre et en disparaissant le long du sentier qui sépare les propriétés. Je vois ses cheveux mouillés, remontés en chignon serré, laisser une trace d’eau sur ses épaules mais je sais que d’ici une heure, tout sera sec. Il est sept heures du matin et le soleil est déjà haut dans le ciel. Je retourne dans ma chambre et je trouve ses vêtements dans le panier à linge. Je ramasse le chemisier et je le respire longuement. J’aime son odeur ! C’est de la folie ! Je le laisse tomber et pose le couvercle de paille tressé pour ne plus le voir. Je retape le lit rapidement, jette les préservatifs et prends enfin ma douche. Quand je sors, frais et habillé simplement, la chambre à l’air neuve. On dirait que personne n’y a dormi, que personne n’y a fait l’amour. J’aimerai que cela ne soit jamais arrivé et en même temps je sais que je ne pourrais jamais oublier cette expérience magique. J’espère sincèrement que notre amitié n’en sera pas affectée.
Peu après, Nyoman arrive et dans un premier temps, j’ai l’impression qu’il sait tout et je n’ose pas le regarder en face. Il est préoccupé je le vois bien. Je m’enhardi à lui en demander la raison, alors il m’explique qu’il vient de se faire engueuler par Komang parce que le bulldozer qui doit creuser ma piscine, arrive aujourd’hui, et elle refuse que le bruit vienne perturber les locataires. J’éclate de rire soulagé et je lui dis qu’il est difficile de traiter avec elle. Il soupire bruyamment :
– qu’est ce que je fais maintenant ? Je le fais repartir ?
– non, qu’il creuse tôt ce matin. Ils n’arrivent que dans l’après midi. Pour les jours à venir, on le fera travailler quand ils n’y aura pas beaucoup de monde. Je sais que Komang a organisé des excursions et des visites, on trouvera des créneaux. On est pas pressé, ne t’inquiète pas. On fera en fonction du planning des locataires, comme ça tu pourras arrêter de trembler devant ta cousine.
– ne te moque pas de moi, s’il te plait. Elle peut être terrible quand elle est en colère ! Je préfère éviter. Après, toute la famille s’en prend à moi. Tu ne connais pas encore mes tantes, en particulier la mère de Komang elle est redoutable !
Le fait que Nyoman redoute la mère de komang me fait craindre le pire. A cette pensée, je sens mon corps se couvrir d’une sueur froide et collante.
– ça ne va pas François ?
– si tout va bien ! Mets le bulldozer en route ! Je vais négocier avec Komang. On va arranger ça !
– ok c’est sympa ; toi elle t’écoutera.
– j’espère, c’est quand même moi le patron ! Non mais !
Et je pars, gonflé de mon importance, la rejoindre sur la véranda où elle a installé une table basse recouverte d’un tissu coloré qui supporte son ordinateur et une coupe de fleurs fraiches.
Dès qu’elle me voit, elle me sourit et la joie qui éclaire son visage me cueille comme un gros coup de poing dans le ventre. Je la regarde un moment, subjugué par tant de beauté et de grâce et elle se laisse contempler, calmement. Cette femme a le chic pour me désarmer !
-« écoute Komang, le bulldozer va commencer tout de suite et il s’arrêtera dès que les touristes arriveront, d’accord ?
Elle lève un sourcil comme si j’avais dit une énormité puis elle baisse gracieusement la tête et son cou long et gracile ploie légèrement sur le coté :
– bon d’accord mais dès que je vous le demande, vous arrêtez tout ! Je ne veux pas qu’ils soient accueillis par le vacarme des travaux !
– ça marche mais je te rappelle quand même qu’il s’agit de ma piscine et que s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à s’en aller. Je n’ai pas besoin d’eux pour vivre !
– Mais moi si et Madame Soda aussi. Tu as mis en place toute une organisation qui vit grâce à eux. Tu ne peux pas tout fiche en l’air sur un coup de tête. Tu as des responsabilités, des obligations même !
Elle retourne à son ordinateur puis à son téléphone portable, comme si je n’étais pas planté comme un imbécile en haut des marches. Je repars, contrarié d’avoir été ainsi mouché si facilement et paradoxalement emplis de fierté qu’une si belle et si intelligemment jeune femme s’intéresse à moi.
Nyoman a donné des ordres et le bulldozer s’affaire déjà à fouiller la terre pour en retirer de pleines pelles d’une terre foncée qu’il pose en tas sur le coté. Je le regarde travailler, imaginant les prémisses de ma piscine grâce au trou qui apparait peu à peu. Je suis heureux. Quand je rentre dans la maison, midi est déjà passé et Komang arrive peu après, porteuse d’un panier dont nous dégustons le contenu avec Nyoman qui nous a rejoints pour se mettre à l’abri de la chaleur et partager notre repas. Le conducteur du bulldozer continu son inlassable labeur tant que komang nous l’autorise. Nyoman ne semble pas étonné de voir sa cousine s’activer dans la cuisine. Il l’y a déjà vu de nombreuse fois. C’est moi qui suis mal à l’aise. Je mange à peine et jette d’incessant coup d’œil à l’un et à l’autre. Komang à l’air parfaitement à son aise et mange de bon cœur. Nyoman me regarde par moment. Il doit se demander ce qui me rend si nerveux. Finalement il dit :
– je suis sur que tout va bien se passer, ne t’inquiète pas. Les bungalows sont magnifiques, la décoration est luxueuse et komang gère tout ! Ils ne vont pas en revenir quand ils vont voir la réception qu’elle leur a préparée.
– quelle réception ? Je m’exclame momentanément détournée de mes tourments.
– François nous avons parlé hier matin tu as oublié ?
– non mais je croyais qu’on avait dit qu’on ne faisait rien !
– non tu as dit que tu n’en voyais pas l’intérêt ! Mais je te rappelle que tu m’as nommée Directrice d’Istana. Alors il y a une réception ! Elle aura lieu à cinq heures sur la plage au coucher du soleil. Ne t’inquiète pas tout est prêt !
Nyoman éclate de rire et ajoute :
– c’est qui le patron ?
– va travailler toi, au lieu de te moquer de moi ! Dis-je en fuyant la cuisine sous les rires complices des deux cousins.
Je me repli dans la bibliothèque, vexé mais amusé. J’envois un long mail à Martin pour lui raconter les péripéties de l’ouverture de la résidence et j’espère qu’il me répondra.
