LA GROTTE DES VOYAGEURS – Chapitre 13

Chapitre 13

272° jour de la saison de l’automne de l’an 1

Nous nous réveillâmes à la tombée de la nuit et après un repas rapidement avalé avec les restes du garde-manger, nous retournâmes dormir.

Blottis l’un contre l’autre dans la chaleur de la couette, nos corps fatigués malgré le long sommeil se retrouvèrent avec un plaisir tendre et langoureux. Après l’amour, dans les prémisses du sommeil qui nous gagnait, Alex demanda :

– tu veux rester quelques jours ?

– je ne sais pas. J’aimerai être sure que tout se passe bien pour Shebaa mais je regrette que notre voyage s’arrête là…nous ne sommes partis que deux jours !

– nous pouvons attendre quelques jours qu’elle se remette, puis tu la ramèneras chez elle et nous pourrons reprendre notre voyage.

– tu as raison. Je préfère attendre qu’elle aille mieux avant de repartir, je ne serai pas tranquille sinon.

Je passais les dix jours suivants à faire des allées et retours pour qu’Horacio voie ses enfants. Horacio passait des heures au chevet de son épouse mais accepta tout de même que nous lui fassions visiter le village qu’il trouva très beau. Il découvrit l’océan pour la première fois et en fut subjugué. Toutefois, il nous avoua qu’il préférait vivre à l’intérieur des terres car, même si la mer était splendide, il la redoutait malgré tout.

Finalement, Shebaa elle-même, supplia Mafalda de la laisser rentrer car elle se languissait de ses bébés qu’elle avait à peine vus. Après l’avoir longuement sermonnée sur la nécessité de rester encore allongée au moins une dizaine de jour et avoir fait juré à Horacio qu’il y veillerait, elle autorisa le départ de la jeune maman et de son époux, docile et attentif.

Je les emmenais en un clin d’œil dans leur maison où toutes les amies de Shebaa l’aidèrent à s’allonger et lui apportèrent enfin ses enfants. Le petit Roméo ne fut pas oublié et je les quittais sur le touchant tableau de cette belle famille entourant une Shebaa radieuse, couvant ses enfants et son mari de tant d’amour que j’en pleurais en rentrant chez moi.

Alex n’était pas là quand j’arrivais à la maison. Je restais un moment assise sur le canapé, regardant l’océan et ses ondulations liquides et transparentes, quand soudain l’idée s’imposa à moi avec tellement de force que j’en perdis momentanément le souffle. Je sortis de la maison sans presque en avoir conscience et je me retrouvais dans le cabinet de Mafalda qui me reçu avec une surprise qu’elle dissimula avec un impeccable professionnalisme.

– il faut que tu me le retires, lui dis-je.

– de quoi parles-tu ?

– de l’implant ! Tu dois me l’enlever !

– tu es sure de toi ?

– je ne le supporte plus. Le simple fait de savoir qu’il est là, dis-je en touchant mon omoplate gauche, me rend folle ! Si tu ne l’enlèves pas, je vais l’arracher !

– inutile d’en arriver là ! dit-elle en se levant. Son sourire ne m’échappa pas mais je ne dis rien. J’étais totalement bouleversée par la décision que je venais de prendre et qui s’était imposée à moi comme une évidence.

Mafalda me fit retirer mon tee-shirt, désinfecta la zone avec un anesthésiant local et d’une simple pression sur l’extracteur qu’elle avait apposé sur la minuscule capsule qui affleurait dans mon dos, retira le contraceptif trop longtemps prisonnier de mes chairs.

– voilà, tu es libre maintenant…

– merci Mafalda. Inutile de te demander de n’en parler à personne…

– ne t’inquiète pas, me dit-elle en me passant gentiment la main dans le dos. Ton secret sera bien gardé.

Je sortis, encore sous le choc, éblouie pas le soleil de la fin d’après midi. Je me sentais vide et légère. J’étais traversée de sentiments contradictoires qui me déroutaient. A l’euphorie se mêlait une peur panique qui affluait par vagues et repartait aussitôt pour laisser la place à une sensation de légèreté que je n’avais jamais ressentie.