J’ai beaucoup pensé à ma famille ces derniers temps. A ma mère, puisqu’il ne me reste plus qu’elle. Je sais qu’elle est en Suisse dans un établissement luxueux où elle reçoit des soins de beauté. Je risque de la retrouver rajeuni de vingt ans si jamais je la revois un jour. Elle est venue à la mort de mon père pour percevoir sa part d’héritage. Elle était blonde et bronzée. Un bronzage trop parfait pour être naturel. Elle est passée, vaporeuse et affairée. Elle a signé les documents qu’on lui a présenté après les avoir parcouru attentivement puis elle a disparu dans un nuage de parfum capiteux, pressée, comme à son habitude. Depuis, plus de nouvelle ! Elle se refait une santé dans les Alpes ! Je me demande comment elle peut s’user la santé en ne faisant rien de ses journées. Mais c’est une éternelle question. Quand je l’idolâtrais encore, je trouvais son mode vie tout à fait normal. Adolescent j’étais jaloux que mes copains la désirent. Je me suis battu plus d’une fois à cause d’elle et de ses décolletés plongeants, mettant en valeur ses superbes seins siliconés par les meilleurs plasticiens de la planète. Quand je suis rentré en France, face à son silence prolongé, la haine est devenue ma compagne quotidienne, lentement remplacée par de l’indifférence. Ces dernières années j’en étais arrivé à l’oublier totalement. Cette femme ne faisait plus partie de ma vie. Et puis je suis devenu père et même si je suis un père sans enfant. Des souvenirs heureux de ma mère ont ressurgis parce qu’il y en a tout de même eu ! Des fous rires, quand elle m’accordait son attention, des nuits passées dans son lit quand j’étais malade, collé contre son corps rassurant, des sorties délirantes où rien ne s’interposait entre elle et ce qu’elle désirait. Une fois, elle a fait fermer un immense magasin de jouet en plein New-York pour que je puisse jouer toute l’après midi. J’en suis ressorti, suivi d’une armada de groom, portant des dizaines de sacs. Ma chambre ne pouvait tout contenir et ma mère a du louer une suite supplémentaire pour la transformer en salle de jeu. Elle était capable du meilleur comme du pire. Moi j’aimerai être un père raisonnable. Un père qui apprend les valeurs à son fils. J’aimerai être un père ! Un père qui a un enfant, pas une chimère !
Le soleil décline quand mon téléphone sonne. Les locataires sont arrivés depuis déjà un moment, mettant un terme aux travaux d’excavation. Komang qui me somme de me presser. Elle me rappelle de mettre une chemise et une cravate. Je file dans mon dressing et choisi un jean et une jolie chemise kaki à manche courte qui me donne un air de baroudeur. Tant pis pour la cravate, elle ne pourra pas m’engueuler devant tout le monde et je fonce à la résidence.
Sur la plage des tables basses ont été disposées, couvertes de nappes colorées et chatoyantes et de vaisselle luxueuses. Des coussins marquent la place de chacun. Devant chaque table, dans un seau à champagne planté dans le sable, rafraichit une bouteille. Des torchères parsèment la plage de pars en pars. Tous les bungalows sont éclairés pour que la résidence resplendisse et j’avoue que je suis ébahi par le résultat. Elle a eut raison d’organiser ça à la tombé de la nuit. Le soleil couchant est majestueux et les résidents qui arrivent peu à peu, sortant de leurs bungalows, s’extasient devant le spectacle magique qui s’offre à eux. Komang qui sait que les moustiques vont attaquer dès que la nuit sera tombée, presse le personnel embauché pour l’occasion de servir le repas de bienvenue. Les plats se succèdent rapidement, les voyageurs ont faims et sont ravis de cet accueil. Komang me fait faire le tour des tables, me présentant aux uns et aux autres comme si elle les connaissait depuis longtemps. Les gens sont enchantés et le manifestent. Komang se pend à mon bras comme une maitresse de maison soucieuse du bien être de ses invités. Alors que le soleil disparait dans la mer comme si l’eau sombre l’éteignait soudainement et que les vacanciers poussent un soupir d’émerveillement, le repas s’achève sur un toast porté aux premiers résidents d’Istana. Un dernier tour de table et Komang me libère enfin de mes obligations de maitre des lieux. Elle reste sur place pour superviser le rangement pendant que je file me réfugier dans ma maison dont j’apprécie soudain la solitude. Je consulte mon ordinateur : martin m’a répondu. J’en suis si heureux que je m’enhardi à lui raconter ma récente paternité et les angoisses existentielles dans lesquelles elle me plonge. Je poste ma réponse au moment ou Komang arrive. Elle exulte.
– tu vois, je t’avais dit qu’il fallait les accueillir. Ils étaient ravis, ça va nous faire une pub fabuleuse ! Tu verras, on va refuser du monde à toutes les saisons ! C’était une idée fantastique de transformer cette vielle location en résidence de luxe, François tu es un génie ! dit-elle en se pendant à mon cou.
Elle m’embrasse fougueusement et je ne peux que lui répondre tant sa joie est communicative. Elle déboutonne déjà ma chemise quand je prends conscience que les stores sont ouverts mais elle ne veut pas me lâcher alors je dois la porter pour actionner l’interrupteur. Elle reste accrochée à moi, ses jambes autour de mes hanches, pendant que les volets roulants nous masquent de la plage. Quand ils sont enfin descendus, je m’autorise à un peu plus de spontanéité et je glisse mes mains sous son chemisier sévère. Ses seins se posent dans ma main et je sais que je ne pourrais plus jamais lui résister. Je la porte jusqu’à ma chambre où je l’allonge sur le lit. Elle se dévêt fébrilement et je peux enfin la contempler nue. Sa splendeur me noue le ventre. Sa peau chocolatée m’attire irrésistiblement et je lui lèche le ventre avec un plaisir heureux puis après l’avoir longuement regardée dans les yeux pour obtenir son approbation, je descends ma bouche vers son sexe. Ses jambes s’écartent et me laisse embrasser sa vulve palpitante. Un long soupir, presque un gémissement, accueille mes baisers et ses jambes s’ouvrent encore plus, me laissant l’accès libre. Je prends mon temps. Ma langue hésitante se fraie un chemin jusqu’à son bouton sombre dans un silence inquiétant. Quand enfin elle s’y pose, une longue plainte sort de sa gorge. Je m’arrête sidéré mais ses mains saisissent ma tête et me pressent de continuer. Alors je suce son précieux clitoris et la plainte reprend de plus en plus soutenue, de plus en plus saccadée pour finir dans un cri rauque et profond de plaisir presque immédiat. Il dure longtemps et son corps s’agite sur les draps blancs pendant un long moment. Quand il s’arrête, je m’allonge à coté d’elle et je m’aperçois qu’elle pleure alors je la prends dans mes bras et je la serre longuement pour la consoler. Elle se calme enfin et je lui demande si elle va bien.
– c’était magique François. C’est la première fois que c’est aussi bon !
– ça ne te faisait pas ça avant ?
– jamais comme ça !
– pourtant la nuit dernière tu as jouis quand on a fait l’amour ?
– je le croyais…c’était très bon, mais pas comme ça ! C’est fabuleux ! Il faut que tu recommence ! Je veux recommencer tout de suite !
– hé ! Laisse-toi un peu de temps ! On va recommencer ne t’inquiète pas mais laisse moi profiter de ce moment.
– pourquoi veux-tu en profiter ? dit-elle en se redressant sur un coude pour me dévisager comme si ma question était incongrue.
– parce que je suis heureux, je lui dis dans un souffle.
Alors elle prend mon visage à pleine main et m’embrasse passionnément.
– merci François ! Merci de te soucier de moi. Tu es le premier homme qui le fait et ça me fait vraiment du bien !
– je suis heureux que tu ais aimé. Tu es merveilleuse, je dis sans réfléchir tant je suis submergée par des émotions que je ne connaissais pas jusqu’alors, tu es ma princesse balinaise.