J’étais libre ! Je m’étais affranchie de toute entrave. Je pouvais voyager où bon me semblait, j’avais la maitrise totale de mon corps. Plus personne d’autre que moi n’en avait le contrôle !

Je chantonnais en descendant la route qui menait à la maison et je sursautais quand Alex apparu soudainement à mes cotés :

– tu vas bien ? me dit-il en me dévisageant.

– je ne me suis jamais sentie aussi bien, lui répondis-je sans arriver à effacer l’immense sourire qui s’affichait bêtement sur mes lèvres.

– tu as l’air particulièrement joyeuse, comme si tu venais de faire une bêtises, ou une farce idiote…

– c’est un peu ça…

– tu ne veux rien me dire ?

– non et je t’interdis de sonder mon esprit !

– promis…mais alors, je veux une contrepartie…

– d’accord. Que veux-tu ?

– nous allons manger et après tu seras à moi toute la nuit…

– rien ne pouvait me faire plus plaisir, lui répondis-je avec un sourire énigmatique qui le plongea dans un abime de perplexité.

Je pris sa main et je l’entrainais sur la plage malgré ses réticences. Alex n’aimait pas les baveau mais je savais que je pouvais le faire changer d’avis.

– viens, fais moi confiance, tu ne le regretteras pas !

– on est obligé de faire ça maintenant ?

– oui, si tu me veux soumise à tes désirs, tu dois faire ça pour moi…

– bon d’accord, mais attends toi à ce que la nuit soit longue !

J’éclatais de rire et j’abandonnais mes chaussures dans le sable encore tiède pour rentrer dans l’eau, mouillant mes vêtements ce qui attira irrésistiblement Alex, tenté par ma poitrine qui transparaissait à travers le chemisier collé. Mais il n’eut pas le temps de me toucher. Un long mouvement de l’eau indiqua qu’un baveau arrivait. Il nageait vite et je crains un instant qu’il ne nous bouscule malgré lui mais il s’arrêta à quelques mètres de moi, dans une gerbe de vagues qui vinrent s’écraser bruyamment sur le sable. Son corps luisant émergeait presque totalement. Alex s’était réfugié sur la plage et je dû lui prendre la main pour qu’il me suive avec réticence. Je posais ma joue sur l’animal et je sentis le flux calme me traverser et atteindre Alex dont la surprise était perceptible. C’était comme si nous étions relié les uns aux autres. Peu à peu, il passa outre sa peur et s’approcha. Il posa une main sur la peau mouillée et visqueuse et je sentis sa surprise mêlée de joie pure. Il s’abandonna finalement à ce contact et nous nous collâmes au baveau sans nous lâcher. Je vis défiler dans ma tête toutes les images que le baveau extrayait délicatement de l’esprit d’Alex. Je ressentis ses joies d’enfants, ses peines, son excitation et sa peur durant le départ sur Matria. Mais aussi ses désillusions et sa solitude à son arrivée, sa douleur, son chagrin, l’excitation et la violence de la guerre, son amour bref mais passionné et charnel pour Bleuet après de longues années d’abstinence et de désespoir, la sérénité qu’il éprouvait à se retrouver dans la cabane de la plage malgré la présence des baveaux, la traque permanente des gardes mais ce qui me toucha le plus, fut de ressentir l’excitation et la joie incommensurable qu’il éprouva lorsqu’il me trouva pour la première fois. Son amour fut immédiat et je le ressentis aussi fort que je l’avais vécu moi-même. Alex semblait serein, abandonné contre l’animal, il flottait dans un bonheur calme. Je le laissais profiter de ce plaisir si particulier jusqu’à ce que le baveau frissonne et que sa peau ondule sous nos corps. Je tirais alors doucement Alex qui émergea lentement de son rêve éveillé et le grand animal gris repartit lentement, laissant derrière lui des remous qui nous éclaboussèrent.

– ça va ? lui demandais-je doucement.

– c’est incroyable, j’ai l’impression de n’avoir jamais été aussi détendu et heureux de ma vie. Cet animal est un véritable remède contre l’angoisse et le chagrin.