Elle me regarde intensément puis dans un murmure elle dit :
– je t’aime…
Je ne réponds rien. Je ne sais pas quoi dire. Je suis bouleversé et totalement perdu, alors je redescends lentement vers son sexe et ses yeux se ferment, attendant le plaisir. Je la lèche à nouveau en prenant tout mon temps et rapidement la plainte reprend plus fort, plus assumée, je fais durer son plaisir le plus longtemps possible mais elle est réactive et elle part dans un long cri. J’aime sa fente brune. Ses lèvres foncées cachent un bouton d’un rouge sombre. Elle est magnifique ! Cette femme est magnifique mais je ne sais pas si j’ai le droit de l’aimer. Ma vie est si compliquée !
Komang, consciente de mon trouble, m’attire à elle et déroule un préservatif sur ma queue. Elle s’installe rapidement dessus comme la veille et s’apprête à recommencer ses contractions et ses longs mouvements qui m’ont donnés tant de plaisir la veille mais je veux autre chose. Je veux que ça lui plaise. Je la laisse faire un moment, laissant monter mon plaisir sans le laisser m’envahir puis je l’arrête et l’attrapant à bras le corps, je l’allonge sur le lit, toujours planté en elle. Elle soupire et m’embrasse tendrement. Je voudrais que nos bouches ne se séparent plus jamais mais je sens sur ma poitrine la douce caresse de ses tétons dressés. Je m’arrache aux plaisirs de ses baisers brulants pour venir en téter la pointe avec délectation. Peu à peu, Komang se détend et ses gémissements m’encouragent. Je m’attarde longuement sur ses seins dont la sensibilité pourrait être la clé de son plaisir. Je bouge lentement en elle, si lentement que le mouvement ne me demande qu’une simple petite pression du bassin mais cela ne semble pas lui faire autant d’effet que je l’aurai souhaité. Alors, je ressors légèrement et je masse l’entrée de son vagin avec mon gland plastifié et soudain les gémissements s’intensifient. Je suce, je masse, je suis partout, attentif à chaque inflexion de sa voix qui chante par moment puis s’interrompt soudain. La nuit est longue, nous avons tout notre temps ! Ressortant mon sexe, j’en caresse son clitoris doucement. La réaction est immédiate. Elle se cambre et geins plus fort. Je réitère ma manœuvre, introduisant à nouveau ma queue à l’orée de son vagin, je reprends mon délicat massage. Durant de longues minutes, j’alterne jusqu’à ce que soudain, le gémissement s’intensifie quand je la pénètre. Prenant garde à rester à la périphérie sans jamais m’enfoncer profondément en elle, je continue, surfant sur la vague de son plaisir qui monte lentement. J’aimerai la rejoindre mais le préservatif rend le contact peu stimulant et mon gland, bien qu’excité, ne suffit pas à me faire jouir. Quand Komang part dans un gémissement profond, je la lutine longuement jusqu’à ce ses cris rauques s’éteignent doucement alors je m’enfonce en elle et en quelques coups de reins, je jouis moi aussi, heureux de lui avoir procuré ce plaisir. Comme la veille, nous nous endormons, enchâssé l’un dans l’autre.
Nous sommes réveillés par le bulldozer qui s’active devant la maison. Komang se redresse d’un bond et dit :
– merde, merde, merde ! Nyoman ! Il doit être déjà là ! François, qu’est-ce que je fais ? Je suis un peu hébété. J’ai du mal à émerger mais je la sens si tendue à mes côté que je me lève et m’habille machinalement. Cela me permet de réfléchir.
– écoute, il y a beaucoup de chose à faire dans les chambres du fond. Tu n’as qu’à t’habiller et t’y rendre. Je vais t’ouvrir les volets du jardin. Nyoman ne verra pas de raison pour que tu ne me donnes pas un coup de main pour la déco.
– oui mais François, si tous les volets extérieurs sont fermés, comment suis-je rentré chez toi ?
– Komang, je t’avais dit que ce n’était pas une bonne idée ! Je ne sais pas moi ! Laisse-moi réfléchir, et d’abord viens m’embrasser !
Elle se colle à moi et ses lèvres chaudes me font instantanément bander. Ça la fait rire, pas moi. Mais nous n’avons pas le temps pour ça.
– va dans une des chambres ! J’ouvre tous les stores, tu te glisses dehors et tu reviens par le devant de la maison, comme si tu arrivais des bungalows.
– ouais, c’est pas génial mais ça peut marcher…
– sauf si tu veux passer la journée enfermée dans mon dressing ?
– pfff, j’y vais ! Assure-toi qu’on ne me voit pas avant d’ouvrir !
Elle traverse le jardin intérieur en courant et je referme les stores derrières elle dès qu’elle a pénétré dans l’aile Est de la maison. Ensuite, j’actionne l’ouverture des stores extérieurs qui remonte silencieusement, révélant un soleil déjà très haut et un Nyoman attentif aux allers et venues du bulldozer. Il se retourne malgré le bruit. Peut-être a t’il saisit un changement de couleur ou d’éclairage et il grimpe le tertre de terre meuble pour me rejoindre sur la véranda.
– ca avance bien ! Dis-je autant pour faire la conversation que parce que je suis époustouflé par le travail accompli par le bruyant engin.
– oui, le trou devrait être fini ce soir ou demain. Cela va dépendre du temps que nous laisse komang. Au fait tu ne l’a pas vue ? Elle n’a pas dormi chez elle depuis deux nuits et sa mère s’inquiète.
– non, pas depuis hier soir. A ce propos, la réception était magnifique et les gens ont adorés ! Après elle est resté pour aider à tout ranger. Tu sais comme elle est perfectionniste ! Elle a probablement dormi dans un des bungalows vide pour être tôt sur place. Tu veux un café ?
Je m’en veux terriblement de mentir à mon ami mais je ne suis pas assez sur de mes sentiments pour Komang. Tout ça est allé trop vite ! Je rentre dans la cuisine ou j’écoute le joyeux bruit du percolateur qui nous délivre un délicieux café. Pendant que nous le buvons, Komang arrive. Ses vêtements sont un peu froissés et une tache de nourriture dépare son joli chemisier blanc.
– tu as dormi ici ? lui demande Nyoman.
-non, bien sur que non ! s’écrit-elle en prenant un air outré.
– tu n’as pas dormi dans un des bungalows comme nous l’avions convenu hier soir ? je lui dis, lui tendant la perche.
– oui, bien sur que oui ! s’écrit-elle avec un peu trop d’enthousiasme et un sourire forcée apparait sur sa jolie bouche.
– Mama Ged, est très inquiète ! Elle ne t’a pas vu depuis deux jours. Tu devrais rentrer chez toi te changer, tu reviendras plus tard ! lui dit Nyoman d’un ton légèrement paternaliste.
– je t’interdis de me donner des ordres ! Tu n’es pas mon père, ni mon mari ! Et Mama devrait arrêter de s’inquiéter pour moi. Je suis grande et j’ai un travail. J’ai dormi ici parce que j’ai terminé tard ! demande à François si tu ne me crois pas !
Devant sa colère, Nyoman qui lui a parlé durement, bat en retraite et conclu plus gentiment :
– d’accord komang, préviens juste Mama quand tu ne rentres pas. Tu sais comment elle est. Elle est venue me voir ce matin à peine le soleil levé et elle a réveillé toute la maison.
J’ai envie de rire mais devant leurs mines inquiètes, je me retiens. Mama Ged doit être redoutable pour qu’il soit tous si déférant avec elle. Komang file le long de la véranda sans un au revoir, et sa mobylette retentit peu après. Nous restons un moment silencieux puis je me risque à demander à Nyoman pourquoi ils craignent tant la mère de Komang.
-«tu sais chez nous les familles sont très hiérarchisées. Mama Ged est veuve et c’est l’ainée de la famille alors c’est elle qui commande. Komang veut être indépendante mais ça n’est pas aussi simple qu’elle le dit. Si ça mère le lui impose elle devra se marier. D’ailleurs elle a déjà choisit un époux pour Komang mais elle l’a déjà refusé deux fois. Bientôt elle aura passé l’âge de se marier et plus personne ne voudra d’elle. Ici, ce n’est pas très bien vu de ne pas avoir de mari. On considère mal les femmes qui restent célibataires. Komang devra se soumettre tôt ou tard à la volonté de sa mère.
– et c’est qui ce mari ?
– c’est un homme du nord qui possède une entreprise de menuiserie. Il a déjà été marié mais sa femme est morte. Il a deux enfants assez jeunes. C’est pour ça que Komang ne veut pas de lui. Elle ne veut pas élever les enfants d’une autre et puis elle le trouve trop vieux.
-« ah bon, mais quel âge a-t’il ?»
-« il doit avoir trente ans » je me sens ridiculement vieux tout d’un coup, du haut de mes quarante deux ans ! Comment peut-elle vouloir de moi et refuser un jeune homme qui a dix ans de moins que moi ?
– tu trouves que c’est vieux toi ?
– tu sais, j’ai vingt cinq ans et j’ai déjà quatre enfants. Mon épouse en a vingt deux. Alors trente ans, ça parait pas tout jeune.
– mais vous devez me voir comme un vieillard ?
– non, toi c’est différent, u es occidental. Tu n’as pas d’âge…
– comment ça je n’ai pas d’âge ?
– c’est juste que ça n’a pas d’importance. Tu ne va pas te marier avec une fille d’ici, c’est tout. Alors ton âge n’a pas d’importance.
– Ah bon ? Pourquoi je ne pourrais pas épouser une fille d’ici ?
– parce que tu ne peux pas, c’est tout !
– pourquoi ? je m’entête.
-« c’est comme ça ! S’agace mon ami, ça ne s’explique pas. Tu n’es pas d’ici, c’est tout.
je retiens la colère et l’humiliation que je sens m’envahir et je tente une autre approche :
– et Ben alors ?
– Ben c’est différent. Il est arrivé ici très jeune et il a le même âge que son épouse et puis tu sais, elle est d’Ubud, mais elle ne voit plus jamais sa famille. Elle a été reniée par toute sa communauté. Elle est toute seule et c’est très dur pour elle ! Sa famille ne connaitra jamais ses enfants !
– Toi, tu l’as bien acceptée ?
– oui mais elle ne fait pas parti de ma famille ! C’est plus facile !
– vous êtes très sectaires en fait !
– non ce sont nos tradition, c’est tout. On ne peut rien contre ça et Komang ferait bien d’y faire plus attention !
Sur ces paroles alarmantes, il se lève et descend tranquillement jusqu’au terrassement pour parler au conducteur qui s’est arrêté un moment pour regarder l’avancé de l’excavation.
Je regrette d’avoir cédé à Komang et en même temps je suis révolté qu’on l’oblige à épouser un homme qu’elle n’aime pas et qui est plus âgé qu’elle. Puis je me dis que moi aussi j’ai un enfant. Komang le sait mais comme je ne l’ai jamais vu, elle ne doit pas s’en soucier.
Durant toute la matinée, je réponds à des mails, en particulier à Martin qui me presse de lui en raconter plus sur Chloé et m’informe que sa procédure d’adoption va peut-être aboutir et qu’il en est heureux. Il m’incite, comme mes avocats, à faire valoir ma paternité sur mon fils.
J’y réfléchis depuis déjà un moment mais je n’arrive pas à me résoudre à entamer la procédure. Je sais que Chloé le prendra très mal et je ne veux pas forcer cet enfant à me connaitre s’il est heureux avec son nouveau père. Quand je pense à lui, j’arrête soudainement de penser à moi. Je veux ce qui est le mieux pour lui et si Chloé pense que c’est Steve et une vie à New York, je n’ai pas le droit de m’interposer.
Ma relation avec Komang risque d’être compliquée mais nous pouvons peut être y arriver. Toutes ces semaines passées à travailler côte à côte nous ont rapprochées et une complicité très forte nous unissait déjà avant que nous fassions l’amour ensemble.
Depuis deux jours, nous concrétisons quelque chose qui existait depuis longtemps. Et puis, faire l’amour avec elle est si sublime et promet de le devenir encore plus ! Comment pourrais-je renoncer à une femme comme elle ? Mais je la laisserais libre de choisir. Je ne veux pas la mettre en difficulté avec sa famille.
J’en suis là de mes réflexions, quand le téléphone sonne. C’est Sonia !
– allo Jeff ?
– oui Sonia, que se passe-t-il ? Mon ventre s’est noué en reconnaissant le numéro de téléphone et il se serre encore plus en entendant sa voix. J’appréhende ce qu’elle va m’annoncer.
– Je voulais te prévenir que Chloé rentre dans une semaine. Elle souhaite te parler. Elle sera là mardi prochain. Elle préférerait venir te voir chez toi si c’est possible.
Je reste sans voix. Chloé, j’avais renoncé à elle et elle réapparait. Qu’elle horrible nouvelle sera-t-elle encore porteuse ? Et soudain la solution s’impose à moi :
– non, je ne veux pas la voir ! Dis le lui s’il te plait Sonia. Je ne veux plus jamais la voir ! Ni elle ni son fils ! J’ai renoncé à exiger un test de paternité alors que j’aurai pu. J’ai respecté ses choix alors, dis lui que je ne veux plus jamais la voir ! Que je ne veux plus jamais entendre parler d’elle !
Et je raccroche. Je me dis qu’elle va rappeler immédiatement, mais le téléphone reste silencieux. Je tourne en rond dans la bibliothèque comme un animal en cage. Au bout d’un moment, à bout de nerf, j’enfile un maillot – fini les baignades à poil – et je fonce jusqu’à l’océan où je plonge résolument et m’éloigne de la cote d’un crawl rapide. Il faut que je m’épuise, il faut que je fatigue mon corps au point que mon cerveau tétanisé ne puisse plus penser. Malgré la nage rapide et les vagues inhabituelles qui me bousculent fréquemment, ma tête ressemble à une cocotte minute dont on n’aurait pas enlevé la soupape ! Maintenant que je commence à trouver un équilibre, elle débarque à nouveau dans ma vie ! Elle veut me parler mais je n’ai rien à lui dire ! Je mesure à quel point elle m’a fait souffrir ces derniers mois et je réalise que même si je me suis souvent mal conduit avec elle, je ne lui ai jamais rien fait de comparable. Je ne lui ai pas caché l’existence de son enfant. Je ne l’ai pas emmené loin d’elle pour épouser quelqu’un d’autre sans lui laissé d’alternative. J’ai été inconséquent, exigeant, possessif, parfois violent, mais rien de comparable à ce qu’elle m’a fait par la suite. Elle sait que je l’aime toujours…que je l’aimais…et elle en a abusé. Elle a fait l’amour avec moi alors même qu’elle était avec son fiancé ! Quoi qu’elle se dise pour se trouver des excuses, c’est elle qui s’est conduite comme une garce ! Moi, j’ai fait du mal à Marie et je m’en suis excusé dans une longue lettre mais Chloé ne m’a jamais plus donné de nouvelle après le matin où je l’ai vu à l’hôpital. Plus jamais ! Elle est partie, c’est tout ! Pas de nouvelles, pas d’excuses ! Un silence insupportable qu’à apaisé Sonia en me donnant enfin des explications. J’ai jugulé la colère et la haine qui germaient en moi après le séjour à Ubud mais ce coup de fil vient de les réactiver. C’est elle qui devrait me laisser tranquille !