– tu comprends pourquoi j’aime tant aller à leur rencontre. Je suis heureuse que tu sois entré en contact avec lui, je craignais d’être la seule à pouvoir le faire.

– c’est peut-être le cas. Tu m’as donné la main tout le temps. Peut-être que sans toi je n’aurais pas ressenti la même chose, tu es une magicienne !

– non, ce sont eux les magiciens, je n’ai aucun pouvoir !

– tout de même, tu es la seule à pouvoir te déplacer en visualisant un lieu.

– je suis sure que vous en serez tous capable un jour.

– je ne crois pas. Tes yeux, ils sont verts, Zellana, totalement verts. Je ne pense pas qu’ils virent au bleu maintenant. Tu es différente des habitants de Matria. Personne n’a les yeux verts sur cette planète…enfin…

– j’avais remarqué et je t’avoue que ça m’inquiète. J’ai peur que les gens finissent par trouver ça étrange.

– c’est étrange mais cela fait de toi une personne exceptionnelle, une magicienne !

– mais je ne veux pas être une magicienne ! Ni le chef du village ! Ni responsable des villes !

– mais que veux-tu être alors ? me dit Alex en me soulevant dans ses bras robustes.

– je veux être une femme libre et heureuse. Tu sais, je n’ai jamais eu le temps de me poser, de penser à moi. Avant le grand départ, nous n’avons cessé de travailler. Durant le voyage, également et depuis que nous sommes arrivés sur cette planète, j’ai tout le temps été mise à contribution. Puis il a eu la bataille  et ton départ. Durant ton absence, j’ai sombré longtemps. Je me suis oubliée. Quand j’ai repris contact avec toi, je n’ai cessé de chercher des moyens de te libérer…

– et tu y es parvenue !

– oui, mais regarde, nous partons en voyage, et nous voilà au beau milieu d’une naissance qui se passe mal. Shebaa est morte devant mes yeux !

– elle vit maintenant, elle va bien. Elle est sauvée.

– je sais ! criais-je, mais ça ne s’arrête jamais !

– je comprends ce que tu veux dire et j’ai peut-être une solution pour toi…pour nous…

– dis-moi, je n’attends que ça !

– je connais un endroit où l’on pourrait passer l’hiver tout les deux. Personne ne nous y trouvera.

– qu’est-ce qu’on attend pour y aller ?

– le problème c’est que nous avons besoin des chevaux. Tu penses que tu pourrais faire voyager des chevaux ?

– je pense que je pourrais emmener ma maison s’il le fallait !

– sans aller jusque là, deux chevaux et des bagages, ça serait pas mal !

J’étais si énervée et excitée à la fois que je criais dans l’air tiède de la plage mais Alex me fit taire d’un long baiser qui me calma momentanément. Nous remontâmes à la maison et pendant qu’il préparait le repas, je rentrais en contact avec Amozzo :

« Bonsoir Amozzo, n’es pas peur, c’est Zellana »

«  Zellana ! Qu’est ce que tu fais dans ma tête ? »

« Je ne suis pas dans ta tête, je te parle à distance »

« D’accord…c’est bizarre…qu’est-ce que tu veux ? » me demanda t’il. Je le sentais surpris, décontenancé même.

« J’aurais besoin d’emmener gazelle et un autre cheval pendant quelques temps »

« Combien de temps ? »

« Je ne sais pas, tout l’hiver, j’imagine »

«  Les chevaux sont à toi ! » me répondit-il, légèrement acerbe. Visiblement ce système de communication le troublait.

«  Merci, passe une bonne soirée »

«  Toi aussi Zellana…la prochaine fois, viens me parler à la maison, ce sera mieux… »

« Promis »

– tout le monde n’apprécie pas d’entendre ta voix résonner dans sa tête, dit doucement Alex qui me tournait le dos, affairé à préparer une pièce de viande et des légumes multicolores.

– tu as écouté ?

– non, j’ai entendu.

– tu m’espionnes !

– mais non, dit il en riant, ce type de communication est facile à capter quand tu es tout près. Et puis, toi et moi avons une connexion un peu particulière qui rend plus facile ces d’interceptions involontaires.