J’ai nagé si loin que ma maison ressemble à une miniature, mais je suis si en colère que mon corps est loin de l’épuisement. Cependant l’expérience cuisante de ma dernière baignade au large, m’incite à la prudence. Je rentre en nageant vigoureusement et je m’affale finalement sur le sable sous le regard inquiet de Nyoman qui a suivit mon périple du bord de l’eau.
– ça va ? tu ne devrais pas aller aussi loin, le courant peut être très fort et parfois il y a des requins.
– ça va Nyoman, ne t’inquiète pas. J suis un excellent nageur ! D’ailleurs regarde, je suis là ! J’avais juste besoin de me changer les idées. Je viens d’avoir une nouvelles contrariante et j’avais besoin de faire le vide.
Nyoman ne dit rien. Il n’est pas dans ses habitudes de poser des questions indiscrètes. Il me connait maintenant, il sait que si je veux lui parler, je le ferais. Je laisse le soleil me réchauffer un moment puis sa brulure devient cuisante et je me réfugie dans la fraicheur de la maison. Il faut que je bouge. Il faut que je me soustraie à l’éventuelle venue de Chloé. Parce qu’elle viendra ! Je ne pourrais pas l’en empêcher ! Si elle a décidé de me parler, elle viendra malgré ma déclaration à Sonia. J’ai quelques jours devant moi. Je dois trouver une solution !
Je grignote quelques restes. Komang n’est pas venu avec mon habituel panier et madame Soda doit être trop occupée avec les nouveaux arrivants pour penser à moi. Je m’habille et utilisant le petit portail, arpente un moment la plage. Les six bungalows sont ouverts et des serviettes colorées sèchent déjà sur les balustrades. A cette heure de la journée où le soleil est au zénith, tout le monde est au frais à l’intérieur. Il ne reste rien de la somptueuse installation de la veille et j’ai une pensée ému pour Komang et son organisation rigoureuse. A ce moment là j’entends sa mobylette stopper sur le parking. Mon cœur bat plus vite et quand elle apparait en haut de l’allée, j’ai envie de courir pour la serrer dans mes bras et me réfugier dans son odeur sucrée. Mais je n’en fait rien. Nyoman est tout près et après la conversation de ce matin, je vais devoir redoubler de prudence. Elle m’aperçoit et me fait un petit geste de la main, un salut joyeux. Je la regarde s’avancer vers moi et une certitude s’installe enfin : je l’aime. Je l’aime vraiment. Ce n’est pas une passade, un caprice ou une folie passagère. Je suis amoureux de cette somptueuse jeune femme qui a dépassé tous ses tabous et tous les interdits de sa famille pour être avec moi. Je m’avance vers elle et je vois de l’amour dans ses yeux quand elle est proche de moi. Nos corps aimeraient se toucher mais ils ne le peuvent alors nos yeux se parlent, nos yeux s’aiment et se le disent. Finalement, je lui dis :
– Komang, il faut que je te parle. Pas ici et pas maintenant mais quand tu auras du temps. Il faut que nous ayons une conversation importante. J’ai besoin de ton aide pour résoudre un problème. Tu pourras passer plus tard ?
– oui je viendrai ce soir. Dit-elle calmement ; je t’aime, ajoute t’elle à voix basse.
– moi aussi, je réponds dans un murmure, et devant son sourire éclatant, le poids qui s’était posé sur mes épaules disparait en un instant. Je voudrais l’enlacer, là devant tout le monde ; devant Nyoman et toute sa famille mais je me retiens et me contrains à faire demi tour et à la laisser à ses occupations. De nouvelles familles doivent arriver demain et elle souhaite, comme pour les premières, que leur accueil soit parfait. Je retourne chez moi mais le désœuvrement me pèse tant que je grimpe dans ma voiture sans destination précise. Dans ces cas là, j’atterris toujours à Denpasar. Malheureusement monsieur Wayan est sorti alors je pousse jusqu’à la librairie que je pense trouver fermée. Etonnement les papiers collés sur la vitrine ont été enlevés, et une jeune femme se tient debout derrière le comptoir. Je pousse prudemment la porte et après lui avoir dit bonjour en français, je lui demande si Marie Sansterre est là. Elle me dévisage puis dit :
– vous êtes François ?
– oui, c’est moi…je réponds surpris et un peu sur la défensive.
– elle savait que vous viendriez.
– elle est toujours en France ?
-«non elle est là. Ne bougez pas. Je vais voir si elle veut vous parler, et elle s’éloigne en chaloupant dans sa longue jupe à volant. De dos, on dirait Marie, la ressemblance est saisissante ! Je l’entends monter les escaliers qui grincent malgré son pas léger puis je saisis des murmures de voix indistincts. Des pas se rapprochent et l’escalier signale la descente de deux personnes. La jeune femme s’efface et rejoins le comptoir, me laissant face à une Marie dont les cheveux attaché en queue de cheval, marque le visage vieillit et triste.
– je savais que tu finirais par venir alors autant en terminer tout de suite…
– veux tu que nous allions parler ailleurs ?
– certainement pas ! Virginie peut tout entendre, je lui ai tout raconté.
– j’espère que tu as reçu ma lettre…
– oui elle est arrivé, mais ça ne change rien !
– je sais Marie. Je suis juste venu te présenter des excuses de vive voix. Ma lettre était le seul moyen que j’avais de te dire à quel point j’étais désolé mais je voulais que tu l’entendes de ma bouche. Je suis navré de tout le mal que je t’ai fait. Je ne me chercherai aucune excuses parce que je n’en ai pas. J’ai été odieux avec toi, je t’ai maltraité. Je ne voulais pas ce qui est arrivé mais j’ai vécu le weekend à Ubud dans un état second. J’en suis encore vraiment désolé. Je ne peux pas réparer ni effacer tout ce qui s’est passé entre nous et j’ai vraiment honte. Je voulais que tu le sache. Pardon encore mille fois Marie. J’espère que tu trouveras le bonheur avec quelqu’un qui te mérite.
Je m’apprête à sortir quand elle m’apostrophe :
– et c’est tout ! Tu espère t’en sortir comme ça ? Quelques excuses et tu t’en va ! Mais je ne t’ai pas encore dit tout ce que j’ai à te dire, moi ! Je ne t’ai pas encore dit à quel point tu es un salaud, une ordure, un enfoiré ! Je t’avais prévenu que je ne voulais pas m’engager et tu m’as embobiné avec tes belles promesses d’une relation sans attache et sans difficultés. Au final, tu m’as pratiquement violée et à plusieurs reprises ! Et tu as baisé cette petite pute sur la terrasse d’à coté ! Parce que je vous ai vu et je vous ai entendu aussi ! Tu es un pervers, un malade ! Steve avait raison de vouloir te faire interner et je regrette que tu ais réussi à sortir. Tu aurais du rester dans une cellule où tu n’aurais jamais plus fait de mal à personne parce que tu es nuisible, tu es néfaste ! Je te hais de toutes mes forces !
– tu sais ce que l’on dit de l’amour et de la haine, Marie, qu’ils partent du même sentiment ! Sur ce, je pense que nous nous sommes tout dit ! Je te souhaite d’être heureuse ! Et je sors sur un « connard !», avant qu’elle ait le temps de reprendre sa diatribe.
Même si je ne peux que lui donner raison sur le fond, je n’ai pas envie de continuer à me faire insulter. Je retourne chez Monsieur Wayan et passe devant le salon de massage. A cette heure de l’après midi, le rideau masque à peine une lourde porte en bois foncée entièrement sculptée à laquelle je n’avais jamais prêté attention. Les scènes érotiques finement ciselées sont suggestives bien que minuscules. Des hommes masqués aux sexes démesurés manipulent des femmes agiles et dociles qu’ils empalent sur leurs membres dans des positions complexes et irréalistes. J’en étudie quelques unes pour m’en convaincre quand je suis interpellé par Monsieur Wayan. Un peu gêné d’être ainsi surpris en pleine observation d’un érotisme débridé, je lui demande s’il avait déjà remarqué ces sculptures. Un fin sourire se dessine sur son visage généralement expressif et il répond :
– la porte n’est pas la partie que je préfère dans ce salon. Les pièces de massages sont très agréables, ajoute t’il avec un clin d’œil entendu. Je pourrais nier y être jamais allé, où abonder dans son sens, mais je préfère changer de sujet :
– je me rendais chez vous justement. Je voudrais vous parler.
– avec plaisir mon cher François. Vous savez que vous êtes toujours le bienvenu.
Il me précède dans la rue, se faufilant adroitement dans la circulation dense de l’après midi, dans l’effroyable tintamarre incessant des klaxons et des moteurs décatis et nous trouvons refuge dans la fraicheur relative de son officine. Là, enfin assis, je me demande comment aborder mon problème. Je ne peux lui parler de Komang mais je peux lui parler de Chloé et de mon besoin de m’éloigner un temps, combiné à mon envie de monter un nouveau projet.
– vous vous souvenez de mes problèmes récents avec Steve Russel. Face à son signe de tête, je continue. Il est parti au Etats Unis se marier avec une femme qui se trouve être mon ex-fiancée. Je les ai laissé partir et n’ai rien fait pour les retrouver malgré mes sentiments pour elle, parce que je ne pouvais passer ma vie à espérer qu’elle me revienne. Elle l’avait choisit. L’affaire été réglé. Puis j’ai appris qu’elle avait un fils de cinq ans qui s’appelle François. La coïncidence était trop grande pour que je ne fasse rien. Je me suis donc renseigné, et il s’agit bien de mon fils. Toutefois, pour les mêmes raisons qui m’ont poussé à la laisser s’en aller, je n’ai pas entamé de procédure de reconnaissance en paternité ce que j’aurai pu faire sans difficulté. Maintenant, j’apprends qu’elle revient dans une semaine et qu’elle veut absolument me voir.
– vous devez être enchanté, dit-il en me dévisageant comme s’il lisait mon visage.
– et bien non justement ! J’aurais aimé l’être, mais ça n’est pas le cas ! Je ne veux plus la voir. Mes sentiments pour elle ont changés quand je me suis aperçu qu’elle m’avait menti et je veux me tenir loin d’elle le plus longtemps possible. D’autre part, comme vous le savez, la maison est pratiquement terminée, la résidence tourne bien. Nyoman est Komang ont fait un travail remarquable ! Mais moi, je n’ai plus rien à faire.
– en quoi puis-je vous être utile ?
– je ne sais pas. Je me suis dit que parler avec vous m’aiderai peut-être à y voir clair. J’ai besoin d’une activité. L’autre jour je plaisantais avec komang qui disait que la résidence était réservée pour des mois, et j’ai suggéré de l’agrandir. Mais c’était une plaisanterie. Maintenant je m’interroge, est-ce que cela serait un si mauvais projet ?
– dans l’absolu non. Mais dans la pratique je ne vois pas comment vous pourriez faire !
– il me semble que le terrain à droite du mien grimpe sur un plateau en falaise. Je n’y suis jamais all, mais je n’y ai pas vu de rizières ni d’habitations. Pensez vous qu’il serait possible d’acheter ce terrain et de construire de nouveaux bungalow, ou un complexe plus grand. De la thalassothérapie par exemple ou un hôtel dans les arbres. Je pense que l’on peut faire à peu près ce que l’on veut si on le travaille bien le projet et si le terrain est à vendre.
– ça je peux le savoir rapidement, quand aux autorisations, je pense que vous les accordera sans problème vu ce que vous avez fait à la résidence. Le respect du style, l’emploi d’entreprises locales et de matériaux issus de l’ile a beaucoup fait parler en haut lieu. Vous avez fait parler de vous et les autorités apprécieraient que d’autres aient autant de respect que vous. Donnez moi quelques jours, très peu de jours, je vous promets, et vous aurez votre réponse.
Je viens de me remettre sur le dos un nouveau projet de résidence hôtelière avant même d’avoir pris le temps d’y réfléchir !
– je vous remercie Wayan. Mais ça ne répond pas à mon problème immédiat. Je pense qu’il faut que je quitte l’ile un petit moment. Le temps que j’y vois plus clair. Je pense que je vais voyager un peu pour voir ce qui se fait dans d’autres endroits. Et soudain, l’illumination :
– verriez-vous un inconvénient à ce que j’amène Komang avec moi. Elle m’a été d’une aide précieuse et elle a toujours d’excellentes idées. De plus sa présence garantir que nous ne nous laissions pas emporter par des projets trop gigantesques et inappropriés à Bali.
Il reste un moment silencieux puis dit :
– ça il va falloir que je le négocie avec Ged. Ça risque d’être compliqué de la convaincre de laisser partir sa fille seule avec vous ! Enfin, je vous fais confiance. Je vais essayer.
-«merci, Wayan. Cela me fera le plus grand bien de m’absenter un peu et le fait d’avoir un nouveau projet me réconforte, j’étais très inquiet d’être désœuvré !
– soyez sans crainte, il y a toujours quelque chose à faire à Bali. Je vous appelle dès que j’en sais plus.
Nous nos quittons là-dessus et je sors, réjouis à l’idée de peut-être m’envoler avec Komang pour une destination lointaine. Je rejoins la résidence, prenant plaisir à regarder les rizières scintiller sous le soleil déclinant. Malheureusement, plus on s’avance vers le sud de l’ile et plus elles ont tendance à disparaitre, remplacées par des haies d’arbres ou des hauts murs qui cachent des maisons privés ou des hôtels de luxes.