Ses yeux plissés par la joie pétillaient en me fixant pendant que son sourire relevait les coins de sa bouche, la rendant plus désirable encore.

– tu sais ! Tu sais ? N’est ce pas ? M’écriais-je en le voyant si heureux.

– de quoi parles-tu ? Mais son visage réjouit confirma mes supputations.

– comment as-tu su ?

– quand tu as pris ta décision, tu étais tellement déterminée que je l’ai entendu.

– tu m’as entendu parler avec Mafalda ?

– Pas exactement. Tu pensais si fort à moi à ce moment là que tes pensées se sont imposées dans mon esprit.

– c’est pour ça que tu m’as rejoins quand je sortais de chez elle ?

– oui, je t’attendais mais je ne voulais pas te troubler.

– alors tu sais repris-je plus doucement. Ça te dérange ?

– tout au contraire. Rien ne pouvait me faire plus plaisir.

– tu n’as pas peur ?

– non et toi ?

– je suis terrifiée et si excitée en même temps !

– je comprends. Il s’était rapproché de moi et je sentais la chaleur de son corps contre le mien. Je ne pu y résister. Je me collais à sa bouche comme une ventouse et nous renversâmes la moitié de la table tant nos corps se réclamaient.

Dans un dernier soupir, Alex dit :

– heureusement que j’avais mis le plat dans le four, sinon…et puis il éclata de rire en comprenant le double sens de cette phrase.

Notre fou rire dura un long moment et ce n’est que quand le minuteur indiqua que le temps de cuisson était atteint, que nous nous séparâmes.

Nous dinâmes dans le silence. Nos yeux parlaient. Ils disaient tout l’amour que nous ressentions. Pour la première fois depuis longtemps, tout semblait enfin calme et apaisé dans ma vie comme dans ma tête.

– où allons-nous ? dis-je pendant que nous débarrassions la table.

– Vers l’ouest, au tout début des montagnes, il y a une vallée assez difficile d’accès qui ressemble à un immense cirque fermé. A l’intérieur, il y a une forêt, de grandes prairies naturelles et un lac magnifique. A flanc de colline, il y a une grotte qui pourrait faire une maison tout à fait acceptable pour l’hiver, à condition de l’aménager rapidement. Tu penses que ça pourrait te plaire ?

– j’aurai préféré arriver dans un endroit avec une maison, mais ça n’a jamais vraiment existé sur Matria.

– si il y a les baraquements des camps, mais je doute que cela te plaise, dit-il ironiquement.

– mais comment allons nous nous y rendre ?

– je pensais que tu pourrais nous emmener jusqu’à la grotte de Materia, tu y es déjà allée, et de là nous aurons une ou deux journées de cheval. Après, quand tu connaîtras les lieux, nous mettrons moins de temps.

– tu pourrais m’envoyer une image de l’endroit…

– non, ça me semble hasardeux. Je ne sus pas sur de t’envoyer une image très réaliste. Je n’y suis pas allé depuis longtemps et tu dois déjà convoyer du matériel, une personne et deux chevaux. Je préfère que tu nous emmènes dans la grotte de Materia.

– bon, comme tu veux, mais je suis sure que je peux le faire. Tu sais, c’est un peu comme avec la table d’illusion. Les choses ne sont pas réelles mais je les vois vraiment !

– crois moi, c’est plus sur.

– tu as peur ?

– non, mais je préfère être prudent.

– bon d’accord, va pour une ou deux journées à cheval.

– tu voulais voyager…tu verras, cette région est très belle, dès qu’on s’éloigne de la cote.

Notre discussion s’arrêta là, la vaisselle était faite, la cuisine rangée et nettoyée et Alex m’entrainait inexorablement vers notre lit en disant :

– il est temps de payer le tribut de ton silence, ma belle.

– ça ne compte pas, tu savais ! Tentais-je d’opposer pour la forme. Résister rendait la situation encore plus excitante qu’elle ne l’était déjà.

– peu importe, tu as refusé de me le dire, tu dois te soumettre.

Ce que je fis avec bonne volonté et pour notre plus grand plaisir à tous deux.

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