Je m’arrête chez madame Soda que je n’ai pas vue depuis quelques jours et je constate que de nombreuses marmites mijotent déjà sur les réchauds. Nous avons du renforcer sa cuisine pour lui permettre de répondre aux besoins de la résidence et une jeune fille, presque une adolescente, lui a été adjointe. A elles deux, elles font tourner la cuisine. La mobylette flambant neuve achetée pour l’occasion, trône devant le petit restaurant, attendant l’heure des livraisons. Elle m’accueille chaleureusement en me serrant dans ses bras. Elle a troqué ses vêtements usagés contre un sarong neuf d’un jaune éclatant et son chemisier multicolore a plus d’allure que le petit tissus blanc sale dans lequel je l’ai connue. Elle m’entraine vers ma table qui est maintenant recouverte d’une nappe et me sers immédiatement une assiette. Je ne me lasse pas de cette nourriture. Mon soda m’est apporté par la jeune fille qui n’ose me regarder dans les yeux. Quand j’ai fini mon assiette plus que copieuse – komang n’est pas là pour me mettre au régime – Madame Soda m’apporte une coupe de fruits frais que je déguste avec délice. La nuit commence à tomber. Je dois rentrer retrouver komang. Je me sens jeune et léger. Je suis heureux ! Si heureux que je me demande qu’elle catastrophe va me tomber sur le coin de la figure de façon imminente ! Quand j’arrive à la maison, les lumières m’accueillent et je suis heureux de contempler cette splendide maison, ma maison !
Komang s’est installé à mon bureau et travaille sur son ordinateur. Elle s’interrompt dès qu’elle voit les phares de la voiture et vient m’accueillir à la porte. Elle me saute au cou et m’embrasse avec passion. Quel bonheur d’être ainsi attendu ! Je lui rends son baiser et je pense que nous filerions immédiatement dans la chambre si je n’avais pas un besoin encore plus urgent de lui parler.
– arrête un instant, je t’en prie. Il faut absolument que je te parle !
– on parlera après !
– non maintenant, c’est important. Peut-être qu’après tu ne voudras plus de moi…
A ces mots son front se plisse et elle se détache de moi vivement :
– je t’écoute, dit-elle froidement.
Je l’entraine sur le canapé où je la fais assoir malgré elle.
– voilà, tu te rappelle que je suis venu ici retrouver une femme. Cette même femme qui est partie se marier avec l’américain, il y a un mois. Tu sais aussi qu’elle a eu un enfant de moi dont j’ignorais l’existence jusqu’à ce que Ben m’en parle. Cette femme, que j’ai aimé passionnément mais que je n’aime plus du tout, je rajoute vivement devant son mouvement de replis, cette femme donc, revient sur l’ile la semaine prochaine et souhaite me voir. Arrête ! Reste assise ! J’ai refusé de la voir ! Je ne veux plus jamais la voir alors laisse-moi terminer s’il te plait ! Donc, cet après midi je suis allé voir ton oncle Wayan et je lui ai demandé de se renseigner sur le terrain d’à coté, pour savoir si je pourrais l’acheter et y construire une autre résidence. Arrête de sauter partout s’il te plait Komang, laisse-moi finir ! Non je n’ai pas terminé ! Dois-je dire face à ses baisers fiévreux. Donc j’ai pensé qu’il serait bien que je parte un moment pour éviter de tomber sur elle. Alors j’ai eu une idée, écoute moi jusqu’au bout au lieu de t’en aller, je n’ai toujours pas fini ! J’ai eu une idée. J’aimerai concevoir une résidence vraiment originale et pour ça il m’a semblé intéressant d’aller en visiter quelques unes : les plus insolites, les plus écologiques. On choisira plus tard, restes assise bon sang ! Tu vas voir que ça t’intéresse ! J’ai demandé à ton oncle l’autorisation de t’emmener avec moi pour que tu m’apportes tes conseils et tes idées.
Là je suis obligé de m’interrompre parce qu’elle m’a sauté dessus et que nous avons basculé sur le canapé. Elle me déshabille déjà et sa bouche est collée à la mienne. Faisant fi de toute prudence, je la dévêts rapidement et elle a juste le temps de me présenter un préservatif avant que nous nous emboitions amoureusement. Je bouge doucement, être en elle est déjà délicieux ! Ses petits seins se tendent vers moi et je les mange avec bonheur. Que cette femme est sublime, merveilleuse, parfaite ! Elle gémit doucement quand je bouge, massant l’entrée de son vagin mais je sens bien que ce n’est pas le plaisir qu’elle attend, alors je l’abandonne momentanément, file fermer les stores du salon que nous avons laissé imprudemment ouvert et ainsi soustraits aux regards extérieurs puis, enfouissant enfin ma bouche dans son sexe poivré, je happe son clitoris qui réagit aussitôt. Elle attrape ma tête qu’elle maintient fermement entre ses jambes. Comme si j’allais me détacher d’elle ! Je lèche et suçote le bouton rouge et les cris montent de plus en plus soutenu et enfin elle jouit dans un long gémissement qui m’excite tant que j’attends à peine qu’elle ait terminé pour la pénétrer à nouveau. Je bouge vite et doucement à la fois. Rien de violent ni de brutal et ses cris reprennent alors je jouis aussi, la tête enfouie dans son cou, et je suis au paradis. Je ne veux plus jamais que l’on m’enlève tout ce bonheur. Je veux rester là pour toujours, avec elle. Je veux vivre avec elle et je le lui dis :
– Komang je t’aime. Je suis fou de toi. J’ai essayé de te résister mais je n’ai pas pu !
– je te l’avais dit, murmure t’elle dans un sourire qui dénude ses magnifique dents blanches.
– je suis sérieux, je ne veux plus qu’on se quitte.
– alors tu vas devoir m’épouser, dit-elle en rigolant.
– d’accord ! Komang, veux tu devenir mon épouse ?
Elle se raidit et me regarde d’un air dur et froid :
– on ne plaisante pas avec ces choses là, François !
– je suis très sérieux, Komang. Moi je veux être ton mari parce que je veux passer le reste de ma vie à tes cotés. Alors si c’est le seul moyen pour que tu ne me quitte jamais, je veux t’épouser !
– tu dis n’importe quoi ! Personne ne veut épouser une fille comme moi ! Je suis vielle et je ne suis même pas vierge !
– tant mieux, j’ai toujours trouvé les vierges très ennuyeuses !
– je ne plaisante pas ! Tu ne peux pas me dire ça comme ça et puis tu sais très bien que ça n’est pas possible !
– mais si justement ! Si personne ne veut de toi, ta famille sera ravie de se débarrasser de toi et moi je te veux, je te veux tellement que regarde…
Et je recommence à bouger, oubliant que je n’ai pas changé de préservatif. Elle reste un moment silencieuse, concentrée sur ce qu’elle ressent puis un petit gémissement sort de sa bouche, suivi d’un autre et encore un autre. Je voudrais éjaculer tout de suite tellement elle m’excite mais je me retiens et après de longue minute où je m’adapte à son rythme, ralentissant, accélérant, excitant ses tétons dressés, elle finit par jouir dans un soupir de surprise et de plaisir mêlés, alors j’accélère légèrement et je m’abandonne à la joie de l’orgasme que me procurent les contractions de son vagin et je ne sens pas le préservatif se retirer de ma bite un peu ramollie dans les derniers va et vient.
Pendant ce temps, Komang me regarde avec des yeux empli d’amour et dans un soupir elle dit :
– d’accord, mais j’espère que tu es sérieux sinon j’en mourrais !
– je suis sérieux ! Tellement sérieux que je vais voir ta mère tout de suite si tu veux !
– non, crie-t-elle. Ça ne se passe pas comme ça ! Tu ne peux pas le faire toi-même ! Il faut que ce soit un de mes oncles qui demande ma main à ma mère pour toi !
– tu crois que Wayan le ferai pour moi ?
– je ne sais pas. Je crois que tu ne sais vraiment pas dans quoi tu mets les pieds.
– les pieds non, mais…désolé, c’était impoli ! Je sais ce que je veux. Je te veux toi ma princesse balinaise, et je crois que l’amour est plus fort que tout !
– pas toujours, malheureusement ! Pas toujours…
– en attendant, allons dormir, je dis et je la soulève, toujours fichée sur ma bite qui a durcit à nouveau maintenant qu’elle est libérée de son emballage et qu’elle entre enfin en contact avec les muqueuses soyeuse de Komang. Je marche ainsi en la portant contre moi jusqu’à l’interrupteur général de la cuisine qui ferme toute la maison. Dans la lumière de la véranda je vois Nyoman qui nous regarde. Il a l’air surpris et peiné. Komang ne l’a pas vue et il disparait, masqué par les stores. Alors, sans rien dire puisque le mal est fait, je la porte jusqu’à mon lit et je la fais jouir une nouvelle fois en lui caressant doucement le clitoris avec la pulpe de mon doigt pendant que je bouge lentement au rythme de son plaisir jusqu’à ce que ses cris emplissent mes oreilles et balaient momentanément toutes mes craintes et que j l’accompagne de mon souffle rauque. Je sors d’elle peu après et retire le préservatif presque en boule sur mon gland. Il dégouline de sperme. Dans l’instant, je n’y prête pas attention et le jette dans la poubelle. Je retourne auprès de komang quez le sommeil commence à emporter et nous nous endormons ainsi, dans les bras l’un de l’autre. Ma dernière pensée consciente est que je l’aime tellement que je suis prêt à me battre pour elle et nous ne sommes ensemble que depuis trois jours !
Au matin, Nyoman n’est pas là quand j’ouvre les stores et le bulldozer termine seul le trou de ma piscine. Je suis inquiet mais je n’en dis rien à komang qui, après s’être lavée et habillée, est venu prendre un café avec moi sur la véranda. Peu après le téléphone sonne et je réponds, la boule au ventre. C’est Monsieur Wayan. Il me dit :
– c’est bon François, j’ai passé quelques coups de fil et le terrain est à vous si vous y mettez le prix. Pareil pour le permis de construire, dès que vous saurez ce que vous voulez faire. Quand à votre voyage, ma sœur, bien que forte tête, a fini par céder quand je lui ai dit que c’était pour le bien de l’état. Il rit doucement – vous n’avez pas l’air content ?
– si, si ! Désolé !J e viens de me réveiller et je ne m’attendais pas à ce que vous ayez toutes ces bonnes nouvelles en même temps et si tôt ! C’est merveilleux ! Je vais commencer par faire un saut à Paris pour régler tous les détails avec mes avocats, puis je partirai en tournée. J’ai quelques idées, je vous tiendrai au courant et soyez sur que komang sera en sécurité avec moi. Merci Wayan, merci pour tout ! Vous êtes un ami fidèle. Je vous dois beaucoup et je le sais !
– ne vous en faites pas pour ça François. Tenez moi au courant d vos projet et dites à Komang, si vous la voyez, qu’elle passe me voir avant son départ. Nous devons organiser son remplacement, et il raccroche.
Je retourne sur la véranda où elle m’attend, impatiente.
– C’était ton oncle. Le terrain, le permis de construire et l’autorisation de ta mère ! Tout est bon ! Nous allons partir ensemble !
-«oh François, je suis si heureuse ! et elle m’embrasse fougueusement.
Tout à nos embrassades, nous entendons à peine le raclement de gorge de Nyoman qui se tien au pied de la véranda. Komang sursaute et se lève, vive comme l’éclair. Elle l’interpelle en balinais et une longue conversation commence entre eux dont je suis exclu. Je reconnais mon nom et parfois l’un d’eux me montre du doigt, mais je dois attendre un long moment pour que Nyoman monte enfin les escaliers et vienne s’assoir à coté de moi.
– mon ami, je crois que tu ne sais pas ce que tu fais…
– je t’assure que si Nyoman. Je l’aime réellement, ce n’est pas une passade. C’est très sérieux. Je n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie, crois moi ! Je suis amoureux d’elle et je veux l’épouser !
– partez en voyage et nous en reparlerons à votre retour. En attendant, soyez plus prudent. Je ne dirai rien à personne, je vous le promets même si je ne trouve pas ça bien mais tu es mon ami et je ne te trahirai pas. Quand à toi, attend toi à des problèmes en rentrant, dit-il à sa cousine, et il s’en va.
Je pourrais le retenir, le sommer de s’expliquer mais je sens confusément que cela compliquerait encore la situation. Il a raison, nous devons partir et nous réglerons tout à notre retour.
Komang est songeuse. Elle ne s’attendait pas à ça et sa joie est retombée, alors je lui dis :
– rentre chez toi, je me charge de tout. Reviens dans deux jours avec tes bagages, Je m’occupe de nous trouver un avion pour Paris.
– nous allons à Paris ? et elle pousse un long cri de joie, comme une enfant à qui on vient d’offrir le plus beau jouet du monde.
Malgré l’invite à la prudence que viens de nous faire Nyoman, je ne peux m’empêcher de la serrer dans mes bras et de recevoir ses baisers avec un bonheur dont je ne me savais pas capable. Le temps où, avec Chloé, la passion me consumait tant que je ne pouvais l’assouvir que par le sexe, est passé. J’aime Komang d’un amour plus profond et je la libère donc sans l’entrainer dans la chambre, comme je l’aurai fait il y a encore quelques semaines avec une autre qu’elle. Je crois que je viens pour la première fois de trouver mon équilibre et j’en retire une satisfaction sans limite. Je l’explique à Komang qui me demande si elle doit se sentir flattée ou vexée que je ne la désire pas tant que je puisse la laisser partir sans lui faire l’amour.
– ce n’est pas que je n’en ai pas envie, je lui explique, c’est que ce n’est pas le plus important Te serrer dans mes bras, t’embrasser et te parler, me comble déjà !
– oui mais moi j’aime beaucoup ce que tu m’as fait hier soir, tu sais le truc avec le doigt, en parlant elle m’entraine à l’intérieur de la maison.
– tu es sure que c’est ce que tu veux ?
-«oh oui j’en suis sure !
Alors je glisse ma main par la fente de son sarong et repoussant délicatement sa culotte je trouve son clitoris que je masse doucement avec mon doigt tout en l’embrassant. Elle est appuyée contre le bar de la cuisine et sa tête dodeline au rythme de son plaisir qui monte. Finalement elle jouit dans un long soupir de plaisir. Ses yeux sont légèrement voilés mais elle me regarde avec tellement d’amour que je suis comblé.
– va, maintenant. Nous nous verrons dans deux jours. Je t’appelle dès que j’ai l’heure du vol. File mon amour, j’ai plein de choses à organiser avant notre départ ! »
– et toi alors ?
– quoi, moi ?
-« toi, tu ne veux pas faire l’amour avec moi ?
– si mais pas maintenant. Nous aurons tout le temps ; ne t’inquiète pas, nous partons ensemble et j’ai bien l’intention de faire l’amour avec toi sur tous les continents !
Elle rit et après un long baiser, elle s’éloigne, petit corps dansant, comme dansent les palmes dans la brise légère. Je l’aime !

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